Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE VII

CHAPITRE XXIII
NÉPOS ET SON SCHISME

[1] En outre de tout cela, Denys travaille encore à deux écrits Sur les Promesses. Le sujet lui en fut fourni par Népos, évêque des Égyptiens : celui-ci enseignait que les promesses faites aux saints dans les divines Ecritures devaient être réalisées selon une interprétation tout à fait juive ; il imaginait qu'il y aurait un millier d'années de plaisirs corporels sur cette terre. [2] Il croyait du reste que sa propre opinion était confirmée par l'Apocalypse de Jean, et il avait composé sur ce sujet un ouvrage intitulé : Réfutation des allégoristes. [3] Denys se déclare contre lui dans les livres Sur les Promesses : au premier, il expose le sentiment qu'il avait sur la question ; dans le second, il traite de l'Apocalypse de Jean ; il y parle de Népos au début et il écrit ceci à son sujet :

[4] « Puisqu'ils apportent une œuvre de Népos sur laquelle ils s'appuient outre mesure, comme si elle démontrait d'une façon irréfragable que le royaume du Christ sera sur la terre, je déclare qu'en beaucoup d'autres choses je suis avec Népos et je l'aime à cause de sa foi, de son activité, de son ardeur pour les Écritures, de sa psalmodie abondante qui plaît encore maintenant à beaucoup de frères ; j'ai du reste un très grand respect pour cet homme d'autant plus qu'il est mort. Mais la vérité m'est chère, et plus digne d'honneur que tout ; il faut louer Népos et être d'accord avec lui sans restriction quand il parle avec justesse, mais le discuter et le redresser quand il semble ne pas avoir écrit sainement. [5] S'il était présent et s'il exposait ses pensées simplement de vive voix, il pourrait suffire d'un entretien verbal ; la question et la réponse produiraient la persuasion et amèneraient les adversaires à se réconcilier. Mais il y a un écrit qui paraît à certains très digne de créance, comme aussi des maîtres qui croient que la loi et les prophètes ne sont rien, qui se dispensent de suivre les Évangiles et ne font aucun cas des épîtres des apôtres, qui proclament que la doctrine de cet ouvrage est quelque chose de grand et un secret mystérieux, qui ne souffrent pas que les frères plus simples parmi nous aient une conception élevée et grande ni de l'avènement glorieux et vraiment divin de Notre Seigneur, ni de notre résurrection des morts, ni de notre réunion et ressemblance avec lui ; mais ils les persuadent que ce sont des choses de peu d'importance et mortelles, et pareilles à celles d'aujourd'hui qu'il faut espérer dans le royaume de Dieu. Il est nécessaire que nous aussi discutions avec Népos notre frère comme s'il était présent. »

[6] Voici ce qu'il ajoute à cela après autre chose : « J'étais donc à Arsénoé où, comme tu sais, depuis longtemps cette doctrine abondait, si bien qu'il y avait là des schismes et des apostasies d'églises entières ; j'appelai à une réunion les prêtres et docteurs des frères qui habitaient dans les bourgades ; en présence des frères et de leur consentement, je proposai de faire en public l'examen de l'ouvrage. [7] Ils m'avaient apporté ce petit livre comme une arme et un rempart inexpugnable ; je fus avec eux pendant trois jours de suite, du matin jusqu'au soir, conférant et m'efforçant de réfuter leurs écrits. [8] Là je m'étonnai fort du sens rassis des frères, de leur amour de la vérité, de leur facilité à suivre un raisonnement, de leur intelligence ; nous procédions en effet avec ordre et avec équité, proposant les questions, les doutes qui en résultaient et les points où l'on était d'accord. Nous nous efforcions de toutes façons et avec un soin jaloux de nous abstenir d'insister sur ce qui avait été une fois admis, lors même qu'il n'aurait point paru juste ; nous ne reculions pas devant les contradictions, mais autant qu'il était possible nous essayions d'aborder ce qui nous était proposé et de nous en rendre maîtres, n'ayant point honte, si la raison le demandait, de changer d'avis et de tomber d'accord avec l'adversaire ; mais avec une conscience droite, sans hypocrisie et avec simplicité de cœur devant Dieu, nous recevions ce qui était établi sur les preuves et les enseignements des Saintes Écritures. [9] Et à la fin, le chef et introducteur de cette doctrine, appelé Coracion, devant tous les frères présents qui l'entendaient, nous confessa et attesta qu'il n'y adhérerait plus, qu'il n'en discourrait plus, qu'il l'oublierait, qu'il ne l'enseignerait plus, parce qu'il avait été suffisamment convaincu par ce qui avait été objecté. Parmi le reste des frères les uns se réjouirent de cette conférence, comme aussi de l'accommodement et de la communauté de sentiment produites en tous. »

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