- Qu'est-ce que la simonie ?
- Est-il permis de recevoir de l'argent pour des sacrements ?
- Est-il permis d'en recevoir pour des actes spirituels ?
- Est-il permis de vendre des biens annexés au spirituel ?
- Est-ce seulement le « présent manuel » qui rend simoniaque, ou encore le « présent verbal » et le « présent servile » ?
- Le châtiment dû à la simonie.
Objections
1. Il semble que la simonie ne soit pas « l'application de la volonté à acheter et vendre une réalité spirituelle ou liée au spirituel ». En effet, la simonie est une hérésie, car on lit dans les Décrets : « L'hérésie impie de Macédonius et de ceux qui, avec lui, attaquent l'Esprit Saint, est plus tolérable que celle des simoniaques. Ceux-là affirment dans leur folie que le Saint-Esprit est une créature et le serviteur de Dieu, Père et Fils. Mais ceux-ci font du Saint-Esprit leur propre esclave ; car c'est le maître qui vend à son gré ce qu'il possède, un esclave ou quelque autre de ses biens. » Or l'infidélité réside non pas dans la volonté mais dans l'intelligence, comme la foi elle-même, nous l'avons vu il ne faut donc pas faire entrer la volonté dans la définition de la simonie.
2. S'appliquer à pécher, c'est pécher par malice, ce qui définit le péché contre le Saint-Esprit. Donc, si la simonie était une application volontaire à pécher, ce serait toujours un péché contre le Saint-Esprit.
3. Rien de plus spirituel que le Royaume des cieux ; or on peut acheter le Royaume des cieux. S. Grégoire nous dit le prix qu'il faut y mettre : « Il vaut tout ce que tu possèdes. » Vouloir acheter une chose spirituelle n'est donc pas de la simonie.
4. Le mot vient de Simon le Mage. Le livre des Actes (Actes 8.18) nous raconte qu'il offrit de l'argent aux Apôtres pour acheter la puissance spirituelle, « en sorte que tous ceux à qui il imposerait les mains recevraient le Saint-Esprit ». Mais nous ne lisons pas qu'il ait voulu vendre quoi que ce soit. La simonie n'est donc pas la volonté de vendre quelque chose de spirituel.
5. Il y a bien des échanges volontaires autres que l'achat et la vente : l'échange, la transaction. La définition est donc insuffisante.
6. Tout ce qui se trouve lié au spirituel est spirituel. Il est donc inutile d'ajouter cette mention « liée au spirituel ».
7. Certains disent que le pape ne peut commettre la simonie. Or il peut acheter ou vendre des choses spirituelles. Ce n'est donc pas en cela que consiste la simonie.
En sens contraire, S. Grégoire dit : « Acheter ou vendre l'autel, les dîmes et l'Esprit Saint, voilà l'hérésie simoniaque, nul fidèle ne l'ignore. »
Réponse
Est mauvais en soi, nous l'avons dite, tout acte qui porte sur une matière indue. Or, l'achat et la vente ne peuvent s'exercer à l'égard du spirituel, pour trois raisons. 1° Les réalités spirituelles, comparées aux valeurs terrestres, n'ont pas de prix. La « sagesse est plus précieuse que toutes les richesses : tout ce qu'on peut convoiter ne saurait lui être comparé » (Proverbes 3.15). Aussi S. Pierre a-t-il condamné dans sa racine le vice de Simon, en disant : « Périsse ton argent avec toi, puisque tu as cru pouvoir acquérir à ce prix le don du Seigneur ! » — 2° On ne peut vendre légitimement que ce dont on est le maître (voir le texte cité dans l'objection 1). Or un prélat ecclésiastique n'est pas maître, mais seulement intendant des choses spirituelles. Comme dit S. Paul (1 Corinthiens 4.1) : « Qu'on nous tienne pour les ministres du Christ, et les dispensateurs des mystères de Dieu. » — 3° L'origine des choses spirituelles est incompatible avec leur vente. Elles proviennent de la volonté gratuite de Dieu. C'est pourquoi notre Seigneur a dit (Matthieu 10.8) : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » Par conséquent vendre ou acheter une chose spirituelle, c'est montrer de l'irrévérence envers Dieu et les choses divines. C'est donc pécher par irréligion.
Solutions
1. De même que la religion est une protestation de la foi, que l'on n'a pas toujours dans son cœur, de même les vices opposés à la religion comportent une sorte de protestation d'infidélité, bien que parfois celle-ci ne soit pas dans l'esprit. Si l'on parle d'hérésie à propos de la simonie, c'est donc relativement à cette manifestation extérieure : celui qui vend le don du Saint-Esprit professe d'une certaine manière qu'il est maître des dons spirituels, ce qui est hérétique.
Il faut savoir cependant que Simon le Mage, outre « qu'il voulut acheter des Apôtres à prix d'argent la grâce du Saint-Esprit » disait que le monde n'avait pas été créé par Dieu, « mais par une certaine puissance supérieure », d'après S. Isidore. C'est à ce point de vue qu'on met les disciples de Simon au rang des hérétiques, comme on peut le voir par le livre de S. Augustin sur les hérésies.
