- Convenait-il à Jean de baptiser ?
- Ce baptême venait-il de Dieu ?
- Conférait-il la grâce ?
- D'autres que le Christ devaient-ils le recevoir ?
- Ce baptême devait-il cesser après avoir été reçu par le Christ ?
- Ceux qui avaient reçu le baptême de Jean devaient-ils recevoir ensuite le baptême institué par le Christ ?
Objections
1. Tout rite sacramentel se rattache à une loi. Or Jean n'a pas introduit de loi nouvelle. Il ne convenait donc pas qu'il introduisît un rite nouveau.
2. Jean a été envoyé par Dieu en témoignage comme prophète, selon le texte de S. Luc (Luc 1.76) : « Toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut. » Or, les prophètes antérieurs au Christ n'ont pas établi de nouveau rite, mais poussaient à observer les rites de la loi, comme faisait Malachie (Malachie 3.22) : « Rappelez-vous la loi de Moïse, mon serviteur. »
3. On n'ajoute pas à ce qui est déjà surabondant. Or les Juifs multipliaient les baptêmes, comme l'explique S. Marc (Marc 7.3 Vg) : « Les pharisiens et les Juifs ne mangent pas sans s'être soigneusement lavé les mains ; lorsqu'ils reviennent du marché, ils ne mangent pas sans avoir pratiqué des ablutions. Ils pratiquent encore beaucoup d'autres observances traditionnelles, la purification des coupes, des cruches, des vases de bronze et des lits. » Il était donc superflu que Jean baptise.
En sens contraire, il y a l'autorité de l'Écriture en S. Matthieu (Matthieu 3:5), où, après avoir fait mention de la sainteté de S. Jean, elle ajoute que beaucoup allaient vers lui « et étaient baptisés dans le Jourdain ».
Réponse
Il convenait que Jean baptisât pour quatre raisons.
1° Il fallait que le Christ soit baptisé par lui afin de consacrer le baptême, dit S. Augustin.
2° Afin de manifester le Christ. Aussi Jean Baptiste lui-même déclare-t-il : « C'est afin que le Christ soit manifesté que moi je suis venu baptiser dans l'eau. » Aux foules accourues vers lui, Jean annonçait le Christ, ce qu'il n'aurait pu faire aussi facilement s'il avait dû aller trouver chacun, dit S. Jean Chrysostome.
3° Afin d'accoutumer les hommes, par son baptême, à celui du Christ. S. Grégoire dit que Jean a baptisé « afin de remplir sa fonction de précurseur : sa naissance avait précédé celle du Seigneur ; de même son baptême préparait celui du Seigneur ».
4° Afin de pousser les hommes à la pénitence et par là les préparer à recevoir dignement le baptême du Christ. Aussi Bède dit-il sur le même passage : « On peut comparer le profit que retirent les catéchumènes de l'enseignement de la foi avant leur baptême, au bien que procurait le baptême de Jean avant celui du Christ. Jean prêchait, en effet, la pénitence, annonçait le baptême du Christ, et attirait à la connaissance de la vérité qui s'est manifestée au monde ; pareillement les ministres du Christ, qui commencent par enseigner, réprouvent ensuite les péchés et en promettent la rémission dans le baptême du Christ. »
Solutions
1. Le baptême de Jean n'était pas par lui-même un sacrement, mais comme une sorte de sacramental disposant au baptême du Christ ; aussi se rattachait-il quelque peu à la loi du Christ et non à la loi de Moïse.
2. Jean ne fut pas seulement un prophète mais, comme dit le Christ en S. Matthieu (Matthieu 11.9), « plus qu'un prophète ». Il fut en effet le terme de la loi et le commencement de l'Évangile. Il lui revenait donc d'amener les hommes, par sa parole et par ses actes, à la loi du Christ plutôt qu'à l'observance de l'ancienne loi.
3. Les ablutions (ou baptêmes) des pharisiens étaient inutiles, car elles ne visaient qu'à purifier la chair. Mais le baptême de Jean visait à purifier l'esprit, car il amenait les hommes à la pénitence, comme nous venons de le montrer.
