- Est-ce une seule et même adoration que nous rendons à la divinité du Christ et à son humanité ?
- Doit-on rendre un culte de latrie à sa chair ?
- À son image ?
- À sa croix ?
- À sa mère ?
- L'adoration des reliques des saints.
Objections
1. Il faut adorer la divinité du Christ parce qu'elle est commune au Père et au Fils. Aussi est-il écrit en S. Jean (Jean 5.23) : « Que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. » Mais l'humanité du Christ ne lui est pas commune avec le Père. Donc on ne doit pas la même adoration à son humanité qu'à sa divinité.
2. « L'honneur est à proprement parler la récompense de la vertu ». dit Aristote. Or la vertu mérite la récompense par ses actes ; et puisque chez le Christ l'activité de la nature divine et celle de la nature humaine sont distinctes, on doit honorer son humanité autrement que sa divinité.
3. L'âme du Christ, si elle n'était pas unie au Verbe, aurait droit à la vénération en raison de l'excellence de sa sagesse et de sa grâce. Mais l'union au Verbe ne lui a rien enlevé de sa dignité. La nature humaine a donc droit à une vénération propre, distincte de celle que l'on rend à sa divinité.
En sens contraire, nous lisons dans les chapitres du cinquième Concile œcuménique de Constantinople : « Si quelqu'un dit que le Christ est adoré dans ses deux natures de telle manière que cela implique deux adorations..., et s'il n'adore pas d'une seule adoration Dieu Verbe incarné avec sa propre chair, comme le veut la tradition constante de l'Église de Dieu, qu'il soit anathème. »
Réponse
Chez celui auquel on rend honneur, nous pouvons considérer deux points : celui-là même que l'on honore, et le motif de l'honneur. À proprement parler, l'honneur est rendu à tout l'être subsistant ; ce n'est pas la main de l'homme que l'on honore, mais l'homme lui-même. Et s'il arrive parfois que l'on parle d'honorer la main ou le pied de quelqu'un, cela signifie non pas que l'on vénère ces membres pour eux-mêmes, mais dans ces membres on honore le tout. C'est de cette manière que l'on peut honorer un homme en quelque chose qui lui est extérieur, comme un vêtement, une image ou un messager.
Le motif de l'honneur se prend d'une certaine excellence possédée par celui qui est objet de vénération. L'honneur est la révérence témoignée à quelqu'un en raison de son excellence, comme nous l'avons dit dans la deuxième Partie. C'est pourquoi, s'il y a chez un homme plusieurs motifs d'honneur, comme la prélature, la science et la vertu, l'honneur rendu à cet homme sera un quant à son sujet, multiple quant à ses motifs ; car c'est le même homme qui est honoré en raison de sa science et en raison de sa vertu.
Puisque dans le Christ il n'y a qu'une seule personne en deux natures, une seule hypostase, un seul suppôt, il n'y aura, par rapport au sujet honoré, qu'une seule adoration et un seul honneur. Mais au point de vue des motifs, on pourra dire qu'il y a plusieurs adorations, l'une par exemple ayant pour motif la sagesse incréée, l'autre, la sagesse créée du Christ.
Si l'on admettait dans le Christ plusieurs personnes ou hypostases, il s'ensuivrait qu'il y aurait purement et simplement plusieurs adorations. Et c'est ce qui est réprouvé par les conciles. Nous lisons en effet dans les chapitres de S. Cyrille : « Si quelqu'un ose dire qu'il faut adorer l'homme assumé en même temps que le Dieu verbe, comme différents l'un de l'autre, et s'il n'adore pas plutôt d'une seule adoration l'Emmanuel, en tant qu'il est le Verbe fait chair, qu'il soit anathème. »
Solutions
1. Dans la Trinité, trois personnes sont honorées, mais le motif d'honneur est unique. Dans le mystère de l'Incarnation, c'est le contraire. Ce n'est donc pas dans le même sens que nous pouvons parler d'honneur unique à propos de la Trinité et à propos du Christ.
