- Le baptême enlève-t-il tous les péchés ?
- Le baptême délivre-t-il de toute peine ?
- Le baptême enlève-t-il les maux de cette vie ?
- Le baptême confère-t-il la grâce et les vertus ?
- Les effets des vertus conférées par le baptême.
- Même les petits enfants reçoivent-ils au baptême la grâce et les vertus ?
- Le baptême ouvre-t-il aux baptisés la porte du royaume des cieux ?
- Le baptême produit-il un effet égal chez tous les baptisés ?
- La « fiction » empêche-t-elle l'effet du baptême ?
- Quand la fiction disparaît, le baptême obtient-il son effet ?
Objections
1. Le baptême est comme une régénération spirituelle, qui correspond à la génération charnelle. Mais par la génération charnelle, l'homme ne contracte que le péché originel. Donc le baptême n'efface que le péché originel.
2. La pénitence suffit à remettre les péchés actuels. Mais la pénitence est exigée chez les adultes, avant le baptême (Actes 2.38) : « Faites pénitence, et que chacun de vous soit baptisé. » Donc le baptême ne joue aucun rôle dans la rémission des péchés actuels.
3. Des maladies différentes réclament des remèdes différents, dit S. Jérôme : « Ce qui guérit le talon ne peut pas guérir l'œil. » Mais le péché originel, que remet le baptême, est d'un autre genre que le péché actuel. Donc ce ne sont pas tous les péchés qui sont remis par le baptême.
En sens contraire, Ézéchiel dit (Ézéchiel 36.25) : « je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toutes vos souillures. »
Réponse
L'Apôtre dit aux Romains (Romains 6.3) « Nous tous qui avons été baptisés dans le Christ Jésus, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés. » Et plus loin (Romains 6.11) il conclut : « Aussi vous-mêmes regardez-vous comme morts au péché et vivant pour Dieu en Jésus Christ notre Seigneur. » Cela montre que par le baptême l'homme meurt à la vétusté du péché, et commence à vivre dans la nouveauté de la grâce. Or tout péché appartient à cette vétusté passée. Tout péché, par conséquent, est effacé par le baptême.
Solutions
Comme dit l'Apôtre (Romains 5.15), le péché d'Adam n'a pas autant de puissance que le don du Christ, que nous recevons par le baptême, « car le jugement a été porté à cause d'une seule faute pour la condamnation, mais la grâce apporte la justification de beaucoup de fautes ». Aussi, dit S. Augustin, « la génération de la chair n'entraîne que le péché originel, mais la régénération par l'Esprit remet non seulement le péché originel, mais aussi les fautes volontaires ».
2. Aucun péché ne peut être remis que par la vertu de la passion du Christ, dit l'Apôtre (Hébreux 9.22) : « Sans effusion de sang il n'y a pas de rémission. » Aussi le mouvement de la volonté humaine ne suffirait pas à remettre la faute sans la foi en la passion du Christ et le propos d'y participer, soit en recevant le baptême, soit en se soumettant aux clefs de l'Église. Ainsi, quand un adulte repentant vient au baptême, il obtient sans doute la rémission de tous ses péchés par le désir du baptême, mais il l'obtient plus parfaitement par sa réception réelle.
3. Il s'agit dans cette objection de remèdes particuliers. Mais le baptême agit en vertu de la passion du Christ, qui est le remède universel pour tous les péchés ; aussi le baptême remet-il tous les péchés.
Objections
1. L'Apôtre écrit (Romains 13.1) : « Ce qui vient de Dieu est bien ordonné. » Mais la faute n'est remise en ordre que par le châtiment, dit S. Augustin. Le baptême n'enlève donc pas la peine méritée par les fautes passées.
2. L'effet du sacrement a quelque ressemblance avec le sacrement lui-même, puisque les sacrements de la loi nouvelle réalisent ce qu'ils signifient, comme on l'a dit plus haut. Mais si l'ablution baptismale a quelque ressemblance avec la purification d'une souillure, elle semble n'en avoir aucune avec la remise d'une peine. Donc le baptême n'enlève pas la peine.
3. Une fois sa peine remise, l'homme ne mérite plus de châtiment, et il serait injuste de le punir. Donc, si le baptême remet la peine, il serait injuste de pendre après le baptême le brigand qui aurait auparavant commis un homicide. Ainsi le baptême relâcherait la rigueur de la justice humaine, ce qui ne convient pas. Le baptême ne remet donc pas la peine.
