- Les sacrements produisent-ils dans l'âme un caractère ?
- Quelle est l'essence de ce caractère ?
- De qui est-il l'empreinte ?
- Quel est le sujet dans lequel il réside ?
- Est-il indélébile ?
- Tous les sacrements impriment-ils un caractère ?
Objections
1. Il semble que non, car le mot caractère semble signifier un signe distinctif. Or, les membres du Christ sont distingués des autres hommes par la prédestination éternelle, qui ne met rien de réel dans les prédestinés, mais seulement en Dieu qui prédestine, comme nous l'avons établi dans la première Partie. S. Paul (2 Timothée 2.19) dit en effet : « Le fondement solide posé par Dieu demeure, portant en guise de sceau : Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent. »
2. Le caractère est un signe distinctif. Mais S. Augustin définit le signe : « Ce qui, au-delà de l'image qu'il fournit aux sens, fait connaître quelque chose d'autre. » Or, il n'y a rien dans l'âme qui fournisse une image aux sens.
3. Si le fidèle est distingué de l'infidèle par le sacrement de la loi nouvelle, il en était de même par les sacrements de la loi ancienne. Mais ceux-ci n'imprimaient pas de caractère dans l'âme, d'où leur appellation par l'Apôtre (Hébreux 9.10) d'« ordonnances charnelles ». Il semble donc que les sacrements de la loi nouvelle eux non plus n'impriment pas de caractère.
En sens contraire, selon l'Apôtre (2 Corinthiens 1.21) : « Celui qui nous a oints, c'est Dieu, qui nous a aussi marqués d'un sceau et a donné comme gage le Saint-Esprit dans nos cœurs. » Mais tout ce que le caractère implique, c'est justement l'impression d'un sceau. Il semble donc que Dieu, par les sacrements, nous imprime son caractère.
Réponse
Comme on l'a montré plus haut, les sacrements de la loi nouvelle sont ordonnés à une double fin : remédier aux péchés et parfaire l'âme en vue du culte de Dieu tel qu'il convient au rite de la vie chrétienne. Or tous ceux que l'on députe à une fonction précise, il est d'usage de les marquer par un signe approprié ; ainsi, dans l'antiquité, les soldats enrôlés au service militaire portaient certains caractères sur leur corps, du fait qu'ils étaient députés à un service corporel. Aussi, puisque les hommes sont députés par les sacrements au service spirituel du culte de Dieu, il est logique que ces sacrements marquent les fidèles d'un certain caractère spirituel. D'où la parole de S. Augustin : « Supposons un soldat qui, pris de peur, a fui le combat, reniant ainsi le caractère imprimé dans son corps ; s'il a recouru ensuite à la clémence du chef, obtenu son pardon à force de prières et retourne au combat, maintenant que cet homme est libre, qu'il s'est amendé, va-t-on lui renouveler son caractère, alors qu'il suffit de le reconnaître et de l'approuver ? Les sacrements du Christ seraient-ils moins profondément imprimés que cette marque corporelle ? »
Solutions
1. Concédons que les fidèles du Christ sont députés à la récompense de la gloire future par le sceau de la prédestination divine ; mais ils sont députés, aux actes qui conviennent à l'état présent de l'Église par un certain sceau spirituel, imprimé en eux, que l'on nomme le caractère.
2. Le caractère imprimé dans l'âme a raison de signe en tant qu'imprimé par un sacrement sensible ; car on connaît qu'un homme est marqué du caractère baptismal à ce qu'il a été lavé par l'eau perceptible aux sens. Mais on peut aussi appeler caractère ou sceau, par métaphore, tout ce qui sert à configurer ou à distinguer, même s'il ne s'agit pas d'un signe sensible ; c'est ainsi que l'Apôtre nomme le Christ figure ou caractère de la substance du Père (Hébreux 1.3).
3. Ainsi qu'on l'a dit précédemment, les sacrements de l'ancienne loi n'avaient pas en eux-mêmes le pouvoir spirituel de produire un effet spirituel. C'est pourquoi ces sacrements n'exigeaient pas un caractère spirituel : la circoncision corporelle, que l'Apôtre appelle un sceau (Romains 4.11) était un signe pleinement suffisant.
