Somme théologique

Somme théologique — La tertia

68. CEUX QUI REÇOIVENT LE BAPTÊME

  1. Tous les hommes sont-ils tenus de recevoir le baptême ?
  2. Peut-on être sauvé sans le baptême ?
  3. Le baptême doit-il être retardé ?
  4. Faut-il baptiser les pécheurs ?
  5. Faut-il imposer des œuvres satisfactoires aux pécheurs qu'on a baptisés ?
  6. La confession des péchés est-elle requise ?
  7. L'intention est-elle requise chez le baptisé ?
  8. La foi est-elle requise ?
  9. Faut-il baptiser les enfants ?
  10. Faut-il baptiser les enfants des Juifs malgré leurs parents ?
  11. Faut-il baptiser les enfants qui sont encore dans le sein de leur mère ?
  12. Faut-il baptiser les fous et les déments ?

1. Tous les hommes sont-ils tenus de recevoir le baptême ?

Objections

1. Le Christ n'est pas venu resserrer pour les hommes le chemin du salut. Mais avant la venue du Christ les hommes pouvaient être sauvés sans le baptême. Donc ils le peuvent encore après sa venue.

2. Le baptême, semble-t-il, a été institué surtout comme remède contre le péché originel. Mais celui qui a été baptisé, n'ayant plus le péché originel, ne peut plus le transmettre à ses enfants. Il ne semble donc pas qu'il faille baptiser les enfants des baptisés.

3. Le baptême nous est donné pour nous purifier du péché par la grâce. Mais cela, ceux qui sont sanctifiés dès le sein de leur mère l'obtiennent sans le baptême. Ils ne sont donc pas tenus de recevoir le baptême.

En sens contraire, on lit en S. Jean (Jean 3.5) « Si l'on ne renaît de l'eau et de l'Esprit Saint, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu », et dans le livre des Croyances ecclésiastiques : « Nous croyons qu'il n'y a de chemin de salut que pour les baptisés. »

Réponse

Les hommes sont tenus de prendre les moyens sans lesquels leur salut est impossible. Or il est évident que nul ne peut trouver le salut que par le Christ ; aussi l'Apôtre dit-il (Romains 5.12) : « De même que par la faute d'un seul ce fut la condamnation pour tous les hommes, de même par la justice d'un seul, c'est pour tous les hommes la justification qui donne la vie. » Or le baptême est donné pour que, régénéré par lui, on soit incorporé au Christ en devenant un de ses membres ; c'est ce que dit S. Paul (Galates 3.27) : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. » Il est donc évident que tous sont tenus au baptême, et que sans lui il ne saurait y avoir de salut pour les hommes.

Solutions

1. Jamais les hommes ne purent être sauvés, même avant la venue du Christ, s'ils ne devenaient membres du Christ, car « il n'y a aucun autre nom qui ait été donné aux hommes par lequel nous devions être sauvés » (Actes 4.12). Avant la venue du Christ les hommes étaient incorporés au Christ par la foi à sa venue future, foi dont le « sceau » était la circoncision (Romains 4.11). Avant l'institution de la circoncision, c'était par la foi seule, dit S. Grégoire, que les hommes étaient incorporés au Christ, foi accompagnée d’offrandes et de sacrifices, par lesquels les anciens Pères professaient leur foi.

Mais depuis la venue du Christ, c’est encore par la foi que les hommes sont incorporés au Christ (Éphésiens 3.17) : « Le Christ habite dans vos cœurs par la foi. » Mais la foi à une réalité présente s’exprime par un signe autre que celui qui la manifestait quand cette réalité était encore à venir ; de même que c’est par des mots différents que l’on exprime le présent, le passé et le futur. Ainsi, bien que le sacrement de baptême lui-même n'ait pas toujours été nécessaire au salut, la foi, dont le baptême est le sacrement, a toujours été indispensable.

2. Comme on l'a dit dans la deuxième Partie, ceux qui sont baptisés sont renouvelés spirituellement par le baptême, mais leur corps reste soumis à la vétusté du péché, dit S. Paul (Romains 8.10) : « Le corps est mort à cause du péché, mais l'esprit vit à cause de la justification. » Et S. Augustin en conclut que « n'est pas baptisé tout ce qui est dans l'homme ». Or il est évident que par la génération charnelle l'homme n'engendre pas selon l'esprit, mais selon la chair. Par conséquent les enfants des baptisés naissent avec le péché originel. Aussi ont-ils besoin d'être baptisés.

3. Ceux qui sont sanctifiés dans le sein de leur mère reçoivent sans doute la grâce qui les purifie du péché originel, mais ils n'en reçoivent pas pour autant le caractère qui les configurerait au Christ. Par conséquent, si maintenant encore il y avait des enfants qui soient sanctifiés dans le sein maternel, il serait nécessaire de les baptiser, pour que, en recevant le caractère, ils soient conformés aux autres membres du Christ.


2. Peut-on être sauvé sans le baptême ?

Objections

1. Le Seigneur dit (Jean 3.5) : « Nul, s'il ne renaît de l'eau et de l'Esprit Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Mais ceux-là seuls sont sauvés qui entrent dans le royaume de Dieu. Personne donc ne peut être sauvé sans le baptême, qui régénère dans l'eau et l'Esprit Saint.

2. On lit dans le livre des Croyances ecclésiastiques : « Nous croyons qu'aucun catéchumène, fut-il mort dans les bonnes œuvres, ne peut obtenir la vie éternelle, excepté dans le cas du martyre, en lequel est accompli tout le sacrement du baptême. » Mais si quelqu'un pouvait être sauvé sans le baptême, ce serait précisément le cas des catéchumènes qui ont les bonnes œuvres, et qui semblent avoir la foi qui agit par la charité. Par conséquent personne ne peut être sauvé sans le baptême.

3. Comme on l'a dit plus haut le sacrement de baptême est nécessaire au salut. Or le nécessaire est « ce sans quoi une chose ne peut être ». Il semble donc que personne ne peut sans le baptême obtenir le salut.

En sens contraire, S. Augustin dit : « Certains ont pu recevoir le bienfait de la sanctification invisible en dehors des sacrements visibles ; mais la sanctification visible que réalise le sacrement visible, peut être donnée sans la sanctification invisible, mais alors elle ne sert de rien. » Comme le sacrement de baptême appartient à la sanctification visible, il semble que sans le sacrement de baptême on puisse obtenir le salut par la sanctification invisible.