En sens contraire, sur la parole de S. Paul (Romains 11.29) : « Les dons de Dieu et son appel sont sans repentance », S. Ambroise dit : « La grâce de Dieu dans le baptême remet tout gratuitement. »
Réponse
Nous l'avons déjà dit le baptême nous incorpore à la passion et à la mort du Christ ; comme dit S. Paul (Romains 6.8) : « Si nous sommes morts avec le Christ, nous croyons que nous vivrons aussi avec lui. » Cela montre que tout baptisé participe à la passion du Christ pour y trouver un remède, aussi bien que s'il avait souffert et était mort lui-même. Or la passion du Christ, nous l'avons dit est une satisfaction suffisante pour tous les péchés de tous les hommes. Ainsi le baptisé est libéré de la peine qu'il devait acquitter pour ses péchés, comme si lui-même avait pleinement satisfait pour tous ses péchés.
Solutions
1. Puisque le baptisé participe à la peine de la passion du Christ, au titre de membre du Christ, comme si lui-même avait enduré cette peine, c'est par la peine de la passion du Christ que ses péchés sont remis en ordre.
2. L'eau lave, mais elle rafraîchit aussi. Et ainsi ce rafraîchissement signifie la rémission de la peine, comme l'ablution signifie que l'âme est lavée de ses péchés.
3. Dans les châtiments infligés par la justice humaine, on ne doit pas considérer seulement la peine que le coupable a méritée devant Dieu, mais aussi la dette qu'il a contractée envers les hommes, qui ont été lésés et scandalisés par son péché. Ainsi, bien qu'un assassin soit par le baptême libéré de toute peine devant Dieu, il demeure cependant lié devant les hommes, qu'il doit édifier en subissant son châtiment comme il les a scandalisés par sa faute. Cependant le prince pourrait par miséricorde lui remettre sa peine.
Objections
1. Selon l'Apôtre (Romains 5.15), le don du Christ est plus puissant que le péché d'Adam. Mais par le péché d'Adam, dit l'Apôtre au même endroit, « la mort est entrée dans le monde », et après elle, toutes les autres peines de la vie présente. À plus forte raison, par conséquent, le don du Christ reçu au baptême doit-il libérer l'homme des peines de la vie présente.
2. Le baptême, on l'a dit plus haut remet la faute originelle et la faute actuelle. Et il remet le péché actuel de telle sorte qu'il libère de toute la peine qui lui était due. Donc il libère aussi des peines de la vie présente, qui sont le châtiment du péché originel.
3. Si l'on supprime la cause, ses effets disparaissent. Mais la cause des peines de cette vie, c'est le péché originel, que le baptême supprime. Donc les peines de cette vie ne devraient pas subsister.
En sens contraire, sur la parole de S. Paul (Romains 6.6) : « Que le corps du péché soit détruit », la Glose dit : « Le baptême a pour effet de crucifier le vieil homme et de détruire le corps du péché : non pas que la convoitise mêlée à la chair vivante et née avec elle, soit aussitôt consumée et n'existe plus, mais, présente en l'homme à sa naissance, elle ne peut plus lui nuire après sa mort. » Pour la même raison, les autres peines de la vie ne sont pas enlevées par le baptême.
Réponse
Le baptême a la puissance d'enlever les peines de la vie présente ; cependant il ne les enlève pas en cette vie, mais c'est par sa vertu que les justes en seront libérés à la résurrection, « quand ce corps mortel revêtira l'immortalité » (1 Corinthiens 15.54). Et il est raisonnable qu'il en soit ainsi.