Objections
1. Il ne semble pas que le caractère soit une puissance spirituelle. En effet, « caractère » semble synonyme de « figure », si bien que dans le passage de l'épître aux Hébreux (Hébreux 1.3), où le Christ est appelé « figure de la substance » du Père, le grec porte character au lieu de « figure ». Mais la figure rentre dans la quatrième espèce de qualité ; elle diffère donc de la puissance qui est de la deuxième espèce.
2. « La divinité bienheureuse, dit Denys, reçoit le baptisé à la participation d'elle-même et lui confère cette participation par sa propre lumière comme par un signe. » Ainsi le caractère semble-t-il être une sorte de lumière. Mais la lumière appartient à la troisième espèce de qualité. Le caractère n'est donc pas une puissance, puisque celle-ci appartient à la deuxième espèce de qualité.
3. Certains définissent le caractère « un signe sacré de la communion dans la foi et de l'ordination sainte, conféré par le pontife ». Mais le signe est dans le genre de la relation, et non dans le genre de la puissance.
4. La puissance a raison de cause et de principe, d'après Aristote Mais le signe, qui entre dans la définition du caractère, s'apparente plutôt à la raison d'effet. Le caractère n'est donc pas une puissance spirituelle.
En sens contraire, au dire d'Aristote « Il y a trois choses dans l'âme : la puissance, l'habitus et la passion. » Or, le caractère n'est pas une passion, car la passion disparaît vite, alors que le caractère est indélébile comme nous le dirons plus loin. De même, il n'est pas un habitus, car il n'est pas d'habitus qui soit indéterminé au bien ou au mal ; or, le caractère est indéterminé, car certains en usent bien, d'autres mal, ce qui n'arrive pas dans les habitus ; car personne ne fait mauvais usage de l'habitus vertueux, et personne ne fait bon usage de l'habitus vicieux. Il reste donc que le caractère est une puissance.
Réponse
Les sacrements de la loi nouvelle, nous l'avons vu impriment un caractère en tant qu'ils députent les hommes au culte de Dieu tel qu'il convient au rite de la religion chrétienne. Aussi, après avoir dit que « Dieu, par l'impression d'un certain signe, donne au baptisé une participation de lui-même », Denys ajoute-t-il : « Il le parfait ainsi en le faisant divin et transmetteur du divin. » Or, le culte divin consiste à recevoir des choses divines ou à les transmettre à autrui. Mais, pour chacun de ces offices, une puissance est nécessaire, puissance active pour transmettre, puissance passive pour recevoir. C'est pourquoi le caractère comporte une puissance spirituelle ordonnée au culte divin.
Il faut bien savoir cependant que cette puissance spirituelle est instrumentale, ainsi qu'on l'a dit pour la vertu contenue dans les sacrements. Car posséder le caractère sacramentel revient aux ministres de Dieu ; mais d'après le Philosophe « le ministre se comporte à la manière d'un instrument ». Et comme la vertu qui est dans les sacrements ne rentre que par réduction dans un genre déterminé, car elle est quelque chose d'instable par soi, et d'inachevé ; ainsi le caractère n'est pas proprement dans un genre ou une espèce, mais il se ramène à la deuxième espèce de qualité.
Solutions
1. La figure termine pour ainsi dire la quantité. Elle n'existe donc à proprement parler que dans l'ordre corporel ; on n'en parle que par métaphore dans l'ordre spirituel. Mais un être est toujours rangé dans un genre ou dans une espèce par ce qu'on lui attribue en propre. Le caractère ne peut donc être dans la quatrième espèce de la qualité, en dépit de certaines opinions.
2. Il n'y a dans la troisième espèce de qualité que des passions sensibles ou des qualités sensibles. Or le caractère n'est pas une lumière sensible. Il n'est donc pas de la troisième espèce de qualité où certains ont voulu le mettre.
3. La relation qu'implique le mot signe doit être fondée sur une réalité. Or la relation de ce signe qu'est le caractère ne peut avoir pour fondement immédiat l'essence de l'âme, car elle conviendrait alors par nature à toute âme. Il faut donc admettre en l'âme quelque chose qui fonde une telle relation : et c'est l'essence du caractère. Aussi ne faut-il pas qu'il soit dans le genre de la relation comme certains l'ont prétendu.
4. Le caractère a raison de signe si on le rapporte au sacrement sensible qui l'imprime ; mais, considéré en lui-même, il a raison de principe de la façon qu'on a dite.
