1. Cependant Antigone, fils d'Aristobule, qui avait rassemblé une armée et s'était concilié Fabius à prix d’argent, revint, ramené par Ptolémée fils de Mennaios, auquel l’unissaient des liens de famille[2]. Il avait aussi pour allié Marion, que Cassius avait laissé comme tyran à Tyr ; car celui-ci, après s'être emparé de la Syrie, y avait établi des tyrans comme gardiens. Marion attaqua aussi la Galilée, qui était limitrophe de son territoire, s’empara de trois forteresses et y mit garnison. Hérode marcha contre lui, lui enleva toutes ses conquêtes[3], mais laissa généreusement libres les soldats Tyriens, donnant même à quelques-uns des présents par bienveillance pour leur ville[4]. Cela fait, il marcha contre Antigone, l’attaqua, le battit et le mit en déroute au moment où il allait franchir les frontières de la Judée. Quand il revint à Jérusalem, Hyrcan et le peuple lui décernèrent des couronnes. Il était déjà par ses fiançailles allié à la famille d’Hyrcan, aussi n'en défendait-il que mieux celui-ci ; il devait épouser la fille d'Alexandre[5], fils d'Aristobule, et petite-fille d'Hyrcan par sa mère. Il eut d'elle trois fils et deux filles. Il avait eu une première femme, du nom de Doris, prise dans le peuple, et qui fut la mère de son fils aîné, Antipater.
[1] Guerre, §§ 238-242. Les décrets, qui contredisent le récit de Nicolas, pourraient être empruntés à un autre ouvrage.
[2] On se rappelle que Ptolémée avait épousé la sœur d’Antigone (VII, 4).
[3] Ceci est contredit par le rescrit de Marc Antoine, XII, 4.
[4] La phrase du texte n’est intelligible que par le rapprochement avec Guerre, § 238.
[5] Elle s’appelait Mariamme (Guerre).
2. Antoine et César défirent Cassius à Philippes[6], comme l'ont raconté d'autres historiens. Après sa victoire, César revint en Italie, Antoine se rendit en Asie. Arrivé en Bithynie, il reçut de tous côtés des ambassades. Les principaux des Juifs vinrent aussi pour se plaindre de Phasaël et d'Hérode, assurant qu’Hyrcan ne possédait que l'apparence de la royauté, et que ceux-ci avaient tout le pouvoir. Hérode vint se justifier de ces accusations ; Antoine le reçut avec les plus grands honneurs et ses adversaires ne purent même obtenir la parole : Hérode s'était ménagé cet accueil d'Antoine, à prix d'argent. Puis, lorsqu'Antoine vint à Éphèse, le grand-prêtre Hyrcan et le peuple lui envoyèrent une ambassade pour lui porter une couronne d'or et le supplier d'écrire aux gouverneurs des provinces de faire remettre en liberté les Juifs que Cassius, contre le droit de la guerre, avait réduits en esclavage ; ils redemandaient aussi les territoires dont ils avaient été dépossédés du temps de Cassius. Antoine, estimant justes les réclamations des Juifs, écrivit aussitôt à Hyrcan et au peuple : il donna en même temps des ordres aux Tyriens et leur envoya un décret en ce sens[7] :
[6] Automne 42 av. J.-C.
[7] Sur ces documents du printemps 41, cf. Mendelssohn, Acta, etc., V, p. 254-263.
3. « Marc Antoine, général en chef, à Hyrcan, grand-prêtre et ethnarque, et au peuple juif, salut. Si vous allez bien, c'est à merveille : l'armée et moi sommes en bonne santé. Vos envoyés Lysimaque, fils de Pausanias, Joseph, fils de Mennaios, et Alexandre, fils de Théodore, sont venus me trouver à Ephèse ; ils ont renouvelé auprès de moi la mission précédemment remplie par eux à Rome[8] se sont acquittés avec zèle de leur mission actuelle en ton nom et au nom du peuple, manifestant tes bonnes dispositions à notre égard. Persuadé donc, tant par les faits que par vos protestations, que vous avez pour nous les sentiments de la plus réelle amitié, et connaissant d'autre part la fermeté de vos mœurs et votre piété, je regarde votre cause comme la mienne[9]. Des bandes hostiles à nous-même et au peuple romain se sont répandues dans toute l'Asie, n'épargnant ni les villes, ni les temples, parjures à tous les serments qu'ils avaient faits ; considérant que nous ne combattions pas pour nous-mêmes, mais dans l'intérêt de tous, nous avons repoussé ceux qui se rendaient ainsi coupables envers les hommes de déloyauté, envers les dieux de sacrilèges, capables, croyons-nous, de faire reculer le soleil, qui a vu avec horreur le crime commis sur la personne de César. Ces complots hostiles aux dieux, qui avaient cherché en Macédoine le seul air respirable à leur audacieuse impiété, ce ramassis de méchanceté forcenée qu'ils avaient formé à Philippes, en Macédoine, occupant des positions favorables, défendues par les montagnes jusqu'à la mer, de façon à ne ménager d'accès que par un seul passage, nous les avons écrasés avec l'aide des dieux, qui les avaient condamnés pour leur criminelle entreprise. Brutus, qui s'était enfui à Philippes, fut cerné par nous et enveloppé dans la ruine de Cassius. Ceux-là châtiés, nous espérons pouvoir désormais jouir de la paix et délivrer l'Asie du fléau de la guerre. Nous faisons donc partager à nos alliés la paix que Dieu nous a donnée. L'Asie se relève d'une maladie grave, grâce à notre victoire. Me souvenant donc de toi et de ton peuple, je m'occuperai de vos intérêts[10]. J'ai affiché des instructions dans les villes pour que ceux qui, libres ou esclaves, ont été vendus à l'encan par Caïus Cassius ou ceux qui étaient sous ses ordres, soient remis en liberté ; et je veux que vous jouissiez des bienfaits accordés par moi et Dolabella[11]. J'interdis aux Tyriens d'user de violence à votre égard, et je leur ordonne de restituer tout ce qu'ils ont pris aux Juifs. J'accepte la couronne que tu m'as envoyée. »
[8] Sans doute l'ambassade envoyée par Hyrcan à Rome dans les derniers temps de la vie de César (X, 9) : on croit que c'étaient les mêmes ambassadeurs.