2. L'opération n'est pas sujet, mais motif d'honneur. Du fait qu'il y a dans le Christ deux opérations, il ne s'ensuit donc pas qu'il y a deux adorations, mais deux motifs d'adoration.
3. L'âme du Christ, si elle n'était pas unie au Verbe de Dieu, serait ce qu'il y a de principal chez cet homme. Et c'est pourquoi on lui devrait un honneur particulier, car l'homme serait ce qu'il y a de meilleur en lui. Mais parce que l'âme du Christ est unie à une personne plus digne, c'est à cette personne que l'honneur doit aller avant tout. Pour autant, la dignité de l'âme du Christ n'en est pas diminuée, mais plutôt augmentée, nous l'avons déjà dit.
Objections
1. Sur le Psaume (Psaumes 99.5) : « Adorez l'escabeau de ses pieds, parce qu'il est saint », la Glose nous dit : « La chair assumée par le Verbe de Dieu est adorée par nous sans impiété, car personne ne mange spirituellement sa chair s'il ne l'adore auparavant, non pas cependant de cette adoration de latrie qui est due au Créateur seul. » Or la chair fait partie de l'humanité du Christ : celle-ci ne doit donc pas être l'objet d'une adoration de latrie.
2. Le culte de latrie ne doit être rendu à aucune créature ; c'est pourquoi S. Paul (Romains 1.25) blâme les païens, parce qu'« ils adorent et servent la créature ». Mais l'humanité du Christ est une créature ; on ne lui doit donc pas un culte de latrie.
3. L'adoration de latrie est due à Dieu en reconnaissance de son souverain domaine sur toutes choses, selon le Deutéronome (Deutéronome 6.13) : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu ne serviras que lui seul. » Or le Christ, comme homme, est inférieur au Père. On ne doit donc pas à son humanité une adoration de latrie.
En sens contraire, S. Jean Damascène écrit : « Dieu le Verbe s'étant incarné, la chair du Christ est adorée, non pour elle-même, mais parce que le Verbe de Dieu lui est uni selon l'hypostase. » Et au sujet de la parole du Psaume (Psaumes 99.5) : « Adorez l'escabeau de ses pieds », la Glose écrit : « Celui qui adore le corps du Christ ne regarde pas la terre, mais plutôt celui dont elle est l'escabeau, et en l'honneur de qui il adore l'escabeau. » Or, le Verbe incarné est adoré d'une adoration de latrie. Donc aussi son corps ou son humanité.
Réponse
Nous l'avons dit l'honneur de l'adoration est dû proprement à l'hypostase subsistante ; cependant le motif de l'adoration peut être pris d'une réalité non subsistante, pour laquelle on honore la personne qui en est dotée. L'adoration de l'humanité du Christ peut donc être envisagée à un double point de vue. Premièrement, en tant qu'elle appartient à celui que l'on adore. Ainsi, adorer la chair du Christ n'est pas autre chose qu'adorer le Verbe de Dieu incarné, comme vénérer le vêtement du roi n'est pas autre chose que vénérer le roi qui le porte. De ce chef, l'adoration de l'humanité du Christ est une adoration de latrie.
En second lieu, on peut adorer l'humanité du Christ en raison de l'humanité elle-même perfectionnée par tous les dons de la grâce. En ce sens, une telle adoration n'est pas une adoration de latrie, mais de dulie. Si bien que la même et unique personne du Christ est adorée d'une adoration de latrie à cause de sa divinité, et d'une adoration de dulie à cause de la perfection de son humanité.
Cela n'a rien de contradictoire ; car Dieu le Père lui-même doit recevoir une adoration de latrie en raison de sa divinité, et une adoration de dulie pour la souveraineté avec laquelle il gouverne les créatures. Aussi, à propos de cette parole du Psaume (Psaumes 7.1) : « Seigneur mon Dieu, j'ai espéré en toi », lisons-nous dans la Glose : Seigneur de tous « à cause de la puissance », à qui est dû le culte de dulie ; Dieu de tous « par la création », à qui est dû le culte de latrie.
