Samuel, le promoteur du prophétisme, fait époque dans l’histoire de son peuple. Deux choses préparèrent les Israélites à profiter de son ministère, d’abord, les malheurs des temps ; l’oppression des Philistins fut plus longue et plus rude que toutes celles qui avaient précédé ; puis le fait même qu’Héli ne se rendit remarquable par aucun fait d’armes, par aucune campagne heureuse, et qu’il ne fut juge qu’en sa qualité de souverain sacrificateur. Cela remit le sacerdoce en relief et l’unité théocratique en lumière.
Bien que collective, la première tentative des Israélites de secouer le joug des Philistins ne fut pas heureuse. La défaite fut terrible ; l’arche, qui si souvent les avait conduits à la victoire, tomba au pouvoir de l’ennemi. Le joug devint plus insupportable que jamais. Les vaincus furent entièrement désarmés (1 Samuel 13.19-22). La prise de l’arche ne pouvait manquer d’avoir une grande influence sur le sentiment religieux des Israélites. Quand les Philistins la leur renvoyèrent, ils la laissèrent assez longtemps tout, à fait de côté, elle ne fut point recherchée (1 Chroniques 13.3, comparé à Psaumes 132.6) ; elle demeura un objet de crainte, mais non pas de cultej. Silo cessa d’être le lieu choisi de Dieu pour y faire habiter son sanctuaire (Psaumes 78.60, comparé à Jérémie 7.12). Le tabernacle fut transporté à Nob, dans la tribu de Benjamin ; mais, étant veuf de l’arche, il perdit ce qui en faisait la valeur, il cessa d’être la demeure de l’Éternel et le centre religieux du peuple, quand bien même nous savons par 1 Samuel ch. 21 et 1 Samuel 22.17 et sq., que le culte lévitique continua à s’y célébrer sans interruption. C’est la grande personnalité de Samuel, toute pénétrée par l’esprit prophétique, qui devint désormais le foyer de toute vie spirituelle en Israël. Que pouvait faire un grand prêtre avec un sanctuaire tout désorganisé ? Le seul médiateur entre Dieu et le peuple fut un prophète qui n’était point de race sacerdotale, mais un simple Lévite de la montagne d’Ephraïm.
j – 1 Samuel 14.18, est une exception, et c’est comme tel que ce trait est cité. Au reste, les Septante ont ici une autre leçon.
[D’après 1 Chroniques 6.13,18, Samuel était de la race de Kahath. Dans 1 Samuel ch. 1, son père est appelé Ephratien dans le même sens qu’il est dit du Lévite de Juges 17.7, qu’il était de la tribu de Juda. Le nom d’Elkana est très fréquent chez les Lévites et spécialement chez les enfants de Coré (Exode 6.24 ; 1 Chroniques 6.7 ; 12.6 ; 9.16 ; 15.22). Elkana (le zèle de Dieu), et Miknéjà (possession de l’Éternel), 1 Chroniques 15.18, 21, sont deux noms qui conviennent tout à fait à des Lévites. — La consécration toute spéciale de Samuel au service du tabernacle ne parle nullement contre son origine lévitique. Sans une pareille consécration, il n’aurait été appelé à servir dans le sanctuaire que depuis l’âge de 25 ans ; puis les Lévites n’étaient pas tenus à y passer toute leur vie.]
C’est Samuel qui sacrifie dans les occasions solennelles (1 Samuel 7.9). En même temps, nous voyons se multiplier les lieux de culte ; on offre des sacrifices à Rama (1 Samuel 9.13), à Bethel et Guilgal (1 Samuel 10.3 ; 11.15 ; 15.21). Pour la première fois le culte sort des frontières qui lui ont été imposées. Israël a l’occasion d’apprendre que l’Éternel peut se manifester ailleurs que là où il lui a plu de faire habiter le symbole de sa présence, et qu’il exauce toutes les prières ferventes d’où qu’on les lui adresse. Le jour d’humiliation auquel Samuel convie les Israélites à Mitspa, dans la tribu de Benjamin, après qu’ils eurent renoncé à l’idolâtrie, se change en un jour de victoire et devient l’aurore d’une ère nouvelle de délivrance et de fidélité. A partir de ce moment, Samuel, dont Dieu vient de prouver qu’il entend la voix (1 Samuel 7.10), devient le chef de tout le peuple ; le prophétisme va naître et Pierre pourra, dans Actes 3.24, parler de Samuel comme du premier prophète.