D'abord, parce que l'homme est incorporé au Christ par le baptême et devient ainsi l'un de ses membres. Il convient donc que ce qui s'est passé pour la tête se passe aussi pour les membres. Or, si le Christ a été depuis sa conception plein de grâce et de vérité, il a eu cependant un corps passible qui par sa passion et sa mort est ressuscité à la vie glorieuse. Ainsi le chrétien reçoit-il par le baptême la grâce en son âme, alors qu'il a un corps passible, dans lequel il peut souffrir pour le Christ ; mais à la fin il ressuscitera pour une vie impassible. Aussi l'Apôtre dit-il (Romains 8.11) : « Celui qui a ressuscité Jésus Christ d'entre les morts rendra aussi la vie à nos corps mortels à cause de son Esprit qui habite en nous. » Et plus loin (Romains 8.17) : « Nous sommes les héritiers de Dieu et les cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui pour être glorifiés avec lui. »
De plus, cela convient aussi pour l'exercice de la vie spirituelle : c'est en luttant contre la convoitise et les autres faiblesses que l'homme recevra la couronne de la victoire. Aussi sur ce mot de S. Paul (Romains 6.6) : « Pour que soit détruit le corps du péché », la Glose dit : « Si après le baptême l'homme vit encore dans la chair, il garde la convoitise qu'il doit combattre, et vaincre avec l'aide de Dieu. » C'est ce que figure cette parole (Juges 3.1-2) : « Voici les nations que le Seigneur a laissées pour éprouver par elles Israël, et pour qu'ensuite leurs fils apprennent à combattre les ennemis et qu'ils gardent l'habite combat. »
Enfin cela convient aussi pour que les hommes ne viennent pas au baptême en vue d’obtenir l'impassibilité dans la vie présente, plutôt que la gloire de la vie éternelle. C'est ce que dit l'Apôtre (1 Corinthiens 15.19) : « Si nous n’avons d'espérance dans le Christ que pour cette vie seulement, nous sommes les plus malheureux des hommes. »
Solutions
1. Sur le verset de l'épître aux Romains (Romains 6.6) : « Pour que nous ne soyons plus les esclaves du péché », la Glose dit : « De même que celui qui s'empare d'un ennemi très cruel ne le tue pas sur le champ, mais le laisse vivre quelque temps dans la honte et la douleur, ainsi le Christ a commencé par enchaîner la peine du péché, et l'anéantira dans la vie future. »
2. La Glose dit encore sur le même passage « La peine du péché est double, celle de la géhenne et celle de cette vie. Celle de la géhenne, le Christ l'a totalement détruite, de sorte que les baptisés et ceux qui font vraiment pénitence ne puissent plus l'éprouver. Mais celle de cette vie, il ne l'a pas supprimée totalement, et la faim, la soif, la mort sont toujours là. Mais il a renversé leur royaume et leur puissance », c'est-à-dire que l'homme ne doit plus les craindre, « et au dernier jour, enfin, il les exterminera totalement ».
3. Comme il a été dit dans la deuxième Partie, le péché originel s'est répandu de telle façon que c'est d'abord la personne qui a infecté la nature, puis la nature qui a infecté la personne. Le Christ à l'inverse répare d'abord ce qui appartient à la personne, puis plus tard et chez tous en même temps, il réparera ce qui appartient à la nature. Ainsi la coulpe du péché originel, et même la peine de la privation de la vision de Dieu, qui concernent la personne, sont aussitôt remises par le baptême. Mais les peines de la vie présente, comme la mort, la faim, la soif et le reste, concernent la nature, parce qu'elles dérivent des principes qui la constituent en tant qu'elle est déchue de la justice originelle. C'est pourquoi ces défauts ne disparaîtront que dans l'ultime réparation de la nature par la résurrection glorieuse.
Objections
1. On l'a dit plus haut les sacrements de la loi nouvelle « produisent ce qu'ils signifient ». Mais l'ablution baptismale signifie que l'âme est purifiée de ses fautes, non qu'elle est informée par la grâce et les vertus. Il semble donc que le baptême ne confère pas à l'homme la grâce et les vertus.
2. Ce que l'on a déjà reçu, on n'a plus besoin de le recevoir une seconde fois. Mais certains viennent au baptême qui ont déjà la grâce et les vertus : ainsi lit-on dans les Actes (Actes 10.1-2) « qu'il y avait à Césarée un homme nommé Corneille, centurion dans la cohorte italique, religieux et craignant Dieu », à qui pourtant Pierre a donné le baptême. Ce n'est donc pas le baptême qui donne la grâce et les vertus.
3. La vertu est un habitus, c'est-à-dire une qualité qui disparaît difficilement, qui fait agir facilement et avec plaisir. Or, même après le baptême, l'homme reste enclin au mal, qui fait perdre la vertu, et il éprouve de la difficulté pour le bien, qui est l'acte de la vertu. Donc le baptême ne lui donne pas la grâce et les vertus.
En sens contraire, l'Apôtre écrit à Tite (Tite 3.5-6) : « Il nous a sauvés par le bain de la régénération », c'est-à-dire par le baptême, « et en nous renouvelant dans l'Esprit Saint, qu'il a répandu sur nous en abondance », c'est-à-dire explique la Glose, « pour la rémission des péchés et l'abondance des vertus ». Ainsi dans le baptême nous sont données la grâce de l'Esprit Saint et l'abondance des vertus.
Réponse
Comme dit S. Augustin. le baptême a pour effet d'incorporer les baptisés au Christ comme ses membres. Or, de la tête qui est le Christ découle en tous ses membres la plénitude de la grâce et de la vertu, comme dit S. Jean (Jean 1.16) : « De sa plénitude nous avons tous reçu. » Il est donc évident que par le baptême on reçoit la grâce et les vertus.
Solutions
1. Si l'eau du baptême signifie par l'ablution la purification de la faute et par le rafraîchissement la remise de la peine, elle signifie par sa clarté naturelle la splendeur de la grâce et des vertus.
