1. A ce moment il y eut un conflit entre Arétas, roi de Pétra, et Hérode pour la raison suivante. Le tétrarque Hérode avait épousé la fille d'Arétas et vivait avec elle depuis longtemps. Partant pour Rome, il descendit chez Hérode, son frère, fils d'une autre mère, car il était né de la fille du grand pontife Simon. Or, le tétrarque s'éprit de la femme de celui-ci, Hérodiade, qui était la fille d'Aristobule, un autre de ses frères, et la sœur d'Agrippa le Grand ; et il eut l'audace de lui parler de l'épouser. Elle y consentit ; ils convinrent qu'elle cohabiterait avec, lui dès son retour de Rome et qu'il répudierait la fille d'Arétas. Il s'en alla donc à Rome après avoir conclu ce pacte. Quand il revint, ayant réglé à Rome les affaires pour lesquelles il s'y était rendu, sa femme, instruite de son accord avec Hérodiade, le pria, avant qu'il eût découvert qu'elle savait tout, de l'envoyer à Machaero[1] — sur les confins du territoire d'Arétas et de celui d'Hérode — sans rien dévoiler de ses intentions. Hérode l'y envoya, supposant que sa femme ne se doutait de rien. Mais elle, qui avait envoyé quelque temps auparavant des émissaires à Machaero, lieu dépendant alors de son père, y trouva préparé par le commandant tout ce qui était nécessaire à son voyage. A peine y fut-elle arrivée qu'elle se hâta de gagner l'Arabie, en se faisant escorter par les commandants de postes successifs ; elle arriva aussi vite que possible chez son père et lui révéla les intentions d'Hérode. Arétas chercha un prétexte d'hostilités dans une contestation au sujet des frontières du territoire de Gamala. Tous deux réunirent leur armée en vue de la guerre et y envoyèrent à leur place des généraux. Une bataille eut lieu et toute l'armée d'Hérode fut taillée en pièces à cause de la trahison de transfuges qui, tout en appartenant à la tétrarchie de Philippe, étaient au service d'Hérode, Hérode manda cette nouvelle à Tibére. Celui-ci, irrité de l'incursion d'Arétas, écrivit à Vitellius de lui faire la guerre et de le ramener enchaîné, s'il le prenait vivant, ou d'envoyer sa tête s'il était tué. Tels furent les ordres donnés par Tibère au proconsul de Syrie.
[1] Forteresse construite par Alexandre Jannée à l'est de la Mer Morte.
2. Or, il y avait des Juifs pour penser que, si l'armée d'Hérode avait péri, c'était par la volonté divine et en juste vengeance de Jean surnommé Baptiste[2]. En effet, Hérode l'avait fait tuer, quoique ce fût un homme de bien et qu'il excitât les Juifs à pratiquer la vertu, à être justes les uns envers les autres et pieux envers Dieu pour recevoir le baptisme ; car c'est à cette condition que Dieu considérerait le baptême comme agréable, s'il servait non pour se faire pardonner certaines fautes, mais pour purifier le corps, après qu'on eût préalablement purifié l'âme par la justice. Des gens s'étaient rassemblés autour de lui, car ils étaient très exaltés en l'entendant parler. Hérode craignait qu'une telle faculté de persuader ne suscitât une révolte, la foule semblant prête à suivre en tout les conseils de cet homme. Il aima donc mieux s'emparer de lui avant que quelque trouble se fût produit à son sujet, que d'avoir à se repentir plus tard, si un mouvement avait lieu, de s'être exposé à des périls. A cause de ces soupçons d'Hérode, Jean fut envoyé à Machaero, la forteresse dont nous avons parlé plus haut, et y fut tué. Les Juifs crurent que c'était pour le venger qu'une catastrophe s'était abattue sur l'armée, Dieu voulant ainsi punir Hérode.
[2] Cf. Mathieu XIV, 1-12 ; Marc XIV, 17 ; Luc III, 1-3 et 19.
3. Après avoir fait des préparatifs de guerre contre Arétas et s'être mis à la tête de deux légions, de toutes les troupes légères et de la cavalerie qui y étaient attachées, guidé par les rois soumis aux Romains, Vitellius se hâta vers Pétra et occupa Ptolémaïs. Comme il se préparait à faire traverser la Judée par son armée, les principaux citoyens vinrent le trouver et essayèrent de le détourner de passer par leur pays, car il n'était pas conforme à leur tradition de laisser transporter des images ; or, il y en avait beaucoup sur les enseignes[3]. Déférant à leur demande, il changea les résolutions qu'il avait prises à ce sujet. Ayant ordonné à ses troupes de marcher par la grande plaine[4], lui-même monta avec le tétrarque Hérode et ses amis à Jérusalem, pour sacrifier à Dieu pendant la fête nationale des Juifs qui y avait lieu. Il y assista et fut reçu avec honneur par la foule des Juifs ; il séjourna là pendant trois jours et destitua de la grande-prêtrise Jonathas pour la transmettre à son frère Théophile. Le quatrième jour il reçut une lettre qui lui apprenait la mort de Tibère et il fit jurer par le peuple fidélité à Caius. Il rappela aussi l'armée pour faire hiverner chacun dans ses foyers, parce qu'il n'avait pas le pouvoir nécessaire pour faire la guerre comme avant, maintenant que l'empire était aux mains de Caius.
[3] Voir 53-39. l'incident analogue, mais plus grave, provoqué par Ponce-Pitate.
[4] XX, 198 ferait penser à la vallée du Jourdain, mais il semble s'agir plutôt de la région de Narareth.
