Le dernier roi de Juda fut un prince faible, qui tomba dans la plus honteuse dépendance des gens du commun peuple nouvellement arrivés aux affaires. Après avoir juré fidélité à Nébukadnézar (2 Chroniques 36.13), après lui avoir envoyé au commencement de son règne une ambassade respectueuse (Jérémie 29.3), après être allé lui-même quatre ans plus tard lui rendre ses hommages dans sa capitale (Jérémie 51.59), il se laissa inspirer des pensées de révolte et il permit que les représentants de quelques Etats du voisinage se rencontrassent à Jérusalem pour organiser une révolte générale contre Nébukadnézar (Jérémie 28.3).
[Dans Jérémie 27.1, c’est Sédécias qu’il faut lire et non Jéhojachim, ainsi que cela résulte clairement des versets 3 et 12. Le premier verset du chapitre suivant montre que ce congrès eut lieu précisément la 4e année du règne de Sédécias.]
Jérémie venait, justement d’annoncer que Babylone, le marteau du monde, serait bientôt brisée à son tour (ch. 50 et 51) ; il avait écrit cette prophétie dans un livre qu’il avait donné à Scéraja, l’un des principaux officiers du roi (שר–מנּו_הּj, avec la charge d’en faire la lecture à Babylone, de l’attacher à une pierre et de la jeter dans l’Euphrate, acte symbolique destiné à faire comprendre qu’aussi certainement que ce livre était au fond du fleuve, aussi, certainement les menaces qu’il renfermait s’accompliraient sur Babylone. En vain Jérémie, fidèle à la politique d’Esaïe (Ésaïe 10.24,27 ; 30.15 et sq.), rappela que Nébukadnézar était un instrument dans la main de Dieu, choisi pour punir Juda et tous les royaumes d’alentour ; les prophètes de mensonge, qui, à Jérusalem aussi bien qu’en Chaldée, ne cessaient d’annoncer à leurs compatriotes une délivrance toute prochaine, flattaient bien trop les instincts naturels du peuple pour ne pas l’emporter sur l’unique prophète qui dit alors la vérité dans tout le royaume de Juda (Jérémie ch. 37 à 39). La neuvième année de son règne, Sédécias, foulant ouvertement aux pieds ses serments, fit alliance avec le roi d’Egypte Hophra ou Apriès.
j – Sar menoucha est un titre et non pas un nom propre. C’est le chambellan chargé de loger le roi pendant ses voyages.
[Le plus important des faux prophètes qui s’opposèrent à Jérémie, à Jérusalem, est Hanania (ch. 28). Jérémie, s’appuyant sur Deutéronome 18.20. le menace d’une mort prochaine ; il n’en persiste pas moins dans la voie du mensonge et il meurt en effet. — Jérémie fait également entendre de sérieux avertissements aux faux prophètes de l’exil, qui au fond, n’étaient autre chose que des démagogues déguisés en envoyés de Dieu, et parmi lesquels nous remarquons un Achab, un Sédécias et un Sémaja (Jérémie ch. 29). Comparez Ézéchiel ch. 13. Le v. 9 de ce chapitre montre en effet qu’Ezéchiel parle, ici des faux prophètes de la captivité. Chose curieuse, ces faux prophètes eurent des disciples (v. 17 à 23) ; des femmes même se mirent à les imiter.]
C’est alors qu’Ezéchiel, le fidèle témoin de Dieu au sein de la captivité, éleva la voix contre Jérusalem : « Celui qui fait de telles choses prospérerait-il ? Ayant enfreint l’alliance, échapperait-il ? Je suis vivant, dit l’Éternel, si celui-ci ne meurt au pays du roi qui l’a établi pour roi, dont il a méprisé le serment ; si, dis-je, il ne meurt au milieu de Babylone. » (Ézéchiel 17.15)k. Avant même que le roi d’Egypte eût achevé ses préparatifs, Nébukadnézar survint avec une armée (Jérémie 34.1-7), détruisant les villes ouvertes, investissant les forteresses. Jérusalem se dispose à lui opposer une défense opiniâtre. Jérémie seul conseille à ses concitoyens de faire leur soumission. Mais à l’approche de Hophra, les Chaldéens s’éloignent, l’orgueil des patriotes ne connaît plus de bornes, Jérémie est jeté en prison et ce n’est, qu’en secret que le roi ose l’en faire sortir (ch. 37).
k – C’est à ceci qu’ont trait les 5 chap. 17 à 21.
