Joram, le fils du pieux Josaphat, fut l’un des plus mauvais rois de Juda.
[Il est probable qu’il monta sur le trône du vivant même de son père, et que pendant un certain temps Josaphat fut le régent de son fils. De cette façon s’évanouissent les difficultés que présentent les données chronologiques fournies sur ces deux règnes.]
Il se laissa complètement dominer par sa femme, Athalie, la fille d’Achab et de Jézabel, et il fit tout ce qu’il fut en son pouvoir pour propager dans ses Etats le culte de Baal (2 Chroniques 21.11 ; 2 Rois 8.18). L’idole des Phéniciens eut même de son vivant un sanctuaire à Jérusalem (2 Rois 11.18). — Aussi les revers ne lui firent-ils pas défaut : tantôt ce sont les Iduméens qui se rendent indépendants et qui, de sujets plus ou moins soumis qu’ils étaient, deviennent les plus désagréables voisins, ne perdant pas une occasion de se venger du peuple frère qui les a tenus quelque temps en servage (Amos 1.11) ; tantôt ce sont les Philistins et les Arabes, qui font une incursion dans le pays et qui ne se retirent que chargés de butin (Joël 3.4). Beaucoup d’habitants de Juda sont faits prisonniers et vendus comme esclaves (Joël 3.6 ; Amos 1.6), en sorte que c’est à ces temps malheureux (de 890 à 889) qu’il faut faire remonter l’origine de la diaspora ou dispersion juive.
[En hébreu Golah (Ézéchiel 1.1 ; 3.11). Les Septante traduisent par αἰχμαλωσία, captivité, et les écrivains du N. T., par διασπόρα (Jacques 1.1 ; 1 Pierre.1.1).]
Joachazj, le fils de Joram, ayant été tué par Jéhu à Samarie pendant un séjour qu’il faisait chez Joramk, Athalie, reine-mère, se trouva maîtresse de la position et l’on ne tarda pas à reconnaître en elle la fille de Jésabel. Il ne restait alors plus grand chose en fait de descendants mâles de David. Joram avait mis à mort. ses six frères (2 Chroniques 21.2-4), et il avait perdu tous ses fils, sauf le plus jeune, lors de l’incursion des Arabes (2 Chroniques 21.17 ; 32.1). Athalie acheva cette œuvre de destruction ; elle extermina tout le sang royal de la maison, de Juda (v. 10), à l’exception du seul Joas, qu’elle crut avoir tué, mais que sa tante, l’épouse du souverain sacrificateur Jéhojadah, sauva et cacha dans le temple. Pendant six ans, ce dernier rejeton de la famille de David vécut littéralement à l’ombre du sanctuaire, jusqu’à ce qu’enfin il fut élevé sur le trône, du même coup qui en précipita sa grand’mère. Voyez combien les prêtres étaient devenus puissants sous Josaphat ; ce’ sont eux qui organisèrent et qui exécutèrent ce salutaire coup d’état. C’est à eux et non pas à aucun prophète qu’en revient tout le mérite.
j – Aussi appelé Achazia.
k – Il n’était an pouvoir que depuis une année à peine.
[D’après 2 Chroniques 23.1-11, Jéhojadah se servit pour cette révolution des Lévites préposés à la garde du temple. D’après 2 Rois 11.4-12, c’est la garde royale qui lui prêta main forte. Mais on sait que le livre des Rois ne nous offre guère qu’un résumé de toute cette histoire, ainsi qu’on peut s’en convaincre aussi par la comparaison de 2 Chroniques 23.18 et sq., avec 2 Rois 11.18, passages qui rapportent tous deux l’organisation de la garde lévitique destinée à prévenir une nouvelle profanation du temple.]
Sans perdre un instant, Jéhojadah fit renouveler au peuple une alliance solennelle avec l’Éternel, et, l’an 878 avant J.-C., le culte de Baal fut entièrement aboli à Jérusalem (2 Rois 11.1-20 ; (2 Chroniques 23.16-17). Le souverain sacrificateur fut pendant plusieurs années le véritable roi du pays.