Objections
1. Aucune réalité sacramentelle venant de Dieu ne porte le nom d'un homme. Ainsi le baptême de la loi nouvelle n'est-il pas appelé baptême de Pierre ou de Paul, mais du Christ. Or le baptême administré par Jean porte son nom, car on lit en S. Matthieu (Matthieu 21.25) : « Le baptême de Jean, d'où venait-il ? Du ciel, ou des hommes ? » Il ne pouvait donc venir de Dieu.
2. Tout enseignement nouveau qui vient de Dieu doit être confirmé par des signes ; c'est pourquoi le Seigneur a donné à Moïse le pouvoir d'en accomplir (Exode 4.2) et on lit dans l'épître aux Hébreux (Hébreux 2.3) : « Notre foi, inaugurée par la prédication du Seigneur, nous a été confirmée par ceux qui l'ont entendue, Dieu appuyant leur témoignage par des signes et des prodiges. » Or, on nous dit dans le quatrième évangile (Jean 10.41) : « Jean n'a fait aucun signe ». Il semble donc que son baptême ne venait pas de Dieu.
3. Les sacrements institués par Dieu sont prescrits par la Sainte Écriture. Mais ce n'est pas le cas du baptême de Jean, qui ne vient donc pas de Dieu.
En sens contraire, Jean Baptiste déclare lui-même, selon le quatrième évangile (Jean 1.33) : « Celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, c'est lui qui m'a dit : Celui sur qui tu verras l'Esprit, etc. »
Réponse
Dans le baptême de Jean on peut considérer deux réalités : le rite même du baptême, et l'effet du baptême. Le rite du baptême n'a pas été institué par les hommes mais par Dieu ; c'est Dieu qui, par une révélation intime du Saint-Esprit, a envoyé Jean baptiser. En revanche, l'effet de ce baptême venait de l'homme, car ce baptême ne produisait rien que l'homme ne puisse faire. Par suite, le baptême de Jean n'est pas venu de Dieu seul, sinon dans la mesure où Dieu agit dans l'homme.
Solutions
1. Par le baptême de la loi nouvelle, les hommes sont baptisés intérieurement par le Saint-Esprit, ce qui est l'œuvre de Dieu seul. Mais par le baptême de Jean le corps seul était purifié par l'eau. Voilà pourquoi Jean lui-même affirme (Matthieu 3.11) : « Moi, je vous baptise dans l'eau ; lui vous baptisera dans l'Esprit Saint. » Aussi le baptême administré par Jean porte-il son nom, car tout ce qui s'y faisait était fait par lui. Mais le baptême de la loi nouvelle ne porte pas le nom du ministre, car celui-ci ne produit pas l'effet principal du baptême, qui est la purification intérieure.
2. L'enseignement et l'action de Jean étaient tout entiers ordonnés au Christ, qui a confirmé par une multitude de signes sa propre doctrine et celle de Jean. Si Jean avait fait des miracles, les hommes lui auraient porté la même attention qu'au Christ. Pour que les hommes s'attachent principalement au Christ, il n'a pas été accordé à Jean de faire des miracles. Cependant, aux juifs qui lui demandaient pourquoi il baptisait, il a confirmé sa mission par l'autorité de la Sainte Écriture en disant (Jean 1.19) : « je suis la voix qui crie dans le désert. » L'austérité de sa vie était encore une preuve de sa mission car, d'après S. Jean Chrysostome, « c'était chose étonnante de voir dans un corps humain une telle endurance ».
3. Le baptême de Jean ne fut prévu par Dieu que pour durer peu de temps, on a dit pourquoi à l'article précédent. Aussi ne fut-il pas recommandé par précepte promulgué pour tous dans la Sainte Écriture, mais par une révélation intime de l'Esprit Saint, comme nous venons de le dire.
Objections
1. On lit en S. Marc (Marc 1.4) : « Jean baptisait dans le désert, et il prêchait un baptême de pénitence pour la rémission des péchés. » Or la pénitence et la rémission des péchés requièrent la grâce. Donc le baptême de Jean conférait la grâce.