Objections
1. Il ne semble pas que le caractère sacramentel soit l'empreinte du Christ. On lit en effet dans l’épître aux Éphésiens (Éphésiens 4.30) : « Ne contrastez pas le Saint-Esprit de Dieu dans lequel vous avez été marqués d'un signe. » Mais l'impression d'un signe est impliquée dans le mot de caractère. Il faut donc attribuer le caractère sacramentel au Saint-Esprit plutôt qu'au Christ.
2. Le caractère a raison de signe. Il est signe de la grâce que confère le sacrement. Mais la grâce est infusée dans l'âme par la Trinité tout entière ; d'où la parole du Psaume (Psaumes 84.12) : « La grâce et la gloire, c'est le Seigneur qui les donne. » Il ne semble donc pas que le caractère sacramentel doive être attribué spécialement au Christ.
3. Si quelqu'un reçoit un caractère, c'est pour être distingué des autres. Mais c'est la charité qui distingue les saints d'avec les autres hommes, car selon S. Augustin « elle seule distingue entre les fils du royaume et les fils de perdition » ; c'est aussi pourquoi l'on dit que les fils de perdition portent le caractère de la bête, comme il est écrit dans l'Apocalypse (Apocalypse 13.16). Or la charité n'est pas appropriée au Christ, mais plutôt au Saint-Esprit, selon l'épître aux Romains (Romains 5.5) : « La charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné », — ou même au Père selon la 2ème épître aux Corinthiens (2 Corinthiens 13.13) : « La grâce de notre Seigneur Jésus Christ et la charité de Dieu... » Donc, semble-t-il, le caractère sacramentel ne doit pas être attribué au Christ.
En sens contraire, certains donnent cette définition du caractère : « Le caractère est une marque distinctive imprimée par le Caractère éternel dans l'âme rationnelle selon qu'il est image, configurant la trinité créée à la Trinité créatrice et recréatrice, et distinguant les fidèles de ceux qui ne sont pas configurés selon la condition stable de la foi. » Mais le Caractère éternel, c'est le Christ lui-même qui est, selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 1.3) : « le rayonnement de la gloire, et la figure (ou caractère) de la substance du Père. » C'est donc au Christ que l'on doit attribuer en propre le caractère sacramentel.
Réponse
Comme on l'a montré plus haut, le caractère est proprement un sceau qui désigne une chose ordonnée à une fin déterminée ; ainsi, c'est par un caractère que le denier est désigné pour servir au commerce, et les soldats sont marqués d'un caractère qui les députe au service militaire. Or le fidèle est député à deux choses. D'abord et à titre principal à la jouissance de la gloire, et pour cela, il est marqué du sceau de la grâce ; c'est ce que dit Ézéchiel (Ézéchiel 9.4) : « Marque d'un Tau le front des hommes qui gémissent et qui souffrent », et de même l'Apocalypse (Apocalypse 7.3) : « Ne nuisez pas à la terre, ni aux arbres, jusqu'à ce que nous ayons marqué au front les serviteurs de notre Dieu. » En second lieu, chaque fidèle est député à recevoir ou à donner aux autres ce qui concerne le culte de Dieu ; et c'est là le rôle propre du caractère sacramentel. Or, tout le rite de la religion chrétienne découle du sacerdoce du Christ. C'est pourquoi il est évident que le caractère sacramentel est spécialement caractère du Christ, au sacerdoce de qui les fidèles sont configurés selon les caractères sacramentels ; et ceux-ci ne sont pas autre chose que des sortes de participations du sacerdoce du Christ, qui découlent du Christ même.
Solutions
1. L'Apôtre parle ici de cette configuration par laquelle on est député à la gloire future. Cette configuration est l'œuvre de la grâce, et elle est attribuée au Saint-Esprit, car le Saint-Esprit est amour, et c'est par amour que Dieu nous fait ces dons gratuits, ce qui ressortit à la raison de grâce. Aussi S. Paul écrit-il (1 Corinthiens 12.4) : « Les grâces sont diverses, mais l'Esprit est le même. »
2. Le caractère sacramentel est réalisé par rapport au signe extérieur et il est signe par rapport à l'effet ultime. On peut donc attribuer quelque chose au caractère de deux façons. Ou bien sous la raison de signe ; en ce sens il est le signe de la grâce invisible que confère le sacrement. Ou bien sous sa raison propre de caractère ; en ce sens, il est un signe configurant au chef qui possède l'autorité souveraine sur la tâche à laquelle on est député ; par exemple, les soldats qui sont députés au combat sont marqués de la marque du chef, et lui sont ainsi comme configurés. De même, ceux qui sont députés au culte chrétien dont le souverain est le Christ, reçoivent un caractère qui les configure au Christ ; il est donc bien proprement caractère du Christ.