Solutions
1. Cette glose ne doit pas s'entendre en ce sens que l'on doit adorer la chair du Christ séparément de sa divinité ; cela ne serait possible que s'il y avait une hypostase humaine distincte de l'hypostase divine. Mais, comme remarque S. Jean Damascène : « Si l'on divise (dans le Christ), par des concepts subtils, ce qui est objet de vision et ce qui est objet d'intellection, on ne peut adorer le Christ, comme créature, d'une adoration de latrie. » Ainsi donc, à la créature, en tant que conçue comme séparée du Verbe de Dieu, on doit une adoration de dulie, non pas quelconque et semblable à celle qui est communément rendue aux créatures, mais plus excellente, et que l'on appelle hyperdulie.
2. 3. Nous répondons par là aux autres objections. Car l'adoration de latrie n'est pas rendue à l'humanité du Christ pour elle-même, mais pour la divinité à laquelle elle est unie et selon laquelle le Christ n'est pas inférieur au Père.
Objections
1. Il est écrit (Exode 20.4) : « Tu ne feras pas de statue ni aucune image. » Or, on doit éviter toute adoration contraire au précepte divin. Donc on ne doit pas rendre à l'image du Christ l'adoration de latrie.
2. Nous ne devons avoir rien de commun avec les œuvres des païens, nous dit l'Apôtre (Éphésiens 5.11). Mais ce que l'on reproche surtout aux païens c'est « qu'ils ont échangé la majesté du Dieu incorruptible contre l'image d'un homme corruptible » (Romains 1.23).
3. On doit au Christ une adoration de latrie en raison de sa divinité, non en raison de son humanité. Mais l'image de sa divinité, imprimée dans l'âme rationnelle, n'a pas droit à une telle adoration. Bien moins encore l'image corporelle qui représente son humanité.
4. On ne doit rien faire dans le culte divin qui n'ait été institué par Dieu. Aussi l'Apôtre lui-même, quand il va donner un enseignement sur le sacrifice de l'Église, dit-il (1 Corinthiens 11.23) : « J'ai reçu du Seigneur ce que je vous ai transmis. » Or on ne trouve dans l'Écriture aucun enseignement en faveur de l'adoration des images du Christ.
En sens contraire, S. Jean Damascène dit en citant S. Basile : « L'honneur rendu à l'image atteint le prototype », c'est-à-dire le modèle. Mais le modèle, qui est le Christ, doit recevoir une adoration de latrie. Donc aussi son image.
Réponse
Comme dit Aristote il y a un double mouvement de l'âme vers l'image : l'un se portant vers l'image elle-même en tant qu'elle est une réalité, l'autre se portant vers l'image en tant qu'elle est l'image d'autre chose. Il y a cette différence entre ces deux mouvements, que le premier est différent de celui qui se porte vers la réalité représentée, tandis que le second, qui se porte vers l'image en tant qu'image, est identique à celui qui se porte vers la réalité représentée. Ainsi donc, il faut dire qu'on ne doit aucune vénération à l'image du Christ en tant qu'elle est une chose, comme du bois sculpté ou peint, parce qu'on ne doit de vénération qu'à la créature raisonnable. Il reste donc qu'on lui manifeste de la vénération seulement en tant qu'elle est une image. Et il en résulte qu'on doit la même vénération à l'image du Christ et au Christ lui-même. Donc, puisque le Christ est adoré d'une adoration de latrie, il est logique d'adorer de même son image.
Solutions
1. Le précepte en question n'interdit pas de faire une sculpture ou une image, mais de la faire en vue de l'adorer, si bien que l'Exode ajoute : « Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux, et tu ne les adoreras pas. » Et puisque, nous venons de le dire, c'est le même mouvement qui se porte sur l'image et sur la réalité, la même défense interdit l'adoration de la réalité et celle de l'image. Il faut donc comprendre que l'adoration prohibée est celle des images que les païens fabriquaient pour vénérer leurs dieux, c'est-à-dire les démons ; et c'est pourquoi le texte avait dit d'abord : « Tu n'auras pas d'autres dieux devant moi. » Quant à Dieu lui-même, puisqu'il est incorporel, aucune image de lui ne pouvait être proposée car, dit S. Jean Damascène : « C'est le comble de la sottise et de l'impiété que de modeler une image de ce qui est divin. » Mais parce que sous la nouvelle alliance Dieu s'est fait homme, il peut être adoré sous son image corporelle.