2. La justice réside dans la volonté, ainsi que toutes les vertus qu'on lui rattache, et par suite tous les vices contraires. La simonie est donc à définir comme un vice de la volonté. Quant au mot « application » que l'on met dans la définition, il désigne le choix volontaire qui est au principe de la vertu et du vice. Mais pécher par choix volontaire n'est pas nécessairement pécher contre le Saint-Esprit. C'est le cas seulement du péché dont le choix volontaire comporte un mépris de tout ce qui habituellement détourne de pécher, nous l'avons dit précédemment. On parle d'acheter le Royaume des cieux, en donnant pour Dieu tout ce qu'on a. Mais c'est au sens large : achat est pris au sens de mérite, ce qui n'est pas tout à fait la même chose, car « les souffrances d'ici-bas » (non plus que nos dons ou nos œuvres) « ne sont proportionnées à la gloire future qui sera manifestée en nous » (Romains 8.18). Et, d'autre part, le mérite ne tient pas principalement au don, à l'acte, ou à la souffrance extérieure, mais au sentiment intérieur.
4. Simon le Mage voulait acheter le pouvoir spirituel pour le vendre ensuite. « Selon les Décrets il voulut acheter le don du Saint-Esprit pour faire commerce de prodiges et multiplier les gains. » Ceux qui vendent les choses spirituelles ont la même intention que Simon. Ceux qui veulent les acheter l'imitent dans son acte. Quant à ceux qui vendent, ils imitent l'acte de Giézi, disciple d'Élisée, dont on lit (2 Rois 5.20) qu'il reçut de l'argent du lépreux guéri par son maître. Si bien qu'on peut appeler ceux qui vendent les choses spirituelles non seulement simoniaques, mais « giézites ».
5. On entend par vente et achat tout contrat non gratuit. Aucun échange de prébende ou de bénéfices ecclésiastiques ne peut donc se faire, en vertu de la simple autorité des parties, sans danger de simonie ; ni les transactions, ainsi que le droit le détermine. Mais le prélat peut, en vertu de sa charge, faire ces sortes d'échanges quand il y a utilité ou nécessité.
6. De même que l'âme est vivante par elle-même, et le corps vivant par son union à l'âme; de même il y a des réalités spirituelles par elles-mêmes, comme les sacrements et réalités analogues, et d'autres qui sont appelées spirituelles parce qu'elles sont liées aux précédentes. D'où ce texte des Décrets : « Les réalités spirituelles sans les réalités corporelles ne nous servent pas, de même que l'âme ne peut, sans le corps, vivre de la vie corporelle. »
7. Le pape peut tomber comme tout homme dans le péché de simonie, et le péché est d'autant plus grave que celui qui le commet est plus haut placé. Bien que les affaires de l'Église lui soient confiées comme au dispensateur principal, il n'en est ni le maître ni le possesseur. Donc, s'il recevait, pour une affaire spirituelle, de l'argent pris sur le revenu d'une église, il ne serait pas exempt de simonie. Il pourrait également commettre la simonie en recevant d'un laïc de l'argent qui ne viendrait pas des biens de l'Église.
Objections
1. Ce n'est pas toujours défendu, semble-t-il. Car le baptême est la « porte des sacrements », on le dira dans la troisième Partie. Or on voit qu'il est permis, en certains cas, de donner de l'argent pour le recevoir. Si par exemple un prêtre ne voulait pas sans salaire baptiser un enfant mourant. Donc il n'est pas toujours illicite d'acheter ou de vendre les sacrements.
2. Le plus grand des sacrements est l'eucharistie, que l'on consacre à la messe. Mais certains prêtres reçoivent une prébende ou de l'argent pour chanter la messe. À plus forte raison peut-on acheter ou vendre les autres sacrements.
3. Le sacrement de pénitence est obligatoire, et consiste surtout dans l'absolution. Or certains réclament de l'argent pour absoudre de l'excommunication.
4. La coutume enlève à des actes qui seraient autrement des péchés leur caractère coupable. Ce n'était pas un crime d'avoir plusieurs femmes, dit S. Augustin au temps où c'était la coutume. Or on rencontre la coutume de donner quelque chose pour le chrême, l'huile sainte et autres choses de ce genre, lors des consécrations d'évêques, bénédictions d'abbés et ordinations de clercs.
5. Il arrive que par méchanceté on empêche quelqu'un d'obtenir l'épiscopat ou une autre dignité. Or il est permis à quiconque de racheter ce qui lui donne tort. Il semble donc permis en ce cas de donner de l'argent pour un évêché ou une autre dignité ecclésiastique.
6. Le mariage est un sacrement. Mais on donne parfois de l'argent pour se marier. Il est donc permis de vendre les sacrements à prix d'argent.
