Il ne sera pas question ici des chérubins, qui ne sont pas des esprits destinés à servir (§ 119). Quant aux séraphins (Ésaïe ch. 6)i, on les a parfois identifiés avec les chérubins, on y a vu de simples figures symboliques dans le genre des animaux d’Apocalypse 4.8, qui, eux aussi, ont une certaine ressemblance avec les chérubins. Haevernick, par exemple, ne voit dans les séraphins qu’une simple modification des chérubinsj. Mais c’est bien rendre un service et agir comme un ange, que de voler vers le prophète pour passer sur ses lèvres un charbon ardent (Ésaïe 6.6).
i – C’est le seul passage où il en soit question.
j – Théol. de l’A. T. 2e éd. page 95. Il pense qu’avec leurs corps lumineux ils représentent la création idéale.
[Nous n’identifierions pourtant pas ce séraphin avec l’ange interprète de Daniel et de Zacharie ; il ne vient point s’interposer entre l’Éternel et le prophète comme un tiers ; Esaïe, nu v. 8, a le sentiment d’être appelé directement par son Dieu.]
Les séraphins ont six ailes. De deux ils se voilent la face, car les esprits les plus excellents eux-mêmes ne peuvent pas supporter le plein éclat de la gloire de Dieu ; de deux, ils se couvrent les pieds en signe de profond respect ; de deux, ils volent, ce qui marque la promptitude avec laquelle ils exécutent les ordres de l’Éternel. Du reste, ils ont un corps d’homme, avec face humaine, mains et pieds ; rien en eux ne rappelle le serpent, en sorte, que c’est bien à tort que l’on a rapproché leur nom de celui des serpents ardents (Saraph, שרף) ; dans l’A. T., le serpent ne peut absolument pas être le symbole de la sainteték.
k – N’a-t-on pas voulu rapprocher aussi les séraphins du Sérapis égyptien ?
On a très souvent dérivé séraphin de saraph, brûler, et Ésaïe 6.7 semble favorable à cette idée, puisque nous avons là un séraphin employé par Dieu pour purifier par le feu les lèvres du prophète, seulement saraph signifie consumer, et non pas être ardent ou purifier par le feu. D’autres ont proposé un mot arabe signifiant être noble ; les séraphins seraient alors les anges les plus nobles, les plus excellents, et l’on pourrait voir en eux, soit en particulier les Sarim, שרים, les princes, dont parle Daniel, soit en général les Abbarim, אבירים, les puissants de Psaumes 78.25, ou les Guibbore coach, גברי כח, les anges puissants en force du Psaumes 103.20.
[Dans ce dernier cas, les séraphins ne seraient que des anges ordinaires, car tous les anges absolument sont puissants en force. Ils ne seraient pas appelés nobles en opposition à d’autres anges, mais en opposition à d’autres créatures. Voyez Hofmann, Preuves scripturaires I, page 376, 2e éd. En revanche, rien de plus improbable que son identification des séraphins et des Téraphims.]
Dans Ézéchiel ch. 9, nous voyons sept anges employés à exécuter contre Jérusalem les vengeances célestes. On en a conclu qu’il y avait sept anges qui étaient spécialement chargés de surveiller Jérusalem. Mais non ! le nombre sept marque ici comme toujours l’accomplissement, l’accomplissement des jugements divins, et il n’est point besoin pour l’expliquer d’avoir recours aux sept Amschaspands des Perses, ou aux sept dieux planétaires des Babyloniens (Diod. Biblioth. 2.30). Qu’on rattache à la mythologie, si l’on veut, les sept anges de Tobie 12.15 : « qui sont chargés de présenter à Dieu les prières des saints, et qui ont libre accès auprès du Dieu de gloire », bien que ce passage puisse tout aussi bien avoir pour fondement Ézéchiel ch. 9, que telle ou telle légende mythologique. Mais le nombre sept n’a rien qui doive nous surprendre, il est tout naturel dans la Bible. Ce qu’il y a de remarquable dans Ezéchiel ch. 9, c’est ! que l’un des sept anges se distingue des autres, non seulement par son vêtement de lin qui rappelle la robe du souverain sacrificateur, mais encore par la mission, spéciale qu’il remplit : les six premiers exécutent les jugements de Dieu ; le septième marque au front les hommes qui doivent être épargnés. Il est évidemment supérieur aux six