Réponse

Il y a deux façons de ne pas être baptisé. D'une part, ne l'être ni de fait ni de désir ; c'est le cas de ceux qui ne sont pas baptisés et ne veulent pas l'être. Et c'est manifestement mépriser le sacrement, au moins chez ceux qui ont l'usage du libre arbitre. Ceux à qui le baptême fait défaut de cette façon ne peuvent parvenir au salut, puisque ni sacramentellement, ni spirituellement, ils ne sont incorporés au Christ qui seul peut nous sauver.

D'autre part, on peut n'être pas baptisé de fait, mais en avoir le désir. C'est le cas de celui qui désire être baptisé, mais qui par accident est surpris par la mort avant d'avoir pu recevoir le baptême. Celui-là, sans avoir reçu de fait le baptême, peut parvenir au salut, à cause du désir du baptême, qui procède de la foi « qui agit par la charité », et par laquelle Dieu, dont la puissance n'est pas liée aux sacrements visibles, sanctifie intérieurement l'homme. Ainsi S. Ambroise dit-il de Valentinien qui mourut catéchumène : « Celui que je devais régénérer, je l'ai perdu, mais lui n'a pas perdu la grâce qu'il avait demandée. »

Solutions

1. Comme dit l'Écriture (1 Samuel 16.7) « Les hommes voient ce qui paraît, mais Dieu regarde les cœurs. » Or celui qui désire être régénéré par le baptême dans l'eau et l'Esprit Saint est régénéré de cœur, mais non de corps ; comme dit l'Apôtre (Romains 2.29), « la circoncision du cœur est dans l'esprit et non dans la lettre ; c'est elle qui sera louée non par les hommes, mais par Dieu ».

2. Personne ne parvient à la vie éternelle s'il n'est absous de toute faute et de toute peine. Cette absolution totale est donnée dans la réception du baptême, et dans le martyre. Aussi dit-on que le martyre accomplit tout le sacrement du baptême, en tant qu'il libère entièrement de la faute et de la peine. Donc, si un catéchumène a le désir du baptême (autrement il ne mourrait pas dans les bonnes œuvres, qui ne peuvent exister sans la foi, qui agit par la charité), et si ce catéchumène vient à mourir, il ne parvient pas aussitôt à la vie éternelle, mais il subira la peine de ses péchés passés : « Pourtant il sera sauvé comme à travers le feu » (1 Corinthiens 3.15).

3. Si l'on dit que le sacrement de baptême est nécessaire au salut, c'est que l'homme ne peut être sauvé s'il ne le possède au moins par sa volonté, et Dieu tient cette volonté pour une chose faite.


3. Le baptême doit-il être retardé ?

Objections

1. Le pape Léon dit : « Le pontife romain a fixé deux époques, Pâques et la Pentecôte, où il serait légalement permis de baptiser. Nous engageons donc Votre Dilection à ne pas ajouter d'autres jours à cette prescription. » Il ne faut donc baptiser personne immédiatement, mais différer le baptême jusqu'aux époques susdites.

2. On lit dans les actes d'un concile d'Agde : « Si les Juifs, que leur infidélité fait souvent revenir à leur vomissement, désirent se mettre sous la loi de l'Église catholique, qu'ils restent pendant huit mois avec les catéchumènes à l'entrée de l'église ; et si l'on voit qu'ils viennent avec une intention pure, on les jugera dignes de la grâce du baptême. » On ne doit donc pas donner immédiatement le baptême, mais il faut attendre quelque temps.

3. On lit dans Isaïe (Ésaïe 27.9) : « Tout le fruit, c'est que disparaisse le péché. » Mais le péché disparaîtrait plus complètement, ou du moins serait diminué, si l'on différait le baptême. D'abord, parce que ceux qui pèchent après le baptême commettent une faute plus grave : « Quel châtiment plus grave pensez-vous que méritera celui qui aura tenu pour profane le sang de l'alliance dans lequel il a été sanctifié ? » (Hébreux 10.29), c'est-à-dire le baptême ? Ensuite le baptême efface les péchés passés, mais non les péchés futurs ; par conséquent, plus on retardera le baptême, plus il remettra de péchés. On doit donc, semble-t-il, le différer longtemps.

En sens contraire, il est écrit (Ecclésiastique 5.7) : « Ne tarde pas à te convertir au Seigneur, et ne diffère pas de jour en jour. » Mais la parfaite conversion à Dieu est le fait de ceux qui sont régénérés dans le Christ par le baptême. Il ne faut donc pas remettre celui-ci de jour en jour.

Réponse

Ici il faut distinguer selon que les candidats au baptême sont des enfants ou des adultes. Si ce sont des enfants, il ne faut pas différer le baptême, d'abord parce qu'il n'y a pas à attendre chez eux une instruction plus avancée ou une conversion plus complète ; ensuite à cause du danger de mort, puisque pour eux il n'y a pas d'autre remède que le sacrement de baptême.

Quant aux adultes, ils peuvent avoir le secours du seul baptême de désir, comme nous l'avons dit à l'article précédent. Par conséquent, il ne faut pas leur conférer le sacrement dès leur conversion, mais il faut leur imposer un certain délai. D'abord par prudence, pour que l'Église ne se laisse pas tromper par ceux qui viendraient avec des sentiments feints (1 Jean 4.1) : « Ne vous fiez pas à tout esprit, mais éprouvez les esprits, pour voir s'ils viennent de Dieu. » Pour les candidats au baptême, cette épreuve consistera à examiner leur foi et leur conduite pendant un certain temps. — Ensuite, cela est nécessaire pour le profit des candidats eux-mêmes ; ils ont besoin de quelque délai pour être pleinement instruits de la foi, et pour s'exercer aux devoirs de la vie chrétienne. — Enfin cela est nécessaire pour le respect que nous devons aux sacrements ; si les candidats sont admis au baptême lors des solennités majeures de Pâques et de la Pentecôte, ils reçoivent le sacrement avec plus de dévotion.

