Cette fête avait donc avant tout une importance historique ; chaque Israélite, en la célébrant, déclarait faire partie du peuple que l’Éternel s’était acquis en le délivrant de la maison de servitude.
[On ne peut absolument comprendre pourquoi Hupfeld nie la signification historique de la fête de Pâque. Autant vaudrait nier celle de la Pâque chrétienne et dire que ce n’est que plus ou moins longtemps après la mort du Seigneur qu’on a rattaché à ce repas le souvenir de cette mort.]
Mais c’était aussi une fête agricole, l’ouverture de la moisson. Cela ne souffre aucune difficulté. Mais une question fort débattue entre catholiques et protestants, est celle de savoir si la notion de sacrifice se retrouve dans la Pâque juive, ou non. Les premiers pensaient que quand ils auraient prouvé que la Pâque juive était un sacrifice, ils auraient beaucoup fait en faveur de la messe. Les protestants redoutaient fort cet argument. Et pourtant, ainsi que le sentaient les théologiens réformés et en particulier Vitringa, cela importait assez peu : la notion du sacrifice peut fort bien se trouver dans la Pâque juive sans que cela fournisse le moindre appui dogmatique à la doctrine de la messed. Il va sans dire que la première Pâque n’a pas été un sacrifice dans toutes les formes ; elle ne le pouvait pas. Mais il y a pourtant dans l’emploi du sang de l’agneau pascal quelque chose qui rappelle les aspersions des sacrifices ordinaires. Au reste Exode 12.27, appelle bel et bien la Pâque un sacrifice. Voyez aussi Exode 34.25 ; Nombres 9.7, 13 (Hikeriv et Korban Jehovah, הקריב את קרבן יהוה), et 1 Corinthiens 5.7 : Christ votre Pâque a été immolé. Philon et Josèphe en parlent aussi comme d’un sacrifice.
d – Parmi les modernes, Hofmann refuse à la Pâque juive le caractère d’un sacrifice et il a le double tort de le faire dans ses Preuves scripturaires ; mais Kurtz l’a victorieusement réfuté dans son Hist. de l’Ancienne Alliance. 2.119.
Mais dans quelle classe de sacrifices rentre-t-elle ? En ferons-nous un sacrifice expiatoire ou de prospérité ? Hengstenberg se décide pour la première opinion. Mais a-t-on jamais vu la victime d’un sacrifice pour le péché consommée par la personne ou la famille en faveur de laquelle elle a été immolée ? Les prêtres mangeaient bien la chair des victimes pour le péché, mais nous avons remarqué (§ 139) que cela ne constituait pas un repas, et d’ailleurs ils ne mangeaient point la chair des victimes qui avaient été offertes pour leur compte. — Le repas qui suit la Pâque en fait évidemment un sacrifice de prospérité. Maintenant, tout sacrifice de prospérité devait être précédé d’un acte expiatoire, l’aspersion du sang sur l’autel. Eh bien ! le repas pascal était précédé de même par l’aspersion du sang sur la porte de la maison. — Mais ceci ne veut absolument pas dire que l’agneau meure à la place des premiers-nés des Israélites. Cette vie pure sert uniquement à couvrir la famille qui s’approche du repas sacré. L’aspersion des portes correspond ici à la purification du sanctuaire au jour des expiations (Lévitique 16.16).
[Hupfeld rappelle aussi ici Exode 29.20 : lorsqu’un prêtre était consacré, on oignait ses oreilles, ses mains et ses pieds avec le sang d’un bélier, afin de le couvrir et de le purifier (§ 95). Voyez aussi la purification des lépreux.]
L’habitation de l’Israélite ainsi couverte et purifiée, est en sûreté ; elle n’a rien à redouter de l’ange exterminateur. De cette façon, le sang expiatoire forme, pour parler avec Hengstenberg, un mur de démarcation entre le peuple de Dieu et le monde.
Quant au repas, c’est certainement la joie qui y domine. Mais il peut avoir bien d’autres caractères encore. C’est avec la force que leur donne ce repas que les Hébreux vont faire leur première marche vers le désert ; toutes les Pâque suivantes fortifient de même les Israélites dans le bien. Elles leur communiquent des forces spirituelles en vue de l’année qui commence. — Et remarquez que c’est en même temps un acte de communion. Ce n’est pas individuellement qu’on célèbre la Pâque, mais collectivement ; tout le peuple y prend part et il y prend part par familles : Moi et ma maison, semble dire en ce jour tout chef de famille, — nous servirons l’Éternel !
Pas un des os de l’agneau ne doit être brisé. Cela ne veut pas dire seulement qu’il doit être l’objet d’un respect tout particulier, plus grand encore que toutes les autres victimes ; la conservation de l’agneau dans son intégrité (Psaumes 34.21) indique que ceux qui vont le consommer doivent demeurer inséparablement unis. C’est quelque chose d’analogue à 1 Corinthiens 10.17 : un seul pain, — un seul corps.
Rien n’en doit être emporté hors de la maison. Ceci montre l’importance de la famille dans la théocratie : une famille est un tout qui doit se suffire.
Les pains sans levain sont le symbole de la pureté. 1 Corinthiens 5.7. § 124. Les prêtres qui venaient d’être consacrés ne mangeaient que des pains sans levain (Exode 29.30, rapproché de v. 2). Israël de même célébrait alors sa consécration comme peuple de sacrificateurs. Ceci n’exclut point le souvenir historique que, d’après Exode 13.8 ; Deutéronome 16.3e, ces pains doivent entretenir chez les Israélites, le souvenir du départ précipité pendant la fameuse nuit.
e – Le Deutéronome se plaît à accumuler les motifs et à donner aux choses saintes autant de raisons d’être que possible.
Les herbes amères sont le symbole des amertumes que le peuple a endurées dans la maison de servitude. Elles pouvaient fort bien être en même temps considérées comme un assaisonnement. Il n’y a pas contradiction entre ces deux pensées.
[Les pains sans levain sont appelés dans Deutéronome 16.3, un pain d’affliction. Est-ce, parce qu’ils manquaient de goût et qu’ils faisaient ainsi penser à la servitude d’Egypte ? Est-ce parce que ce pain fut goûté pour la première fois dans un moment où la longue affliction du peuple prenait fin ? Il est difficile de le dire. — Les Israélites célèbrent maintenant la Pâque sans agneau, car loin de leur sanctuaire ils ne peuvent plus offrir de sacrifices.]