Lorsqu'il fut de retour en Orient, l'admirable Amphiloque le supplia de défendre aux hérétiques de faire leurs assemblées dans les villes. L'Empereur ayant jugé qu'il y avait trop de rigueur dans sa demande, et la lui ayant refusée, ce sage Prélat demeura dans le silence, et usa d'une adresse qui mérite d'être rapportée. Étant retourné bientôt après au Palais, et ayant vu auprès de l'Empereur Théodose, Arcadius son fils qui avait été déjà proclamé Empereur, il salua le père, selon la coutume, sans saluer le fils. Théodose se persuadant qu' Amphiloque avait manqué à ce devoir par inadvertance, le rappela, et lui commanda de saluer son fils. Amphiloque lui ayant dit, que c'était assez qu'il l'eut salué, Théodose se mit en colère, et témoigna être fort offensé du mépris qu'il faisait de son fils. Alors le sage Amphiloque lui déclara le motif de son action, et lui dit d'un ton élevé :
Vous ne sauriez souffrir qu'on fasse injure à l'Empereur votre fils ; tenez pour certain que Dieu ne peut souffrir non plus les injures qu'on fait à son fils, et qu'il a une extrême aversion contre ceux qui le déshonorent par leurs blasphèmes.
L'Empereur aussi surpris de ce discours d'Amphiloque, qu'il l'avait été auparavant de son action, fit une loi par laquelle il défendit aux hérétiques, de continuer leurs assemblées. Mais parce qu'il est presqu'impossible d'éviter tous les pièges de l'ennemi commun des hommes, que celui qui a résisté aux charmes de la volupté se laisse prendre par l'amour du bien, que celui qui méprise le bien, devient sujet à la jalousie, que celui qui est exempt de jalousie, n'est pas exempt de colère, et que les vices qui tirent leur origine du corps, servent à corrompre l'âme, et qu'il faut que l'esprit soit perpétuellement appliqué aux choses de Dieu, pour vaincre les tentations, il n'y a pas lieu de trop s'étonner que l'Empereur Théodose étant homme, ait été sujet aux défauts des autres hommes, et que s'étant abandonné à la colère, il ait exercé une horrible cruauté. J'en ferai le récit en faveur de ceux qui prendront la peine de lire mon ouvrage, et ce récit-là même contribuera plus à la gloire de ce Prince, qu'à sa honte.