Ce délai peut être supprimé pour deux raisons. D'abord quand ceux qui doivent être baptisés paraissent parfaitement instruits dans la foi et aptes au baptême ; ainsi Philippe baptise immédiatement l'eunuque, et Pierre, Corneille et ses compagnons (Actes 8.36 ; 10.47). — Ensuite en cas de maladie ou de danger de mort. Aussi le pape Léon II, dit-il : « Ceux que pressent le danger de mort, la maladie, un siège, la persécution ou le naufrage, doivent être baptisés en tout temps. » Si pourtant quelqu'un qui attend l'époque fixée par l'Église est surpris par la mort et empêché de recevoir le baptême, il est sauvé, comme nous l'avons dit « à travers le feu ». Et il y aurait cependant péché à différer le baptême au-delà du temps fixé par l'Église, sans raison et sans autorisation des supérieurs ecclésiastiques. Mais ce péché peut comme les autres être effacé par la contrition qui tient lieu du baptême, nous l'avons dit.

Solutions

1. Cette prescription du pape Léon de s'en tenir pour l'administration du baptême aux deux jours de fête doit s'entendre, comme on l'a dit, « hors du péril de mort », qui est toujours à craindre pour les enfants.

2. Cette mesure concernant les juifs a été prise pour la sécurité de l'Église, afin qu'ils ne corrompent pas la foi des simples au cas où il ne seraient pas pleinement convertis. Et cependant, comme on l'ajoute, « si durant le délai prescrit ils tombent malades et courent quelque danger, il faut les baptiser ».

3. Par la grâce qu'il confère, le baptême non seulement remet les péchés passés, mais empêche aussi d'en commettre à l'avenir. Et que les hommes ne pèchent pas, c'est cela qu'il faut considérer ; que leurs fautes soient moins graves, ou même que leurs péchés soient lavés, cela est secondaire, selon ce que dit S. Jean : « Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le juste ; lui-même est la propitiation pour nos péchés » (1 Jean 2.1-2).


4. Faut-il baptiser les pécheurs ?

Objections

1. On lit dans Zacharie (Zacharie 13.1) : « En ce jour-là, il y aura une source ouverte à la maison de David et aux habitants de Jérusalem, pour laver le péché et la souillure », ce qui s'entend de la fontaine baptismale. Il semble donc qu'il faut donner le sacrement de baptême même aux pécheurs.

2. Le Seigneur dit (Matthieu 9.12) : « Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin du médecin, mais les malades. » Les malades, ce sont les pécheurs. Et comme le remède que donne ce médecin spirituel, le Christ, c'est le baptême, il semble qu'il faut donner aux pécheurs le sacrement de baptême.

3. Aucun secours spirituel ne doit être refusé aux pécheurs. Mais les pécheurs baptisés sont aidés spirituellement par le caractère baptismal, qui est une disposition à la grâce ; il semble donc qu'il faut donner aux pécheurs le sacrement de baptême.

En sens contraire, S. Augustin dit : « Celui qui t'a créé sans toi ne te justifiera pas sans toi. » Mais le pécheur, qui n'a pas la volonté bien disposée, ne coopère pas à l'œuvre de Dieu. Donc lui donner le baptême ne servirait pas à sa justification.

Réponse

On peut être pécheur de deux façons. D'abord à cause de la souillure d'une faute passée. À ceux qui sont pécheurs en ce sens il faut conférer le baptême, qui a été institué précisément pour nous purifier de la souillure du péché, comme dit S. Paul (Éphésiens 5.2) : « La purifiant, — l'Église dans le bain d'eau avec la parole de vie. »

Mais on peut aussi être pécheur par la volonté de pécher et le propos de demeurer dans le péché. À ceux qui sont pécheurs en ce sens il ne faut pas conférer le baptême. D'abord parce que le baptême nous incorpore au Christ (Galates 3.27) : « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. » Or, aussi longtemps qu'on a la volonté de pécher, on ne peut être uni au Christ (2 Corinthiens 6.14) : « Qu'y a-t-il de commun entre la justice et l'iniquité ? » Aussi S. Augustin dit-il que « nul homme, en possession du libre arbitre, ne peut commencer une vie nouvelle sans se repentir de l'ancienne ». — Ensuite, parce qu'il ne doit y avoir rien d'inutile dans les œuvres du Christ et de l'Église. Or est inutile ce qui n'atteint pas la fin à laquelle il est destiné. Et personne ne peut avoir la volonté de pécher et en même temps être purifié du péché, ce qui est le but du baptême : ce serait contradictoire. — Enfin, parce qu'il ne doit y avoir aucune fausseté dans les signes sacramentels. Or un signe est faux quand la chose signifiée n'y correspond pas. Mais quand un homme se présente à l'ablution baptismale, cela signifie qu'il se dispose à la purification intérieure. Or ce n'est pas le cas pour celui qui a le propos de demeurer dans son péché. Il est donc clair qu'à des pécheurs de cette sorte on ne doit pas administrer le baptême.

Solutions

1. Ce texte doit s'entendre des pécheurs qui ont la volonté de sortir de leur péché.

2. Le médecin des âmes, le Christ, agit de deux façons. D'abord, à l'intérieur et par lui-même, et c'est ainsi qu'il prépare la volonté de l'homme à vouloir le bien et détester le mal. D'autre part, il agit par ses ministres, en employant extérieurement les sacrements, et ainsi il agit en achevant à l'extérieur ce qu'il a commencé à l'intérieur.

Aussi le baptême ne doit-il être administré qu'à celui qui présente quelque signe de conversion intérieure, de même qu'on ne donne de médicaments corporels qu'au malade en qui apparaît quelque signe de vie.

3. Le baptême est le sacrement de la foi. Or la foi informe ne suffit pas au salut, et elle n'en est pas le fondement ; il y faut la foi formée, « qui agit par la charité », dit S. Augustin. Ainsi le baptême ne peut pas non plus donner le salut, si l'on garde la volonté de pécher, qui exclut la forme de la foi. — Et l'impression du caractère baptismal ne peut disposer à la grâce aussi longtemps qu'apparaît la volonté de péché, car, dit S. Jean Damascène : « Dieu ne force personne à la vertu. »


5. Faut-il imposer des œuvres satisfactoires aux pécheurs qu'on a baptisés ?

Objections

1. Il appartient à la justice divine de punir tout péché — « Toutes les actions, Dieu les citera en jugement » (Ecclésiaste 12.14). Mais on impose des œuvres satisfactoires aux pécheurs en punition de leurs fautes passées. Il semble donc qu'il faut imposer des œuvres satisfactoires aux pécheurs qui reçoivent le baptême.

