Je terminerai donc mes Antiquités Judaïques, après lesquelles j'ai raconté aussi la Guerre. Elles comprennent les traditions qui vont de la naissance du premier homme jusqu'à la douzième année du règne de Néron et tout ce qui nous est arrivé à nous, Juifs, en Égypte, en Syrie et en Palestine, tout ce que nous avons subi du fait des Assyriens et des Babyloniens, comment les Perses et les Babyloniens nous ont traités et, après eux, les Romains. Tout, cela, je crois l'avoir mis en ordre avec une précision absolue. J'ai même essayé de conserver la liste des grands-pontifes qui se sont succédé pendant ces deux mille ans. J'ai également marqué sans erreur la liste des rois, en rapportant leurs actions, leur gouvernement et la puissance des Juges, selon ce que les Livres Saints nous racontent sur tous ; car j'avais promis de le faire en commençant cette histoire. Et maintenant je dis hardiment, après avoir achevé ce que je m'étais proposé, que nul autre Juif ou étranger n'aurait pu, même s'il l'avait voulu, présenter avec autant d'exactitude cette histoire au public grec. En effet, mes compatriotes reconnaissent que je l'emporte de beaucoup sur eux par ma connaissance des choses nationales, et je me suis efforcé de posséder les lettres grecques après avoir appris la grammaire grecque, bien que notre éducation nationale m'ait empêché d'acquérir une prononciation correcte : chez nous, en effet, on n'honore nullement ceux qui ont appris beaucoup de langues étrangères, parce qu'on juge cette étude accessible non seulement aux gens de naissance libre, mais encore à n'importe quel esclave, et l'on reconnaît seulement comme savants ceux qui connaissent la loi de façon précise et peuvent interpréter le sens de l'Écriture sainte. C'est pourquoi, alors que beaucoup s'efforcent de s'exercer à cela, deux ou trois à peine y réussissent et recueillent aussitôt le fruit de leur labeur. Mais peut-être ferai-je une œuvre qui ne provoquera pas l'envie en parlant brièvement de ma famille et de ce que j'ai fait pendant mon existence, tant que vivent encore ceux qui pourraient me réfuter ou témoigner en ma faveur.
Je terminerai ici mes Antiquités Judaïques, comprenant vingt livres et soixante mille lignes, et, si Dieu le permet, je rappellerai de nouveau, en résumé, la guerre et ce qui nous est arrivé jusqu'au jour présent, c'est-à-dire jusqu'à la treizième année du règne de l'empereur Domitien qui est la cinquante-sixième de ma vie[1]. J'ai décidé aussi d'écrire quatre livres sur notre doctrine juive au sujet de Dieu et de sa nature, et sur nos lois et les raisons pour lesquelles certaines actions nous sont permises, d'autres défendues[2].
[1] 93 ap. J.-C.
[2] La Vie, qui fait suite aux Antiquités dans les mss., a souvent été considérée comme un simple appendice de cet ouvrage — Quant aux quatre livres promis dans ce passage, et auxquels Josèphe fait plusieurs fois allusion dans les premiers livres des Antiquités (cf. Schürer, t. I, p. 91&nbs;; t. III, 9. 419), il ne semble pas avoir eu le temps de les rédiger ; mais on devine l'esprit dans lequel ils avaient été conçus (S.R.)