- Est-il un acte de vertu ?
- De quelle vertu est-il l'acte ?
- La perfection de cet acte.
- La sanction du martyre.
- Sa cause.
Objections
1. Il ne semble pas, car tout acte de vertu est volontaire. Mais le martyre n'est pas toujours volontaire, comme on le voit pour les saints innocents massacrés pour le Christ, dont S. Hilaire nous dit : « Ils ont été portés au sommet des joies éternelles par la gloire du martyre. »
2. Aucun acte illicite ne relève de la vertu. Mais le suicide est illicite, on l'a vu. Cependant il lui est arrivé de consommer le martyre car, d'après S. Augustin, « de saintes femmes, en temps de persécutions, pour éviter les ennemis de leur pudeur, se jetèrent dans le fleuve, et moururent ainsi ; et leur martyre est célébré par une grande affluence dans l’Église catholique ».
3. Il est louable de s'offrir spontanément pour accomplir un acte de vertu. Mais il n'est pas louable de rechercher le martyre, car cela paraît plutôt présomptueux et périlleux. Le martyre n'est donc pas un acte de vertu.
En sens contraire, il faut dire que la récompense de la béatitude n'est due qu'à un acte de vertu. Or elle est due au martyre selon la parole évangélique (Matthieu 5.10) : « Heureux, ceux qui souffrent persécution pour la justice, car le Royaume des cieux est à eux. » Donc le martyre est un acte de vertu.
Réponse
Comme on vient de le rappeler c'est vertu que de demeurer dans le bien prescrit par la raison. Or ce bien raisonnable consiste dans la vérité comme dans son objet propre, et dans la justice comme dans son effet propre, nous l'avons montré plus haute. Or, il appartient à la raison de martyre que l'on tienne ferme dans la vérité et la justice contre les assauts des persécuteurs. Aussi est-il manifeste que le martyre est un acte de vertu.
Solutions
1. Certains ont soutenu que l'usage du libre arbitre s'était développé miraculeusement chez les saints innocents, si bien qu'ils ont subi le martyre eux aussi volontairement. Mais parce que cela n'est pas confirmé par l'autorité de l’Écriture, il vaut mieux dire que la gloire du martyre, méritée chez d'autres par leur volonté propre, ces tout-petits mis à mort l'ont obtenue par la grâce de Dieu. Car l'effusion du sang pour le Christ tient la place du baptême. Aussi, de même que chez les enfants baptisés le mérite du Christ, par la grâce baptismale, est efficace pour obtenir la gloire, de même chez les enfants mis à mort pour le Christ, le mérite du martyre du Christ agit pour leur obtenir la palme du martyre. Aussi S. Augustin dit-il dans un sermon où il semble les interpellera : « Celui qui doutera que vous ayez reçu la couronne parce que vous avez souffert pour le Christ, doit penser aussi que le baptême du Christ n'est pas avantageux aux petits enfants. Vous n'aviez pas l'âge pour croire au Christ qui allait souffrir ; mais vous aviez la chair dans laquelle vous subiriez votre passion pour le Christ voué à la passion. »
2. S. Augustin, au même endroit, admet comme possible que « l'autorité divine ait persuadé l’Église, par des témoignages dignes de foi, qu'elle devait honorer la mémoire de ces saintes ».
3. Les préceptes de la loi ont pour objet les actes des vertus. Or, on a dit précédemment que certains préceptes de la loi divine ont été donnés aux hommes pour préparer leurs âmes, c'est-à-dire pour qu'ils soient prêts à agir de telle ou telle façon, lorsque ce serait opportun. Ainsi encore, certains préceptes se rattachent à l'acte de la vertu selon cette préparation, de telle sorte que, tel cas se présentant, on agisse conformément à la raison. Et cela est à observer surtout au sujet du martyre. Celui-ci consiste à supporter comme il se doit des souffrances infligées injustement. On ne doit pas offrir à autrui l'occasion d'agir injustement ; mais si l'autre agit ainsi, on doit le supporter dans la mesure raisonnable.
Objections
1. Il semble que ce ne soit pas un acte de force. Car « martyr » en grec signifie témoin. Or on rend un témoignage de foi au Christ selon les Actes (Actes 1.8) : « Vous serez mes témoins à Jérusalem, etc. », et S. Maxime de Turin dit dans un sermon : « La mère du martyre, c'est la foi catholique, que d'illustres athlètes ont signée de leur sang. » Le martyre est donc un acte de foi plus qu'un acte de force.
