Préparation évangélique

LIVRE XII

CHAPITRE XIX
QUE D’ACCORD AVEC LES HÉBREUX, PLATON DÉCLARE QUE LES CHOSES D’ICI BAS NE SONT QUE L’IMAGE DES CHOSES PLUS DIVINES

L’oracle divin, s’expriment par la bouche de Moïse, a dit : « Voyez et faites toutes choses conformément au modèle qui vous sera montré sur la montagne. »

Le Verbe saint s’est encore expliqué plus clairement, en parlant de ceux « qui adoraient l’image obscure et l’ombre des substances surnaturelles, » pour nous apprendre à ne regarder les symbole· de Moïse que comme renfermant une simple image des choses intellectuelles et divines.

Écoutez maintenant, comment Platon donne une explication pareille, dans le 6e livre de la République, en ces termes : « Le philosophe donc, par ses rapports habituels avec Dieu et l’univers, s’identifie avec Dieu et l’ordre général, autant que cela est donné à l’humanité. Mais vous savez que l’envie de dénigrer est très répandue chez tous les hommes.

« Chez tous, en effet.

« Si donc il y avait nécessité, dis-je, pour le philosophe, d’essayer d’introduire dans les caractères humains, soit comme individus, soit comme société politique, des changements d’après ce qu’il voit, et non pas seulement de se réformer soi-même, pensez-vous que ce serait, un mauvais réformateur, sous le point de vue de tempérance, de justice et de toute verra populaire ?

« Pas le moins du monde, dit-il.

« Mais si la masse de la population avait le sentiment que ce que nous en disons est l’exacte vérité, croyez-vous qu’elle s’irriterait contre les philosophes ; qu’elle refuserait de nous accorder sa confiance, lorsque nous disons qu’il n’y a d’autre moyen de félicité pour les états, qu’autant que les peintres qui prennent leur modèle au sein de la divinité même, en esquisseront la forme· ?

« Ils ne s’irriteront pas s’ils ont cette conviction, dit-il ; mais comment s’y prendra-t-on pour faire cette esquisse dont vous parlez ?

« Supposons, répliquai-je, que la cité et les caractères des hommes soient comme une toile de tableau ; il faudra d’abord la rendre parfaitement exempte de taches ; ce qui ne sera pas bien facile. Or, d’abord, vous concevez qu’ils diffèrent, en cela, de tous les autres législateurs, qu’ils ne voudraient pas mettre la main au remaniement d’un empire ou d’un particulier, et ne voudraient pas leur donner des lois, s’ils ne les prenaient parfaitement purs, on s’ils ne les purifiaient eux-mêmes.

« Et ils auraient raison, dit-il.

« Vous êtes donc d’avis qu’après tous ces préliminaires il faut esquisser cette forme de gouvernement ?

« Pourquoi pas ?

« Je crois ensuite, qu’en cours d’exécution, ils fixeront souvent leurs regards sur l’un et sur l’autre, pour voir, d’une part, si elle a bien la nature de la justice, de l’honnêteté, de la tempérance et de toutes les autres choses semblables ; et de l’autre, pour se rendre compte comment ils pourront, la force de combinaisons et de mélanges dans leurs institutions, insinuer dans les hommes, l’ (ἀνδρείκελον) la ressemblance parfaite du modèle ; en prenant pour règle ce qu’Homère, dans les portraits qu’il fait des hommes, nomme θεοειδὲς et θεοείκελος.

« Très bien, me dit-il »

« Ils auraient, ce me semble, souvent à effacer, à surcharger, jusqu’à ce qu’ils eussent amené les caractères d’hommes à devenir vraiment aimés des dieux, autant que cela est possible. »

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