2. Ceux que Jean devait baptiser confessaient leurs péchés, comme on le lit en Matthieu (Matthieu 3.6) et Marc (Marc 1.5). Or la confession des péchés se fait en vue de leur pardon, qui se réalise par la grâce. Le baptême de Jean conférait donc la grâce.
3. Le baptême de Jean était plus proche du baptême du Christ que la circoncision. Or la circoncision remettait le péché originel ; car, d’après Bède, « sous la loi, la circoncision apportait contre la blessure du péché originel le même remède de guérison salutaire que le baptême apporte maintenant au temps de la révélation de la grâce ». Donc, à plus forte raison, le baptême de Jean apportait-il la rémission des péchés ; ce qui ne peut se faire sans la grâce.
En sens contraire, Jean Baptiste déclare en saint Matthieu (Matthieu 3.11) : « Moi, je vous baptise dans l’eau, pour la pénitence. » Ce que S. Grégoire explique ainsi : « Jean ne baptisa pas dans l'Esprit, mais dans l'eau, parce qu'il ne pouvait pas enlever les péchés. » Or la grâce vient du Saint-Esprit, et c'est par elle que les péchés sont enlevés. Le baptême de Jean ne conférait donc pas la grâce.
Réponse
On le sait par l'article précédent, l'enseignement et l'action de Jean ne faisaient que préparer ceux du Christ. C'est ainsi que l'apprenti et l'ouvrier subalterne préparent une matière à recevoir la forme que lui donnera le maître d'œuvre. Or la grâce devait être conférée aux hommes par le Christ, suivant cette parole de Jean l'évangéliste (Jean 1.17) : « La grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. » Il en résulte que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce, mais y préparait seulement. De trois manières : 1° par l'enseignement de Jean, qui amenait les auditeurs à la foi au Christ ; 2° en accoutumant les hommes au rite du baptême du Christ ; 3° par la pénitence, qui les préparait à recevoir l'effet du baptême du Christ.
Solutions
1. D'après Bède, le mot « baptême » peut se comprendre de deux façons. Ou bien c'est le baptême administré par Jean lui-même, lequel est un « baptême de pénitence » en ce sens qu'il incite à pratiquer la pénitence et constitue une protestation par laquelle on professait qu'on ferait pénitence. Le baptême du Christ est différent : ce baptême-là, qui remet les péchés, Jean ne pouvait pas le donner ; il ne faisait que le prêcher en disant : « Lui, il vous baptisera dans l'Esprit Saint. »
On peut soutenir aussi que Jean prêchait le baptême de pénitence, c'est-à-dire le baptême qui conduit à la pénitence, laquelle conduit à son tour à la rémission des péchés.
Ou bien encore on peut suivre l'opinion de S. Jérôme : « La grâce qui remet gratuitement les péchés est donnée par le, baptême du Christ. Mais ce qui est achevé par l’Époux est commencé par l'ami de l'Époux », c'est-à-dire Jean. Si donc « Jean baptisait et prêchait le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés », cela ne veut pas dire qu'il achevait toute cette œuvre de la grâce ; mais il la commençait en y préparant les hommes.
2. Cette confession des péchés ne se faisait pas pour obtenir immédiatement leur pardon par le baptême de Jean, mais pour le recevoir par la pénitence qui suivait, et par le baptême du Christ auquel cette pénitence préparait.
3. La circoncision avait été instituée comme remède du péché originel. Mais le baptême de Jean n'avait pas été institué à cette fin ; il ne faisait que préparer au baptême du Christ, comme nous venons de le dire. Si les sacrements sont efficaces, c'est en vertu de l'institution divine.
Objections
1. On l'a dit, Jean baptisait pour que le Christ soit baptisé, selon S. Augustin. Mais ce qui est propre au Christ ne doit pas convenir aux autres. Donc il ne fallait pas qu'un autre reçoive le baptême de Jean.
2. Quiconque est baptisé ou bien reçoit quelque effet du baptême, ou bien lui confère quelque qualité. Or, personne ne pouvait rien recevoir du baptême de Jean, qui ne donnait pas la grâce, nous venons de le dire. Et personne ne pouvait rien conférer au baptême de Jean, sauf le Christ, qui « a sanctifié les eaux par le contact de sa chair très pure ». Donc le Christ seul devait recevoir le baptême de Jean.
