Ces deux mauvais rois bâtèrent considérablement la ruine de leur peuple. Leurs efforts ne tendaient à rien moins qu’à abolir entièrement la vraie religion. Après sa conversion (2 Chroniques 33.12), Manassé chercha à réparer le mal qu’il avait fait ; mais à sa mort l’idolâtrie — et nous allons voir quelle idolâtrie — retrouva en son fils Ammon le plus zélé protecteur. Baal et Astarté, les vieilles divinités cananéennes, n’étaient pas entièrement mises de côté (2 Rois 21.3, 7) ; mais c’était le culte du feu et des astres qui avait maintenant la vogue, grâce à l’influence assyrienne. L’idolâtrie cananéenne et phénicienne s’occupait sans doute aussi des astres ; elle les considérait comme la source de toute vie dans la nature. Mais les religions de la Haute-Asie les envisagent d’un tout autre point de vue : pour elles ce sont des puissances, non plus productrices et fécondantes, mais régulatrices ; les étoiles exercent une grande influence sur la Terre et sur les destinées de ses habitants. De là, l’astrologie. De là, les sacrifices terribles que l’on offre au dieu du feu pour se le rendre favorable. Et parce que les Assyriens brûlaient leurs enfants à l’honneur des dieux du feu, Adrammélec et Hanammélec (2 Rois 17.31), les Juifs se crurent obligés d’en faire autant, et renouvelèrent ainsi les atrocités du culte de Moloch. Achaz avait commencé (2 Rois 16.3 ; 23.10 ; (2 Chroniques 33.6 ; Jérémie 7.31 ; (2 Rois.23.12) ; Manassé continua. Achaz s’était contenté de la vallée de Hinnon ; Manassé transporta ce culte dans la ville même de Jérusalem et jusque dans le temple (2 Rois 21.5 ; 23.5-11 ; Jérémie 7.30 ; 8.2). Vatke ne doute pas que le peuple n’ait considérablement gagné à la chose. Rien de plus déraisonnable ; le syncrétisme religieux est toujours un signe de faiblesse et de décadence. Voyez comment les vrais prophètes jugent le culte des astres ! (Jérémie 8.2 ; Sophonie 1.5 ; Ézéchiel 8.15-17 ; (2 Rois 17.16 ; Job 31.26-28) D’après Sophonie 3.4 ; Jérémie 2.8,26, beaucoup de prophètes et des prêtres en plus grand nombre encore, se laissèrent entraîner par le courant général (2 Rois 23.8). Il se trouva pourtant des prophètes qui protestèrent au nom de l’Éternel (2 Rois 21.10 et sq.), et qui furent fidèles jusqu’à la mort. Manassé remplit Jérusalem de sang innocent (2 Rois 21.16 ; 24.4 ; Jérémie 2.30 ; Josèphe, Ant. 10.3, 1)a. Esaïe fut, d’après la tradition, l’une de ses victimes.
a – « Votre épée a dévoré vos prophètes comme un lion qui ravage tout. » s’écrie Jérémie 2.30.
C’est parce que tant de prophètes ont été appelés sous Manassé à sceller leur témoignage de leur sang, que nous n’avons aucun livre prophétique qui date de ce règne !
[Nahum est antérieur et Habacuc postérieur à Manassé. — On a parfois vu dans le dernier mot de 2 Chroniques 33.19, un nom propre, et l’on prétend qu’il y a eu sous Manassé un prophète du nom de Hosaï. Mais, d’après les derniers mots du verset précédent, il est plus naturel d’y voir un substantif commun : les paroles des Voyants.]
« Le péché de Manassé » fut désormais une expression consacrée, comme l’avait été jusqu’alors « le péché de Jéroboam » (2 Rois 23.26 ; 24.3). Un bon règne va encore être accordé à Juda. Mais c’en est fait ! Le péché de Manassé n’est ni effacé, ni oublié. Il est là et il appelle la vengeance céleste.