C’est probablement alors que fut écrit le livre de Joël : le culte de l’Éternel est en honneur, et les prophètes du vrai Dieu ont assez d’autorité pour qu’à la voix de l’un d’eux le peuple tout entier se joigne à ses prêtres et célèbre dans le temple un jeûne solennel. Joël en voyant la docilité avec laquelle le peuple répond à son appel, se prend à espérer que peut-être la colère divine se détournera de dessus Israël pour frapper les païens ; alors les captifs de Juda rentreront dans leur patrie et l’Éternel aura enfin un peuple tel qu’il le désire.
Mais les choses changèrent complètement d’aspect quand Jéhojadah ne fut plus auprès de Joas pour le guider. Les seigneurs de Juda prirent sa place et ne donnèrent au roi que de mauvais conseils. Les prophètes élevèrent la voix, mais ils ne furent pas écoutés, et l’un d’eux, Zacharie, le fils même de Jéhojadah, fut lapidé sur l’ordre de Joasl, qui, après une guerre très malheureuse contre les Syriens, tomba sous les coups de misérables conspirateurs.
l – C’est In premier prophète martyr dont l’A. T. fasse mention (Matthieu 23.35).
Son fils Amasia fut d’abord heureux contre les Iduméens ; mais ensuite le roi Joas de Samarie remporta sur lui de grands avantages (§ 175), et il finit assassiné comme son père, après avoir eu la douleur de voir Jérusalem prise et pillée une fois de plus (2 Rois 14.8-14 ; 2 Chroniques 25.17 et sq.). Nous avons sous Amasia deux prophètes, dont les noms ne nous ont pas été conservés ; le premier s’oppose à ce que le roi emploie dans sa campagne contre Edom les hommes d’Israël qu’il avait pris à sa solde ; le second lui reproche d’avoir introduit en Juda les faux dieux des Iduméens, mais le roi ne l’écoute pas et le renvoie avec des menaces de mort (2 Chroniques 25.7, 15).
Hosias, connu aussi sous le nom d’Azarias : Esaïe, Osée. Amos et les Chron., sauf dans un seul passage, l’appellent Hosias. Le second livre des rois lui donne le nom de Azarias (2 Rois 14.21). C’est probablement lors de son avènement au pouvoir qu’il échangea son nom primitif de Hosias contre celui de Azarias. Il trouva le royaume dans le plus triste état d’ébranlement et de délabrement. Mais pendant les 51 années de son règne, ainsi que sous Jothamm, Juda s’éleva à un degré de puissance dès longtemps inconnu. Edom fut de nouveau subjugué ; Elath, le port du golfe élanitique, fut reconquis ; les Philistins durent faire leur soumission. Moab et Ammon cessèrent d’être tributaires d’Israël et le devinrent de Juda ; l’armée fut mise sur un pied redoutable ; le pays fut hérissé de forteresses ; les fortifications de Jérusalem surtout furent relevées et renforcées ; avec cela l’agriculture et le commerce prospéraient … Et pourtant, l’état moral et religieux de la nation était bien loin d’être satisfaisant. Hosias ni Jotham ne furent des rois idolâtres.
m – Jothan régna 17 ans. — Pendant ces 68 années de prospérité, le royaume d’Israël eut aussi, sous Jéroboam II, une période de gloire : mais ce fut beaucoup plus passager.
[Au commencement de son règne, Hosias écouta le prophète Zacharie (2 Chroniques 26.5) ; mais plus tard. v. 16, il empiéta sur les droits des prêtres ; il voulut, en dépit de Nombres 18.7, faire fumer le parfum sur l’autel d’or et imiter en cela tant de souverains voisins et en particulier ceux d’Israël, qui étaient à la fois grands prêtres et rois.]
Mais avec la prospérité, la gloire et la richesse, on vit s’accroître dans une égale proportion la licence, le luxe, l’orgueil ; les pauvres furent oubliés ou même opprimés ; les mœurs païennes, les superstitions étrangères pénétrèrent dans toutes les classes de la population. Je renvoie ceux qui veulent se faire une idée exacte de cette époque à Ésaïe 2.5-8,16 ; 5.18-23. Une espèce de faux culte du vrai Dieu, dans le genre de celui du veau d’or, s’établit, sinon à Jérusalem même, du moins à Béer-séba (Amos 5.5 ; 8.14) et à Lakis, d’après le sens le plus probable de Michée 1.13. Aussi Esaïe, sans se laisser intimider par les bravades de ses contemporains, annonce-t-il sous Jotham que le jour de l’Éternel est proche, et qu’en ce jour tout homme qui s’élève sera abaissé (Ésaïe 2.12). Voyez aussi Ésaïe 6.9-13. Cependant, comme Juda n’était pas encore aussi corrompu qu’Israël, le jugement définitif n’allait atteindre encore que ce dernier.