2. L'Apôtre interdit de communier aux « œuvres stériles » des païens (Éphésiens 5.4), mais non à leurs œuvres utiles. Or l'adoration des images doit être comptée parmi les œuvres stériles pour deux motifs. D'abord en ce que certains des païens adoraient les images comme des réalités, croyant qu'elles contenaient quelque chose de divin à cause des réponses que les démons donnaient par elles, ou à cause d'autres prodiges. Puis du fait que ces images représentaient des créatures auxquelles ils rendaient un culte de latrie. Quant à nous, nous rendons une adoration de latrie à l'image du Christ, vrai Dieu, non pas à cause de l'image elle-même, mais à cause de la réalité qu'elle représente.
3. On doit à la créature rationnelle comme telle une certaine vénération. C'est pourquoi si, parce qu'elle est l'image de Dieu, on lui rendait une adoration de latrie, on pourrait tomber dans l'erreur, car le mouvement d'adoration pourrait s'arrêter à l'homme en tant qu'il est une réalité, et ne pas se porter jusqu'à Dieu dont il est l'image. Le même danger n'est pas à craindre pour une image sculptée ou peinte dans une matière insensible.
4. Les Apôtres, guidés par l'impulsion intérieure de l'Esprit Saint, ont transmis aux Églises certaines traditions qu'ils n'avaient pas laissées dans leurs écrits, mais dans la pratique de l'Église, que les fidèles se transmettaient. C'est ainsi que S. Paul dit aux Thessaloniciens (2 Thessaloniciens 2.14) : « Tenez ferme et attachez-vous aux traditions que vous avez reçues de nous, de vive voix ou par lettre. » Et parmi ces traditions il y a l'adoration des images du Christ. C'est pourquoi on attribue à S. Luc une peinture du Christ qui se trouve à Rome.
Objections
1. Un fils affectueux ne vénère pas ce qui a outragé son père, par exemple le fouet avec lequel celui-ci a été flagellé, ou le gibet auquel il a été suspendu. Il en aurait plutôt de l'horreur. Or, sur le bois de la croix, le Christ a subi la mort la plus ignominieuse, selon la Sagesse (Sagesse 2.20). « Condamnons-le à la mort la plus honteuse. » Nous ne devons donc pas vénérer la croix, mais l'avoir en horreur.
2. On rend à l'humanité du Christ l'adoration de latrie en tant qu'elle est unie à la personne du Fils de Dieu ; ce qu'on ne peut pas dire de la croix. On ne peut donc pas rendre à celle-ci un culte de latrie.
3. La croix du Christ fut l'instrument de sa passion et de sa mort, mais il y en eut bien d'autres : les clous, la couronne d'épines, la lance ; pourtant nous ne leur rendons pas un culte de latrie. Donc on ne doit pas le rendre non plus à la croix.
En sens contraire, nous adorons d'un culte de latrie ce en quoi nous mettons l'espérance de notre salut. Or nous mettons une telle espérance dans la croix du Christ, puisque l'Église chante : « Salut, ô croix, unique espérance ! donne aux coupables le pardon. » Donc la croix du Christ a droit à l'adoration de latrie.
Réponse
Nous l'avons déjà dit, l'honneur ou la vénération n'est dû qu'à la créature raisonnable ; c'est seulement à cause d'elle que l'on honore ou révère une créature insensible. Et cela pour deux motifs : soit parce qu'elle représente la créature raisonnable soit parce qu'elle lui est unie de quelque façon. Pour le premier motif, les hommes ont coutume de révérer l'image du roi ; pour le second, son vêtement. Ils vénèrent ces objets comme le roi lui-même.