2. Un acte louable se rattache surtout à la vertu qui incline à lui, qui est manifestée par lui, et sans laquelle il est sans valeur. Mais c'est surtout la charité qui incline au martyre. Aussi S. Maxime dit-il dans un sermon : « La charité du Christ est victorieuse dans ses martyrs. » De plus la charité se manifeste souverainement par l'acte du martyre, selon cette parole de Jésus (Jean 15.13) : « Personne n'a de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Enfin, sans la charité le martyre ne vaut rien, dit S. Paul (1 Corinthiens 13.3) : « Si je livrais mon corps aux flammes et que je n'aie pas la charité, cela ne sert de rien. » Donc le martyre est un acte de charité plus que de force.
3. S. Augustin dit dans un sermon sur S. Cyprien : « Il est facile de vénérer un martyr en célébrant sa fête ; il est difficile d'imiter sa foi et sa patience. » Mais en tout acte de vertu ce qui mérite le plus de louange, c'est la vertu dont il est l'acte. Donc le martyre est un acte de patience plus que de force.
En sens contraire, nous trouvons ces paroles dans la lettre de Cyprien aux martyrs et aux confesseurs : « Ô bienheureux martyrs, par quelles louanges vais-je vous célébrer ? Ô soldats pleins de force, par quelle parole éclatante vais-je montrer la vigueur de vos corps ? » Chacun est loué pour la vertu dont il exerce l'acte. Donc le martyre est un acte de la force.
Réponse
Comme nous l'avons montré plus haut. il revient à la force de confirmer l'homme dans le bien de la vertu contre les dangers, et surtout contre les dangers de mort qu'on rencontre à la guerre. Or il est évident que dans le martyre l'homme est solidement confirmé dans le bien de la vertu, lorsqu'il n'abandonne pas la foi et la justice, à cause de périls mortels qui le menacent, surtout de la part de persécuteurs, dans une sorte de combat particulier. Aussi S. Cyprien dit-il dans un sermon : « La multitude voit avec admiration ce combat céleste, elle voit que les serviteurs du Christ ont tenu bon dans la bataille, avec une parole hardie, une âme intacte, une force divine. » Aussi est-il évident que le martyre est un acte de la vertu de force, et c'est pourquoi l'Église applique aux martyrs cette parole (Hébreux 11.34) : « Ils ont été forts dans le combat. »
Solutions
1. Deux points sont à considérer dans la vertu de force. L'un est le bien dans lequel le fort demeure inébranlable, et c'est la finalité de la vertu de force. L'autre est la fermeté elle-même qui l'empêche de céder aux adversaires de ce bien, et c'est en cela que consiste l'essence de la force. De même que la force civique affermit l'âme de l'homme dans la justice humaine dont la conservation lui fait supporter des périls mortels ; de même la force qui vient de la grâce confirme son cœur dans le bien « de la justice de Dieu, qui est par la foi au Christ Jésus » (Romains 3.22). Ainsi le martyre se rapporte à la foi comme à la fin dans laquelle on est confirmé, et à la force comme à l'habitus dont il émane.
2. Sans doute la charité incline à l'acte du martyre comme étant son motif premier et principal ; elle est la vertu qui le commande ; mais la force y incline comme étant son motif propre : elle est la vertu d'où il émane. De là vient qu'il manifeste ces deux vertus. Et c'est par charité qu'il est méritoire, comme tout acte de vertu. C'est pourquoi sans la charité il ne vaut rien.
3. Comme nous l'avons dit, l'acte principal de la force, c'est de supporter ; c'est de cela que relève le martyre, non de son acte secondaire qui est d'attaquer. Et parce que la patience vient à l'aide de la force pour son acte principal qui est de supporter, on comprend que, dans l'éloge des martyrs, on loue aussi leur patience.
Objections
1. Il semble que le martyre ne soit pas l'acte de la plus haute perfection. Car ce qui relève de la perfection, c'est ce qui est l'objet d'un conseil, non d'un précepte. Mais le martyre semble être nécessaire au salut, d'après S. Paul (Romains 10.10) : « La foi du cœur obtient la justice, et la confession des lèvres, le salut. » De même S. Jean (1 Jean 3.10) : « Nous devons donner notre vie pour nos frères. » Donc le martyre ne relève pas de la perfection.
