Histoire ecclésiastique - Eusèbe de Césarée

LIVRE VIII

CHAPITRE VII
LES ÉGYPTIENS EN PHÉNICIE

[1] Nous savons certes ceux d'entre eux qui se sont illustrés en Palestine, mais nous connaissons aussi ceux qui ont brillé à Tyr en Phénicie. A les voir, qui n'aurait été frappé d'admiration ayant devant soi les interminables flagellations, et, sous les coups, la patience des athlètes vraiment merveilleux de la religion, et aussitôt après les fouets, le combat contre les fauves qui devaient les dévorer, et les bonds de léopards, d'ours divers, de sangliers sauvages et de taureaux aiguillonnés avec le feu et le fer, et l'étonnante constance de ces hommes généreux contre chacune de ces bêtes ? [2] Nous avons nous-même assisté à ces scènes et alors nous avons vu que la puissance divine de notre Sauveur, de Jésus-Christ lui-même, à qui il était rendu témoignage, était présente et se manifestait visiblement aux martyrs : les bêtes dévorantes pendant longtemps n'osaient ni toucher ni même approcher les corps des amis de Dieu ; mais elles se précipitaient contre les autres chaque fois que, du dehors, ils les stimulaient par des excitations ; cependant les saints athlètes étaient seuls, debout, sans vêtements, agitant les mains pour attirer les bêtes vers eux-mêmes (car il leur était ordonné de faire cela) et ils n'étaient absolument pas touchés. Si parfois elles s'élançaient contre eux, comme par une force tout à fait divine elles étaient brusquement arrêtées et elles revenaient en arrière.

[3] Ce spectacle au reste se prolongeait et il ne se présentait pas seulement un rapide instant à ceux qui regardaient ; ainsi, après qu'une première bête n'avait rien fait, on en lâchait une seconde, puis une troisième contre un seul et même martyr. [4] Il était alors loisible d'être frappé de la force intrépide de ces saints et du courage inflexible qui était venu dans ces jeunes corps. C'est ainsi qu'on voyait l'âge d'un jeune homme qui n'avait pas vingt ans accomplis ; il se tenait debout sans lien, étendant les mains en forme de croix, et avec une âme sereine et tranquille, il prolongeait à loisir les prières qu'il adressait à la divinité, ne bougeant absolument pas du lieu où il se tenait, ne faisant pas un mouvement pour s'en écarter ; cependant des ours et des léopards, respirant la fureur et la mort, touchaient presque sa chair, mais je ne sais comment, grâce à une puissance divine et mystérieuse, ils avaient pour ainsi dire la gueule formée et ils revenaient en arrière en courant. Tel était ce martyr.

[5] On en a pu voir d'autres encore (car ils étaient cinq en tout) jetés devant un taureau furieux ; celui-ci lançait en l'air avec ses cornes tous ceux qui nous étaient étrangers et qui l'approchaient, il les déchirait et les laissait à demi morts ; les saints martyrs, vers lesquels il se précipitait en colère et menaçant, furent les seuls qu'il ne put pas approcher ; il frappait des pieds et des cornes de côté et d'autre ; les excitations qu'on lui infligeait avec les fers rouges lui faisaient exhaler la fureur et la menace ; mais la sainte Providence le ramenait en arrière, si bien qu'il ne fit jamais aucun mal aux chrétiens et qu'on lâcha contre eux quelques autres bêtes. [6] Enfin cependant, après ces assauts terribles et variés, ils furent égorgés par le glaive et tous, au lieu d'être ensevelis en terre et dans des tombeaux, furent jetés dans les flots de la mer.

Telle fut la lutte des Égyptiens qui à Tyr donnèrent le spectacle des combats pour la religion.

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