2. Comme on l'a dit plus haut. on reçoit la rémission des péchés avant le baptême, si l'on a implicitement ou explicitement le désir du baptême ; et cependant la réception réelle du baptême procure une rémission plus complète, en ce sens qu'elle libère de toute la peine. Ainsi, même avant le baptême, Corneille et ceux qui sont dans le même cas, reçoivent la grâce et les vertus par la foi au Christ et le désir, implicite ou explicite, du baptême ; ils reçoivent dans le baptême une abondance plus grande de grâce et de vertus. Aussi sur ce verset du Psaume (Psaumes 22.2) : « Il me conduit près des eaux rafraîchissantes », la Glose dit : « Dans le baptême, il m'a conduit par un accroissement de vertus et d'œuvres bonnes. » 3. Si les baptisés gardent de la difficulté pour le bien et de l'inclination au mal, ce n'est pas que l'habitus des vertus fasse défaut, mais c'est à cause de la convoitise, que le baptême ne supprime pas. Cependant elle est diminuée par le baptême, en sorte qu'elle ne règne plus en maîtresse ; de même cette difficulté et cette inclination sont diminuées elles aussi, pour que l'homme ne soit pas écrasé par elles.
Objections
1. On ne donne le baptême aux adultes que s'ils ont la foi, selon S. Marc (Marc 16.16) : « Celui qui croira et sera baptisé sera sauvé. » Mais c'est la foi qui incorpore au Christ (Éphésiens 3.17) : « Le Christ habite dans vos cœurs par la foi. » Ainsi personne n'est baptisé qui ne soit déjà incorporé au Christ, et cette incorporation n'est donc pas l'effet du baptême.
2. C'est l'enseignement qui illumine les âmes, selon S. Paul (Éphésiens 3.5) : « À moi, le moindre de tous les saints, a été accordée cette grâce d'illuminer tous les fidèles, etc. » Mais l'enseignement précède le baptême avec la catéchèse. Il n'est donc pas l'effet du baptême.
3. La fécondité est le fait de celui qui engendre. Or, par le baptême on est engendré spirituellement. Donc le baptême n'a pas pour effet la fécondité.
En sens contraire, S. Augustin dit que le baptême a pour effet d'incorporer au Christ les baptisés. Denys n attribue au baptême l'illumination. Et sur ce verset du Psaume (Psaumes 23.2) : « Il me conduit près des eaux rafraîchissantes », la Glose ajoute, « L'âme du pécheur, stérilisée par la sécheresse, est fécondée par le baptême. »
Réponse
Par le baptême on est régénéré pour la vie spirituelle, qui est proprement la vie des fidèles du Christ, comme dit l'Apôtre (Galates 2.20) : « Ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu. » Mais il n'y a de vie que pour les membres qui sont unis à la tête d'où ils reçoivent le sens et le mouvement. Il est donc nécessaire que par le baptême on soit incorporé au Christ comme un de ses membres.
Mais de la tête naturelle dérivent dans les membres le sens et le mouvement ; de même, de la tête spirituelle, qui est le Christ, dérivent dans ses membres un sens spirituel, la connaissance de la vérité, et un mouvement spirituel, l'impulsion de la grâce. Aussi S. Jean dit-il (Jean 1.14-16) : « Nous l'avons vu, plein de grâce et de vérité, et de sa plénitude nous avons tous reçu. » Il s'ensuit que le Christ illumine les baptisés pour qu'ils connaissent la vérité, et qu'en leur infusant la grâce il leur donne la fécondité des bonnes œuvres.
Solutions
1. Les adultes qui croient au Christ avant le baptême lui sont incorporés spirituellement ; quand ensuite ils reçoivent le baptême, ils sont incorporés d'une certaine façon corporellement, c'est-à-dire par le sacrement visible, sans le désir duquel ils n'auraient pas pu être incorporés, même spirituellement.
2. Le docteur n'éclaire pas du dehors par le ministère du catéchisme. Mais c'est Dieu qui illumine au-dedans les baptisés, en préparant leur cœur à recevoir la doctrine de vérité, selon S. Jean (Jean 6.45) : « Il est écrit : Tous seront enseignés par Dieu. »
3. La fécondité qu'on met parmi les effets du baptême, c'est la fécondité qui fait produire de bonnes actions, et non celle qui permet d'engendrer les autres au Christ, dit l'Apôtre (1 Corinthiens 4.15) : « C'est moi qui vous ai engendrés à Jésus Christ par l'Évangile. »
Objections
1. Il semble que non, car on ne peu avoir la grâce et les vertus sans la foi et la charité Mais la foi, dit S. Augustin, réside dans la volonté des croyants, et de même la charité réside dans la volonté de ceux qui aiment. Comme les enfants n'ont pas l'usage de leur volonté, ils n'ont ni la foi ni la charité. Ils ne reçoivent donc pas au baptême la grâce et les vertus.