2. Les œuvres satisfactoires exercent à la justice les pécheurs nouvellement convertis, et leur évitent les occasions de rechute, car « la satisfaction supprime les causes du péché et ne laisse pas entrer le péché ». Mais cela est extrêmement nécessaire aux nouveaux baptisés. Il semble donc qu'il faut leur imposer des œuvres satisfactoires.

3. Il n'est pas moins nécessaire de satisfaire à Dieu qu'aux hommes. Si les nouveaux baptisés ont causé quelque dommage à leur prochain, on doit leur enjoindre de le réparer. Donc il faut aussi leur enjoindre de satisfaire envers Dieu par des œuvres de pénitence.

En sens contraire, sur ce texte (Romains 11.29) « Les dons de Dieu et son appel sont sans repentance », S. Ambroise dit : « La grâce de Dieu ne demande dans le baptême ni gémissements ni lamentations, ni une œuvre quelconque, mais la foi seule, et elle pardonne tout gratuitement. »

Réponse

L'Apôtre dit aux Romains (Romains 6.3) « Nous tous, qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ; nous avons été ensevelis avec lui par le baptême en sa mort. » Ainsi par le baptême l'homme est incorporé à la mort même du Christ. Or, d'après ce qui a été dit plus haut, il est clair que la mort du Christ a satisfait suffisamment pour les péchés, « non seulement pour les nôtres, mais pour ceux du monde entier » (1 Jean 2.2). Par conséquent, à celui qui est baptisé, quelles que soient ses fautes, on ne doit imposer aucune satisfaction, car ce serait faire injure à la passion et à la mort du Christ, comme si elles ne suffisaient pas à satisfaire pleinement pour les péchés des baptisés.

Solutions

1. S. Augustin dit : « L'effet du baptême est d'incorporer les baptisés au Christ comme ses membres. » Donc la peine même du Christ a satisfait pour les péchés des baptisés, comme la peine d'un membre peut satisfaire pour le péché d'un autre membre. Aussi Isaïe dit-il (Ésaïe 53.4) « Il a vraiment porté nos maladies, il s'est chargé de nos iniquités. »

2. Les néophytes doivent être exercés à pratiquer la justice, mais par des œuvres faciles, et non par des œuvres douloureuses, « pour les conduire comme par le lait d'un exercice facile jusqu'à une haute perfection », dit la Glose sur le Psaume (Psaumes 131.2) : « comme un enfant sevré près de sa mère... » Aussi le Seigneur exempta de jeûner ses disciples récemment convertis (Matthieu 9.14). Et c'est ce que dit S. Pierre (1 Pierre 2.2) : « Comme des nouveau-nés désirez le lait, pour qu'il vous fasse grandir pour le salut. »

3. Restituer le bien mal acquis, et réparer les torts commis envers le prochain, c'est abandonner le péché, puisque c'est un péché de retenir le bien d'autrui et de ne pas se réconcilier avec le prochain. C'est pourquoi il faut enjoindre aux nouveaux baptisés de réparer envers le prochain, comme on leur enjoint d'abandonner le péché. Mais il n'y a pas à leur imposer une peine quelconque pour les péchés passés.


6. La confession des péchés est-elle requise ?

Objections

1. On lit en S. Matthieu (Matthieu 3.6) que « beaucoup de gens étaient baptisés par Jean dans le Jourdain, confessant leurs péchés ». Il semble donc qu'à plus forte raison ceux qui se font baptiser du baptême du Christ doivent confesser leurs péchés.

2. On lit dans les Proverbes (Proverbes 28.13) : « Celui qui cache ses fautes ne prospérera pas ; mais celui qui les avoue et les quitte, obtiendra miséricorde. » Mais on se fait baptiser pour obtenir le pardon de ses péchés. Donc ceux qui se font baptiser doivent confesser leurs péchés.

3. La pénitence est requise avant le baptême, suivant cette parole des Actes (Actes 2.38) : « Faîtes pénitence et que chacun de vous se fasse baptiser. » Mais la confession est une partie de la pénitence. Il semble donc qu'elle est requise avant le baptême.

En sens contraire, c'est avec des larmes que nous devons confesser nos péchés : « Il faut repasser dans son cœur toute cette multiplicité de péchés et les pleurer », dit S. Augustin. Mais S. Ambroise dit que « la grâce de Dieu ne demande dans le baptême ni gémissements ni lamentations ». Ceux qui vont être baptisés ne doivent donc pas confesser leurs péchés.

Réponse

Il y a deux façons de confesser ses péchés. L'une est intérieure et s'adresse à Dieu. Celle-là est requise avant le baptême : l'homme doit se souvenir de ses péchés et les regretter, « car personne, dit S. Augustin, ne peut commencer une vie nouvelle s'il ne se repent de l'ancienne ».

L'autre confession est extérieure et se fait au prêtre. Celle-là n'est pas requise avant le baptême. D'abord parce que cette confession, qui s'adresse à la personne du ministre, appartient au sacrement de pénitence, qui n'est pas exigé avant le baptême, « porte de tous les sacrements ». — Puis cette confession extérieure se fait au prêtre pour qu'il absolve le pénitent de ses péchés et lui impose des œuvres satisfactoires ; mais, on l'a dit ci-dessus, il ne faut pas en imposer aux baptisés. — Enfin, cette confession détaillée faite à un homme a quelque chose de pénible, à cause de la honte qu'on a de s'accuser. Et il ne faut imposer au baptisé aucune peine extérieure.

Par conséquent, on ne demande pas aux baptisés une confession détaillée de leurs péchés ; mais il suffit de la confession générale qu'ils font quand, selon le rite de l'Église, ils renoncent à Satan et à toutes ses œuvres. Aussi la Glose dit-elle que le baptême de Jean donne aux catéchumènes l'exemple de confesser leurs péchés et de promettre une vie meilleure.

Pourtant si, par dévotion, certains voulaient confesser leurs péchés, il faudrait entendre leur confession, non pas pour leur imposer une pénitence, mais pour leur donner, contre leurs fautes coutumières, une formation à la vie spirituelle.

Solutions

1. Le baptême de Jean ne remettait pas les péchés, mais c'était un baptême de repentance. C'est pourquoi ceux qui venaient le recevoir faisaient bien de confesser leurs péchés, pour recevoir une pénitence proportionnée. Mais le baptême du Christ, dit S. Ambroise, ne comporte pas de pénitence extérieure. Le cas n'est donc pas le même.

