« Jéhovah a fondé la terre par la sagesse, חכמה, et agencé les cieux par l’intelligence, תבונה par sa science, דעת, les abîmes s’ouvriront et les nuées distillent la rosée. » Voilà ce que nous lisons dans Proverbes 3.19. Ainsi donc, il est bien entendu que l’intelligence divine (νοῦς) a présidé à la création et préside encore à la conservation du monde, de telle sorte que l’homme qui réfléchit peut trouver partout la trace de la pensée de Dieu.
Mais, si la sagesse n’apparaît ici que comme un attribut divin, le fameux chap. 8 des Proverbes, nous en parle comme d’une personne, et nous en cite les paroles : « L’Éternel m’a préparée, (קנה, et non pas « m’a possédée. »), comme commencement de sa voie (c’est-à-dire de son activité), avant ses œuvres (קדם, proprement comme ce qui devait, précéder ses œuvres). J’ai été installée de toute éternité, מאד, depuis le commencement, dès avant l’origine de la terreb. En effet, quand l’Éternel préparait les cieux, j’étais là, j’étais auprès de Lui, fidèle ouvrière, אמוד, v. 30 ; j’étais allégresse tous les joursc, me jouant devant Lui continuellement, jouant sur le disque de sa terre et faisant mes délices des enfants des hommes. » On est pleinement en droit d’étendre à Dieu ce qui est dit ici de la Sagesse, et de dire que Dieu a créé l’univers librement, sans aucun effort et avec une joie intime à la vue des êtres sans fin qui sortaient du néant à sa voix. Il n’en est pas moins vrai que, sans vouloir méconnaître ce qu’il peut y avoir de poétique et de figuré dans cette manière de parler, la Sagesse n’apparaît plus ici comme un attribut de Dieu, ni comme une force sans indépendance, mais bien comme une intelligence provenant de Dieu, et distincte de Dieu.
b – Pour gouverner le monde et pour faire régner l’ordre dans ce qui venait d’être créé.
c – Pleine d’allégresse moi-même, ou source d’allégresse pour Dieu.
C’est également ce qui résulte de Job 28.12 et sq. L’homme, est-il dit dans les versets qui précédent, peut descendre dans les profondeurs de la terre pour en retirer des trésors cachés, mais il n’est pas capable de trouver la sagesse, la divine pensée qui préside à l’organisation de toutes choses. « Dieu, en revanche, connaît la voie de la sagesse et Il connaît son lieu, car son regard s’étend jusqu’au bout du monde, sous toute la voûte des cieux. » Dieu seul se rend un compte exact des pensées dont le monde est la réalisation, tant dans son ensemble immense que dans ses détails infiniment variés, qui sont tous également présents à ses yeux. « Quand Il donnait du poids au vent, qu’il pesait et mesurait les eaux ; quand Il prescrivait une loi à la pluie et qu’il marquait le chemin à l’éclair des tonnerres, alors Il la vit et Il la découvrit (proprement Il la raconta), Il la prépara et Il la sonda jusqu’au fond. » La sagesse n’est donc autre chose que le plan du monde conçu par Dieu lui-même, et se présentant à son esprit avec tant de clarté, que ces pensées en acquièrent une existence distincte et presque indépendante de leur auteur. Dieu voit ce plan, Il aperçoit cette sagesse et Il la laisse se déployer dans le monde, et montrer dans la création la plénitude des pensées admirables dont elle est dépositaire ; voilà ce que veulent dire ces mots étonnants : « Il la raconta. » Et ceux qui suivent : « Il la sonda », marquent la profondeur des pensées que manifeste la création.
Les deux passages capitaux que nous venons d’étudier, Prov. ch. 8 et Job ch. 28, nous montrent donc en la Sagesse, non pas une créature comme le reste du monde et des choses qui y sont, mais le principe même du monde ; principe posé par Dieu, et sans lequel rien n’aurait été créé. Nous nous taisons, de peur de faire dire à ces paroles plus qu’elles ne signifient réellement, mais on ne saurait nier qu’il n’y ait ici, ainsi que s’exprime Nitzsch, un commencement de distinction ontologique en Dieu. Et quand Eliphas dit à Job : « Es-tu le premier homme né ? As-tu été formé avant les montagnes ? As-tu été instruit dans le conseil secret de Dieu et as-tu pris pour toi toute la sagesse ? » (Job 15.7-8) quand il lui demande ainsi d’une manière ironique s’il se croit donc l’incarnation de la Sagesse qui était dans le sein de Dieu (Jean 1.18), dès avant la création du monde, — voilà certainement qui n’est pas loin de faire de la sagesse un être personnel, et c’est avec beaucoup de raison qu’Ewald trouve ici un écho anticipé de l’idée du Logos. Voyez aussi Proverbes 30.4 : « Qui est-ce qui est monté aux cieux, ou qui en est descendu ? Qui a assemblé le vent dans ses poings ?… Quel est son nom et quel est le nom de son fils ?