2. Sur ce mot en S. Jean (Jean 14.12) « Il fera de plus grandes choses », S. Augustin dit que faire un juste d'un impie, « le Christ le fait en lui, mais non pas sans lui ». Mais l'enfant, qui n'a pas l'usage de son libre arbitre, ne peut coopérer avec le Christ à sa justification, parfois même il s'y oppose de toutes ses forces. Il n'est donc pas justifié par la grâce et les vertus.
3. S. Paul écrit (Romains 4.5) : « Celui qui ne fait aucune œuvre, mais qui croit en celui qui justifie l'impie, sa foi lui est imputée à justice, selon le décret de la grâce de Dieu. » Mais l'enfant n'est pas « croyant en celui qui justifie l'impie ». Il ne reçoit donc ni la grâce qui justifie, ni les vertus.
4. Ce que motive une intention charnelle ne peut avoir un effet spirituel. Or parfois des enfants sont présentés au baptême pour une intention charnelle, c'est-à-dire pour qu'ils soient guéris physiquement. Ils ne reçoivent donc pas l'effet spirituel de la grâce et des vertus.
En sens contraire, S. Augustin dit  : « En renaissant, les petits enfants meurent au péché qu'ils ont contracté en naissant. Et par là leur convient aussi cette parole (Romains 6.4) : “Par le baptême nous avons été ensevelis avec lui dans la mort.” » Et il ajoute « Afin que comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. » Mais cette vie nouvelle, c'est celle de la grâce et des vertus. Donc les enfants reçoivent au baptême la grâce et les vertus.
Réponse
Quelques anciens ont enseigné que le baptême ne donne pas aux enfants la grâce et les vertus, mais qu'il leur imprime le caractère du Christ, en vertu duquel, une fois parvenus à l'âge parfait, ils recevront la grâce et les vertus.
Mais cela est faux, pour deux raisons. D'abord parce que les enfants, comme les adultes, deviennent par le baptême membres du Christ ; ils doivent donc recevoir du chef l'influx de la grâce et des vertus. — De plus, parce qu'à ce compte les enfants morts après le baptême ne pourraient pas parvenir à la vie éternelle, puisque « la grâce de Dieu, c'est la vie éternelle » (Romains 6.23). Il ne leur servirait de rien pour le salut d'avoir été baptisés.
La cause de cette erreur fut que ces docteurs ne surent pas distinguer l'habitus et l'acte. Voyant que les enfants sont incapables de faire les actes des vertus, ils crurent qu'après le baptême ils n'avaient aucunement les vertus. Mais cette impuissance à agir provient chez les enfants non de l'absence de l'habitus, mais d'un empêchement corporel, de même que ceux qui dorment, bien qu'ils aient l'habitus des vertus, sont empêchés par le sommeil d'en faire les actes.
Solutions
1. La foi et la charité résident dans la volonté de l'homme, mais si ces habitus et ceux des autres vertus requièrent la puissance de la volonté, qui existe chez les enfants, les actes des vertus requièrent l'acte de la volonté, qui n'existe pas chez les enfants. C'est en ce sens que S. Augustin dit : « Ce qui fait du petit enfant un croyant, ce n'est pas encore la foi qui réside en la volonté du croyant, mais bien déjà le sacrement de la foi », qui cause l'habitus de la foi.
2. S. Augustin dit, que « personne sans le vouloir ne renaît de l'eau et de l'Esprit Saint ». Cela ne s'entend que des adultes. C'est des adultes aussi qu'il faut entendre que « le Christ ne justifie pas l'homme sans lui ». Que les petits enfants qu'on apporte au baptême s'y opposent de toutes leurs forces, « cela, dit S. Augustin. ne leur est pas imputé, parce qu'ils ignorent tellement ce qu'ils font qu'on doit les considérer comme ne le faisant pas. »
3. S. Augustin dit « Aux petits enfants la Mère Église prête les pieds des autres pour qu'ils viennent, le cœur des autres pour qu'ils croient, la langue des autres pour qu'ils affirment leur foi. » Ainsi les enfants croient, non par un acte propre, mais par la foi de l'Église, qui leur est communiquée. Et c'est par la vertu de cette foi que la grâce et les vertus leur sont conférées.