2. Il semble plus parfait de donner son âme à Dieu, ce qui se fait par l'obéissance, que de lui donner son propre corps, ce qui se fait par le martyre. Ce qui a fait dire à S. Grégoire : « L'obéissance vaut mieux que toutes les victimes. »
3. Il paraît meilleur de secourir les autres que de se maintenir dans le bien, parce que, dit Aristote, le bien de la nation vaut mieux que le bien d'un seul homme. Mais celui qui supporte le martyre n'est utile qu'à lui seul, tandis que celui qui enseigne rend service à beaucoup. Donc enseigner ou gouverner est plus parfait que subir le martyre.
En sens contraire, S. Augustin fait passer le martyre avant la virginité qui est un acte de perfection. Donc le martyre paraît contribuer souverainement à la perfection.
Réponse
Nous pouvons parler d'un acte de vertu de deux façons. D'abord selon l'espèce de cet acte, en tant qu'il se rattache à la vertu d'où il émane immédiatement. De ce point de vue, il est impossible que le martyre, qui consiste à supporter vertueusement la mort, soit le plus parfait des actes de vertu. Car supporter la mort n'est pas louable de soi, mais seulement si c'est ordonné à un bien qui soit un acte de vertu, comme la foi et l'amour de Dieu. C'est cet acte-là, parce qu'il est une fin, qui est meilleur.
Mais on peut envisager autrement l'acte de vertu. Selon son rattachement au premier motif, qui est l'amour de charité. Et sous cet angle surtout un acte relève de la vie parfaite parce que, selon S. Paul (Colossiens 3.14), « la charité est le lien de la perfection ». Or, parmi tous les actes de vertu, le martyre est celui qui manifeste au plus haut degré la perfection de la charité. Parce qu'on montre d'autant plus d'amour pour une chose que, pour elle, on méprise ce qu'on aime le plus en choisissant de souffrir ce qu'il y a de plus haïssable. Or il est évident que, parmi tous les biens de la vie présente, l'homme aime suprêmement cette vie même, et au contraire hait suprêmement la mort elle-même, surtout quand elle s'accompagne de supplices dont la crainte « écarte des plus vifs plaisirs les bêtes elles-mêmes », dit S. Augustin. De ce point de vue, il est évident que le martyre est par nature le plus parfait des actes humains, comme témoignant de la plus grande charité selon cette parole (Jean 15.13) : « Il n'y a pas de plus grande charité que de donner sa vie pour ses amis. »
Solutions
1. Tout acte de perfection qui est l'objet d'un conseil est, le cas échéant, objet de précepte en devenant nécessaire au salut. C'est ainsi, dit S. Augustin, qu'un homme peut être tenu rigoureusement d'observer la continence à cause de l'absence ou de la maladie de son épouse.
C'est pourquoi il n'est pas contraire à la perfection du martyre qu'en certains cas il soit nécessaire au salut. Car il reste des cas où supporter le martyre n'est pas nécessaire au salut. Aussi lit-on que beaucoup de saints se sont offerts spontanément au martyre par zèle de la foi et charité fraternelle. Il s'agit là de préceptes qui doivent être compris comme demandant la préparation de l'âme.
2. Le martyre englobe ce qui est le summum de l'obéissance : « être obéissant jusqu'à la mort », comme l'Écriture le dit du Christ (Philippiens 2.8). Aussi est-il clair qu'en soi le martyre est plus parfait que la simple obéissance.
3. Cet argument est valable pour le martyre envisagé dans son espèce propre, qui ne lui donne pas de supériorité sur les autres actes de vertu, de même que la force n'est pas supérieure à toutes les vertus.