Donc, si nous parlons de la croix même sur laquelle le Christ a été cloué, on doit la révérer pour les mêmes motifs : et parce qu'elle nous présente la figure du Christ étendu sur elle, et aussi parce qu'elle a été touchée par ses membres et inondée de son sang. Pour ce double motif nous devons lui rendre le même culte de latrie qu'au Christ lui-même. C'est pourquoi nous invoquons la croix, et nous la prions comme le Crucifié en personne.
Mais s'il s'agit de l'effigie de la croix, faite de toute autre matière : pierre, bois, argent ou or, la croix n'est vénérée que comme image du Christ, à laquelle nous rendons un culte de latrie, au sens dont nous avons parlé à l'article précédent.
Solutions
1. Dans l'intention et l'opinion des infidèles, la croix est considérée comme un outrage pour le Christ ; mais, quant à la réalisation de notre salut, on considère sa vertu divine, qui a triomphé des ennemis, selon l'Apôtre (Colossiens 2.14) : « Il a supprimé le billet de notre dette en le clouant à la croix. Il a dépouillé les Principautés et les Puissances et les a traînées dans le triomphe de sa victoire. » Ce qui fait dire encore à S. Paul (1 Corinthiens 1.18) : « Le langage de la croix est folie pour ceux qui se perdent, mais pour ceux qui se sauvent, pour nous, il est puissance de Dieu. »
2. Si la croix du Christ n'a pas été unie personnellement au Verbe de Dieu, elle lui a été unie d'une autre manière : par représentation et par contact. C'est pour ce seul motif qu'on la révère.
3. Nous n'adorons pas seulement la croix, mais aussi tout ce qui a été en contact avec les membres du Christ. C'est pourquoi S. Jean Damascène écrit : « Le bois précieux, sanctifié par le contact du corps sacré et du sang, doit être à juste raison adoré ; de même les clous, les vêtements, la lance ; de même ses saintes demeures comme la mangeoire, la grotte, etc. » Cependant, ces objets ne présentent pas l'image du Christ comme la croix, qui est appelée dans l'Écriture « le signe du Fils de l'homme », et qui « apparaîtra dans le ciel », comme il est dit en S. Matthieu (Matthieu 24.30). C'est pourquoi l'Ange dit aux saintes femmes (Marc 16.6) : « Vous cherchez Jésus de Nazareth qui a été crucifié », et non « qui a été percé de la lance », mais « qui a été crucifié ». Aussi vénérons-nous toute représentation de la croix, en quelque matière qu'elle soit faite, mais non l'image des clous ou de quelque autre objet.
Objections
1. On doit rendre les mêmes honneurs au roi et à la mère du roi, puisqu'on lit (1 Rois 2.19) : « Un trône fut dressé pour la mère du roi, et elle s'assit à sa droite. » Et S. Augustin dit : « Celle qui est la mère de Dieu, la couche nuptiale du Seigneur du ciel, la tente du Christ, est digne de se trouver là où il se trouve lui-même. » Or on rend au Christ un culte de latrie ; on doit donc agir ainsi envers sa mère.
2. S. Jean Damascène écrit : « L'honneur que l'on rend à la mère se reporte sur le fils. » Mais le Christ reçoit un culte de latrie. Donc sa mère aussi.
3. La mère du Christ lui fut plus intimement unie que ne fut la croix. Or on rend à celle-ci un culte de latrie. Donc à la mère du Christ aussi.
En sens contraire, la mère du Christ est une simple créature. Donc on ne doit pas lui rendre un culte de latrie.
Réponse
Parce que le culte de latrie est dû à Dieu seul, on ne le doit à aucune créature, si nous vénérons la créature pour elle-même. Or, si les créatures insensibles ne peuvent être vénérées pour elles-mêmes, il en va autrement de la créature raisonnable. Aussi ne doit-on jamais rendre un culte de latrie à une simple créature raisonnable. Et puisque la Bienheureuse Vierge est une simple créature raisonnable, on ne lui doit pas un culte de latrie, mais seulement une vénération de dulie ; vénération plus haut qu'aux autres créatures, parce qu'elle est la mère de Dieu. C'est pourquoi le culte qu'on lui doit n'est pas un culte de dulie quelconque, mais d'hyperdulie.