4. L'intention charnelle des parents qui présentent au baptême leurs enfants ne fait aucun tort à ceux-ci, pas plus que la faute d'un homme ne peut nuire à un autre s'il n'y consent. Aussi S. Augustin écrit-il : « Ne te trouble pas si certains présentent des enfants au baptême, non parce qu'ils croient que la grâce spirituelle les fera renaître pour la vie éternelle, mais parce qu'ils pensent que ce remède leur gardera ou leur rendra la santé du corps. Si l'on n'a pas présenté ces enfants avec l'intention qu'ils soient régénérés, cela ne les empêchera pas de l'être. »
Objections
1. Ce qui est déjà ouvert n'a pas besoin de l'être à nouveau. Or la porte du royaume des cieux a été ouverte par la passion du Christ : « Après cela, je vis une porte grande ouverte dans les cieux » (Apocalypse 4.1). Ce n'est donc pas l'effet du baptême, de nous ouvrir la porte du royaume des cieux.
2. Le baptême possède son efficacité depuis son institution. Or certains ont été baptisés du baptême du Christ avant la Passion, et ceux-là, s'ils étaient morts, n'auraient pas trouvé le ciel ouvert, puisque personne n'y entra avant le Christ, suivant le mot de Michée (Michée 2.13) : « Il est monté en leur ouvrant la route. » Ce n'est donc pas l'effet du baptême d'ouvrir la porte des cieux.
3. Les baptisés restent encore sujets à la mort et aux autres peines de la vie présente, comme on l'a dit plus haut. Mais l'entrée du royaume des cieux n'est pas ouverte à celui qui est encore soumis à un châtiment, comme c'est le cas de ceux qui sont en purgatoire. Ce n'est donc pas un effet du baptême d'ouvrir la porte du royaume des cieux.
En sens contraire, sur ce mot de S. Luc (Luc 3.21) : « Les cieux s'ouvrirent », la Glose dit : « Ceci nous montre la puissance du baptême : la porte des cieux s'ouvre pour quiconque sort du baptême. »
Réponse
Ouvrir la porte des cieux, c'est enlever l'obstacle qui empêche d'y entrer. Cet obstacle, c'est la faute et la peine qui lui est due. Or on a montré que le baptême remet absolument tous les péchés, et toutes les peines. Par conséquent, il a pour effet d'ouvrir le royaume des cieux.
Solutions
1. Le baptême ouvre au baptisé la porte du royaume des cieux parce qu'il l'incorpore à la passion du Christ et lui en applique la vertu.
2. Quand la passion du Christ n'était pas encore accomplie en réalité, mais n'existait que dans la foi des croyants, le baptême, de la même façon, ouvrait la porte du ciel, non en réalité, mais en espérance. Les baptisés qui mouraient alors attendaient avec une espérance certaine l'entrée au royaume des cieux.
3. Si le baptisé reste sujet à la mort et aux peines de la vie présente, c'est à cause, non de sa culpabilité personnelle, mais de l'état de la nature. Aussi rien ne l'empêche d'entrer dans le royaume des cieux quand la mort sépare l'âme de son corps : par là il a payé sa dette à la nature.
Objections
1. L'effet du baptême est de remettre les fautes. Or le baptême remet plus de péchés chez les uns que chez les autres : chez les enfants il ne remet que le péché originel, mais chez les adultes il remet aussi les péchés actuels, qui sont nombreux chez les uns, moins nombreux chez les autres. Donc les effets ne sont pas les mêmes chez tous.
2. Le baptême nous donne la grâce et les vertus. Mais après le baptême, certains paraissent avoir une grâce plus abondante et une vertu plus parfaite que d'autres baptisés. Donc le baptême n'a pas chez tous le même effet.
3. La grâce perfectionne la nature, comme la forme perfectionne la matière. Mais la matière reçoit la forme à la mesure de sa capacité. Comme certains baptisés, même des enfants, ont une capacité naturelle plus grande que d'autres, il semble que ceux-là reçoivent une grâce plus abondante que d'autres.
4. Certains trouvent dans le baptême non seulement la santé de l'âme, mais aussi celle du corps : on le voit chez Constantin que le baptême guérit de sa lèpre. Mais tous les malades ne trouvent pas dans le baptême la santé du corps. Le baptême n'a donc pas le même effet chez tous.
En sens contraire, il est écrit (Éphésiens 4.5) : « Une seule foi, un seul baptême. » Mais une même cause ne peut produire qu'un même effet. Donc le baptême a chez tous le même effet.
Réponse
L'effet du baptême est double. L'un qui est essentiel, l'autre qui est accidentel.