En sens contraire, on lit dans les Décrets : « Celui qui aura consacré quelqu'un à prix d'argent devra être rejeté du sacerdoce. »
Réponse
Les sacrements de la loi nouvelle sont spirituels au plus haut point, car ils produisent dans les âmes la grâce spirituelle. Celle-ci ne peut s'estimer à prix d'argent, et par définition exige d'être donnée gratuitement. Mais les sacrements sont dispensés par les ministres de l'Église, à l'entretien desquels le peuple doit subvenir, selon S. Paul (1 Corinthiens 9.13) : « Ignorez-vous que ceux qui vaquent aux offices sacrés doivent se nourrir du temple ? Et que ceux qui servent à l'autel ont part à l'autel ? » Nous dirons donc que recevoir de l'argent en échange de la grâce spirituelle des sacrements est un crime de simonie, que nulle coutume ne peut autoriser : car la coutume ne prévaut pas contre le droit naturel ou divin. Et par argent on entend ici tout ce qu'on peut estimer à prix d'argent, comme dit Aristote. Mais recevoir quelque chose pour l'entretien de ceux qui administrent les sacrements selon la détermination de l'Église et les coutumes approuvées, n'est pas simonie, ni péché. Ce n'est pas, en effet, le prix d'un salaire, mais le tribut payé à la nécessité. C'est pourquoi sur ce texte (1 Timothée 5.17) : « Les prêtres qui gouvernent bien, etc. », la Glose de S. Augustin donne ce commentaire : « Qu'ils reçoivent du peuple l'entretien nécessaire, et du Seigneur le salaire de leur administration. »
Solutions
1. En cas de nécessité n'importe qui peut baptiser. Et parce que rien n'autorise jamais le péché, on doit, si le prêtre ne veut pas baptiser sans recevoir d'argent, faire comme s'il n'y avait personne pour baptiser. Celui qui a la charge de l'enfant pourrait en pareil cas le baptiser licitement lui-même, ou le faire baptiser par quelqu'un d'autre. Toutefois il lui serait permis d'acheter de l'eau à un prêtre, car c'est là un simple élément corporel.
Supposons maintenant un adulte désirant le baptême, et en danger de mort, que le prêtre ne veut pas baptiser sans argent. Il doit, s'il le peut, se faire baptiser par quelqu'un d'autre. Si ce recours lui est impossible, il ne doit aucunement acheter à prix d'argent son baptême, mais plutôt mourir sans l'avoir reçu. Le baptême de désir supplée en effet pour lui ce que le sacrement ne peut lui donner.
2. L'argent reçu par le prêtre n'est pas le prix de la consécration eucharistique ni de la messe qu'il doit chanter. Ce serait une pratique simoniaque. C'est une sorte de tribut acquitté pour son entretien, comme on vient de le dire.
3. L'argent exigé n'est pas le prix de l'absolution, ce qui serait simoniaque. C'est le châtiment de la faute qui a entraîné l'excommunication.
4. La coutume, nous venons de le dire, laisse toujours intact le droit naturel ou divin, qui interdit la simonie. Si donc, par suite d'une coutume, on exige une rétribution qui soit comme le prix d'une chose spirituelle, avec intention d'acheter et de vendre, c'est manifestement de la simonie : surtout si on l'exige contre le gré de ceux qui doivent payer. Mais si l'on reçoit quelques dons comme un tribut approuvé par la coutume, il n'y a pas simonie, pourvu toutefois qu'on n'ait pas intention de faire acte d'achat ou de vente, mais simplement d'observer une coutume, et surtout quand le donateur s'en acquitte volontairement. Il faut cependant en tout ceci prendre garde qu'il n'y ait aucune apparence de simonie et de cupidité. Comme dit S. Paul (1 Thessaloniciens 5.22) : « Abstenez-vous de toute apparence de mal. »
5. Avant d'avoir acquis un droit à l'épiscopat ou à une quelconque dignité ou prébende par voie d'élection, provision ou collation, celui qui écarterait les obstacles à prix d'argent serait simoniaque. Ce serait en effet s'ouvrir par de l'argent l'accès à un bien spirituel. Mais le droit étant déjà acquis, on peut légitimement écarter à prix d'argent les empêchements injustes.
6. Certains disent que pour le mariage on peut donner de l'argent parce que la grâce n'y est pas conférée. Ce n'est pas tout à fait vrai, comme on le dira dans la troisième Partie. Il faut résoudre autrement la question : le mariage n'est pas seulement sacrement de l'Église, mais aussi office de nature. C'est à ce dernier point de vue qu'il est licite de donner de l'argent pour se marier, mais en tant que le mariage est un sacrement, c'est illicite. Et voilà pourquoi le droit interdit d'exiger quoi que ce soit pour la bénédiction nuptiale.
Objections
1. C'est permis, car l'exercice de la prophétie est un acte spirituel. Or jadis on payait les prophètes : le cas est mentionné aux livres des Rois (1 Samuel 9.7 ; 1 Rois 14.3).
2. La prière, la prédication, la louange divine sont des actes hautement spirituels. Mais on donne de l'argent à de saintes gens pour obtenir le suffrage de leurs prières, selon la parole du Seigneur (Luc 16.9) : « Faites-vous des amis avec le Mammon d'iniquité. » Les prédicateurs, qui sèment le bon grain dans les âmes, ont droit également à une rétribution temporelle : c'est l'avis de S. Paul (1 Corinthiens 9.11). On donne quelque chose à ceux qui célèbrent les louanges divines en s'acquittant de l'office ecclésiastique, à ceux qui font des processions ; parfois même des revenus annuels sont affectés à cela. Il est donc permis de recevoir de l'argent pour des actes spirituels.
3. La science n'est pas moins spirituelle que le pouvoir. Or on peut faire usage de sa science contre argent ; ainsi l'avocat fait payer sa plaidoirie, le médecin sa consultation, le maître son enseignement. Au même titre, il semble donc qu'un prélat peut recevoir de l'argent pour exercer les actes de son pouvoir, correction, administration, etc.