autres et il rappelle à plus d’un égard le cavalier qui se tient parmi les myrtesl, dans Zacharie 1.12, qui intercède en faveur de Jérusalem et qui est le chef de tous les autres cavaliers occupés à parcourir la terre. Il rappelle également l’ange du Seigneur de Zacharie ch. 4, dont Satan cherche par ses accusations à contrebalancer l’influence. Il ne peut être confondu avec Jéhovah, puisque dans Zacharie 1.12, il s’écrie : « Éternel des armées ! jusques à quand n’auras-tu pas compassion de Jérusalem ? » Mais au chap. 3, il en est le représentant ; quand il parle, c’est comme si l’Éternel lui-même parlait. Il offre ainsi plus d’un trait de ressemblance avec l’ange de l’Éternel du Pentateuque (§ 59). Sa dignité exceptionnelle ressort particulièrement de sa supériorité marquée sur l’ange interprète, (המלאכ.ֻ הדבר בי) de Zacharie, qui, bien que jouissant d’une haute position, puisqu’il explique au prophète les visions que Dieu lui a accordées, ne nous apparaît cependant nulle part comme un représentant de l’Éternel. Baumgarten, dans son livre sur les visions de Zacharie I, p. 68, fait à cet égard une remarque fort intéressante. L’ange de l’Éternel, cette antique apparition, dans laquelle habitait le nom de l’Éternel, disparaît de la scène de l’histoire au moment où Israël commence à avoir une royauté visible, et il reparaît quand cesse la royauté terrestre. C’est comme un prince invisible qui intervient quand il n’y en a pas d’autre. Seulement, le chef des sept anges d’Ézéchiel ch. 9, le cavalier de Zacharie 1.12, l’ange du Seigneur de Zach. ch. 3, a quelque chose de plus concret et une activité plus personnelle que l’ange de l’Éternel du Pentateuque.
l – Les myrtes représentent le peuple de l’alliance.
Nous n’avons rien dit encore des noms propres que Daniel, le premier, donne à certains anges. Gabriel, le héros de Dieu, explique au prophète ses visions (Daniel 8.16 ; 9.21) ; c’est donc l’ange interprètem de Zacharie. Michel, ou plus exactement Micaël, paraît être plutôt le cavalier parmi les myrtes et l’ange du Seigneur de Zacharie ; comme eux, il est le grand protecteur du peuple de l’alliance. Dans Daniel 10.13, il est appelé l’un des principaux princes ; dans Daniel 12.1, le grand chef qui tient ferme pour les enfants d’Israël ; dans Daniel 10.21, le chef d’Israël. Mais il n’y a rien absolument, dans le livre de Daniel du moins, qui puisse portera croire que Micaël soit, comme l’était l’ancien ange de l’alliance, le porteur du Nom de Dieu, Dieu lui-même se manifestant dans le monde. Plus tard, il est vrai, la théologie juive a identifié Micaël avec la « Présence de Dieu. » (§ 62. La Schechina.)
m – Mais on a eu tort de l’identifier avec l’homme vêtu de lin de Zacharie 10.5, dont nous parlerons plus bas.
[Voyez Meuschen, « Novum T. ex Talmude illustratum. » page 717. Adonaï, Schchina et Micaël y sont regardés comme trois noms désignant la même personnalité. Ainsi les trois anges qui viennent parler à Abraham sont Micaël. Gabriel et Raphaël ; mais c’est Micaël qui est le plus grand des trois, car il n’est autre que Adonaï.]
Hengstenberg aussi l’identifie avec le Logos, et il prétend que le nom seul de Micaël nous interdit d’en faire un être fini (la Révélation, I. Page 611), puisque ce nom signifie : « Qui est comme moi, qui suis Dieu et dans lequel Dieu révèle sa gloire ? » Mais nous trouvons assez souvent, dans l’A. T. lui-même, le nom de Micaël porté par des hommes (depuis Nombres 13.13 jusqu’à Esdras 8.8). Hengstenberg est donc allé trop loin. — Plus qu’une remarque pour être tout à fait dans le vrai : il n’y a pas seulement dans le nom de Micaël, de la part de l’ange qui le porte, l’humble aveu de l’incontestable et incommensurable supériorité de Dieu surtout autre être ; ce nom indique que l’ange à qui Dieu donne des pleins pouvoirs pour défendre sa cause ne peut trouver nulle part de résistance sérieusen.
n – Le N. T. non plus n’identifie jamais Micaël avec le fils de Dieu, comme Hengstenberg prétend qu’il le fait dans Jude 1.9, et Apocalypse 13.7.