L'effet essentiel est celui pour lequel le baptême a été institué : la naissance à la vie spirituelle. Aussi, comme tous les enfants sont dans la même disposition à l'égard du baptême, puisqu'ils sont baptisés non dans leur foi propre, mais dans la foi de l'Église, ils reçoivent tous au baptême un effet égal. Quant aux adultes, qui apportent au baptême leur foi personnelle, ils n'ont pas tous les mêmes dispositions, et viennent au baptême, les uns avec plus, les autres avec moins de dévotion. Aussi les uns reçoivent-ils plus, les autres moins de cette grâce de renouvellement ; bien que, par soi, le feu répande une chaleur égale pour tous, ceux qui en approchent davantage en reçoivent plus de chaleur.
L'effet accidentel du baptême est celui pour lequel le baptême n'a pas été ordonné, mais qui est l'œuvre miraculeuse de la puissance divine dans le baptême. Sur cette parole de S. Paul (Romains 6.6) : « Pour que nous ne soyons plus esclaves du péché... », la Glose a dit : « Sans un miracle ineffable du Créateur, le baptême n'a pas pour résultat d'éteindre absolument la loi du péché qui est dans nos membres. » Et ces effets-là, tous les baptisés ne les reçoivent pas également, même s'ils s'approchent avec une égale dévotion, car ces effets sont distribués suivant le plan de la providence divine.
Solutions
1. La moindre grâce baptismale est suffisante pour effacer tous les péchés. Si le baptême remet plus de péchés chez les uns, moins de péchés chez les autres, cela ne tient pas à une plus grande efficacité, mais à la disposition du sujet : le baptême remet en chacun tout le péché qu'il y trouve.
2. Si l'on voit chez les baptisés une grâce plus ou moins grande, cela peut tenir à deux raisons. D'abord parce que l'on reçoit dans le baptême une grâce plus grande à cause de sa plus grande dévotion, comme on vient de le dire. Puis, même si tous reçoivent une grâce égale, ils ne l'utilisent pas tous également, mais l'un en profite avec plus de zèle, tandis que l'autre, par sa négligence, manque à la grâce de Dieu.
3. Les diverses capacités des hommes ne viennent pas d'une différence de l'âme qui est renouvelée par le baptême — puisque tous les hommes, qui appartiennent à une seule espèce, ont tous la même forme —, mais de la diversité des corps. Il en va autrement pour les anges, qui différent en espèce. Aussi les dons gratuits sont-ils donnés aux anges selon la diversité de leurs capacités naturelles. Mais ce n'est pas le cas pour les hommes.
4. La santé du corps n'est pas de soi un effet du baptême, mais une œuvre miraculeuse de la providence divine.
Objections
1. L'Apôtre affirme (Galates 3.27) « Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ. » Or tous ceux qui reçoivent le baptême du Christ sont baptisés dans le Christ. Donc tous revêtent le Christ. Et c'est là recevoir le fruit du baptême. Ainsi la fiction n'empêche pas l'effet du baptême.
2. La puissance divine, qui agit dans le baptême, est capable de tourner vers le bien la volonté humaine. Mais l'effet d'une cause efficiente ne peut être empêché par cela même qu'elle peut supprimer. La fiction ne peut donc empêcher l'effet du baptême.
3. L'effet du baptême est la grâce, à laquelle s'oppose le péché. Mais il y a beaucoup d'autres péchés plus graves que la fiction, dont on ne dit pourtant pas qu'ils empêchent l'effet du baptême. Donc la fiction n'empêche pas non plus l'effet du baptême.
En sens contraire, on lit dans la Sagesse (Sagesse 1.5) : « L'Esprit Saint qui nous éduque, fuit le simulateur (fictum). » Mais l'effet du baptême vient de l'Esprit Saint. La fiction empêche donc l'effet du baptême.
Réponse
Comme dit S. Jean Damascène « Dieu ne force pas l'homme à la justice. » Aussi, pour que le baptême justifie un homme, il faut que sa volonté embrasse et le baptême et ses effets ; et l'on parlera de « fiction » quand cette volonté s'oppose au baptême ou à ses effets. Selon S. Augustin , on peut parler aussi de fiction de quatre manières : d'abord quand le baptisé n'a pas la foi, alors que le baptême est « le sacrement de la foi » ; — puis quand il méprise le sacrement lui-même ; — puis quand il célèbre ce sacrement sans observer les rites de l'Église ; — enfin quand il s'y présente sans dévotion. — Il est donc évident que la fiction empêche l'effet du baptême.
Solutions
1. « Être baptisé dans le Christ » peut s'entendre de deux façons. « Dans le Christ » veut dire « en conformité avec le Christ ». Alors, tous ceux qui sont baptisés dans le Christ, se conformant à lui par la foi et la charité, revêtent le Christ par la grâce. — Dans un autre sens on dira que quelqu'un est baptisé dans le Christ s'il reçoit le sacrement du Christ. Et ainsi tous les baptisés le revêtent en étant configurés à lui par le caractère, mais non de cette conformité qui vient de la grâce.