Objections
1. Il semble que la mort ne soit pas incluse dans la raison de martyre. Car S. Jérôme écrit : « Je dirai à bon droit que la mère de Dieu fut vierge et martyre, bien qu'elle ait terminé sa vie dans la paix. » Et S. Grégoire. « Bien qu'il y manque l'occasion de mourir, la paix a son martyre, car si nous ne livrons pas notre tête à l'arme du bourreau, nous mettons à mort, par le glaive spirituel, les désirs de la chair. »
2. On lit que certaines femmes ont méprisé leur vie pour conserver leur intégrité charnelle. Il apparaît ainsi que l'intégrité corporelle de la chasteté a plus d'importance que la vie du corps. Mais parfois cette intégrité corporelle est enlevée, ou on tente de l'enlever, à cause de la confession de la foi chrétienne, comme c'est évident pour sainte Agnès et sainte Lucie. Il paraît donc qu'on devrait parler de martyre si une femme perd son intégrité charnelle pour la foi du Christ, plutôt que si elle perd aussi la vie du corps. C'est pourquoi sainte Lucie disait : « Si tu me fais violer malgré moi, ma chasteté me vaudra une double couronne. »
3. Le martyre est un acte de la vertu de force, et il appartient à celle-ci de ne pas craindre non seulement la mort, mais non plus les autres adversités, selon S. Augustin. Mais il y a beaucoup d'adversités autres que la mort, que l'on peut supporter pour la foi au Christ : la prison, l'exil, la spoliation de ses biens, comme le montre l'épître aux Hébreux (Hébreux 10.34). Aussi célèbre-t-on le martyre du pape Marcel, mort pourtant en prison. Il n'est donc pas nécessaire de subir la peine de mort pour être martyr.
4. Le martyre est un acte méritoire, nous l'avons dit. Mais un acte méritoire ne peut être postérieur à la mort. Donc il la précède, et ainsi la mort n'est pas essentielle au martyre.
En sens contraire, S. Maxime de Turin dit, dans un panégyrique de martyr : « Il est vainqueur en mourant pour la foi, alors qu'il aurait été vaincu en vivant sans la foi. »
Réponse
Nous l'avons dit on appelle martyr celui qui est comme un témoin de la foi chrétienne, qui nous propose de mépriser le monde visible pour les réalités invisibles, selon la lettre aux Hébreux (Hébreux 11.34). Il appartient donc au martyre que l'homme témoigne de sa foi, en montrant par les faits qu'il méprise toutes les choses présentes pour parvenir aux biens futurs et invisibles. Or, tant que l'homme conserve la vie du corps, il ne montre pas encore par les faits qu'il dédaigne toutes les réalités corporelles ; car les hommes ont coutume de ne faire aucun cas de leurs consanguins, de toutes leurs possessions et même de subir la douleur physique, pour conserver la vie. D'où cette insinuation de Satan contre Job (Job 2.4) : « Peau pour peau. Et tout ce que l'homme possède, il le donnera pour son âme », c'est-à-dire pour sa vie physique. C'est pourquoi, afin de réaliser parfaitement la raison de martyre, il est requis de subir la mort pour le Christ.
Solutions
1. Ces textes, ou d'autres semblables, emploient le mot martyre par métaphore.
2. Chez la femme qui perd son intégrité physique, ou qui est condamnée à la perdre en raison de sa foi chrétienne, il n'est pas évident pour les hommes qu'elle souffre par amour de la foi et pas plutôt par mépris de la chasteté. Et c'est pourquoi, aux yeux des hommes, il n'y a pas là un témoignage suffisant et cet acte n'a pas proprement raison de martyre. Mais pour Dieu, qui pénètre les cœurs, cela peut valoir la récompense, comme le dit sainte Lucie.
3. On l'a dit plus haut, la force se manifeste principalement au sujet des périls de mort, et par voie de conséquence au sujet des autres périls. C'est pourquoi on ne parle pas de martyre proprement dit pour ceux qui ont subi seulement la prison, l'exil ou la spoliation de leurs biens, sauf lorsque la mort s'ensuit.
4. Le mérite du martyre ne se situe pas après la mort, mais dans l'acceptation volontaire de la mort infligée. Pourtant il arrive parfois qu'après avoir reçu pour le Christ des blessures mortelles, ou d'autres violences prolongées jusqu'à la mort, le martyr survive longtemps. En cette situation l'acte du martyre est méritoire, et au moment même où de telles souffrances sont subies.
Objections
1. Il semble que la foi seule soit cause du martyre. On lit en effet (1 Pierre 4.15) : « Que nul d'entre vous n'ait à souffrir comme homicide ou comme voleur » ou quoi que ce soit de semblable. « Mais si c'est comme chrétien, qu'il n'en rougisse pas ; au contraire, qu'il glorifie Dieu de porter ce nom. » Mais on est appelé chrétien parce qu'on garde la foi au Christ. Donc, seule la foi au Christ donne la gloire du martyre à ses victimes.
