Maintenant, le prophète identifiait-il dans sa pensée le serviteur de l’Éternel mourant pour ramener son peuple à Dieu, avec le Messie, le grand fils de David, au règne glorieux et à la vaste domination, — ou bien les considérait-il comme deux personnages distincts ? C’est là une question qu’il est difficile de trancher. D’une manière générale, il faut reconnaître qu’Esaïe ch. 53 nous décrit le serviteur de l’Éternel au point de vue du bien qu’il fera à son peuple par sa mort expiatoire, bien plutôt qu’au point de vue de la gloire à laquelle il pourra élever le royaume d’Israël. Au chap. 60, c’est de même du peuple de Dieu et de sa gloire future qu’il est question, bien plutôt que de la gloire de son roi. Il n’y a dans toute la seconde partie d’Esaïe qu’un seul passage qui fasse allusion aux promesses messianiques faites autrefois à David. C’est Ésaïe 55.3.
[« Je traiterai avec vous une alliance éternelle, pour rendre stable la miséricorde promise, à David. Voici, j’ai donné David aux peuples pour leur servir de témoin, de conducteur et de chef. » J’ai donné David aux peuples, et non pas Israël, comme l’exigerait l’interprétation aujourd’hui la plus répandue. Or David, c’est le fils de David, c’est le Messie.]
Or on peut rapprocher ce verset de Ésaïe 53.12, qui nous montre le serviteur de l’Éternel partageant le butin avec les puissants. Mais rien n’indique positivement que le prophète ait lui-même opéré ce rapprochement.
D’un autre côté, Ewald est décidément dans le faux quand il prétend que le prophète a distingué entre le rôle matériel et le rôle spirituel du Messie, et qu’il a attribué le premier à Cyrus, et le second seulement au serviteur de l’Éternel. Cyrus est bien l’instrument dont Dieu se sert pour délivrer Israël, mais il ne nous est montré nulle part comme le roi qui doit établir le règne de Dieu sur la terre.
Dans Zacharie, en revanche, le Messie apparaît bien décidément comme le grand prêtre qui expie les péchés de son peuple. Le Messie de Zacharie est roi et sacrificateur. Voyez Zacharie 3.8. Au commencement du chapitre le prophète annonce au peuple que son souverain sacrificateur actuel est agréable à Dieu, que Dieu daigne l’accepter ; mais plus loin il déclare néanmoins que l’ère de la grâce est encore à venir. Le vrai souverain sacrificateur, que le sacerdoce actuel ne fait que préfigurer, est encore à venir : c’est le Germe, le fils de David, que vous avez encore à attendre. Voyez aussi Zacharie 6.9-15. La double couronne qui est déposée sur le front de Jéhosçuah représente l’union du pouvoir royal et de la dignité sacerdotale en la personne du Messie.
[En effet, le v. 13, qui a été si souvent mal compris, se rapporte au Messie, et non point à un second personnage, qu’on fait surgir ici on ne sait d’où ni pourquoi. Le והיה de v. 13, ne peut avoir pour sujet que le Germe, et il n’est point question de deux personnes dans ce verset.]
Le Messie est donc un sacrificateur. Que serait-ce si nous trouvions dans les prophètes un passage qui nous le dépeignit positivement comme une victime ? Eh bien ! quand il est écrit dans Zacharie 12.10 : « Je répandrai sur eux l’esprit de grâce et de supplication et ils regarderont à moi qu’ils ont percé », il est évident qu’il s’agit ici de la mort d’un être de telle nature que les coups qui l’ont percé ont en quelque sorte percé l’Éternel lui-même. Hitzig n’aurait jamais dû dire qu’il s’agit ici du meurtre d’un prophète. Un prophète pourrait-il être mis sur le même pied que le roi Josias ? Non ! ce grand roi transpercé ne peut être personne d’autre que le Pasteur et le Parent de l’Éternel, qui cherche en vain à réconcilier son peuple avec Dieu, qui n’est récompensé de ses généreux efforts que par d’indignes traitements (Zacharie 11.4-14), et qui finit par être frappé par l’épée (Zacharie 13.7). L’ancienne théologie juive elle-même donne raison à ceux qui rapportent au Messie le grand chap. 12 de Zacharie ; car, dans l’impossibilité où elle était d’admettre un Messie souffrant, et dans l’obligation où elle n’était pas moins de rapporter cette prophétie à un Etre divin, elle a inventé, tout exprès pour ce passage, un second Messie, le Messie, fils de Joseph, celui qui succombera dans la lutte contre Gog et Magog !
Pour ce qui est enfin du « Messie-prince ou conducteur, משיח נגיד », de Daniel 9.25, tôt après la mort duquel Jérusalem sera détruite, on y a souvent vu le Messie (Hengstenberg entre autres). Mais le contexte exige d’y voir plutôt Onios iii, le grand prêtre assassiné du temps des Macchabées. Le passage tout entier se rapporte au temps des Macchabées. Ce qui n’empêche aucunement d’y voir un type de la mort du Messiej.
j – Quant aux idées que les Juifs non inspirés se faisaient du Messie, voyez dans Herzog l’article Messie.