2. Quand Dieu change la volonté de l'homme en la faisant passer du mal au bien, l'homme ne vient pas au baptême avec fiction. Mais Dieu ne le fait pas toujours et le sacrement n'a pas pour but de transformer la fiction en sincérité, mais de justifier celui qui se présente sans aucune fiction.
3. On appelle fictus (simulateur) celui qui exprime une intention qu'il n'a pas. Or celui qui vient au baptême montre par là même qu'il a la vraie foi au Christ, qu'il respecte le sacrement, qu'il veut se conformer à l'Église, et sortir du péché. Aussi, quel que soit le péché auquel on veut rester attaché tout en s'approchant du baptême, c'est s'en approcher avec fiction, c'est-à-dire sans dévotion. Cela s'entend du péché mortel, qui est contraire à la grâce, mais non du péché véniel. C'est ainsi que le mot de « fiction » englobe n'importe quel péché.
Objections
1. Une œuvre morte, c'est-à-dire sans charité, ne peut jamais revivre. Mais celui qui vient au baptême avec fiction reçoit le sacrement sans charité. Par conséquent ce sacrement ne pourra jamais être vivifié de sorte qu'il puisse produire la grâce.
2. La fiction paraît être plus puissante que le baptême, puisqu'elle en empêche l'effet. Mais le plus fort ne peut être détruit par le plus faible. Par conséquent, le péché de fiction ne peut être détruit par le baptême que la fiction elle-même empêche. Et ainsi le baptême ne produit pas son effet, qui est la rémission de tous les péchés.
3. Il peut arriver qu'un homme s'approche du baptême avec fiction, et qu'après le baptême, il commette de nombreux péchés. Ces péchés ne sont pas enlevés par le baptême, qui efface les fautes passées, mais non les fautes à venir. Par conséquent le baptême ne produira jamais son effet, qui est la rémission de tous les péchés.
En sens contraire, S. Augustin dit : « Le baptême retrouve son efficacité salutaire, lorsqu'une confession sincère fait disparaître cette fiction qui, aussi longtemps que le cœur persévérait dans la malice et le sacrilège, empêchait l'ablution des péchés. »
Réponse
Comme on l'a dit plus haut le baptême est une régénération spirituelle. Or, quand un être est engendré, il reçoit en même temps la forme et l'effet de cette forme, à moins qu'il n'y ait un obstacle ; mais dès que cet obstacle est écarté, la forme de l'être engendré produit son effet. Par exemple un corps lourd, dès sa génération, est attiré vers le bas, à moins qu'un obstacle ne l'arrête ; dès que cet obstacle est écarté, il commence à tomber. De même, quand un homme est baptisé, il reçoit le caractère, comme une forme, et il reçoit l'effet propre de cette forme, la grâce qui remet tous les péchés. Mais cet effet peut être empêché par la fiction. Aussi, dès que celle-ci est écartée par la pénitence, il est certain que le baptême produit aussitôt son effet.
Solutions
1. Le baptême est l'œuvre de Dieu, et non de l'homme. Par conséquent il n'est pas une œuvre morte chez celui qui se fait baptiser avec fiction et sans charité.
2. Ce n'est pas le baptême qui enlève la fiction, mais la pénitence. Une fois la fiction écartée, le baptême enlève toute la faute et toute la peine des péchés commis avant le baptême, et même des péchés commis dans le baptême. Aussi S. Augustin dit-il : « Hier est pardonné, et tout ce qui reste est pardonné, et l'heure même et le moment qui précèdent le baptême, et le moment du baptême. C'est après seulement que l'on commence à redevenir coupable. » Et ainsi le baptême et la pénitence concourent tous deux à produire l'effet du baptême, mais le baptême comme la cause directe, la pénitence comme une cause accidentelle, qui écarte les obstacles.
3. Le baptême n'a pas pour effet d'effacer les péchés futurs, mais seulement les péchés présents ou passés. Aussi, la fiction disparue, les péchés qui ont suivi le baptême sont remis sans doute, mais par la pénitence, et non par le baptême. Aussi la peine qu'ils ont méritée n'est-elle pas entièrement remise, comme l'était celle des péchés commis avant le baptême.
Il faut étudier maintenant les rites préparatoires au baptême. D'abord un rite préparatoire qui a précédé le baptême : la circoncision (Q. 70). Ensuite les rites préparatoires qui accompagnent le baptême : le catéchisme et l'exorcisme (Q. 71).