[Jusqu’ici, nous n’avons pas rencontré dans le royaume de Juda de prophètes comparables pour leur activité à Elie ou à Elisée. Esaïe seul pourra bientôt être assimilé à ces deux grandes personnalités. Mais c’est dans le royaume de Juda et pendant la période dont nous venons de retracer l’histoire, que nous trouvons, pour la première fois, des prophètes composant des livres et couchant, par écrit leurs révélations ; ainsi Joël et Abdias, qui vivaient dans les dix premières années du 9e siècle avant J.-C. Les anciens prophètes avaient déjà plus d’une fois annoncé des choses à venir, et leurs prédictions avaient été recueillies par les auteurs sacrés ; on peut même dire que les grands traits de l’eschatologie sont déjà tous tracés dans les discours des anciens prophètes. Cependant, en somme, ils s’occupaient bien plus de ce qui se passait sous leurs yeux que de l’avenir de leur peuple. Ils se proposaient dans tous leurs discours un but immédiat et pratique. Mais maintenant il n’y a plus d’illusion possible pour les hommes inspirés : ce n’est ni Israël ni Juda qui peut remplir le programme divin ; le jugement, voilà ce qui les attend tous deux, et ce n’est qu’après ce jugement que, des ruines de la théocratie actuelle, pourra se dégager le vrai peuple de Dieu. Aussi, voyez comme l’horizon des prophètes s’élargit maintenant ! Le jour de l’Éternel sera un jour de ténèbres et d’obscurité. Les justes qui vivront dans ces temps néfastes auront besoin d’une lampe pour s’éclairer et d’une boussole pour s’orienter. Cette lampe, cette boussole, ce seront des prophéties prononcées longtemps auparavant. Mais il est évident que pour que les prophéties répondent à leur destination, il faut qu’elles soient fixées par l’écriture et fidèlement conservées. Aussi l’Éternel lui-même ordonne-t-il à quelques-uns d’entre les prophètes de coucher par écrit ce qu’il vient de leur révéler (Ésaïe 8.1 ; Habakuk 2.2 ; Jérémie 26.2). Dans Ésaïe 30.8 ; Jérémie 30.2, comp. à Ésaïe 34.16, la raison pour laquelle ils doivent écrire, est expressément indiquée ; il ne faut pas que les générations à venir puissent nier l’authenticité des prophéties. Parfois c’était de suite après avoir parlé que les prophètes couchaient par écrit le résumé de leurs discours ; ils le faisaient par devant témoins et se contentaient souvent de quelques mots frappants qui suffisaient à rappeler toute la prophétie et à constituer un témoignage (Ésaïe 8.1 et peut-être Ésaïe 30.2). Mais ordinairement ils ne rédigeaient leurs discours que plus tard. Amos, Osée et Michée n’ont probablement écrit leurs livres que vers la fin de leur carrière. — Nous ne possédons point toute la littérature prophétique, pas plus que ne nous sont parvenus tous les livres historiques de l’Ancienne Alliance. Ésaïe 2.2-4, et Michée 4.4 sont deux citations parallèles d’un 3me auteur, il nous inconnu. Esaïe ch. 15 et 16 ne fait que de reprendre une ancienne prophétie contre Moab. Ewald va cependant trop loin quand il dit que nos livres prophétiques ne sont que de faibles restes… Les nombreux emprunts d’un Jérémie, par exemple, sont presque tous faits aux prophètes que nous avons encore. — Un trait remarquable de la littérature prophétique, c’est son unité. Les prophètes postérieurs citent constamment leurs prédécesseurs et s’y rattachent avec soin, comme pour montrer qu’ils se réclament du même Esprit qui les a inspirés jadis. Amos 1.2, tond la main à Joël 3.15. Michée 1.2, cite Michée, fils de Jimla (1 Rois 22.28). Voyez surtout Sophonie et Jérémie. Josèphe avait déjà remarqué cet enchaînement, ἀκριβὴς διαδοχὴ, contra Ap. I, 8.]