3. Si d'autres recevaient ce baptême, ce n'était que pour se préparer à celui du Christ ; ainsi, de même que le baptême du Christ est administré à tous, grands et petits, païens et Juifs, il aurait convenu que tous reçoivent le baptême de Jean. Mais l'Écriture ne dit pas que celui-ci ait baptisé des enfants ni des païens car, selon S. Marc (Marc 1.5), « tous les Israélites allaient à Jean et étaient baptisés par lui ». Il semble donc que le Christ aurait dû être le seul à recevoir le baptême de Jean.
En sens contraire, on lit en S. Luc (Luc 3.21) : « Une fois que tout le peuple eut été baptisé, Jésus fut baptisé lui aussi et pendant qu'il priait le ciel s'ouvrit. »
Réponse
D'autres que le Christ devaient être baptisés par Jean, pour deux motifs. D'abord, dit S. Augustin, « si le Christ seul avait reçu le baptême de Jean, il n'aurait pas manqué d'hommes pour dire que le baptême de Jean, reçu par le Christ, était supérieur à celui du Christ, reçu par les autres ». Ensuite il fallait, comme nous l'avons dit, que les autres soient préparés par le baptême de Jean à recevoir le baptême du Christ.
Solutions
1. Si le baptême de Jean a été institué, ce n'était pas seulement pour que le Christ soit baptisé, mais aussi pour d'autres motifs, comme nous l'avons dit à l'article premier. Pourtant, même si le baptême de Jean avait été institué uniquement pour cela, il aurait fallu éviter les inconvénients indiqués, en donnant ce baptême à d'autres.
2. Les autres hommes qui venaient au baptême de Jean ne pouvaient rien conférer à ce baptême ; cependant ils n'en recevaient pas la grâce, mais seulement le signe de la pénitence.
3. Puisque ce baptême était « de pénitence » et que celle-ci ne convient pas aux enfants, il n'était pas donné à ceux-ci. Quant aux païens, leur ouvrir le chemin du salut était réservé au Christ « attente des nations » (Genèse 49.10 Vg). Et lui-même a interdit aux Apôtres de prêcher l’Évangile aux païens avant sa passion et sa résurrection. Aussi convenait-il beaucoup moins que Jean admette des païens au baptême.
Objections
1. Il est écrit (Jean 1.31) : « C'est pour qu'il soit manifesté à Israël que je suis venu baptiser dans l'eau. » Or, après son baptême, le Christ était suffisamment manifesté : par le témoignage de Jean, par la descente de la colombe, par le témoignage de la voix du Père. Il semble donc que le baptême de Jean n'aurait pas dû continuer ensuite.
2. S. Augustin l'affirme : « Le Seigneur a été baptisé du baptême de Jean, et celui-ci a pris fin. »
3. Le baptême de Jean préparait à celui du Christ. Or le baptême administré par le Christ a commencé aussitôt que celui-ci eut été baptisé, car, dit Bède, « c'est par le contact de sa chair très pure qu'il a conféré aux eaux la vertu de régénérer ». Il apparaît donc que le baptême de Jean a pris fin aussitôt que le Christ l'eut reçu.
En sens contraire, il est écrit (Jean 3.22) : « Jésus vint au pays de Judée... et il y baptisait. Jean aussi baptisait. » Mais le Christ n'a baptisé qu'après avoir reçu le baptême. Il apparaît donc que Jean a continué ensuite de baptiser.
Réponse
Le baptême de Jean ne devait pas prendre fin après que le Christ eut été baptisé.
1° Parce que, selon S. Jean Chrysostome, « si Jean avait cessé de baptiser après le baptême du Christ, on aurait pensé que c'était par jalousie ou par colère ».
2° Parce que s'il avait cessé de baptiser au moment où le Christ baptisait, « il aurait accru la jalousie de ses disciples ».
3° En continuant à baptiser, « il envoyait ses auditeurs au Christ ».
4° Comme dit Bède « l'ombre de la loi ancienne demeurait encore, et le Précurseur ne devait pas cesser son ministère jusqu'à la manifestation de la vérité ».
