Lorsque David voulut bâtir une maison à l’Éternel, l’Éternel lui fit savoir par Nathan qu’il n’aurait pas cet honneur. « C’est moi, lui dit-Il, qui te bâtirai une maison, j’affermirai à jamais ta postérité sur ton trône » (2 Samuel ch. 7 et 1 Chroniques ch. 17, § 165). Cette importante prophétie, dont on connaît par cœur les principaux traits, — « je ferai lever ta postérité après toi et j’affermirai son règne, je lui serai père et il me sera fils ; que s’il commet quelque iniquité, je le châtirai avec mesure, je ne le détruirai pas, et ma miséricorde ne se retirera point de lui », — fait époque dans l’histoire des prophéties messianiques.
[Ne craignons pas de prendre à la lettre l’éternelle durée de la race de David (Psaumes 89.37). Elle pourra être humiliée, mais non pas à jamais (1 Rois 11.39) ; les rois de Juda peuvent être rejetés de Dieu, chacun individuellement ; mais la perpétuité de leur race n’est jamais mise en question. La couronne de David pourra être enlevée, mais il se trouvera bien, une fois ou l’autre, quelqu’un qui mérite de nouveau de la porter (Ézéchiel 21.31). La cime du cèdre qui représente la famille de David, peut être brisée ; le cèdre subsiste (ch. 17). Nébukadnézar (l’aigle) peut fort bien emporter dans une grande ville de commerce (Babylone) la cime du cèdre (Jéhojakin). Il ne laissera pas d’en replanter un rameau (Sédécias) dans le pays des cèdres.]
C’est de la maison de David, et non plus seulement de la tribu de Juda, que sortira le Messie, et le Messie sera un roi (§ 165). Mais quelle en est après tout la portée ? Concerne-t-elle toute la postérité, ou bien seulement un des fils de David ? Evidemment, pour peu qu’on lise 2Sam. ch. 7 avec quelque attention, on voit se dégager en quelque sorte de la postérité de David un personnage auquel se rapportent tout particulièrement ces précieuses promesses ; voyez surtout 1 Chroniques 17.11 : « Je ferai lever de ta postérité après toi un de tes fils et j’établirai son règne. » Cependant, il ne faudrait pas, pour ce qu’on pourrait appeler la cime de cette prophétie, en négliger la base. David lui-même estime que toute sa maison est au bénéfice de la parole de Nathan (2 Samuel 7.25). La postérité de David, c’est toute sa postérité, et non pas seulement un des anneaux de cette longue chaîne. C’est d’abord Salomon (1 Chroniques 22.9 ; 1 Rois 5.5). Mais ensuite, ce sont tous les descendants de David (Psaumes 89.30 ; 132.11). Le Messie n’est donc que le point culminant de cette prophétie.
Les dernières paroles de David « de l’homme qui a été haut élevé, de l’oint du Dieu de Jacob » (2 Samuel 23.1), nous montrent combien la prophétie de Nathan avait fait réfléchir les esprits. L’idée avait produit l’idéal. L’idée du royaume avait fait sentir le besoin du roi. Il y a un certain nombre de passages, comme par exemple : Psaumes 21.5-7 ; 61.7. « Tu as donné au roi une prolongation de jours à perpétuité — Il demeurera toujours en la présence de Dieu », qui ne doivent pas trop nous étonner ; il est assez naturel de transporter à un roi déterminé l’idée de perpétuité qui en réalité n’appartient qu’à sa race. Mais dans 2 Samuel 23.3, il y a plus que cela. Salomon lui-même dans toute sa gloire est loin de correspondre à l’image de ce roi qui domine sur les hommes avec justice, qui règne dans la crainte de Dieu et qui inaugure une ère de prospérité sans mélange.