2. Martyre signifie témoin. Or on ne rend témoignage qu'à la vérité. Et on ne décerne pas le martyre au témoignage de n'importe quelle vérité, mais de la vérité divine. Autrement, si quelqu'un mourait pour avoir confessé une vérité de géométrie ou d'une autre science spéculative, il serait martyr, ce qui semble ridicule. Donc la foi seule cause le martyre.
3. Parmi les œuvres de vertu, celles-là paraissent les plus importantes qui sont ordonnées au bien commun, parce que « le bien de la nation est meilleur que celui de l'individu », selon Aristote. Donc, si un autre bien était cause du martyre, le titre de martyr serait attribué avant tout à ceux qui meurent pour la défense de l'État. Ce qui n'est pas la coutume de l'Église, car on ne célèbre pas le martyre de ceux qui meurent dans une guerre juste. Donc la foi seule peut être cause du martyre.
En sens contraire, on lit (Matthieu 5.10) « Bienheureux ceux qui souffrent persécution pour la justice », ce qui se rapporte au martyre, d'après la Glose. Or la foi n'est pas seule à se rattacher à la justice, les autres vertus aussi. Donc les autres vertus peuvent aussi être la cause du martyre.
Réponse
On vient de le dire, les martyrs sont comme des témoins parce que leurs souffrances corporelles subies jusqu'à la mort rendent témoignage non à une vérité quelconque, mais à la vérité religieuse que le Christ nous a révélée, aussi sont-ils appelés martyrs du Christ, comme étant ses témoins. Telle est la vérité de la foi. Et c'est pourquoi la cause de tout martyre est la vérité de la foi. Mais à celle-ci se rattache non seulement la croyance du cœur, mais aussi la protestation extérieure. Or celle-ci ne se fait pas seulement par les paroles d'une confession de foi, mais aussi par les faits montrant qu'on a la foi, selon cette parole en S. Jacques (Jacques 2.18) : « C'est par les œuvres que je te montrerai ma foi. » Aussi S. Paul (Tite 1.16) dit-il de certains : « Ils font profession de connaître Dieu, mais par leur conduite ils le renient. » Et c'est pourquoi les œuvres de toutes les vertus, selon qu'elles se réfèrent à Dieu, sont des protestations de la foi qui nous fait comprendre que Dieu requiert de nous ces œuvres, et nous en récompense. À ce titre elles peuvent être cause de martyre. Aussi l'Église célèbre-t-elle le martyre de S. Jean Baptiste qui a subi la mort non pour avoir refusé de renier sa foi, mais pour avoir reproché à Hérode son adultère.
Solutions
1. On est appelé chrétien parce qu'on est au Christ. Et l'on dit que quelqu'un est au Christ non seulement parce qu'il croit en lui mais aussi parce qu'il accomplit des actions vertueuses guidé par l'esprit du Christ, selon S. Paul (Romains 8.9) : « Si quelqu'un n'a pas l'esprit du Christ, il ne lui appartient pas. » Et l'on dit aussi qu'il est au Christ parce que, à son imitation, il meurt au péché selon cette parole (Galates 5.24) : « Ceux qui appartiennent au Christ Jésus ont crucifié leur chair avec ses passions et ses convoitises. » Et c'est pourquoi on souffre comme le Christ non seulement en souffrant pour une confession de foi en paroles, mais aussi chaque fois qu'on souffre pour accomplir un bien quelconque, ou pour éviter un péché quelconque à cause du Christ, parce que tout cela relève de la protestation de foi.
2. La vérité des autres sciences ne se rattache pas au culte divin. C'est pourquoi on ne l'appelle pas une vérité religieuse. Aussi sa confession ne peut-elle être directement cause du martyre. Mais parce que tout péché est mensonge, comme nous l'avons établi, éviter le mensonge, contre quelque vérité que ce soit, en tant que le mensonge est contraire à la loi divine, peut être cause de martyre.
3. Le bien de l’État occupe la première place parmi les biens humains. Mais le bien divin, qui est la cause propre du martyre, l'emporte sur le bien humain. Cependant, parce que le bien humain peut devenir divin s'il se réfère à Dieu, il peut arriver que n'importe quel bien humain soit cause de martyre, selon qu'il est référé à Dieu.
Nous allons les étudier maintenant : la crainte (Q. 125), l'intrépidité (Q. 126) et l'audace (Q. 127).