2. L'aveu intérieur fait à Dieu, et même la confession extérieure générale suffisent pour que les baptisés puissent être mis dans la voie droite et obtenir miséricorde. Mais, nous l'avons dit, une confession extérieure détaillée n'est pas requise.

3. La confession est une partie de la pénitence sacramentelle, laquelle, nous venons de le dire, n'est pas requise avant le baptême ; mais ce qui est requis c'est la vertu de la pénitence intérieure.


7. L'intention est-elle requise chez le baptisé ?

Objections

1. Le baptisé, dans le sacrement, n'a que le rôle de patient. Or l'intention est requise, non chez le patient, mais chez l'agent.

2. Si l'on omet un élément essentiel au baptême, il faut que le sujet soit rebaptisé, comme si l'on omet l'invocation de la Trinité. Mais il ne semble pas qu'il faille rebaptiser celui qui n'avait pas l'intention de recevoir le baptême. Autrement, comme on ne peut être certain de l'intention, n'importe qui pourrait demander à être rebaptisé à cause de son défaut d'intention. Il ne semble donc pas que l'intention de recevoir le sacrement soit requise chez le baptisé.

3. Le baptême est donné contre le péché originel. Or, on contracte le péché originel à la naissance, sans aucune intention. De même, semble-t-il, le baptême ne requiert pas l'intention de la part du baptisé.

En sens contraire, selon le rite de l'Église, les catéchumènes affirment publiquement qu'ils demandent à l'Église le baptême. Par là ils affirment leur intention de recevoir ce sacrement.

Réponse

Par le baptême, on meurt à l'ancienne vie de péché pour commencer une vie nouvelle : « Nous avons été ensevelis avec le Christ par le baptême en sa mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle » (Romains 6.4). Or, pour mourir à sa vie ancienne, il faut, dit S. Augustin, chez l'homme qui dispose de son libre arbitre, la volonté de regretter le passé ; de même est requise la volonté de commencer la vie nouvelle dont le principe est la réception même du sacrement. Par conséquent, il est requis du baptisé qu'il ait la volonté, ou l'intention, de recevoir le sacrement.

Solutions

1. Dans la justification opérée par le baptême, la passivité n'est pas contrainte, mais volontaire. Aussi l'intention de recevoir ce qui est donné là est-elle requise.

2. Si un adulte n'avait pas eu l'intention de recevoir le sacrement, il faudrait le rebaptiser. Si l'on n'en était pas certain, il faudrait dire : « Si tu n'es pas baptisé, je te baptise. »

3. Le baptême est donné non seulement contre le péché originel, mais aussi contre le péché actuel qui provient de la volonté et de l'intention.


8. La foi est-elle requise chez le baptisé ?

Objections

Le baptême a été institué par le Christ. Mais le Christ, en prescrivant la forme du baptême, suppose la foi avant le baptême (Marc 16.16) : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. » Il semble donc que sans la foi il ne peut y avoir de baptême.

2. Rien n'est inutile dans les sacrements de l'Église. Mais selon le rite de l'Église, on interroge sur sa foi celui qui s'approche du baptême, quand on lui demande : « Crois-tu en Dieu, le Père tout-puissant ? » Il semble donc que la foi est requise pour le baptême.

3. Le baptême requiert l'intention de recevoir le sacrement. Mais cette intention n'est possible qu'avec une foi droite, puisque le baptême est le sacrement de la foi droite ; car c'est par lui que les hommes sont incorporés au Christ, dit S. Augustin , et cela n'est possible qu'avec une foi droite : « le Christ habite dans vos cœurs par la foi » (Éphésiens 3.17). Il semble donc que celui qui n'a pas la vraie foi ne peut recevoir le sacrement de baptême.

4. L'infidélité est le plus grave des péchés, comme on l'a montré dans la deuxième Partie. Mais il ne faut pas baptiser ceux qui demeurent dans le péché. Ni non plus, donc, ceux qui persistent dans l'infidélité.

En sens contraire, S. Grégoire écrit à l'évêque Quirice : « Les anciennes décisions des Pères nous ont appris que ceux qui dans l'hérésie ont été baptisés au nom de la Trinité, s'ils reviennent à l'Église, doivent être reçus dans le sein de la Mère Église par l'onction du chrême, ou par l'imposition des mains, ou seulement par la profession de foi. » Il n'en serait pas ainsi si la foi était nécessairement requise pour recevoir le baptême.

Réponse

Comme il ressort de ce que nous avons dit baptême produit dans l'âme deux effets, le caractère et la grâce. Aussi une condition peut-elle être nécessaire pour le baptême à double titre. Il y a d'une part ce qui est nécessaire à la réception de la grâce, effet ultime du sacrement. Et dans ce sens, la foi est nécessaire pour le baptême, car, comme dit S. Paul (Romains 3.22) : « la justice de Dieu est par la foi en Jésus Christ ».

Il y a d'autre part ce qui est requis nécessairement pour l'impression du caractère baptismal. Et à ce titre la foi du baptisé n'est pas requise nécessairement pour le baptême, pas plus que la foi de celui qui baptise, pourvu que soient remplies les autres conditions nécessaires au sacrement. Car le sacrement n'est pas l'œuvre de la justice de l'homme, ni de celui qui le donne, ni de celui qui le reçoit, mais il est l'œuvre de la puissance de Dieu.

Solutions

1. Le Seigneur parle ici du baptême comme du moyen de conduire les hommes au salut par la grâce sanctifiante, ce qui est impossible sans la vraie foi. Aussi dit-il expressément : « Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé. »

2. L'intention de l'Église est de baptiser les hommes pour les purifier de leurs péchés, selon la parole d'Isaïe (Ésaïe 27.9) : « Tout le fruit, c'est le pardon de leurs péchés. » Aussi elle ne veut, pour ce qui est d'elle, donner le baptême qu'à ceux qui ont la vraie foi, sans laquelle il n'y a pas de rémission des péchés. Aussi interroge-t-elle ceux qui viennent au baptême, pour leur demander s'ils croient.