On raconte qu'Arétas, prenant les auspices à l'annonce de l'expédition de Vitellius, dit que cette armée ne pourrait arriver à Pétra, car on verrait survenir la mort soit du chef qui avait ordonné cette guerre, soit de celui qui se disposerait à obéir à son ordre, soit de celui en faveur de qui l'expédition était préparée. Vitellius retourna à Antioche.
Agrippa, fils d'Aristobule, était parti pour Rome, l'année précédant la mort de Tibère, afin de traiter de ses affaires avec l'empereur dès qu'il en aurait la possibilité. Je veux donc parler plus longuement de la situation d'Hérode et de sa famille, d'abord parce que cet exposé importe à l'histoire, et aussi parce que c'est une manifestation de la providence divine, prouvant que rien ne sert, d'avoir le nombre, ou toute autre des forces qu'emploient les hommes, sans la piété envers Dieu, puisqu'en l'espace d'un siècle presque tous les descendants d'Hérode, pourtant fort nombreux, disparurent. La connaissance de leur malheur pourrait encore servir à rendre le genre humain plus sage, ainsi que le récit de la vie tout à fait étonnante d'Agrippa qui, de simple particulier, s'éleva, contre l'attente de tous ceux qui le connaissaient, à un tel degré de puissance. J'ai déjà parlé d'eux[5] auparavant, mais maintenant j'en parlerai de façon précise.
[5] Voir XVII, 19-22.
4. Hérode le Grand eut deux filles de Mariamne, fille d'Hyrcan : Salampsio qui épousa son cousin Phasaël, fils de Phasaël, frère d'Hérode, à qui elle avait été donnée en mariage par son père, et Cypros qui, elle aussi, épousa un de ses cousins, Antipater, fils de Salomé, sœur d'Hérode. Phasaël eut de Salampaio cinq enfants : Antipater, Alexandre, Hérode et deux filles, Alexandra et Cypros. Celle-ci épousa Agrippa, fils d'Aristobule, et Alexandre épousa Timios, un des principaux citoyens de Chypre, chez qui elle mourut sans enfants. Cypros eut d'Agrippa deux garçons et trois filles nommées Bérénice, Mariamme, Drusilla ; les garçons s'appelaient Agrippa et Drusus. Drusus mourut avant l'adolescence. Agrippa fut élevé par son père...[6] avec les autres frères Hérode et Aristobule ainsi que Bérénice et les fils d'Hérode, fils d'Hérode le Grand. Cette Bérénice était la fille de Costobar et de Salomé, sœur d'Hérode. Aristobule les laissa encore tous petits quand il fut tué par son père avec son frère Alexandre, ainsi que nous l'avons relaté[7]. Une fois adolescent, cet Hérode, frère d'Agrippa, épousa Mariamme, fille d'Olympias, elle-même fille du roi Hérode et de Joseph, le même fils de Joseph, frère du roi Hérode ; il eut d'elle un fils, Aristobule. Le troisième frère d'Agrippa. Aristobule, épousa Iotapé, fille de Sampsigéramos, roi d'Emèse, et ils eurent une fille sourde nommée aussi Iotapé. Tels furent les enfants des fils. Quant à Hérodiade leur sœur, elle épousa Hérode, qu'Hérode le Grand avait eu de Mariamne, la fille du grand-pontife Simon ; et ils eurent pour fille Salomé, après la naissance de laquelle Hérodiade, au mépris des lois nationales, épousa, après s'être séparée de son mari encore vivant. Hérode, frère consanguin de son premier mari qui possédait la tétrarchie de Galilée. Sa fille Salomé épousa Philippe, fils d'Hérode, tétrarque de Trachonitide, et comme il mourut sans laisser d'enfants, elle épousa Aristobule fils d'Hérode, frère d'Agrippa ; elle en eut trois fils : Hérode, Agrippa, Aristobule. Telle fut la descendance de Phasaël et de Salampsio.
[6] Lacune. L'auteur passe à la descendance d'Aristobule et de Salomé (voir Guerre, I, 552).
[7] Voir XVI, 394.
Quant à Cypros, elle donna à Antipater une fille, Cypros, qui épousa Alexas Helcias, fille d'Alexas ; ils eurent une fille, Cypros. Hérode et Alexandre qui, comme je l'ai dit, étaient les frères d'Antipater, moururent sans enfants. Alexandre, fils du roi Hérode, qui fut tué par son père, avait eu de la fille d'Archélaüs, roi de Cappadoce, deux fils, Alexandre et Tigrane. Tigrane, roi d'Arménie, mourut sans enfants pendant qu'il était accusé à Rome. Alexandre eut un fils nommé Tigrane comme son frère, qui fut envoyé par Néron régner sur l'Arménie et qui eut un fils, Alexandre ; ce dernier épousa Jotapé, fille d'Antiochus, roi de Commagène, et Vespasien le nomma roi de[8]... en Cilicie. Quant à la descendance d'Alexandre, elle abandonna dès sa naissance l'observance des coutumes juives et adopta à leur place les usages des Grecs. Les autres filles du roi Hérode moururent sans postérité. Les descendants d'Hérode que je viens d'énumérer subsistaient au moment où Agrippa le Grand reçut le titre de roi, et j'ai déjà exposé leurs liens de parenté. Je vais maintenant raconter les aventures qui arrivèrent à Agrippa et comment il y échappa pour monter au comble de la puissance et des dignités.
[8] ἡσιόδος AMW Νησῖδος Ernesti Νησιάδος Harduin.