[9] Texte mutilé.
[10] Ici encore le texte est altéré.
[11] On ne sait pas de quels bienfaits il s'agit. Dolabella n'avait fait que paraître en Syrie (juin – juillet ? 43), où il trouva la mort.
4. « Marc Antoine, général en chef, aux magistrats, au Conseil et au peuple de Tyr, salut. Les envoyés du grand-prêtre et ethnarque Hyrcan, venus à ma rencontre à Éphèse, m'ont appris que vous occupiez une partie de leur territoire, envahie par vous sous la domination de nos adversaires. Maintenant que nous avons combattu pour l’empire, et que, guidés par la piété et la justice, nous avons repoussé ces hommes oublieux des bienfaits reçus et parjures à tous leurs serments, je veux que nos alliés trouvent auprès de vous la paix ; rien de ce que vous avez reçu de nos adversaires ne doit vous rester ; je vous ordonne de le restituer à ceux qui en ont été dépouillés. Ce n'est pas en effet du Sénat qu'aucun de ces hommes a obtenu ses provinces ou ses troupes : c'est à la violence qu'ils devaient ces possessions, et c'est par la violence qu'ils ont récompensé ceux qui leur avaient été utiles dans leurs injustes entreprises. Aussi, maintenant que ces usurpateurs ont été châtiés, nous trouvons bon que nos alliés rentrent sans difficulté en possession de tout ce qui a été jadis leur propriété ; et vous-mêmes, si vous détenez actuellement quelques places ayant appartenu à Hyrcan, ethnarque des Juifs, à la veille du jour où Caïus Cassius, entreprenant une guerre non autorisée a mis le pied dans notre province[12], j'ordonne que vous le lui restituiez, et que vous ne fassiez aux Juifs nulle violence, en vue de les rendre trop faibles pour se maintenir dans leurs possessions[13]. Et si vous avez quelque réclamation à présenter contre Hyrcan, lorsque nous arriverons sur les lieux, vous pourrez vous en prévaloir, car nous examinons avec une égale attention les réclamations de tous nos alliés. »
[12] Peut-être faut-il lire ὑμῶν au lieu de ἡμῶν : la Syrie n’avait jamais été attribuée comme gouvernement à Antoine.
[13] Texte suspect.
5. « Marc Antoine, général en chef, aux magistrats, au Conseil et au peuple de Tyr, salut. Je vous envoie un édit rendu par moi ; je veux que vous preniez soin de l'insérer dans vos actes publics, en grec et en latin, et qu'il soit affiché dans l'endroit le plus apparent, afin que tous puissent en prendre connaissance. — Marc Antoine, général en chef, l'un des triumvirs chargés du gouvernement, a décidé : Attendu que Caïus Cassius, au cours de la présente rébellion, a pillé une province qui ne lui appartenait pas, l'a occupée avec des troupes, a saccagé nos alliés et mis à feu et à sang le peuple juif, ami du peuple romain ; nous, après avoir eu raison par les armes de sa folle témérité, voulons, par des édits et des jugements, rétablir l'ordre dans les territoires ravagés par lui et rendre à nos alliés ce qui leur est dû. Et tout ce qui chez les Juifs a été vendu, biens ou personnes, sera restitué ; les personnes seront libres, comme elles l'étaient auparavant, et les biens seront rendus aux anciens propriétaires. Quiconque enfreindra cet édit s'exposera à être poursuivi, et s'il est condamné, j'aurai soin qu'il soit châtié, suivant l'importance de sa faute. »
6. Il écrivit la même chose aux habitants de Sidon, d'Antioche et d'Arados. Nous avons, puisque l'occasion s'en présentait, cité ces nouveaux témoignages de la bienveillance, dont nous parlions, des Romains pour notre peuple.