Moïse, dans son inspiration, ayant rendu cet oracle, comme proféré par la bouche de Dieu : « Je suis celui qui est. Vous direz ainsi aux enfants d’Israël : celui qui est, m’a envoyé vers vous. » Par ces expressions, a donné à comprendre hautement qu’il n’y avait qu’un Dieu, et que lui seul méritait qu’on lui donnât ce nom, qui n’appartient qu’à lui et ne convient qu’à lui. Salomon s’étant écrié, en enseignant comment tous les corps sensibles naissent et périssent, « Qui a été autrefois ? ce qui doit être un jour, il n’y a rien de nouveau sous le soleil : qui est-ce qui dira voici que cela est nouveau ? cependant cela a eu lieu dans les siècles qui nous ont précédé, et qui sont bien loin de nous (Eccl. 1.9 et 10) » En conformité de ces doctrines, nous dirons que toutes les substances se divisent en deux : celles intellectuelles et celles qui tombent sous les sens. Ce qui est intellectuel, est par sa nature incorporel, doué de raison, impérissable et immortel. Ce qui est soumis aux sens, est dans un écoulement perpétuel qui tend à la dissolution, et n’a d’existence que par la mobilité et le changement. Toutes ces choses étant ramenées à un principe unique, nous offrent une substance simple, ingénérée, le propre et véritable être des dogmatistes, cause de tout ce qui existe, tant corporel qu’incorporel. Maintenant, voyez de quelle manière Platon, ayant calqué non seulement la pensée, mais les phrases, et jusqu’aux mots de l’écriture des Hébreux, s’approprie cette doctrine, en la développant et l’éclaircissant ainsi qu’il suit : « Qu’est-ce qui existe de tout temps et qui n’a point été engendré ? qu’est-ce qui est toujours engendré, sans avoir jamais une existence réelle ? Le premier n’est compréhensible que par la pensée, à l’aide du raisonnement, étant toujours dans les mêmes conditions d’existence. Le second n’étant imaginé qu’au moyen des sens dépourvus d’intelligence, naissant et mourant, n’est jamais, à proprement parler, et en réalité, existant. » Est-ce que ce grand philosophe n’a pas clairement développé l’oracle que nous avons rappelé de Moïse : Je suis celui qui est ; en le transformant de lui-même dans ces termes : « Qu’est-ce qui existe de tout temps, sans avoir été jamais engendré ? et en l’ayant encore plus clairement fait comprendre, lorsqu’il dit que l’être n’est pas autre chose, que ce qui n’étant pas saisissable par les yeux de la chair, ne se perçoit que par l’entendement. S’étant interrogé sur ce qu’est l’être, il se répond à lui-même, en disant : « C’est ce qui n’est compréhensible que par la pensée à l’aide du raisonnement. Le mot de Salomon étant ainsi conçu : qu’est ce qui a été produit ? ce qui doit encore se produire. Qu’est-ce qui a été fait ? ce qui doit encore se faire. On verra que Platon l’a interprété à peu près dans les mêmes termes : « Ce qui n’est concevable qu’au moyen de sens dépourvus d’intelligence ; qui naît et qui meurt, n’est, à proprement parler, jamais existant. » A quoi il ajoute : « Toutes les divisions pareilles du temps, le, était, le, sera. C’est à tort et sans nous en apercevoir, que nous les incorporons dans l’existence éternelle. Nous disons en effet, était, est, sera ; mais il n’y a que est, qui convienne au langage vrai, était et sera, ne peuvent être dits que de ce qui est engendré dans les temps ; car ce sont des motions. Ce qui est, est toujours et inébranlablement dans les mêmes termes, il ne lui convient pas d’être ni plus vieux ni plus jeune, dans l’ordre des temps, ni de naître dans le passé, ni d’être né dans le présent, ni de devoir naître un jour absolument parlant, en un mot, rien ne lui appartient de ce qui est engendreraient, dans les choses soumises aux sens.
« Toutes ces expressions sont des manières d’être du temps, qui étant renfermé dans les nombres veut cependant imiter l’éternité, en s’exprimant de cette sorte : savoir, que le passé est passé que le présent, est présent, quel avenir est l’avenir. » Toutefois, de peur que l’on ne suppose que nous avons donné un sens erroné aux paroles du philosophe, je vais citer des commentaires qui vous donneront la véritable acception dans laquelle elles doivent être entendues : Un grand nombre d’interprètes se sont en effet appliqués à découvrir la pensée qui les a dictées. Il me suffira maintenant de transcrire les explications dues à Numénius le Pythagoricien, qui est fort honorablement connu : elles sont tirées du second tome de son livre du Bien.