« Tatien, dans son discours aux Grecs, a parlé de ces choses avec beaucoup de discernement, et Cassianus a fait de même dans son premier des Exégétiques, néanmoins, la mention que j’en ai faite exige une revue rapide de ce qui a été dit sur ce sujet. Apion le grammairien, surnommé Pléistonicès, dans le quatrième livre de ses histoires égyptiennes, malgré la haine violente, qui l’animait tellement contre les Hébreux, en qualité d’Egyptien, qu’il composa un ouvrage exprès contre eux ; Apion, dis-je, en parlant d’Amosis, roi des Égyptiens et des événements qui ont rempli son règne, cite en témoignage Ptolémée de Mendès, et voici ses paroles :
« Amosis, qui démantela Abaris, régnait en même temps qn’Inachus le roi d’Argos, comme Ptolémée de Mendès l’a écrit dans ses chroniques. »
Ce Ptolémée était un prêtre qui a recueilli en trois livres tous les actes des rois Égyptiens ; il dit en parlant d’Amosis, que de son temps eut lieu le départ des Juifs de l’Égypte, sous la conduite de Moïse ; d’où résulte le synchronisme de Moïse et d’Inachus. L’établissement du royaume d’Argos, je veux parler de celui fondé par Inachus, est plus ancien que le royaume fondé par Hellenus, comme Denys d’Halicarnasse nous l’enseigne dans le livre des temps. Le royaume d’Athènes, fondé par Cécrops, fut de sept générations postérieur à celui-ci. Il eut pour fondateur Cécrops, dit διφυὴς (de deux natures) qui était Autochthon, originaire du pays : tout cela a été dit en propres termes par Tatien. Neuf générations plus tard, le royaume d’Arcadie eut pour fondateur Pélasge, qu’on déclare aussi avoir été Antochthon. Deux générations encore après celui-ci, vint le royaume de Phthiotie, fondé par Deucalion. Depuis Inachus jusqu’aux temps de Troie, on compte vingt générations ou dix-neuf, et pour le dire en un mot, 400 ans et plus. Or, on va voir la vérité de ce que dit Ctésias, quand il affirme que l’empire d’Assyrie est plus ancien de beaucoup d’années que les États de la Grèce ; c’est la 402e année de l’existence de cet empire, la 33e du règne de Belouchus, qui était son huitième souverain, que la sortie d’Égypte de Moïse eut lieu, sous Amosis, roi d’Égypte, et sous Inachus, roi d’Argos. En Grèce, ce n’est que sous Phoronée, successeur d’Inachus, qu’eut lieu le déluge d’Ogygès, aussi bien que la fondation du royaume de Sicyone, qui eut pour premier roi Aegialeüs, puis Europus, ensuite Telchis ; et celle de Crès en Crète. Acusilas nomme Phoronée, le premier des hommes. C’est delà que le poète de la Phoronide dit qu’il fut le père des hommes mortels, et que Platon, dans son Timée, suivant Acusilas, écrit :
« Alors voulant les amener à parler sur les antiquités, on le voit essayer de relater ce qu’il y a eu de plus ancien dans notre patrie, sur Phoronée, surnommé le premier des hommes ; sur Niobé, sur ce qui suivit le déluge. »
Sous Phorbas vivait Actœus, qui fit donner à l’Attique le nom d’Actaea ; sous Triopas naquirent Prométhée, Épiméthée et Atlas, Cécrops (διφυὴς) et Io. Sous Crotopus, on trouve l’embrasement de Phaéton et le déluge de Deucalion. Sous Sthénélas se place le règne d’Amphictyon, l’arrivée de Danaüs dans le Péloponnèse, la fondation de Dardanie par Dardanus, qui, dit Homère, fut le premier à qui Jupiter assembleur de nuages donna le jour ; puis le transport par mer d’Europe, de Phénicie dans la Crète. Sous Lyncée, l’enlèvement de Coré (Proserpine), la consécration du Temenos (enceinte sacrée), d’Éleusis, l’agriculture de Triptolème, l’arrivée de Cadmus à Thèbes, le règne de Minos. Sous Prœtus, la guerre d’Eumolpe contre les Athéniens. Sous Acrîsius, le passage de Pélops de Phrygie, l’arrivée d’Ion à Athènes, le second Cécrops, les aventures de Persée et de Bacchus : Orphée et Musée. Sous la dix-huitième année du règne d’Agamemnon, Ilion fut pris ; Démophoon, fils de Thésée, régnait alors à Athènes : ce fut le douzième jour du mois de Thargelion, la première année de son règne, à ce que dit Denys l’Argjen. Quanta Agis et Dercylus, ils placent cet événement au vingt-deuxième jour du mois Panemus, dans leur troisième livre : Hellaiiicus au douzième de Thargelion, et quelques-uns de ceux qui ont écrit les Ἀττικὰ, au vingt-deuxième du même mois, Ménesthée accomplissant la dernière année de son règne, la lune étant pleine. L’auteur de la petite Iliade l’a ainsi chanté :
« La nuit était à moitié, la lune se levait resplendissante. »
D’autres le mettent au même jour du mois de Scirophorion.