Mais si quelqu'un reçoit le baptême en dehors de l'Église et sans avoir la vraie foi, le sacrement n'est pas utile à son salut. Aussi S. Augustin dit-il : « Comparer l'Église au paradis nous apprend que les hommes peuvent, même en dehors d'elle, recevoir son baptême, mais que sans elle nul ne peut recevoir ni garder le salut de la béatitude. »

3. Même sans avoir la vraie foi aux autres articles, on peut avoir la vraie foi à l'égard du sacrement de baptême ; ainsi rien n'empêche qu'on puisse avoir l'intention de recevoir le baptême. Et même si l'on n'a pas une idée juste de ce sacrement, il suffit pour le recevoir d'avoir l'intention générale de recevoir le baptême tel que le Christ l'a institué et tel que l'Église le donne.

4. De même qu'il ne faut pas conférer le sacrement de baptême à celui qui ne veut pas sortir de ses autres péchés, de même en va-t-il de celui qui ne veut pas abandonner l'infidélité. Pourtant si on le leur confère, l'un et l'autre reçoivent le sacrement, mais sans profit pour leur salut.


9. Faut-il baptiser les enfants ?

Objections

1. Chez celui qui reçoit le baptême est requise, comme on l'a dit l'intention de recevoir le sacrement. Or les enfants, qui n'ont pas l'usage de leur libre arbitre, ne peuvent avoir cette intention. Il semble donc qu'ils ne peuvent pas recevoir le sacrement de baptême.

2. Le baptême, comme on l'a dit plus haut, est le sacrement de la foi. Mais les enfants n'ont pas la foi, puisqu'elle consiste, dit S. Augustin « dans la volonté de ceux qui croient ». On ne peut pas dire non plus qu'ils sont sauvés par la foi des parents, puisque parfois les parents sont infidèles, et que leur infidélité pourrait perdre leurs enfants. Il semble donc que les enfants ne peuvent pas être baptisés.

3. S. Pierre dit (1 Pierre 3.21) : « Le baptême qui sauve les hommes, ce n'est pas l'ablution des souillures du corps, mais la demande à Dieu d'une bonne conscience. » Or la conscience des enfants ne peut être ni bonne ni mauvaise, puisqu'ils n'ont pas l'usage de la raison. Il ne convient pas non plus de les interroger, puisqu'ils ne comprennent pas. Donc il ne faut pas les baptiser.

En sens contraire, Denys affirme : « Nos chefs divins (les Apôtres) ont jugé bon d'admettre les enfants au baptême. »

Réponse

L'Apôtre dit aux Romains (Romains 5.17) : « Si par le péché d'un seul la mort a régné par un seul (c'est-à-dire par Adam) à plus forte raison ceux qui reçoivent l'abondance de la grâce et du don et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul, Jésus Christ. » Or les enfants, par le péché d'Adam, contractent le péché originel : on le voit à ce qu'ils sont soumis à la mortalité qui, par le péché du premier homme, est passée à tous les autres, dit l'Apôtre au même endroit. Aussi, et à plus forte raison, les enfants peuvent-ils par le Christ recevoir la grâce qui les fera régner dans la vie éternelle. Mais le Seigneur lui-même a dit (Jean 3.5) : « Nul, s'il n'est rené de l'eau et de l'Esprit Saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » Aussi est-il nécessaire de baptiser les enfants ; puisqu'à leur naissance ils encourent par Adam leur condamnation, il faut qu'en renaissant ils reçoivent du Christ leur salut.

Il convient aussi de baptiser les enfants pour que, nourris dès l'enfance dans la vie chrétienne, ils y persévèrent avec plus de fermeté, selon ce que disent les Proverbes (Proverbes 22.6) : « Le jeune homme, une fois engagé dans sa voie, ne la quittera pas, même devenu vieux. » Et c'est la raison que donne Denys dans le texte cité.

Solutions

1. La régénération spirituelle opérée par le baptême ressemble à la génération charnelle en ceci : dans le sein maternel les enfants ne se nourrissent pas eux-mêmes, mais sont alimentés par la nourriture que prend leur mère ; ainsi les enfants qui n'ont pas l'usage de la raison, comme s'ils étaient dans le sein de la Mère Église, reçoivent-ils le salut, non par eux-mêmes, mais par les actes, de l'Église. « La Mère Église, dit S. Augustin, prête aux enfants sa bouche maternelle pour qu'ils soient abreuvés des saints mystères, puisqu'ils ne peuvent encore croire pour la justice avec leur propre cœur, ni confesser la foi pour le salut avec leur propre bouche. Mais si l'on a raison de les appeler fidèles parce qu'ils professent d'une certaine manière leur foi par la bouche de ceux qui les portent, pourquoi ne les appellerait-on pas aussi pénitents, puisque par la bouche de ceux qui les portent on les entend renoncer au diable et au monde ? » Et pour la même raison, on peut dire qu'ils ont l'intention de recevoir le baptême, non pas certes par un acte d'intention personnelle, puisqu'il leur arrive parfois de s'y opposer et de pleurer, mais par l'acte de ceux qui les présentent.

2. S. Augustin écrit à Boniface : « Dans l'Église du Sauveur les petits enfants croient par les autres, de même que c'est par les autres qu'ils ont contracté les péchés qui sont remis dans le baptême. » Leur salut n'est pas empêché par l'infidélité de leurs parents puisque, dit encore S. Augustin écrivant au même Boniface, « les petits enfants sont présentés pour recevoir la grâce spirituelle, moins par ceux dont les mains les portent (qui pourtant eux aussi les présentent, s'ils sont fidèles), que par toute la société des saints et des fidèles. On a raison de croire qu'ils sont offerts par tous ceux qui le veulent et dont la charité les admet à la communion du Saint-Esprit ».

Et si des parents infidèles s'efforcent d'initier ces enfants au culte des démons après leur baptême, cette infidélité ne nuit pas aux enfants. Car, dit S. Augustin, « une fois engendrés par la volonté des autres, l'enfant ne peut ensuite être pris dans, les liens de l'iniquité d'autrui, selon la parole d'Ézéchiel (Ézéchiel 18.4) : «Comme l'âme du père est à moi, ainsi l'âme du fils ; l'âme qui pèche, c'est elle qui mourra.» Et si l'enfant a contracté en Adam la souillure dont la grâce du sacrement devait le libérer, c'est parce qu'il ne vivait pas encore d'une vie personnelle ».

Mais la foi d'un seul, ou plutôt la foi de toute l'Église, sert à l'enfant par l'opération du Saint-Esprit qui fait l'unité de l'Église et par qui les biens de chacun sont communs à tous les autres.