3. Le caractère établit une distinction par rapport à une fin à laquelle est ordonné celui qui reçoit ce caractère, nous l'avons dit ; c'est en vue du combat que le caractère militaire distingue le soldat du roi d'avec le soldat ennemi. De même, le caractère des fidèles est ce qui distingue les fidèles du Christ d'avec les esclaves du démon, soit en vue de la vie éternelle, soit en vue du culte de l'Église présente ; le premier rôle est rempli par la charité et la grâce — c'est ce que démontre l'objection — le second, par le caractère sacramentel. Si bien qu'à l'opposé, on peut entendre par « caractère de la bête » ou bien une malice obstinée qui députe à la peine éternelle, ou bien la profession d'un culte illicite.
Objections
1. Il semble que le caractère ne réside pas dans les puissances de l'âme. Car on dit que le caractère est une disposition à la grâce. Or celle-ci a pour sujet l'essence de l'âme, comme on l'a dit dans la deuxième Partie.
2. Une puissance de l'âme ne peut être le sujet que d'un habitus ou d'une disposition. Or, le caractère, on l'a dit, n'est pas un habitus ou une disposition, mais plutôt une puissance qui n'a pas d'autre sujet que l'essence de l'âme. Donc il semble que le caractère ne réside pas dans une puissance de l'âme, mais plutôt dans son essence.
3. Les puissances de l'âme rationnelle se divisent en puissance de connaissance et puissance appétitive. Mais on ne peut dire que le caractère soit seulement dans une puissance de connaissance, ni seulement dans une puissance appétitive. On ne peut dire non plus qu'il soit dans les deux à la fois, car un même accident ne peut avoir des sujets divers. Il semble donc que le sujet du caractère soit l'essence de l'âme, plutôt qu'une de ses puissances.
En sens contraire, selon la définition du caractère que nous avons citée plus haut, le caractère est imprimé en l'âme rationnelle selon qu'il est une image. Si l'on voit une image de la Trinité dans l'âme, c'est selon ses puissances. Le caractère existe donc dans les puissances de l'âme.
Réponse
Nous l'avons dit, le caractère est un certain sceau par lequel l'âme est désignée pour recevoir ou transmettre aux autres ce qui concerne le culte divin. Or, le culte divin consiste en certains actes, et ce sont les puissances de l'âme qui sont proprement ordonnées aux actes comme l'essence à l'existence. Le caractère n'a donc pas pour sujet l'essence de l'âme, mais l'une de ses puissances.
Solutions
1. Pour attribuer son sujet à un accident, on tient compte de la disposition prochaine que cet accident produit, non d'une disposition éloignée ou indirecte. Or, le caractère dispose l'âme de façon directe et prochaine à l'accomplissement du culte divin. Et parce que le culte n'est accompli dignement qu'avec le secours de la grâce, car « ceux qui adorent Dieu doivent l'adorer en esprit et en vérité » (Jean 4.24), il s'ensuit que la libéralité divine accorde la grâce à ceux qui reçoivent le caractère, pour leur permettre de remplir dignement les fonctions auxquelles ils sont députés. Pour désigner le sujet du caractère, il faut donc tenir compte des actes relatifs au culte divin, plutôt que de la grâce.
2. L'essence de l'âme est le sujet de la puissance naturelle qui découle des principes de l'essence. Or, le caractère n'est pas une puissance de cette sorte, mais une certaine puissance spirituelle survenant du dehors. Aussi, de même que l'essence de l'âme, principe de la vie naturelle de l'homme, est perfectionnée par la grâce qui donne à l'âme la vie spirituelle, de même la puissance naturelle de l'âme est perfectionnée par cette puissance spirituelle qu'est le caractère. Si en effet l'habitus et la disposition appartiennent aux puissances de l'âme, c'est qu'elles sont ordonnées aux actes dont les puissances sont les principes ; et pour la même raison, tout ce qui est ordonné à l'acte doit être attribué à la puissance.