Solutions
1. Une fois baptisé, le Christ n'était pas encore pleinement manifesté. Il était donc nécessaire que Jean continue à baptiser.
2. On peut dire que, le Christ une fois baptisé, le baptême de Jean a pris fin ; non aussitôt, mais après l'emprisonnement du Précurseur. Ce qui fait dire à S. Jean Chrysostome : « À mon sens, voici pourquoi la mort de Jean a été permise et pourquoi, après sa disparition, le Christ s'est mis à prêcher abondamment : pour que tout l'attachement de la foule se reporte sur le Christ, et qu'on ne soit plus divisé par l'opinion que l'on avait de l'un et de l'autre. »
3. Le baptême de Jean était une préparation non seulement au baptême que le Christ devait recevoir, mais aussi à ce que d'autres parviennent au baptême du Christ. Ce qui ne s'était pas encore réalisé lorsque le Christ fut baptisé.
Objections
1. Jean n'était pas inférieur aux Apôtres, puisqu'il est écrit de lui (Matthieu 11.11) : « Parmi les enfants des hommes, il ne s'en est pas levé de plus grand que Jean Baptiste. » Or ceux à qui les Apôtres avaient donné le baptême n'étaient pas baptisé à nouveau, mais on se bornait à leur imposer les mains ; on dit en effet dans les Actes (Actes 8.16) de ceux qui « avaient été seulement baptisés par Philippe au nom du Seigneur Jésus, que les Apôtres Pierre et Jean leur imposaient les mains et ils recevaient le Saint-Esprit ». Il semble donc que ceux qui avaient été baptisés par Jean n'avaient pas dû recevoir le baptême du Christ.
2. Les Apôtres ont reçu le baptême de Jean, car quelques-uns avaient été ses disciples comme on le voit dans le quatrième évangile (Jean 1.37). Mais les Apôtres ne semblent pas avoir reçu le baptême du Christ : « Jésus ne baptisait pas lui-même, mais seulement ses disciples » (Jean 4.2).
3. Celui qui est baptisé est inférieur à celui qui baptise. Or nous ne lisons pas que Jean lui-même ait reçu le baptême du Christ. Donc, bien moins encore ceux que Jean avait baptisés ont-ils eu besoin du baptême du Christ.
4. On lit dans les Actes (Actes 19.1) : « Paul, ayant rencontré quelques disciples, leur dit : “Avez-vous reçu le Saint-Esprit, quand vous avez cru ?” Ils lui répondirent : “Nous n'avons même pas entendu dire qu'il y ait un Saint-Esprit.” Il dit : “Quel baptême avez-vous donc reçu ?” Et ils répondirent : “Le baptême de Jean.” Ils furent alors baptisés à nouveau au nom du Seigneur Jésus Christ. » Il semble donc qu'il avait fallu les baptiser à nouveau parce qu'ils ignoraient l'Esprit Saint ; telle est l'opinion de S. Jérôme dans un commentaire sur Joël et sa lettre « Sur l'époux d'une seule femme », et celle de S. Ambroise. Mais certains de ceux qui reçurent le baptême de Jean avaient une pleine connaissance de la Trinité. Ceux-là n'avaient donc pas à recevoir le baptême du Christ.
5. La parole de S. Paul (Romains 10.8) : « Voici la parole de foi que nous prêchons » est ainsi commentée par une Glose de S. Augustin : « D'où vient à l'eau une vertu telle qu'en touchant le corps elle lave le cœur, sinon de l'efficacité de la parole, celle que l'on croit, non celle qui est prononcée ? » Cela montre bien que là vertu du baptême dépend da la foi. Or la forme du baptême de Jean signifiait la foi au Christ, en laquelle nous sommes baptisés ; Paul déclare en effet, d'après les Actes (Actes 19.11) : « Jean a baptisé du baptême de pénitence, disant au peuple de croire en celui qui venait après lui, c'est-à-dire en Jésus. » Il semble donc que ceux qui avaient reçu le baptême de Jean n'avaient pas besoin de recevoir celui de Jésus.