3. De même qu'à son baptême l'enfant croit non d'une foi personnelle, mais par une foi des autres, de même il est interrogé, non lui-même, mais en la personne des autres, et ceux qui sont interrogés confessent la foi de l'Église en son nom ; il est agrégé à cette foi par le sacrement de la foi. Quant à la « bonne conscience », l'enfant l'acquiert en lui-même, non pas encore en acte, mais en habitus, par la grâce sanctifiante.


10. Faut-il baptiser les enfants des juifs malgré leurs parents ?

Objections

1. On doit sauver un homme du danger de la mort éternelle plus encore que du danger de la mort temporelle. Or si un enfant est en danger de mort temporelle, on doit lui porter secours, même si par méchanceté ses parents s'y opposaient. À plus forte raison faut-il donc, malgré leurs parents, préserver du danger de la mort éternelle les enfants qui sont fils d'infidèles.

2. Les fils d'esclaves sont esclaves et au pouvoir de leurs maîtres. Mais les juifs et tous les autres infidèles sont esclaves des rois et des princes. Les princes peuvent donc, sans aucune injustice, faire baptiser les enfants des juifs et ceux de leurs autres esclaves infidèles.

3. Un homme appartient à Dieu, de qui il tient son âme, plus qu'à son père de qui il tient son corps. Il n'y a donc pas d'injustice à enlever à leurs parents selon la chair les enfants des infidèles pour les consacrer à Dieu par le baptême.

En sens contraire, on lit dans les décrétales ce canon d'un concile de Tolède : « Quant aux Juifs, le saint concile a décrété que désormais personne ne doit être amené à la foi par violence ; ce n'est pas malgré eux qu'il faut les sauver, mais de leur plein gré, pour que reste entière la forme de la justice. »

Réponse

Les enfants qui sont fils d'infidèles ont l'usage de la raison, ou ils ne l'ont pas. S'ils l'ont, ils commencent à pouvoir disposer d'eux-mêmes en ce qui est de droit divin et de droit naturel. Ils peuvent donc, de leur propre volonté et malgré leurs parents, se faire baptiser, tout comme ils peuvent contracter mariage, et c'est pourquoi on peut licitement les exhorter et les inviter à recevoir le baptême.

Mais s'ils n'ont pas encore l'usage de la raison, ils sont, de droit naturel, sous la tutelle de leurs parents, aussi longtemps qu'ils ne peuvent pas se gouverner eux-mêmes. Ainsi dit-on que sous la loi ancienne les enfants étaient sauvés par la foi de leurs parents. Ce serait donc contraire à la justice naturelle que de baptiser ces enfants contre le gré de leurs parents, comme de baptiser malgré lui un homme qui a l'usage de la raison. Il serait de plus dangereux de baptiser les enfants des infidèles, car ils retourneraient facilement à l'infidélité, à cause de l'affection naturelle qu'ils ont pour leurs parents. Par conséquent, ce n'est pas l'habitude de l'Église de baptiser les enfants des infidèles malgré leurs parents.

Solutions

1. Il n'est pas permis d'arracher quelqu'un à la mort corporelle au mépris du droit civil ; par exemple on n'a pas le droit d'arracher à la mort par violence celui qui a été condamné à mort par le juge. De même, il n'est pas permis, pour préserver un enfant du danger de la mort éternelle, de violer l'ordre du droit naturel qui le met sous la tutelle de son père.

2. Les juifs sont les esclaves des princes, mais d'un esclavage purement civil, qui n'exclut pas l'ordre du droit naturel ou du droit divin.

3. L'homme est ordonné à Dieu par sa raison, qui lui permet de le connaître. Par conséquent avant d'avoir l'usage de la raison, l'enfant, d'après l'ordre de la nature, est ordonné à Dieu par la raison de ses parents, aux soins desquels la nature l'a soumis. C'est en suivant leurs décisions qu'il faut agir envers lui dans les choses divines.


11. Peut-on baptiser les enfants qui sont encore dans le sein de leur mère ?

Objections

1. Le don du Christ est plus efficace pour notre salut que ne l'est le péché d'Adam pour notre damnation, dit S. Paul (Romains 5.15). Mais les enfants sont, dès le sein de leur mère, condamnés à cause du péché d'Adam. Donc, et à plus forte raison, peuvent-ils être sauvés par le don du Christ, ce que fait le baptême. On peut donc baptiser les enfants dans le sein de leur mère.

2. L'enfant dans le sein de sa mère est quelque chose d'elle. Mais si l'on baptise la mère, tout ce qui est d'elle sera baptisé aussi. Il semble donc que si l'on baptise la mère, l'enfant qui est dans son sein sera baptisé aussi.

3. La mort éternelle est pire que la mort corporelle. Mais de deux maux il faut choisir le moindre. Donc, si un enfant dans le sein de sa mère ne peut être baptisé, il vaudrait mieux ouvrir la mère et en extraire l'enfant pour le baptiser, plutôt que de laisser l'enfant mourir sans baptême et aller à la mort éternelle.

4. Il arrive parfois qu'une partie seulement de l'enfant vienne d'abord, comme on le lit à propos de Thamar (Genèse 38.27) : « Lorsqu'elle accoucha, un des enfants étendit la main ; la sage-femme y attacha un fil écarlate en disant : “Celui-ci est le premier. ” Mais l'enfant retira sa main, et l'autre sortit. » Mais il arrive en pareil cas qu'il y ait péril de mort. Il semble donc qu'il faille baptiser la partie qui se présente, alors que l'enfant est encore dans le sein maternel.

En sens contraire, S. Augustin écrit « Personne ne peut renaître qui ne soit né d'abord. » Mais le baptême est une renaissance spirituelle. On ne peut donc baptiser quelqu'un avant qu'il sorte du sein maternel.

