(18 octobre)
I. Luc, Syrien, était d’Antioche, et avait d’abord étudié la médecine. Certains auteurs veulent qu’il ait fait partie des soixante-douze disciples du Seigneur ; mais on peut admettre avec plus de vraisemblance l’opinion de saint Jérôme, qui nous dit que saint Luc fut disciple des apôtres, et non du Seigneur lui-même. Il fut si parfait dans sa vie qu’il reçut une quadruple ordination, quant à Dieu, quant au prochain, quant à lui-même et quant à son office. Et, en signe de cette quadruple ordination, des auteurs le décrivent comme ayant quatre faces, la face d’un homme, celle d’un lion, celle d’un bœuf et celle d’un aigle. Chacun des évangélistes, d’ailleurs, a eu ainsi quatre faces, qui lui ont permis d’écrire de l’humanité du Christ, de sa passion, de sa résurrection et de sa divinité. Mais l’usage est, plus communément, de désigner chacun des quatre évangélistes par une seule de ces faces. Suivant saint Jérôme, Matthieu a pour attribut l’homme, parce qu’il insiste surtout sur l’humanité du Christ ; Luc a pour attribut le bœuf, parce qu’il traite surtout du sacerdoce du Christ ; Jean a pour attribut l’aigle, parce que, volant plus haut que les autres, il nous parle surtout de la divinité du Christ ; et Marc a pour attribut le lion parce que son évangile nous témoigne surtout de la résurrection. Car on dit que les lionceaux, quand ils naissent, gisent pendant trois jours comme des cadavres, et puis sont réveillés par le rugissement de leur mère.
Si maintenant on veut savoir les raisons de la quadruple ordination de saint Luc, on les apprend en étudiant la vie de ce saint.
1° Il fut d’abord ordonné quant à Dieu. Cette ordination, suivant saint Bernard, se fait par l’affection, la cogitation et l’intention. Or saint Luc fut saint par l’affection, car saint Jérôme dit de lui : « Il mourut en Bithynie, plein de l’Esprit-Saint. » Il fut ensuite pur dans la cogitation ; nous savons qu’il resta vierge de corps et d’âme. Et son intention fut droite, car, dans tout ce qu’il faisait, il ne cherchait que la gloire du Seigneur.
2° Saint Luc fut ordonné quant au prochain. Il donna, en effet, au prochain tout ce qu’il put en subsides, car il accompagna saint Paul dans toutes ses épreuves, et, ne le quittant jamais, l’aida dans sa prédication. Il donna aussi au prochain tout ce qu’il put en conseils, car il rédigea, à l’usage de tous, ce qu’il savait de la doctrine évangélique et apostolique. Et l’on peut dire aussi qu’il donna au prochain tout ce qu’il put en service ; car d’excellents auteurs, et notamment saint Grégoire, affirment qu’il fut, avec Cléophas, un des deux disciples d’Emmaüs ; bien que saint Ambroise donne à ce second disciple un autre nom.
3° Saint Luc fut ordonné quant à lui-même. D’abord il vécut sobrement : car saint Jérôme dit qu’il n’eut jamais de femme ni de fils. Il vécut aussi modestement : car, dans son évangile, il cita le nom de Cléophas et omit de citer le sien.
4° Saint Luc fut ordonné quant à son office, qui était d’écrire l’évangile. On croit, en effet, qu’il recourut tout particulièrement à la sainte Vierge comme à l’arche de son Testament, et que c’est d’elle qu’il apprit bien des choses, notamment sur des sujets qu’elle seule pouvait connaître : tels l’Annonciation, la Nativité et autres sujets dont il est seul à parler. Et l’on sait aussi que saint Paul approuvait tout particulièrement l’évangile de saint Luc, à tel point que saint Jérôme a pu dire : « Toutes les fois que saint Paul parle de l’Évangile, c’est de l’Évangile de saint Luc qu’il veut parler. »
II. On lit dans l’Histoire d’Antioche que les chrétiens de cette ville, après s’être souillés par beaucoup de vices, furent assiégés par une armée turque qui les fit cruellement souffrir de faim et de privations. Mais lorsque, se repentant, ils se convertirent pleinement au Seigneur, certain religieux, qui priait, la nuit, dans l’église de Sainte-Marie à Tripoli, vit apparaître un homme tout vêtu de blanc et rayonnant de lumière. Et cet homme, interrogé, dit qu’il était saint Luc, et qu’il venait d’Antioche, où le Seigneur avait convoqué les milices du ciel, ainsi que les apôtres et les martyrs, pour venir en aide aux chrétiens assiégés. Et, en effet, ceux-ci, miraculeusement stimulés, mirent en déroute l’armée des Turcs.