4. La vie religieuse est un état de perfection spirituelle. Mais dans certains monastères on exige quelque chose des sujets qu'on y reçoit.
En sens contraire, on lit dans les Décrets « Absolument rien de ce qu'on peut attribuer à la consolation de la grâce invisible, ne doit être vendu pour un gain ou une rétribution quelconque. » C'est le cas des actes spirituels dont il s'agit ici, et qui sont dus à la grâce invisible.
Réponse
De même que les sacrements sont dits « spirituels » parce qu'ils confèrent la grâce spirituelle, ainsi d'autres réalités sont appelées « spirituelles » parce qu'elles découlent de la grâce spirituelle et y disposent. Cependant ces réalités sont procurées par le ministère des hommes, lesquels doivent être entretenus par le peuple à qui ils dispensent ces biens spirituels, selon S. Paul (1 Corinthiens 9.7) : « Qui donc a jamais combattu à ses frais, et quel berger ne se nourrit du lait de son troupeau ? » C'est pourquoi vendre ou acheter ce qu'il y a de spirituel dans ces actes est de la simonie; mais il est permis de recevoir ou de donner quelque chose pour l'entretien de ceux qui les exercent, conformément à la loi de l'Église et à la coutume approuvée ; à condition toutefois qu'on n'ait pas l'intention d'acheter ou de vendre, et qu'on ne contraigne pas ceux qui ne veulent pas donner, en leur refusant les biens spirituels qu'on doit leur fournir ; il y aurait là en effet apparence de vente. Toutefois, après avoir gratuitement exercé ces fonctions spirituelles, on peut exiger de ceux qui peuvent payer, mais ne veulent pas, les offrandes ou autres rétributions déterminées par la règle et la coutume. On doit alors faire intervenir l'autorité supérieure.
Solutions
1. Selon S. Jérôme, on faisait spontanément aux bons prophètes certains présents pour subvenir à leurs besoins, et non par manière de paiement pour l'exercice de la prophétie. Les faux prophètes toutefois y cherchaient un gain.
2. Ceux qui donnent l'aumône aux pauvres pour obtenir les suffrages de leurs prières n'entendent pas, ce faisant, acheter ces prières ; mais par une bienfaisance gratuite ils provoquent leurs âmes à des prières toutes gratuites, inspirées par la charité. Les prédicateurs ont droit à des dons temporels pour leur entretien, non en paiement de leur prédication. C'est pourquoi sur le texte de S. Paul : « Les prêtres qui gouvernent bien... », la Glose donne ce commentaire : « À la nécessité il revient de recevoir de quoi vivre, à la charité de le fournir. Mais l'Évangile ne se vend pas, et ce n'est pas pour cela qu'on prêche. Ce serait là vendre une grande chose pour un prix bien vil. » De même on fait certains dons temporels à ceux qui louent Dieu en célébrant l'office divin, pour les vivants ou pour les morts, non par manière de paiement, mais comme frais d'entretien. C'est au même titre que l'on reçoit certaines aumônes pour des processions ou une cérémonie de funérailles.
Mais si cela se faisait par contrat, ou avec l'intention d'acheter ou de vendre, il y aurait simonie. Ce serait donc une ordonnance illicite que de décréter dans une église que l'on ne fera pas de cortège à un enterrement sans l'acquittement d'une somme d'argent déterminée. Ce serait en effet s'ôter tout moyen d'accorder gratuitement à certains un devoir de piété. L'ordonnance serait plus licite si l'on établissait qu'à tous ceux qui donneront une aumône déterminée tel honneur serait rendu. Cela laisserait une possibilité de l'accorder à d'autres. La première ordonnance a l'aspect d'une exaction, la seconde fait figure d'un témoignage de reconnaissance gracieuse.
3. Celui à qui un pouvoir spirituel est confié est tenu par sa charge de l'exercer en dispensant les biens spirituels. Il a de plus pour son entretien des subsides déterminés qui viennent des revenus ecclésiastiques. Par conséquent, s'il recevait quelque chose pour exercer son pouvoir spirituel, on ne pourrait dire qu'il loue son travail, puisqu'il est tenu de l'accomplir en justice par le fait de sa charge ; on ne pourrait voir là qu'une vente de la grâce spirituelle. C'est pourquoi il ne lui est permis de rien recevoir pour aucun acte d'administration spirituelle ; ni même pour aucun remplacement ; ni même pour corriger ses sujets ou arrêter leur correction. Mais il peut licitement recevoir des rétributions quand il visite ses sujets, non en paiement de la correction qu'il fait, mais comme juste subside.
Quant à celui qui possède la science et n'a pas reçu une charge qui l'oblige à la communiquer aux autres, il lui est permis de recevoir le prix de son enseignement ou de son conseil. Non point qu'il vende la vérité ou la science, mais il loue son activité. Pourtant, s'il y était tenu par sa charge, on penserait qu'il vend la vérité, et il pécherait gravement" C'est le cas de ceux qui sont, dans certaines Églises, chargés de l'enseignement des clercs de l'église et d'autres pauvres. Ils reçoivent à cet effet un bénéfice ecclésiastique et ils n'ont le droit de rien recevoir, ni pour enseigner ni pour célébrer ou omettre certaines solennités.