Le dixième chapitre de Dan. nous met en face… d’un homme, איש–אחד ! Daniel aperçoit sur le bord du Tigre, non pas un prince d’anges, non pas même un ange ordinaire, mais tout simplement un homme. Et pourtant, Daniel, qui le vit, et ses compagnons, qui ne l’aperçurent point, furent saisis de la plus grande frayeur devant cette apparition. Ce n’était pas Gabriel. C’était celui qui, du milieu du fleuve Ulaï (Daniel 8.15-17), avait ordonné à Gabriel d’expliquer à Daniel la vision qu’il venait d’avoir ; celui qui prononce le solennel serment de Daniel 12.7. Comment ne pas rattacher cette apparition à celle de ce Fils de l’homme qui vient sur les nuées du ciel pour recevoir la domination sur tous les peuples de la terre ? (Daniel 7.13. Comp. Daniel 10.16,18.) L’Apocalypse n’a-t-elle pas emprunté à Daniel 10.5 et sq., plusieurs des traits qui figurent dans sa description du Messie glorifié ? (Apocalypse 1.13-15.)
[Telle est déjà la manière de voir de Chr. B. Michaélis (Uberiores adnot. in Dan., page 372), et, parmi les modernes, de Schmieder, dans le commentaire de Gerlach ; de Hilgenfeld, dans son Apocalyptique juive, page 47, et de Keil.]
Le livre de Daniel offrirait ainsi un phénomène assez remarquable : d’une part, l’ange de l’Éternel y apparaît sous la forme de Micaël, un ange des plus puissants, mais substantiellement différent de l’Éternel ; de l’autre, surgit un personnage mystérieux au service duquel Micaël lui-même est attaché et à qui est promis l’empire du monde. Ce grand anonyme annonce qu’il a déjà eu à combattre contre le chef du royaume de Perse, שר מלכות פרס v. 13 ; que Micaël est venu pour l’aider et qu’alors il est demeuré vainqueur des rois de Perse ; puis, poursuit-il au v. 20, il s’en va retourner pour combattre contre le chef de Perse, שר פרס, après quoi viendra aussi le chef de Javan, שר–יון ; et personne ne l’assistera contre ces deux adversaires, si ce n’est Micaël, le chef d’Israël (מיכאל שרכם, Micaël, votre chef). Ces chefs de Perse et de Javan ne sont point des rois terrestres ; ils sont positivement distingués des rois de Perse, en particulier. Non ! ce sont des anges, dans lesquels se personnifient ces puissances païennes dans leur hostilité contre l’Éternel ; anges gardiens de ces Etats, si l’on veut, ou simplement représentants de l’esprit qui les anime ; il importe assez peu.
Nous sommes en état maintenant d’aborder le dernier passage que nous ayons à étudier dans ce chapitre : Ésaïe 24.21 et sq. Au jour où les puissances de la terre seront humiliées, dit le prophète, Jéhovah visitera l’armée d’En-haut dans les lieux élevés (צבא המרום במרום), et les rois de la terre sur la terre ; il les assemblera et les emprisonnera pour ne les visiter que longtemps après. Les visiter ? Pour les juger définitivement ou bien pour les relâcher ? Dans le premier cas, nous aurions comme passages parallèles 2 Pierre 2.4 ; Jude 1.6 et le chap. 10e du livre d’Hénoch ; dans le second cas, Ésaïe 23.17. Quoi qu’il en soit, ce qui est certain, c’est que l’armée d’En-haut désigne, non point l’armée des puissants de la terre, car, que deviendrait alors l’opposition si clairement marquée entre l’armée d’En-haut et l’armée de la terre ? (במרום est oppos à על–האדמה) — mais bien l’armée des puissances célestes. Au jugement qui frappera le monde visible correspondra un jugement non moins redoutable sur le monde invisible, car, ainsi que cela résulte surtout de quelques passages du N. T., il y a une étroite relation entre ce qui se passe dans le monde sensible et ce qui se passe dans le monde des esprits.
[Le Judaïsme post-canonique assigne à chaque peuple son ange protecteur, et les Septante ont introduit de vive force cette manière de voir dans la Bible en faussant le sens de Deutéronome 32.8. Au lieu de : le souverain a établi les bornes des peuples selon le nombre des enfants d’Israël, ils ont traduit : selon le nombre des anges de Dieu. Il a donc fallu trouver un ange protecteur pour chacun des 70 peuples dont on pensait que se composait l’humanité païenne. — En fait d’anges connus par leurs noms, nous trouvons dans Tobie, Raphaël, Dieu guérit, nom qui répond bien au contenu de ce livre ; et dans le 4e livre d’Esdras, Uriel.]