- Les préceptes relatifs à la prudence.
- Les préceptes concernant les vices opposés.
Objections
1. Il semble qu'il aurait dû y avoir un précepte relatif à la prudence parmi les préceptes du décalogue, car les préceptes principaux doivent être promulgués relativement à la vertu principale. Mais les préceptes principaux de la loi sont ceux du décalogue. La prudence étant la principale des vertus morales, il semble donc qu'il aurait dû y avoir un précepte relatif à la prudence parmi les préceptes du décalogue.
2. La loi est contenue dans l'enseignement évangélique, surtout en ce qui concerne les préceptes du décalogue. Mais il y a un précepte de la prudence dans l'enseignement évangélique (Matthieu 10.16) : « Soyez prudents comme les serpents. » Donc l'acte de la prudence devait tomber sous les préceptes du décalogue.
3. Les autres prescriptions de l'Ancien Testament sont ordonnées aux préceptes du décalogue. Aussi est-il dit dans Malachie (Malachie 3.22) : « Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur, que je lui ai prescrite au mont Horeb. » Mais dans les autres prescriptions de l'Ancien Testament figurent des préceptes relatifs à la prudence. Ainsi dans les Proverbes (Proverbes 3.5) : « Ne prends pas appui sur ta prudence » ; et plus loin (Proverbes 4.25) : « Que tes regards devancent tes pas. » Donc il aurait dû y avoir aussi dans la loi un précepte relatif à la prudence, et notamment parmi les préceptes du décalogue.
En sens contraire, il suffit d'énumérer les préceptes du décalogue.
Réponse
Comme nous l'avons dit lorsqu'il était question des préceptes, les préceptes du décalogue, de même qu'ils ont été donnés au peuple tout entier, sont compris par tous comme relevant de la raison naturelle. Or, ce qui est dicté avant tout par la raison naturelle ce sont les fins de la vie humaine, qui sont pour l'action ce que les principes naturellement connus sont pour la spéculation, comme on l'a montré ci-dessus. Mais la prudence ne concerne pas la fin, elle concerne ce qui est en vue de la fin, comme on l'a dit. C'est pourquoi il ne convenait pas de faire figurer parmi les préceptes du décalogue un précepte se rapportant directement à la prudence. Tous les préceptes du décalogue s'y rapportent cependant, en tant qu'elle est directrice de tous les actes.
Solutions
1. Bien que la prudence soit, à parler absolument, la principale de toutes les autres vertus morales, la justice est cependant principale du point de vue de l'obligation, laquelle est requise au précepte, comme nous l'avons dit. Et c'est pourquoi les principaux préceptes de la loi, ceux du décalogue, devaient se rapporter à la justice plutôt qu'à la prudence.
2. La doctrine évangélique est une doctrine de perfection : il fallait donc que l'homme fût parfaitement instruit par elle de tout ce qui concerne la rectitude de la vie, qu'il s'agisse de la fin ou des moyens. Pour cette raison il fallait que même les préceptes relatifs à la prudence figurent dans la doctrine évangélique.
3. De même que les autres prescriptions de l'Ancien Testament sont ordonnées aux préceptes du décalogue comme à leur fin, ainsi convenait-il que dans les documents postérieurs de l'Ancien Testament les hommes fussent instruits de l'acte de la prudence, qui porte sur les moyens de parvenir à la fin.
Objections
1. Il semble que dans l'ancienne loi les préceptes prohibitifs concernant les vices opposés à la prudence n'ont pas été bien présentés. En effet, les vices qui s'opposent directement à la prudence, comme l'imprudence et ses parties, ne s'opposent pas moins à cette vertu que les vices qui lui ressemblent, comme la ruse et ce qui s'y rattache. Or, ces derniers sont défendus dans la loi. Il est dit en effet au Lévitique (Lévitique 19.13) : « Tu ne calomnieras pas ton prochain », et au Deutéronome (Deutéronome 25.13) : « Tu n'auras pas dans ton sac deux sortes de poids, des grands et des petits. » Il fallait donc que des préceptes prohibitifs soient aussi promulgués à l'égard des vices directement opposés à la prudence.
2. Il peut y avoir fraude en bien d'autres affaires que l'achat et la vente. La loi n'est donc pas bien faite, qui n'a interdit la fraude qu'en matière d'achat et de vente.
3. La même raison inspire de commander l'acte vertueux et d'interdire l'acte vicieux qui s'y oppose. Mais on ne voit pas que la loi ait commandé les actes de la prudence. Il ne fallait donc pas non plus interdire dans la loi certains vices opposés.
En sens contraire, nous trouvons les préceptes de la loi cités dans la première objection.
Réponse
Comme on l'a dit plus haut, la justice concerne surtout la raison de dette, qui est requise au précepte ; car la justice est ordonnée à acquitter ce qu'on doit à autrui comme on le dira ci-dessous. Or la ruse, quant à son exécution, se commet surtout en matière de justice, on l'a dit. C'est pourquoi il convenait que des préceptes prohibitifs soient promulgués dans la loi relativement à l'exécution de la ruse, en tant qu'elle relève de l'injustice : comme lorsque par ruse ou par fraude on calomnie quelqu'un ou qu'on lui prend ce qu'il possède.
Solutions
1. Les vices directement opposés à la prudence par une contrariété manifeste ne tombent pas sous l'injustice au même point que l'exécution de la ruse. C'est pourquoi ils ne sont pas prohibés par la loi comme la fraude et la tromperie, qui se rattachent à l'injustice.
2. On peut comprendre comme prohibée au chapitre 19 du Lévitique, dans l'interdiction de la calomnie, toute tromperie ou fraude commise contre la justice. Mais la fraude et la tromperie se pratiquent d'ordinaire en matière d'achat et de vente, selon l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 26.28 Vg) : « Le cabaretier ne sera pas justifié du péché de ses lèvres. » Pour cette raison, il y a dans la loi un précepte prohibitif spécial relativement à la fraude commise dans les achats et les ventes.
3. Tous les préceptes de la loi relatifs aux actes de la justice se rattachent à l'exécution de la prudence, comme les préceptes prohibitifs concernant le vol, la calomnie, la vente frauduleuse, intéressent l'exécution de la ruse.