Réponse

Il est nécessaire au baptême que le corps du baptisé soit en quelque façon lavé dans l'eau, puisque le baptême, comme on l'a dit, est une ablution. Mais le corps d'un enfant, avant qu'il sorte du sein maternel, ne peut en aucune façon être lavé dans l'eau. À moins qu'on n'aille dire que l'ablution baptismale, qui lave le corps de la mère, atteint l'enfant qu'elle porte en son sein. Mais cela ne peut se faire, d'abord parce que l'âme de l'enfant, que le baptême est destiné à sanctifier, est distincte de l'âme de sa mère, — puis parce que le corps d'un enfant animé est déjà formé, et donc distinct du corps de sa mère. Ainsi le baptême que reçoit la mère ne rejaillit pas sur l'enfant. Aussi S. Augustin écrit-il contre julien : « Si le foetus appartenait au corps de la mère au point d'être considéré comme une partie d'elle-même, on ne baptiserait pas l'enfant dont la mère a été baptisée en cas de danger de mort au cours de sa grossesse. Comme néanmoins on baptise l'enfant, c'est donc que, même dans le sein de sa mère, il n'appartient pas au corps de celle-ci. »

Ainsi reste-t-il qu'en aucune manière on ne peut baptiser les enfants qui sont encore dans le sein maternel.

Solutions

1. Les enfants dans le sein de leur mère ne sont pas encore venus à la lumière pour partager la vie des autres hommes. Aussi ne peuvent-ils être soumis à l'action de ceux-ci pour recevoir par leur ministère les sacrements qui leur donneraient le salut. Mais ils peuvent être soumis à l'action de Dieu, pour qui ils sont vivants, et par privilège recevoir la grâce de la sanctification, comme cela se voit pour les saints qui furent sanctifiés dans le sein de leur mère.

2. Les organes internes de la mère sont quelque chose d'elle par la continuité et l'union d'une partie matérielle avec le tout. Mais l'enfant dans le sein de sa mère est quelque chose d'elle par le lien qui attache l'un à l'autre deux corps distincts. Le cas n'est donc pas le même.

3. « On ne doit pas faire le mal pour qu'en sorte le bien », dit S. Paul (Romains 3.8). Il n'est donc pas permis de tuer la mère pour baptiser son enfant. Cependant, si la mère est morte et que l'enfant vive encore dans son sein, il faut l'ouvrir pour baptiser l'enfant.

4. À moins qu'il y ait péril de mort, il faut attendre, pour donner le baptême, que l'enfant soit entièrement sorti. S'il y avait danger de mort imminente, et que sorte la première la tête, qui est le siège du sentiment, il faudrait baptiser l'enfant. Et il n'y aurait pas à le rebaptiser ensuite, s'il vient à naître entièrement. Il faudrait faire de même, en cas de péril imminent, quelle que soit la partie du corps qui se présente. Cependant, comme la perfection de l'homme ne réside en aucune partie comme dans la tête, certains tiennent qu'à cause du doute il faut, l'accouchement achevé, et quelle que soit la partie du corps qui a reçu l'eau, que l'enfant soit baptisé ainsi « Si tu n'es pas baptisé, je te baptise.  »


12. Faut-il baptiser les fous et les déments ?

Objections

1. La réception du baptême requiert, comme on l'a dit, l'intention du sujet. Mais les fous et les déments, qui sont privés de l'usage de la raison, ne peuvent avoir une intention réglée. Ils ne doivent donc pas être baptisés.

2. C'est par la raison que l'homme est supérieur aux animaux. Mais les fous et les déments n'ont pas l'usage de la raison, et parfois même on ne peut attendre, comme chez l'enfant qu'elle s'éveille en eux. Il semble donc que, comme on ne baptise pas les animaux, on ne doit pas non plus baptiser les fous et les déments.

3. L'usage de la raison est plus étroitement lié par la folie ou la démence que par le sommeil. Mais on n'a pas l'habitude de donner le baptême aux gens qui dorment. On ne doit donc pas non plus le donner aux déments et aux fous.

En sens contraire, S. Augustin dit de l'un de ses amis qu'on le baptisa alors qu'il était dans un état désespéré. Et cependant ce baptême fut efficace. On doit donc quelquefois donner le baptême à ceux qui n'ont pas l'usage de la raison.

Réponse

Au sujet des fous et des déments, il faut distinguer. Certains sont dans cet état depuis leur naissance, n'ont pas d'intervalles lucides, et aucun usage de la raison n'apparaît en eux. En ce qui concerne le baptême, il faut en juger comme des enfants, que l'on baptise dans la foi de l'Église.

Il y en a d'autres qui, après avoir été sains d'esprit, sont tombés dans la folie. Il faut en juger selon la volonté qu'ils avaient exprimée alors qu'ils étaient sains d'esprit. S'ils ont alors manifesté la volonté de recevoir le baptême, on doit le leur donner dans leur état de folie ou démence, même si maintenant ils y contredisent. Si au contraire, ils n'ont manifesté, alors qu'ils étaient sains d'esprit, aucune volonté de recevoir le baptême, il ne faut pas les baptiser.

Certains sont fous ou déments depuis leur naissance, mais ont cependant des intervalles lucides pendant lesquels ils peuvent user droitement de leur raison. Si alors ils veulent être baptisés, on peut les baptiser, même s'ils sont retombés dans leur démence, et même on le doit, s'ils sont en danger de mort ; sinon il vaut mieux attendre un moment de lucidité pour qu'ils puissent recevoir le sacrement avec plus de dévotion. Mais si, dans leurs intervalles de lucidité, ils ne manifestent aucune intention de recevoir le baptême, il ne faut pas les baptiser quand ils retombent dans leur état.

D'autres enfin, même s'ils ne sont pas absolument sains d'esprit, ont cependant assez de raison pour pouvoir penser à leur salut et comprendre la vertu du sacrement. Il faut juger de ceux-ci comme de ceux qui sont sains d'esprit, et que l'on baptise de leur plein gré, et non malgré eux.

Solutions

Les déments qui n'ont jamais eu et n'ont pas l'usage de la raison sont baptisés en vertu de l'intention de l'Église, comme on l'a dit au sujet des enfants. Ceux qui ont eu quelque temps l'usage de la raison, ou qui l'ont maintenant, sont baptisés selon leur propre intention, qu'ils ont maintenant ou qu'ils ont eue quand ils étaient sains d'esprit.

2. Les fous et les déments sont privés de l'usage de la raison accidentellement, à cause de quelque obstacle provenant des organes corporels et non pas, comme les animaux, parce qu'ils n'auraient pas une âme raisonnable. Le cas n'est donc pas le même.

3. Ceux qui dorment ne doivent être baptisés qu'en danger de mort imminente. Et dans ce cas on doit les baptiser si auparavant ils ont manifesté le désir de recevoir le baptême, comme on l'a dit des fous. C'est ce que S. Augustin raconte de son ami qui fut baptisé sans le savoir, à cause du danger de mort.

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