« Thésée, l’émule d’Hercule, avait précédé la guerre de Troie d’une génération ; Homère nomme Tlépolème, fils d’Hercule, comme ayant pris part à cette guerre. On prouve donc que Moïse a précédé de 604 ans l’apothéose de Bacchus ; puisqu’elle eut lieu la 32e année du règne de Persée, à ce que dit Apollodore dans ses chroniques. Depuis Bacchus jusqu’à Hercule, et les Aristées de Jason (les Argonautes), on compte un nombre de 63 ans. Esculape et les Dioscures en firent partie, à ce que dit Apollonius de Rhodes dans ses Argonautiques. Depuis le règne d’Hercule à Argos, jusqu’à sa consécration et celle d’Esculape, l’intervalle a été de 38 ans : toujours suivant le chronographe Apollodore. De là, jusqu’à l’apothéose de Castor et de Pollux, nous compterons 53 ans : ensuite vient la prise d’Ilion. Si l’on doit s’en rapporter au poète Hésiode :
« Maïa, fille d’Atlas, enfanta à Jupiter le glorieux Mercure, messager des immortels, en ayant partagé sa couche sacrée : Sémélé, fille de Cadmus, donna le jour à son illustre fils, Bacchus, qui répand la joie parmi les mortels. »
« Cadmus, père de Sémélé, vint à Thèbes sous le règne de Lyncée. Ce fut l’inventeur de l’alphabet grec. Triopas fut contemporain d’Isis, à la septième génération après Inachus. Il est des auteurs qui disent, que le nom d’Io lui a été donné, venant de Ἰέναι, pour marquer qu’en errant, elle avait été dans toute la terre. Istrus, dans son livre sur la colonisation des Égyptiens, dit qu’elle était fille de Prométhée. Or, Prométhée étant contemporain de Triopas, est à la septième génération après Moise ; en sorte, que Moise aurait précédé l’anthropogonie, chez les Grecs. Léon, celui qui a composé un traité sur les dieux de l’Égypte, dit qu’Isis est appelée, par les Grecs Δήμητρα, (Cérés), et qu’elle vécut sous Lyncée, onze générations après Moise. Apis, roi d’Argos, fonda Memphis, à ce que dit Aristippe, dans le premier livre de ses Arcadiques. C’est le même qu’on surnomma Sérapis, et qui est adoré sous ce nom, par les Égyptiens, à ce que dit Aristée d’Argos. Nymphodore d’Amphipolis, dans le troisième livre des mœurs de l’Asie, dit qu’Apis le taureau étant mort, il fut enseveli dans un cercueil, et déposé dans le temple du dieu qu’on adorait, et que de là, vint plus tard l’habitude de le nommer Soroapis, et par contraction Sarapis. Cet Apis, est le troisième roi, depuis Inachus. Enfin, Latone elle-même, n’a vécu qu’en même temps que Tityus, qui porta la main sur cette vénérable concubine de Jupiter (Odyssée, XI. v. 579). Or, Tityus appartient à l’époque de Tantale. Aussi le Béotien Pindare a-t-il raison, lorsqu’il dit :
Ἐν χρόνῳ δὲ γίνετ’ Ἀπόλλων.
Apollon naquit dans ce temps. Et cela n’a rien d’étonnant, quand on le voit au service d’Admète, en relation avec Hercule, pendant toute une année. Zethus et Amphion, les inventeurs de la musique, naquirent pendant la vie de Cadmus, et si l’on vient nous dire que Phémonoë, avant ce temps, rendait des oracles en vers, à Acrisius ; qu’on apprenne que 27 ans après elle, naquirent Orphée, Musée, et Linus, maître d’Hercule. Homère et Hésiode sont bien plus jeunes que la guerre de Troie, et bien plus jeunes encore que ceux-ci, sont les législateurs Grecs. Lycurgue et Solon, puis les sept sages ; après eux, Phérécyde de Syros et le grand Pythagore, qui sont du temps des Olympiades, comme nous l’avons fait voir. Il reste donc démontré que Moïse est plus ancien, non seulement que les hommes appelés sages, et les poètes des Grecs ; mais même que la plupart de leurs dieux. »
Voici les expressions de Clément ; mais les enfants des Hébreux aussi se sont livrés avec ardeur à l’examen de cette question ; il est donc à propos de donner un coup d’œil rapide à ce qu’ils en ont écrit. Je me bornerai à citer les paroles de Flavius Josèphe.