1. Voilà comment finit le roi Agrippa. Il laissait comme descendants un fils, Agrippa, qui était dans sa dix-septième année, et trois filles, dont l'une, Bérénice, âgée de seize ans, avait épousé Hérode, son oncle paternel, tandis que les deux autres, Mariamme et Drusilla, étaient vierges ; Mariamme avait dix ans et Drusilla six. Leur père les avait promises en mariage, Mariamme à Julius Archelaus, fils de Chelcias, Drusilla à Épiphane, fils du roi de Commagène Antiochus. Mais lorsqu'on sut qu'Agrippa était mort, les habitants de Césarée et de Sébaste, oublieux de ses bienfaits, agirent comme ses ennemis acharnés. Ils lançaient des calomnies inconvenantes contre le mort ; tous les soldats qui se trouvaient là — et il y en avait un grand nombre — envahirent la résidence, enlevèrent les statues des filles du roi et d'un commun accord les portèrent dans des lupanars où, après les avoir hissées sur la terrasse, ils les outragèrent de leur mieux en commettant des actes trop indécents pour être relatés. S'attablant dans les lieux publics, on célébrait des banquets populaires en s'ornant de couronnes, en se parfumant, en faisant des libations à Charon et en échangeant des rasades en l'honneur de la mort du roi. Ces gens oubliaient, non seulement les marques de bienveillance dont Agrippa les avait comblés, mais encore celles de son aïeul Hérode, qui avait fondé ces villes et construit à grands frais des ports et des temples.
[1] Sections 1-2 = Guerre, II. 219-220.
2. Agrippa, fils du défunt, était à ce moment à Rome où il était élevé près de l'empereur Claude. Quand ce dernier apprit la mort d'Agrippa et les outrages commis envers lui par les habitants de Sébaste et de Césarée, il fut affligé pour lui et irrité de cette ingratitude. Il voulait donc immédiatement envoyer le jeune Agrippa prendre possession de la royauté et désirait en même temps confirmer la foi jurée par des serments. Mais ceux des affranchis et de ses familiers qui avaient sur lui la plus grande influence l'en détournèrent, lui disant qu'il était dangereux de confier un royaume si important à un tout jeune homme qui n'était pas encore sorti de l'enfance et qui ne pourrait supporter le poids de l'administration, puisque, même pour un homme fait, la royauté est un lourd fardeau. L'empereur trouva qu'ils avaient raison. Il envoya donc comme gouverneur de la Judée et du reste du royaume Cuspius Fadus, accordant ainsi un défunt la faveur de ne pas introduire dans son royaume son ennemi Marsus. Il ordonna avant tout à Fadus de châtier les habitants de Césarée et de Sébaste pour leurs violences à l'égard du mort et leurs insultes à l'égard des vivantes, et d'envoyer dans le Pont pour y faire campagne l'escadron des habitants de Césarée et de Sébaste ainsi que leurs cinq cohortes, tandis qu'un nombre égal de légionnaires romains de Syrie devait venir prendre leur place. Cependant ceux qui avaient reçu l'ordre de partir ne s'en allèrent pas. En effet, une délégation envoyée par eux apaisa Claude et ils obtinrent de demeurer en Judée. Dans la suite, ils furent là l'origine des plus grandes calamités pour les Juifs, parce qu'ils jetèrent les semences de la guerre qui eut lieu sous Florus. C'est pourquoi Vespasien, après sa victoire, comme nous allons le raconter bientôt[2], les chassa de la province.
[2] La Guerre des Juifs a été composée avant les Antiquités (d'après Ant. XX, 258). Mais il se peut que Josèphe, dans l'édition qui nous est parvenue, se place au point de vue du lecteur qui lit les deux ouvrages selon la suite chronologique des faits.