Antiquités judaïques - Flavius Josèphe

LIVRE XX

CHAPITRE IV
Conversion de Monobaze, le frère d'Izatès ; Abias, le roi des Arabes, marche contre Izatès ; il est vaincu et se suicide ; Vologèse, le roi des Parthes, marche contre Izatès, mais fait demi-tour suite à de mauvaises nouvelles menaçant son royaume ; mort d'Izatès et de sa mère Adiabène, son frère Monobaze lui succède.

Conversion de Monobaze. Victoires d'Izatès sur Abias, roi des Arabes, et Vologèse, roi des Parthes.

1. Le frère d'Izatès, Monobaze, et ses parents, voyant que la piété du roi envers Dieu l'avait rendu un objet d'envie pour tous les hommes. eurent eux aussi le désir d'abandonner leur religion nationale pour embrasser celle des Juifs. Mais cela ne resta pas ignoré de leurs sujets, et les grands, irrités de cette conversion, dissimulèrent leur colère, ne songeant qu'à rechercher une occasion propice pour se venger au plus tôt. Ils écrivirent donc à Abias, roi des Arabes, lui promettant une grosse somme d'argent s'il consentait à faire la guerre à leur roi ; ils s'engageaient à trahir celui-ci à la première rencontre, car ils voulaient le châtier de sa haine pour leurs coutumes nationales. Après s'être juré une foi mutuelle, ils l'exhortèrent à faire diligence. L'Arabe y consentit et, à la tête d'une nombreuse armée, marcha contre Izatès. Comme le premier combat allait s'engager, avant qu'on en vînt aux mains, tous, comme c'était convenu, abandonnèrent Izatès en feignant d'être saisis d'une terreur panique et s'enfuirent en tournant le dos aux ennemis. Izatès, loin d'être abattu, comprit, qu'il avait été trahi par les grands et se retira dans son camp ; puis il chercha la cause du fait et quand il apprit qu'il y avait eu connivence avec l'Arabe, il se débarrassa des coupables. Le lendemain, il attaqua les ennemis, en tua le plus grand nombre et força tous les autres à s'enfuir. En poursuivant le roi, il le refoula jusque dans une forteresse nommée Arsamos et, après l'avoir assiégée énergiquement, il la prit ; il enleva tout le butin, qui était considérable, et retourna en Adiabène sans avoir pu prendre Abias vivant, car celui-ci, cerné de toutes parts, s'était tué.

2. Les grands d'Abiabène avaient échoué dans cette première conspiration et Dieu les avait livrés au roi. Mais, au lieu de se tenir en repos, ils écrivirent de nouveau à Vologèse, roi des Parthes, en l'invitant à tuer lzatès et à établir ensuite chez eux un autre prince de naissance parthe ; car ils disaient haïr leur roi qui avait violé leur religion ancestrale en s'éprenant de rites étrangers. A ces nouvelles, le Parthe fut excité à la guerre ; mais, n'ayant aucun prétexte juste pour son expédition, il envoya redemander les marques d'honneur accordées par son père à Izatès et le menaça de guerre en cas de refus. Izatès eut l'âme très troublée en apprenant cela : il considérait que renoncer à ces présents serait se condamner lui-même, parce qu'il semblerait avoir ainsi agi par crainte. Il savait aussi que le Parthe, même après avoir repris ces honneurs, ne se tiendrait pas en repos. Aussi jugea-t-il bon de confier à la protection de Dieu sa vie en péril. Pensant donc avoir en Dieu le plus puissant des alliés, il installa les enfants et les femmes dans les forts les plus sûrs, envoya tout le blé dans les châteaux et brûla le foin et le fourrage. Ces précautions une fois prises, il attendit les ennemis. Le roi des Parthes accompagné d'une grande quantité de fantassins et de cavaliers arriva plus vite qu'un ne l'attendait, car il avait marché sans relâche. Il établit son camp près du fleuve qui sépare l'Adiabène de la Médie et Izatès établit le sien à peu de distance, ayant autour de lui six mille cavaliers. Izatès reçut un message envoyé par le Parthe pour lui rappeler quelles grandes forces avait celui-ci, depuis le fleuve d'Euphrate jusqu'aux frontières de la Bactriane, et pour lui énumérer tous les rois ses sujets. Le Parthe le menaçait en outre de le châtier de son ingratitude envers ses maîtres et déclarait que même le dieu qu'il révérait ne pouvait le tirer des mains de son roi. Quand le messager eut ainsi parlé, Izatès répondit qu'il connaissait les forces des Parthes, sans doute de beaucoup supérieures aux siennes, mais qu'il savait encore bien mieux que Dieu est plus puissant que tous les hommes. Cette réponse faite, il se mit à supplier Dieu en se jetant à terre et, en souillant sa tête de cendre, il jeûna avec sa femme et ses enfants en invoquant Dieu et en disant : « Si ce n'est pas en vain, Seigneur et souverain maître, que j'ai compté sur ta bonté et si c'est à bon droit que je t'ai cru l'unique et suprême maître de toutes choses, viens m'aider et défends-moi contre mes ennemis, non point seulement dans mon intérêt, mais aussi parce qu'ils ont osé s'attaquer à ta puissance. » Il suppliait de la sorte avec des larmes et des gémissements, et Dieu l'exauça. Dès la nuit qui suivit, Vologèse reçut une lettre où on lui mandait qu'une grande armée de Dahes et de Saces avait profité de son absence pour dévaster le pays des Parthes ; alors, sans avoir rien fait, il décampa et revint en arrière. Ainsi, grâce à la Providence divine, Izatès échappa aux menaces du Parthe.

Mort d'Izatès, à qui succède Monobaze.

3. Un peu plus tard Izatès mourut, après avoir achevé sa cinquante-cinquième année et après vingt-quatre ans de règne, laissant vingt-quatre fils et vingt-quatre filles. La succession au trône devait revenir selon ses ordres à son frère Monobaze, en récompense de la fidélité avec laquelle il lui avait conservé son pouvoir en son absence, après la mort de leur père. Sa mère Hélène fut très affligée de la mort de son fils, comme il est naturel pour une mère privée du plus affectueux de ses enfants ; mais elle trouvait une consolation à apprendre que la succession était donnée à son fils aîné, auprès duquel elle se hâta de se rendre. Revenue en Adiabène, elle ne survécut guère à son fils Izatès. Monobaze envoya ses os et ceux de son frère à Jérusalem et les fit ensevelir dans les trois pyramides que sa mère avait fait construire à trois stades de la ville. Mais nous parlerons plus loin[1] de tout ce que le roi Monobaze fit pendant sa vie.

[1] Voir la note du § 53. Des membres de la famille de Monobaze participèrent à la révolte des Juifs sous Néron (Guerre, II, 520)

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