Solutions
1. On ne doit pas à la mère du roi le même honneur qu'au roi, mais seulement un honneur comparable en raison d'une certaine excellence. C'est ce que signifient les textes allégués.
2. L'honneur se reporte sur le fils parce que la mère est honorée à cause du fils. Mais il ne s'agit pas ici de l'honneur rendu à l'image en tant que cet honneur se reporte sur le modèle, car l'image en elle-même, considérée comme une réalité, ne mérite aucune vénération.
3. La croix considérée en elle-même n'est pas, nous l'avons vu, objet de vénération. Au contraire, la Bienheureuse Vierge en elle-même, est digne de vénération. Donc la comparaison ne vaut pas.
Objections
1. On ne doit rien faire qui puisse être occasion d'erreur. Or, adorer les restes des morts semble se rattacher à l'erreur des païens, qui rendaient un culte aux défunts.
2. Il est sot de vénérer un objet insensible, ce que sont pourtant les restes des saints.
3. Un corps mort n'est pas de la même espèce que le corps vivant ; il n'est donc pas numériquement le même. Il apparaît donc qu'après la mort d'un saint, on ne doit pas adorer son corps.
En sens contraire, on lit dans le livre des Croyances ecclésiastiques : « Nous croyons que l'on doit vénérer très sincèrement les corps des saints, et principalement les restes des bienheureux martyrs, comme s'ils étaient les membres du Christ. » Et plus loin : « Si quelqu'un contredit cette doctrine, il n'est pas chrétien, mais sectateur d'Eunomius et de Vigilantius. »
Réponse
S. Augustin écrit : « Si les vêtements et l'anneau d'un père sont d'autant plus chers aux enfants qu'ils aiment davantage leurs parents, on ne doit aucunement mépriser les corps qui nous sont encore beaucoup plus familiers et intimement unis que les vêtements que nous portons ; ils se rattachent en effet à la nature même de l'homme. » Il est clair que celui qui aime quelqu'un vénère après sa mort ce qui reste de lui ; non seulement son corps et des parties de son corps, mais aussi des objets extérieurs, comme des vêtements. Il est donc évident que nous devons avoir de la vénération pour les saints de Dieu, qui sont les membres du Christ, les fils et les amis de Dieu et nos intercesseurs auprès de lui. Il est donc évident aussi que nous devons, en souvenir d'eux, vénérer dignement tout ce qu'ils nous ont laissé, et principalement leurs corps, qui furent les temples et les organes du Saint-Esprit, habitant et agissant en eux, et qui doivent être configurés au corps du Christ par la résurrection glorieuse. C'est pourquoi Dieu lui-même glorifie comme il convient leurs reliques, par les miracles qu'il opère en leur présence.
Solutions
1. Ce fut le motif invoqué par Vigilantius et rapporté par S. Jérôme dans le livre écrit contre lui : « C'est un rite presque païen que nous voyons s'introduire sous prétexte de religion. Ils adorent, en la baisant, je ne sais quelle poussière enfermée dans un petit vase enveloppé dans un linge précieux. » Contre quoi Jérôme écrit : « Nous n'adorons pas les reliques des saints, ni non plus le soleil, la lune ni les anges d'une adoration de latrie. Mais nous honorons les reliques des martyrs, afin d'adorer celui dont ils sont les martyrs ; nous honorons les serviteurs afin que l'honneur rendu à ceux-ci rejaillisse sur le Seigneur. » Ainsi donc, en honorant les reliques des saints, nous ne tombons pas dans l'erreur des païens qui rendaient aux morts un culte de latrie.
2. Nous n'adorons pas ce corps insensible pour lui-même, mais à cause de l'âme qui lui fut unie et qui jouit maintenant de Dieu, et à cause de Dieu, dont l'âme et le corps furent les serviteurs.
3. Le corps mort d'un saint n'est pas identique numériquement à son corps vivant, lequel avait une forme différente : l'âme. Mais il est le même par identité de matière, laquelle sera de nouveau unie à l'âme, sa forme.