Préparation évangélique

LIVRE XI

CHAPITRE III
D’ARISTOCLÈS SUR LA PHILOSOPHIE DE PLATON

« Platon a, plus que qui que ce soit, placé la philosophie dans son vrai jour, et l’a portée à la perfection. Thalès et ceux qui l’ont suivi n’ont envisagé que les lois de la nature. Les Pythagoriciens ont tout enveloppé d’un langage mystérieux ; Xénophane et ses disciples, en soulevant des questions subtiles, et des controverses, n’ont apporté dans les études philosophiques que du vertige et du trouble, sans leur rendre aucun service réel : Socrate lui-même, plus que personne, n’a fait, suivant le proverbe, qu’apporter du feu sur du feu, comme Platon l’a confessé. Etant doué d’un esprit prodigieux et très habile à embarrasser ses adversaires sur toute espèce de sujet, il a soulevé, le premier, les questions sur la morale et sur la politique, aussi bien que sur la nature des idées, et le premier il a essayé de les résoudre ; mais en attaquant toutes les difficultés à la fois, et en étendant ses recherches à tout, il est mort avant d’avoir accompli sa tâche. D’autres ayant morcelé la philosophie, ont consacré leur vie à en étudier des parties : les uns s’adonnant à la médecine, les autres aux sciences mathématiques. Il en est qui n’ont étudié que les poètes et les musiciens : le plus grand nombre, frappés d’étonnement en voyant la puissance de l’éloquence, se sont donnée les uns pour orateurs, les autres pour dialecticiens. Parmi les successeurs de Socrate qui ont été nombreux, on en a vu de toutes les opinions, se combattant les uns et les autres ; ceux-ci ont célébré le cynisme, c’est-à-dire l’absence de toute recherche et l’insensibilité ; ceux-là, au contraire, ont vanté la volupté : les uns se targuaient de leur science qui s’étendait à tout ; les autres soutenaient simplement qu’ils ne savaient rien ; tels se vautraient sans décence, aux yeux du public, s’entretenant avec les premiers venus, tandis que d’autres passaient leur vie dans une retraite inabordable à tout le monde, et ne liant conversation avec personne. Platon cependant, ayant réfléchi qu’il devait exister une science des choses divines et une des choses humaines, en fit, le premier, la distinction : il dit que l’une avait pour objet l’étude de la nature universelle, que l’autre ne s’étendait qu’aux actions humaines ; qu’une troisième était applicable au langage. Il soutenait que nous ne pouvions pas pénétrer dans la connaissance de l’humanité, si nous ne l’avions fait précéder par la science des choses divines. De même que les médecins, avant de se livrer à la thérapeutique des parties du corps, se préoccupent de l’état des corps entiers ; de même le philosophe qui veut considérer les choses d’ici-bas, doit auparavant connaître la nature de l’univers, dont l’homme n’est qu’une partie ; et le bien étant double, celui qui s’applique à nous et celui de l’ensemble, celui de l’ensemble doit être préféré comme prédominant·, c’est par lui en effet que le nôtre est produit. Aristoxène, le musicien, rapporte le propos suivant des Indiens : Un habitant de cette contrée se trouvant à Athènes, aborda Socrate, et lui demanda comment il s’y prenait pour enseigner la philosophie : c’est, dit Socrate, en recherchant ce qui intéresse la vie des hommes. Sur quoi l’Indien se prit à rire, en disant qu’il ne pouvait pénétrer dans la connaissance de l’homme, s’il ignorait les choses divines ; car quelque effort qu’il fît, il ne pourrait jamais être certain de la vérité ou de l’erreur de ce qu’il enseignerait. C’est pour cela que Platon a divisé la philosophie en trois, celle qui considère l’universalité des choses, celle qui a pour objet la politique, enfin la logique. »

Ayant reconnu que telle était la philosophie platonicienne, il est temps d’examiner celle des Hébreux, qui a précédé la philosophie de Platon d’un temps considérable, et qui procède comme le faisait celle-ci. Vous trouverez chez eux, en vous y appliquant, une division tertiaire, tout à fait en accord avec celle des Grecs, qui donne les enseignements de la morale, de la logique et des sciences physiques.

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