3. Comme nous venons de le dire, le caractère est ordonné au culte divin, lequel est une protestation de foi par des signes extérieurs. Il faut donc que le caractère soit dans cette puissance connaissante de l'âme où réside la foi.
Objections
1. Il ne semble pas. Un accident est en effet d'autant mieux fixé en son sujet qu'il est plus parfait. Or, la grâce est plus parfaite que le caractère qui s'ordonne à elle comme à une fin ultérieure. Or la grâce est détruite par le péché. Donc à plus forte raison le caractère.
2. Par le caractère, on est député au culte divin, on vient de le dire ; mais certains passent du culte divin à un culte contraire par l'apostasie de la foi. Ces gens-là semblent donc bien perdre le caractère sacramentel.
3. Lorsque la fin disparaît, ce qui est ordonné à la fin doit aussi disparaître sous peine de subsister pour rien. Ainsi, après la résurrection, il n'y aura plus de mariage, car la génération, fin du mariage, aura disparu. Or le culte extérieur, fin du caractère, ne subsistera pas dans la patrie où l'on ne fera rien par figure, mais selon une vérité sans ombre. Donc le caractère sacramentel ne subsiste pas perpétuellement en l'âme, et ainsi n'y est pas imprimé de façon indélébile.
En sens contraire, S. Augustin écrit : « Les sacrements chrétiens ne son pas moins profondément imprimés, que la marque corporelle du service militaire. » Or ce caractère militaire n'est pas renouvelé, mais il est « reconnu et approuvé » en celui qui, après une faute, mérite le pardon de son chef. Donc le caractère sacramentel non plus ne peut être effacé.
Réponse
Comme nous l'avons dit, les sacrements de la loi nouvelle ont un double objet : le remède au péché et le culte divin. Or il est commun à tous les sacrements de fournir un remède contre le péché du fait qu'ils confèrent la grâce. Mais tous les sacrements ne sont pas ordonnés directement au culte divin ; il est évident, par exemple, que le sacrement de pénitence, qui délivre l'homme du péché, ne lui fournit rien de nouveau pour le culte divin, mais le rétablit dans son état premier.
Or, un sacrement peut se rapporter au culte divin de trois façons différentes : 1° dans l'action sacramentelle elle-même, 2° en lui fournissant des ministres ou agents, 3° en lui fournissant des bénéficiaires. Le sacrement qui concerne le culte divin dans l'action sacramentelle elle-même, c'est l'eucharistie en quoi consiste comme en son principe le culte divin, du fait qu'elle est le sacrifice de l'Église ; et ce sacrement n'imprime pas de caractère en l'homme, car il ne l'ordonne pas à agir ou à recevoir ultérieurement dans l'ordre sacramentel, étant plutôt, selon Denys, « la fin et la consommation de tous les sacrements ». Cependant il contient le Christ lui-même, qui n'a pas le caractère, mais toute la plénitude du sacerdoce.
Ensuite, le sacrement qui se rapporte au culte divin pour lui fournir des ministres, c'est l'ordre, qui députe certains hommes à donner les sacrements.
Enfin, le sacrement qui se rapporte au culte divin pour lui fournir des bénéficiaires, c’est le baptême, car il donne à l'homme le pouvoir de recevoir les autres sacrements de l'Église ; aussi le nomme-t-on la porte de tous les autres sacrements. À cela aussi est ordonnée d'une certaine façon la confirmation, comme nous le verrons en son lieu.
Ainsi trois sacrements impriment un caractère le baptême, la confirmation et l'ordre.
Solutions
1. Par tous les sacrements l'homme est fait participant du sacerdoce du Christ, en ce sens qu'il en reçoit quelque effet ; mais tous les sacrements ne le députent pas au culte en qualité de membre actif ou passif du sacerdoce du Christ. Or, c'est cela qui est requis pour qu'un sacrement imprime un caractère.
2. Par tous les sacrements l'homme est sanctifié en tant que la sainteté comporte la purification du péché, œuvre de la grâce. Mais, d'une façon plus spéciale, par certains sacrements qui impriment un caractère, l'homme est sanctifié par une consécration, en ce sens qu'il est député au culte divin ; de même que les objets inanimés sont dits sanctifiés par une semblable députation.
3. Bien que le caractère soit déjà réalité et encore sacrement, tout ce qui est tel n'est pas nécessairement caractère. Nous verrons plus loin, à propos des divers sacrements, ce qui est en eux déjà réalité et encore sacrement.