4. On n'a le droit de recevoir ni d'exiger aucun paiement pour l'entrée dans un monastère. Il est permis cependant, tout en accordant gratuitement l'entrée du monastère, de recevoir quelque chose pour l'entretien du sujet, si le monastère est pauvre et ne suffit pas à nourrir tout le monde. Il est également permis d'admettre plus facilement quelqu'un qui, pour témoigner sa dévotion à cette maison, lui a fait de larges aumônes. De même qu'il est permis, à l'opposé, de provoquer la dévotion de quelqu'un envers le monastère par des bienfaits temporels, en sorte de l'amener à y entrer. Mais il n'est pas permis de donner ou recevoir par contrat une somme pour l'entrée au monastère, selon le droit.
Objections
1. Cela semble licite, car toutes les choses temporelles ont un lien avec les spirituelles, et nous ne devons chercher les unes que pour obtenir les autres. Donc, s'il n'est pas permis de vendre ce qui est adjoint au spirituel, on ne pourra vendre aucun bien temporel, ce qui est évidemment faux.
2. Rien n'est plus étroitement lié aux choses spirituelles que les vases sacrés. Or on peut les vendre pour le rachat des captifs d'après S. Ambroise.
3. Sont en liaison avec le spirituel : le droit de sépulture, le droit de patronage, le droit d'aînesse chez les anciens (car les premiers-nés, avant la loi, remplissaient l'office de prêtre), et encore le droit de recevoir les dîmes. Or Abraham a acheté d'Éphron une double caverne pour sa sépulture (Genèse 23.8) ; Jacob a acheté à Ésaü son droit d'aînesse (Genèse 25.31) ; le droit de patronage se transmet avec la terre vendue et se trouve concédé en fief ; les dîmes sont concédées à certains soldats et peuvent être rachetées ; les prélats retiennent parfois pour eux pendant un certain temps les fruits des prébendes qu'ils confèrent, et pourtant les prébendes sont jointes à des biens spirituels. Donc il est permis d'acheter et de vendre ce qui se trouve lié au spirituel.
En sens contraire, voici ce que dit le pape Pascal, et qu'on trouve dans les Décrets : « Quiconque vend un bien sans lequel on n'en possède pas un autre, ne peut empêcher que tout l'ensemble soit vendu. Que personne par conséquent n'achète une église, une prébende ou aucun bien ecclésiastique. »
Réponse
Une chose peut se trouver rattachée aux réalités spirituelles par un double lien. Premièrement un lien de dépendance. Posséder un bénéfice ecclésiastique par exemple ne convient qu'à celui qui a un office clérical. Ainsi de telles choses ne peuvent exister indépendamment de biens spirituels. Et c'est pourquoi il n'est aucunement permis de vendre ce genre de choses, parce que, lorsqu'on les vend, on comprend que les biens spirituels sont inclus dans la vente.
Mais certaines choses temporelles sont liées aux spirituelles en y étant ordonnées : le droit de patronage par exemple est ordonné à présenter les clercs aux bénéfices ecclésiastiques ; les vases sacrés sont ordonnés à la pratique des sacrements. De telles choses temporelles ne supposent pas nécessairement l'existence de la réalité spirituelle qui s'y trouve annexée, mais plutôt la précèdent. C'est pourquoi on peut, d'une certaine manière, les vendre : mais non en tant qu'elles sont adjointes au spirituel.
Solutions
1. Toutes les choses temporelles sont liées au spirituel comme à leur fin. C'est pourquoi on peut vendre les choses temporelles ellesmêmes. Mais leur ordre au spirituel ne peut tomber sous la vente.
2. Les vases sacrés sont reliés aux réalités spirituelles comme à leur fin. C'est pourquoi leur consécration ne peut être objet de vente. Mais la matière dont ils sont fait peut être vendue pour subvenir aux besoins de l'Église et des pauvres. Toutefois, ils doivent préalablement être brisés, après une prière ; car une fois brisés, ils ne sont plus considérés comme des vases sacrés, mais simplement comme du métal. Aussi faudrait-il renouveler la consécration si des vases semblables étaient reconstitués avec la même matière.
3. La double caverne achetée par Abraham pour servir de sépulture n'était pas, d'après le texte de l'Écriture, un terrain consacré à cet usage. Abraham pouvait donc l'acheter pour faire un lieu de sépulture en y construisant un sépulcre. De même, actuellement, il est permis d'acheter un champ ordinaire pour en faire un cimetière, ou y édifier une église. Comme cependant, chez les païens, les lieux voués à la sépulture étaient tenus pour sacrés, si Éphron a entendu faire payer le droit de sépulture, il a péché en faisant cette vente. Mais Abraham n'a pas péché en faisant cet achat, car il ne prétendait acheter qu'un terrain ordinaire. De même il est permis, même maintenant, de vendre ou d'acheter, en cas de nécessité, un terrain où il y eut jadis une église ; le cas est le même que celui des vases sacrés, étudié ci-dessus.
Une autre explication permet d'excuser Abraham de péché, en disant que le prix qu'il a donné était destiné à compenser un affront possible : bien qu'Éphron lui ait offert gratuitement le lieu de sépulture, Abraham pensa qu'il ne pouvait le recevoir ainsi sans offense.