Les Chaldéens reviennent ; le prophète renouvelle ses menaces, il est jeté dans une citerne pour y mourir de faim, mais le roi le sauve pour la seconde fois ; il le sauve, mais il ne l’écoute pas. Jérémie le supplie de nouveau de se rendre (ch. 38) ; il n’en fait rien.
Malgré les efforts héroïques des assiégés, le danger devient de jour en jour plus imminent ; la faim les décime (Lamentations 2.20-4.9). C’est alors, au milieu de cette misère extrême, que Jérémie annonce avec une entière confiance, avec l’accent du triomphe, l’avenir magnifique qui est réservé au peuple de Dieu (ch. 30 à 33). « Ainsi a dit l’Éternel : Dans ce lieu-ci duquel vous dites : Il est désert, n’y ayant ni homme, ni bête ; — dans les rues de Jérusalem qui sont désolées, on entendra encore la voix de l’époux et la voix de l’épouse, la voix de ceux qui diront : célébrez l’Éternel, car Il est bon et sa miséricorde dure à toujours ! »
Le siège durait depuis dix-huit mois, — la brèche était faite, lorsque Sédécias chercha à fuir avec une partie de son armée. Mais il fut pris et conduit à Nébukadnézar à Ribla ; là, ses fils furent exécutés en sa présence, on lui creva les yeux, on le chargea de chaînes et on l’emmena à Babylone (Jérémie 39.1-7 ; 2 Rois 25.1-7, comparez aussi Ézéchiel 12.13).
Ce fut Nébuzaradan, l’un des généraux chaldéens, qui consomma la ruine de Jérusalem et qui amena à Babylone la troisième troupe d’exilés (2 Rois 25.8 ; Jérémie 39.8). C’était 588 ans avant J.-C. Le 7me jour du 5me mois, la ville et le temple furent livrés aux flammes. L’incendie dura quatre jours. Le 10me jour de ce mois, l’œuvre de destruction était achevée. Josèphe rapporte que c’est à pareil jour que, 658 ans plus tard, le second temple fut brûlé par Titus.
[Bell. jud. VI, 4, 5. Josèphe parle du 10e jour d’un mois macédonien, mais ce mois correspondait au 5e mois des Juifs. — Il en conclut qu’il y a une certaine périodicité dans les châtiments (Ant. XV, 9, 1). — Le Talmud parle du 9e jour du 5e mois, et c’est celui qui est consacré encore maintenant au souvenir des deux ruines de Jérusalem. Quand cette fête coïncide avec un sabbat, elle est renvoyée au lendemain et elle ne tombe ainsi que par exception sur le 10e jour du mois.]
Les peuples voisins, parmi lesquels se distinguèrent les Iduméens, applaudirent à la chute de cette race détestée et accoururent pour se repaître du spectacle de la ruine (Psaumes 137.7 ; Lamentations 4.21 ; Ézéchiel 35.15 ; 36.5). Ils chassèrent les malheureux réchappés de désert en désert et de montagne en montagne (Lamentations 4.19 ; 5.9).
[Je ne cite pas ici Abdias 1.10-14, comme on le fait souvent ; car je crois qu’Abdias vivait assez longtemps avant la grande ruine de Jérusalem. — D’après Jérémie 52.28, la seconde déportation, sous Jéhojachim, ne se composait que de 3023 Juifs. D’après 2 Rois 24.10-16 elle en aurait, compté 18 000. — Jérémie 52.29 ne parle que de 832 habitants de Jérusalem à propos de la 3e déportation. Ce chiffre peut paraître bien modique ; mais ce sont probablement 832 chefs de familles. Puis il ne faut pas oublier combien de Juifs avaient pris la fuite et combien d’autres avaient péri par le fer ou par la faim.]