Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XVI

CHAPITRE I
Loi d'Hérode sur le vol par effraction, hostilité des Juifs ; voyage d'Hérode à Rome où il récupère ses fils ; haine de Salomé pour les fils d'Hérode ; mariage de ces derniers.[1]

Lois d’Hérode.

1. Dans l’administration générale de l’État, le roi prit à cœur de réprimer une à une les iniquités commises dans la ville et la campagne. A cet effet il établit une loi absolument différente des lois primitives, loi qu’il sanctionna personnellement et condamnait les coupables de vol par effraction à être vendus aux fins de déportation hors du royaume. Cette mesure ne constituait pas seulement un châtiment d’une dureté intolérable, mais une violation des coutumes nationales. En effet, le fait de subir l’esclavage chez des gens d’une autre race et pratiquant une autre manière de vivre, l’obligation de faire tout ce que ces gens-là ordonnaient, représentaient plutôt un attentat aux pratiques religieuses qu’un châtiment pour les condamnés, tandis que primitivement on s’en était tenu au genre de peine que voici. Les lois enjoignaient que le voleur payât le quadruple[2] du dommage causé, et que, s’il n’avait pas de quoi, il fût vendu, mais non pas à des gens de race étrangère, ni pour un esclavage perpétuel ; car il fallait l’affranchir au bout de six ans révolus. Au contraire, le châtiment dur et illégal fixé par la nouvelle ordonnance paraissait une marque d’arrogance et prince semblait l’avoir établi moins en roi qu’en tyran, sans aucun égard pour l’intérêt, commun de ses sujets. Comme le reste de sa conduite, cette législation provoquait contre lui des médisances et de l’hostilité.

[1] Ce chapitre n’est pas parallèle dans Guerre, qui ignore le premier voyage d’Hérode à Rome. Pour les § 8-11, cf. Guerre, I, 445-7, plus défavorables aux fils d’Hérode (T. R.).

[2] La législation mosaïque fixait la peine au quintuple pour le vol de gros bétail, et au quadruple pour le petit bétail (Exode, 21, 37). Les peines avaient-elles été unifiées avant Hérode, ou Josèphe simplifie-t-il à l’excès son exposé ?

Ses fils reviennent de Rome, sont calomniés par Salomé, se marient.

2. C’est à ce moment qu’il fit le voyage d’Italie, cédant à la fois au désir de rencontrer l’empereur et de voir ses fils qui séjournaient à Rome. Entre autres marques de bienveillance que lui prodigua l’empereur, il lui donna la permission de ramener dans sa patrie ses fils, dont il regardait les études comme désormais terminées. A leur retour d’Italie la foule s’enthousiasma pour ces jeunes gens : ils étaient l’objet de l’attention générale, parés de la grandeur de leur fortune et, dignes, par leur apparence, du rang royal.

Cependant ils furent immédiatement en butte à la haine de Salomé, sœur du roi, et de ceux qui avaient accablé Mariamne par leurs calomnies[3] ; ces derniers craignaient que les jeunes princes, s’ils arrivaient au trône leur fissent expier les crimes dont ils s’étaient rendus coupables envers leur mère. Au sujet même de leurs craintes ils surent tirer une calomnie contre eux en répandant la fable que c’était contre leur gré qu’ils vivaient avec leur père : la mort de leur mère leur faisait juger même criminel de demeurer en compagnie du meurtrier de celle qui les avait mis au monde. Fondant ainsi leur accusation sur des faits véritables pour lui donner de la vraisemblance, ils étaient en mesure de nuire et de saper la bienveillance que le roi éprouvait pour ses fils. Ils se gardaient bien, en effet, de rien dire ouvertement devant lui, mais ils faisaient pleuvoir des propos de ce genre parmi le reste du peuple et, par les rapports qui en revenaient à Hérode, ils excitaient sous main sa haine qui, avec le temps, devait l’emporter sur les liens naturels eux-mêmes. Cependant, à ce moment là, le roi, dont l’affection paternelle dominait encore tous les soupçons et les calomnies, donna à ses fils la part d’honneurs qui leur revenait, et, comme ils étaient en âge, leur choisit des épouses : à Aristobule la fille de Salomé, Bérénice, à Alexandre la fille d’Archélaüs, roi de Cappadoce, Glaphyra.

[3] Voir Antiq., XV, 62-87 et 213-236 ; Guerre, I, 438 sqq.

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