Quant au droit d'aînesse, il était dû à Jacob par le choix divin, selon ces paroles de Malachie (Malachie 1.2) : « J'ai aimé Jacob et j'ai haï Ésaü. » C'est pourquoi Esaü pécha en vendant son droit d'aînesse. Mais Jacob ne pécha pas en l'achetant, parce que l'on comprend qu'il a racheté l'injustice qu'on lui avait faite.
Le droit de patronage ne peut être vendu en lui-même, ni même concédé en fief ; mais il suit la terre qui lui est vendue ou concédée. Le droit spirituel de recevoir la dîme n'est pas concédé aux laïcs : on leur concède seulement les biens temporels qui leur sont concédés sous le nom de dîmes.
Concernant la collation des bénéfices il faut savoir que si un évêque, avant d'offrir un bénéfice à quelqu'un, a décidé pour quelque motif de soustraire quelque chose aux fruits du bénéfice à conférer, pour le dépenser en œuvres pies, il n'y a là rien d'illicite. Mais s'il requiert de celui à qui il offre un bénéfice qu'il lui donne une part des fruits de ce bénéfice, c'est comme s'il exigeait une rétribution, et il n'est pas exempt de simonie.
Objections
1. Il semble qu'il soit permis de donner des pouvoirs spirituels par un présent servile ou verbal. Car S. Grégoire dit : « Il est digne que ceux qui sont au service d'une Église jouissent des rémunérations de cette Église. » Le service de l'église relève du présent servile, et on le rétribue légitimement par des bénéfices ecclésiastiques.
2. C'est également agir pour des motifs charnels que de donner un bénéfice ecclésiastique en échange d'un service reçu, ou pour une raison de parenté. Rien de simoniaque en ce dernier cas, car il n'y a ni achat ni vente. Donc pas de simonie non plus dans le premier cas.
3. Ce qu'on fait uniquement pour répondre à la prière de quelqu'un semble être un don gratuit. Pas de simonie en ce cas, puisqu'il n'y a ni vente ni achat. Or, c'est un cas de présent verbal que de conférer un bénéfice ecclésiastique parce qu'on en a été prié par quelqu'un. Cela n'est donc pas simoniaque.
4. Les hypocrites font des œuvres spirituelles pour obtenir une louange humaine : on ne les qualifie pas pour autant de simoniaques. Pourtant ils agissent pour une rétribution verbale. Ce n'est donc pas de la simonie.
En sens contraire, voici ce que dit le pape Urbain : « Quiconque donne ou obtient des biens ecclésiastiques, en y cherchant son propre gain pour un autre but que celui de leur institution, et en faisant trafic de son crédit verbal, de ses services ou de son argent, est simoniaque. »
Réponse
Comme nous l'avons dit on peut appeler « argent » tout ce dont le prix peut être estimé en argent. Il est évident que le service rendu à un homme est ordonné à une utilité qui peut être estimée à prix d'argent ; aussi les serviteurs sont-ils engagés pour un salaire en argent. C'est pourquoi donner un bien spirituel pour un service temporel déjà rendu ou encore à rendre revient au même que le donner pour la somme d'argent, payée comptant ou promise, à laquelle on pourrait estimer ce service. Pareillement, si l'on répond aux prières de quelqu'un qui recherche une faveur temporelle, cela s'ordonne à une utilité qui peut être estimée à prix d'argent. Et c'est pourquoi, si l'on commet la simonie en recevant de l'argent ou un autre bien extérieur, ce qui relève du présent manuel, on la commet aussi par un présent verbal, ou de service.
Solutions
1. Si un clerc rend à un prélat un service honorable, ordonné aux choses spirituelles, utile à l'Église ou à ses ministres, la dévotion même dont il témoigne ainsi le rend digne, au même titre que d'autres bonnes œuvres, de recevoir un bénéfice ecclésiastique. Il n'y a pas là de présent servile. C'est le cas auquel fait allusion S. Grégoire. Mais si c'est un service malhonnête ou destiné à produire des avantages charnels, relatifs aux intérêts du prélat, de sa parenté, de son patrimoine, etc., ce sera un présent servile, entaché de simonie.
2. Conférer gratuitement à quelqu'un une faveur spirituelle en raison de sa parenté, ou par le fait d'une affection humaine, est illicite et procède de vues charnelles. Mais ce n'est pas simoniaque, puisqu'on ne reçoit rien, et qu'il n'y a par conséquent aucun contrat de vente ou d'achat, ce qui fonderait la simonie. Mais accorder un bénéfice ecclésiastique avec l'intention tacite ou expresse de pourvoir de ce fait aux intérêts de sa parenté, est une simonie manifeste.
3. Par « présent verbal » on entend : la louange, représentant une faveur humaine qu'on peut apprécier, soit encore les recommandations qui permettent d'acquérir ces faveurs humaines ou d'éviter la défaveur. Avoir égard principalement à ce motif est donc commettre la simonie. C'est le cas de celui qui exauce la requête qu'on lui présente pour un indigne. Mais, si on la lui présente pour quelqu'un qui est digne, le fait lui-même n'est pas simoniaque car il subsiste un juste motif de conférer une valeur spirituelle à celui pour qui on la demande. Il peut cependant y avoir une intention simoniaque si, plus qu'à la dignité du sujet, on prête attention à la recommandation humaine. D'autre part, si l'on demande pour soi-même charge d'âmes, la présomption même du quémandeur le rend indigne, et ainsi ces prières sont faites pour un indigne. Mais on peut très bien, étant indigent, demander pour soi-même un bénéfice ecclésiastique sans charge d'âmes.