En sens contraire, S. Augustin nous dit « Ceux qui ont été baptisés du baptême de Jean, il fallait qu'ils soient baptisés du baptême du Christ. »
Réponse
Selon l'opinion du Maître des Sentences : « Ceux qui avaient reçu le baptême de Jean en ignorant l'existence du Saint-Esprit et en mettant leur espérance dans ce baptême, ont été baptisés ensuite du baptême du Christ. Quant à ceux qui n'avaient pas mis leur espoir dans ce baptême et qui croyaient au Père, au Fils et au Saint-Esprit, on ne les baptisa pas dans la suite ; mais ils reçurent l'Esprit Saint par l'imposition des mains que les Apôtres firent sur eux. »
La première partie de cette opinion est vraie de multiples autorités la confirment.
La seconde partie est tout à fait déraisonnable. D'abord parce que le baptême de Jean ne conférait pas la grâce, ni n'imprimait de caractère ; il était seulement donné dans l'eau, comme Jean le dit lui-même en Matthieu (Matthieu 3.11). La foi ou l'espérance que le baptisé avait dans le Christ ne pouvait donc pas suppléer à ce défaut. En second lieu parce que, si l'on omet dans un sacrement quelque chose de nécessaire, non seulement il faut suppléer ce qui a été omis, mais il faut tout recommencer. Or, le baptême du Christ exige nécessairement qu'il soit fait non seulement dans l'eau, mais aussi dans le Saint-Esprit, selon S. Jean (Jean 3.5) : « Si quelqu'un ne renaît de l'eau et de l'Esprit Saint, il ne peut pas entrer dans le royaume de Dieu. » Aussi, pour ceux qui, par le baptême de Jean, n'avaient été baptisés que dans l'eau, il ne fallait pas seulement suppléer ce qui manquait, en leur donnant l'Esprit Saint par l'imposition des mains, il fallait encore les baptiser à nouveau totalement dans l'eau et dans le Saint-Esprit.
Solutions
1. D'après S. Augustin « On a baptisé après Jean, parce qu'il ne donnait pas le baptême du Christ, mais le sien... Le baptême donné par Pierre, et celui qu'a pu donner judas était le baptême du Christ... Et c'est pourquoi si judas a célébré des baptêmes, on n'a pas rebaptisé... » « Car la valeur du baptême vient de celui par le pouvoir de qui il est donné, et non en fonction de celui qui l’administre. » C'est aussi la raison pour laquelle ceux qu'avait baptisés le diacre Philippe, qui administrait le baptême du Christ, n'ont pas été baptisés à nouveau, mais ont reçu des Apôtres l'imposition des mains ; de même que ceux que les prêtres ont baptisés sont confirmés par les évêques.
2. S. Augustin écrit : « Nous croyons que les disciples du Christ ont reçu soit le baptême de Jean, comme quelques-uns le pensent, soit plus probablement le baptême du Christ. Car il aurait bien pu administrer le baptême afin d'avoir des serviteurs qui le donneraient à d'autres, lui qui a exercé le ministère de l'humilité en leur lavant les pieds. »
3. Comme dit S. Jean Chrysostome, « lorsque, à Jean qui lui dit : “C'est moi qui ai besoin d'être baptisé par toi”, le Christ répond : “laisse maintenant”, cela montre que, par la suite, le Christ baptisa Jean ». Il ajoute : « Cela est écrit dans certains livres apocryphes. »
Il est cependant certain, d'après S. Jérôme, « que si le Christ devait être baptisé dans l'eau, Jean devait l'être par le Christ dans l'Esprit ».
4. Quant à ceux dont on nous dit qu'ils furent baptisés à nouveau après le baptême de Jean, tout le motif n'en est pas qu'ils ignoraient l'existence du Saint-Esprit, mais qu'ils n'avaient pas reçu le baptême du Christ.
5. Comme écrit S. Augustin : « Nos sacrements sont des signes de la grâce présente, tandis que les sacrements de l'ancienne loi étaient les signes de la grâce future. Aussi, du fait même que Jean baptisait au nom de celui qui doit venir, nous devons comprendre qu'il n'administrait pas le baptême du Christ, qui est un sacrement de la loi nouvelle. »