Ceci nous amène aux Psaumes messianiques (2, 45, 72 et 110), à l’égard desquels il existe trois principaux modes d’interprétation. Calvin, par exemple, les rapporte à tel ou tel roi bien déterminé et bien connu dans l’histoire, mais dont les traits sont plus ou moins idéalisés, en sorte que, dans la réalité, aucun monarque ne répond absolument au tableau qui en est tracé. Ainsi, quel est le roi qui ait jamais reçu pour héritage les nations (Psaumes 2.8), et à qui Dieu ait donné le droit de posséder les bouts de la terre ? Ou bien, quel est le monarque qui ait été en même temps roi et sacrificateur à toujours ? (Psaumes 110.4) Par ce côté donc ces Psaumes cessent d’être historiques et deviennent prophétiques.
Hengstenberg, Umbreit et d’autres en font des hymnes directement messianiques ; c’est la pensée du grand roi qui remplit l’esprit du Psalmiste ; pour un royaume tel qu’il se le représente, il faut un chef extraordinaire à tous égards, et ce chef, c’est le Messie.
Des troisièmes enfini distinguent entre le sens primitif de ces Psaumes, qui est tout historique, et en vertu duquel ils se rapportent à l’un des rois qui ont régné à Jérusalem, — et le sens qu’on leur a donné plus tard, lorsqu’on en a fait usage et qu’on s’en est servi dans le culte pour entretenir et vivifier dans le peuple l’espérance messianique.
i – H.. Schultz, Etudes et critiques, 1866. 1er cahier, et Théol, de l’A. T., Il, 336.
Pour nous, nous pensons qu’il ne faut pas vouloir soumettre tous les Psaumes messianiques à la même règle.
[Comment supposer que le Psaume 45 soit, dans la pensée de son auteur, une allégorie de l’union d’Israël avec son Dieu ? Est-ce une pensée digne de l’A. T. que celle qui se trouverait ainsi cachée dans le v. 11l ? Israël doit-il vraiment oublier son peuple et sa patrie pour s’unir au Messie ? Qu’est-ce que cela pourrait signifier ? Le Targoum, pour justifier ce verset, cite Josué 24.14 ; Gerlach en affaiblit le sens ; Hengstenberg rappelle Genèse 12.1 ; tout autant d’expédients qui prouvent dans quel embarras se trouvent les plus habiles partisans de l’interprétation purement allégorique de ce Psaume. L’épouse est évidemment une païenne, et je préférerais de beaucoup l’explication de H.-A. Hahn, qui y voit l’image de l’introduction des païens dans le royaume de Dieu.]
Le Psaume 45 donne pleinement raison à Schultz ; il a été composé à l’occasion du mariage d’un roi, de Salomon peut-être ; mais plus tard on s’en est servi dans le culte comme d’un chant messianique, ainsi qu’on peut le conclure avec une grande probabilité des interprétations qu’en ont données les plus anciens Rabbins juifs. Pour le Psaume 2, en revanche, qui parle d’un roi qui a des droits sur la terre entière ; pour le Psaumes 72, qui soupire après l’avènement du prince de paix dont le règne sera sans fin, qui s’occupera tout spécialement des petits et des pauvres, et à qui rendront hommage tous les peuples du mondej ; et enfin, pour le Psaume 110, qui nous apprend à voir dans le futur vainqueur du monde le souverain sacrificateur suprême, — l’interprétation directement messianique est évidemment la vraie. Quiconque s’en tient à l’interprétation purement historique, se condamne à appauvrir misérablement le sens de maints passages, ou à recourir bien souvent à l’hyperbole.
j – Le v. 17 est la reproduction littérale de Genèse 22.18.
[David et Salomon ont quelquefois rempli des fonctions sacerdotales (1 Chroniques 29.10 ; 1 Rois 8.24) ; mais l’union de la royauté et du sacerdoce eu une seule personne, comme c’est le cas pour Melchisédek, est inadmissible au point de vue même de la théocratie. Et c’est précisément parce que Psaumes 110.4, exprime une idée toute nouvelle et annonce quelque chose d’inouï, que l’Éternel fait intervenir un serment solennel. — Nous reparlerons au § 234 de cette union de la royauté et du sacerdoce dans la personne du Messie.]