4. L'hypocrite qui cherche la louange ne donne pas vraiment quelque chose de spirituel, il en fait seulement parade. Par sa simulation il dérobe la louange des hommes, plus qu'il ne l'achète. Ce n'est pas de la simonie.
Objections
1. Il ne semble pas que ce soit un châtiment approprié de priver le simoniaque de ce qu'il a acquis par simonie. En effet, la simonie consiste à acquérir un bien spirituel au moyen de quelque présent. Mais il y a des biens spirituels qu'on ne peut pas perdre une fois acquis, comme les caractères sacramentels imprimés par une consécration.
2. Il arrive qu'un évêque, ayant obtenu l'épiscopat par simonie, prescrive à un sujet dépendant de son autorité de se faire ordonner par lui. Celui-ci doit, semble-t-il, lui obéir tant que l'Église le tolère. Or on ne doit rien recevoir de quelqu'un qui n'a pas pouvoir de le conférer. Donc l'évêque ne perd pas son pouvoir épiscopal du fait qu'il l'a acquis par simonie.
3. Nul ne doit être puni pour ce qui s'est fait à son insu et indépendamment de sa volonté, parce que la peine est due au péché, qui est un acte volontaire, nous l'avons dit précédemment. Or il arrive que, par l'entremise d'autres personnes, quelqu'un reçoive une faveur spirituelle de façon simoniaque, sans l'avoir su ni voulu. On ne doit donc pas l'en punir en le privant de ce qui lui a été conféré.
4. Nul ne doit tirer avantage de son péché. Or c'est ce qui se produirait si le simoniaque qui a reçu un bénéfice ecclésiastique était obligé de le rendre. Ce serait en effet tout profit pour ceux qui ont participé à l'acte simoniaque, le prélat par exemple et tout le collège qui y ont consenti. On ne doit donc pas toujours faire restituer.
5. Il arrive qu'un moine entré de façon simoniaque au monastère y fasse profession et donc vœu solennel. Or nul ne peut être délié des obligations du vœu pour avoir commis une faute. Donc le simoniaque ne peut être privé de l'état monacal qu'il a acquis.
6. On ne peut en ce monde infliger une peine extérieure pour un mouvement intérieur, car il appartient à Dieu seul de juger les cœurs. Mais on peut commettre la simonie par une simple intention volontaire. C'est pourquoi on la définit comme un acte de volonté. Donc on ne doit pas toujours priver le simoniaque de ce qu'il a acquis.
7. Être promu à un rang plus élevé, c'est recevoir une faveur bien plus grande que de demeurer dans son état. Or parfois des simoniaques, du fait de la dispense, sont promus au rang supérieur. On ne doit donc pas toujours enlever aux simoniaques ce qu'ils ont acquis.
En sens contraire, on lit dans les Décrets : « Celui qui a été ordonné ou promu à une dignité par suite d'un trafic, n'en retirera aucun profit, mais il sera écarté de la dignité ou de la cure qu'il a acquise à prix d'argent. »
Réponse
Nul ne peut licitement retenir ce qu'il a acquis contre la volonté du possesseur. Par exemple, si un intendant distribuait des biens appartenant à son maître contrairement à sa volonté et à son ordre, celui qui les aurait reçus n'aurait pas le droit de les garder. Or, le Seigneur, dont les prélats ecclésiastiques sont les intendants et les ministres, a ordonné de dispenser gratuitement les biens spirituels (Matthieu 10.8) : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » Donc ceux qui obtiennent des biens spirituels quelconques grâce à un présent, ne peuvent légitimement les garder.
De plus les simoniaques, tant vendeurs qu'acheteurs de biens spirituels, ainsi que les intermédiaires, sont sous le coup d'autres pénalités : l'infamie et la déposition s'ils sont clercs, l'excommunication s'ils sont laïcs, selon le droits.
Solutions
1. Dans la réception simoniaque d'un ordre sacré le caractère de l'ordre est conféré, à cause de l'efficacité du sacrement. Mais le simoniaque ne reçoit pas la grâce, ni le droit d'exercer cet ordre, car il a en quelque sorte dérobé le caractère sacramentel, reçu contre la volonté du Seigneur qui en est le principe. Il est suspens en vertu du droit et, en ce qui le concerne, il ne doit pas se mêler d'exercer son ordre. En ce qui concerne les autres, nul n'a le droit de communiquer avec lui dans l'exercice de son pouvoir d'ordre, que le péché soit public ou occulte. Il ne peut réclamer l'argent qu'il a honteusement donné, bien que l'autre le possède injustement.
S'il s'agit d'un simoniaque qui a conféré un ordre sacré, donné ou reçu un bénéfice, ou servi d'intermédiaire dans un trafic simoniaque, si le fait est public, la suspense est encourue en vertu du droit, pour lui et pour les autres ; si le fait est occulte, la suspense ne concerne que le simoniaque, et non les autres.
