« Tu te vantais alors (Criton, p. 374 de Ficin, 56 de H. Et.), en disant que tu ne serais nullement ému s’il te fallait mourir ; tu préférais, disais-tu, la mort à l’exil : maintenant tu ne gardes pas même la pudeur de tes paroles, et tu n’as plus de respect pour nous, qui sommes les lois de ton pays, puisque tu essaies de nous anéantir. Tu fais ce que le plus lâche des esclaves pourrait faire, en tentant de te soustraire par la fuite, malgré tous tes engagements, malgré les protestations formelles, en vertu desquelles tu avais consenti à être gouverné. Réponds d’abord à cette question. Parlons-nous avec vérité, en disant que tu as consenti à être gouverné d’après nous, réellement et non pas seulement par paroles, ou sommes-nous dans l’erreur ? Que puis-je répondre à cette demande, ô Criton, sinon que j’y ai consenti.
« C’est une nécessité, ô Socrate.
« Alors qu’auraient-elles à ajouter, sinon : Peux-tu te résoudre à violer des conventions qui ne t’ont point été imposées par la contrainte ou par la ruse, auxquelles tu n’as pas été obligé de souscrire, par le peu de temps qui t’était accordé pour les méditer, puisque tu as eu 70 ans pour cela, pendant la durée desquels tu as eu la liberté de t’éloigner, si nous n’étions pas à ta convenance, ou si les conditions de ton engagement te semblaient contraires à la justice ? Tu ne nous a préféré, ni Lacédémone, ni la Crète dont, eu toute occasion, tu louais ! a législation ; ni aucune autre des villes grecques ou barbares ; tu t’es moins absenté du sol de la patrie que ne le pourraient faire des boiteux, des aveugles ou des estropiés de toute autre manière. La république et nous, qui en sommes les lois, nous t’avons charmé plus qu’aucun autre Athénien ; car, qui pourrait chérir un état sans loi ; et, maintenant tu ne veux plus rester dans les termes de notre traité. Sois-y donc fidèle, si tu veux nous obéir, ô Socrate. »