2. Nul ne doit recevoir un ordre sacré d'un évêque dont il sait que la promotion a été simoniaque, même si celui-ci le lui commande et le menace d'excommunication. S'il est ordonné, il ne reçoit pas le droit d'user de son ordre, même s'il ignorait la simonie de l'évêque, et il lui faut une dispense. Certains disent que s'il ne pouvait prouver le fait de la simonie, il devrait obéir et recevoir l'ordre, mais ne pourrait l'exercer sans dispense. C'est là un propos sans fondement, parce que nul ne doit obéir à celui qui vous fait communiquer avec lui dans un acte illicite. Or, celui qui est suspens en vertu du droit envers lui-même et envers les autres, confère illicitement l'ordination. Mais, si l'on n'a pas de certitude, on ne doit pas croire au péché d'autrui, et l'on peut, en bonne conscience, recevoir de lui l'ordination.
Si l'évêque est simoniaque autrement que par sa promotion à l'épiscopat, on peut recevoir de lui un ordre sacré, si la chose est occulte, parce que la suspense ne concerne que lui, et non les autres, comme on vient de le dire.
3. Ce n'est pas seulement pour le punir d'un péché qu'on retire à quelqu'un les biens qu'il a reçus. Ce peut être l'effet de l'acquisition injuste ; si par exemple vous achetez une chose à celui qui ne peut la vendre. C'est pourquoi, si quelqu'un reçoit sciemment, et de son propre mouvement, un ordre ou un bénéfice ecclésiastique entaché de simonie, non seulement on le prive de ce qu'il a reçu, en ce sens qu'il ne peut user de son pouvoir d'ordre et doit résigner son bénéfice avec tous les fruits qu'il en a perçus; mais il encourt des pénalités de surcroît ; il est marqué d'infamie et obligé à la restitution des fruits non seulement perçus, mais qui auraient pu l'être par un possesseur diligent (ce qui doit s'entendre des fruits qui restent, déduction faite des dépenses qu'ils ont ocasionnées, et à l'exception de ceux qui ont été employés par ailleurs dans l'intérêt de l'Église). Si c'est indépendamment de sa volonté et à son insu qu'il a été promu à un bénéfice par une intervention simoniaque, il est privé de l'exercice du pouvoir d'ordre, et tenu de résigner le bénéfice qu'il a obtenu, avec les fruits existants. Mais il n'est pas tenu de restituer les fruits déjà consommés, car il était possesseur de bonne foi. Il faut d'ailleurs excepter les cas où ce serait un ennemi qui aurait donné de l'argent pour entacher sa promotion par ce moyen frauduleux, ou s'il avait protesté expressément. Il n'est pas obligé alors de renoncer à son bénéfice, à moins que dans la suite il ait donné son consentement au pacte simoniaque en payant la somme promise.
4. L'argent, les biens, les fruits reçus par des manœuvres simoniaques doivent retourner à l'Église au préjudice de laquelle ils ont été donnés, même si le prélat ou quelque membre du collège de cette Église était en faute, parce que leur péché ne doit pas nuire aux autres. On prendra garde toutefois, dans la mesure du possible, que les coupables n'en tirent aucun avantage. Si le prélat et tout le collège sont en faute, on doit, par l'autorité du supérieur, tout donner à des pauvres ou à une autre Église.
5. Ceux qui sont entrés par simonie dans un monastère doivent y renoncer. S'ils ont commis sciemment cet acte après le Concile général ils sont chassés de leur monastère sans espoir de retour. On doit les placer sous une règle plus stricte pour y faire une perpétuelle pénitence, ou les reléguer dans un autre lieu appartenant au même ordre, si l'on ne trouve pas d'ordre plus sévère. Si la chose s'est produite avant le Concile, on doit les placer dans d'autres maisons du même ordre. Et si c'est impossible, on doit par dispense les recevoir dans le même monastère, pour les empêcher de courir le monde, mais en les changeant de place, pour leur en assigner d'inférieures. — Mais si c'est à leur insu que leur réception a été simoniaque, avant ou après le Concile, on peut, après qu'ils y ont renoncé, les recevoir à nouveau, et ils prendront rang à la suite des autres, comme on l'a dit.
6. Devant Dieu, il suffit de l'intention pour être simoniaque. Mais les pénalités ecclésiastiques extérieures n'atteignent pas si profondément. Le simoniaque d'intention n'est donc pas tenu de renoncer à ce qu'il a obtenu, mais doit se repentir de son intention mauvaise.
7. La dispense en faveur d'un simoniaque qui a reçu sciemment un bénéfice est réservée au pape. Dans les autres cas un évêque peut l'accorder, pourvu que le simoniaque ait préalablement renoncé à ce qu'il a acquis. Il recevra alors soit la petite dispense, qui lui donne la communion laïque ; soit la grande dispense qui lui permet, après avoir accompli sa pénitence, de demeurer dans une autre église en gardant son ordre ; ou une dispense majeure, qui lui permet de demeurer dans la même église, mais dans un ordre inférieur; ou enfin la dispense maximale, qui lui permet d'exercer dans la même église les ordres majeurs, sans toutefois recevoir une prélature.