Somme théologique

Somme théologique — La tertia

83. LE RITE DE CE SACREMENT

  1. Dans la célébration de ce mystère le Christ est-il immolé ?
  2. Le temps de la célébration.
  3. Le lieu, et tout l'apparat de cette célébration.
  4. Les paroles que l'on dit en célébrant ce mystère.
  5. Les actions qui accompagnent la célébration de ce mystère.
  6. Les défauts qui se rencontrent dans la célébration de ce sacrement.

1. Dans la célébration de ce mystère, le Christ est-il immolé ?

Objections

1. Il est écrit (Hébreux 10.14) que le Christ « par une oblation unique a rendu parfaits pour toujours ceux qu'il sanctifie ». Mais cette oblation, ce fut son immolation. Le Christ n'est donc pas immolé dans la célébration de ce sacrement.

2. L'immolation du Christ s'est faite sur la croix où « il s'est livré lui-même à Dieu en oblation et en sacrifice d'agréable odeur » (Éphésiens 5.2). Mais dans la célébration de ce mystère le Christ n'est pas crucifié. Il n'est donc pas immolé non plus.

3. Comme dit S. Augustin, dans l'immolation du Christ le même est prêtre et victime. Mais dans la célébration de ce sacrement, ce n'est pas le même qui est prêtre et victime. Donc la célébration de ce sacrement n'est pas l'immolation du Christ.

En sens contraire, S. Augustin dit : « Le Christ a été immolé une seule fois en lui-même, et cependant il est immolé chaque jour dans le sacrement. »

Réponse

C'est pour un double motif que la célébration de ce sacrement est appelée immolation du Christ. Tout d'abord parce que, dit S. Augustin : « On a coutume de désigner les images par les noms des choses qu'elles représentent ; ainsi lorsque nous regardons un tableau ou une peinture murale, nous disons : Voilà Cicéron, et : Voilà Salluste. » Or la célébration de ce sacrement, ainsi qu'on l'a dit plus haut, est comme une image qui représente la passion du Christ, laquelle est sa véritable immolation ; et c'est pourquoi la célébration de ce sacrement est appelée immolation du Christ. D'où cette parole de S. Ambroise : « Dans le Christ a été offerte une seule fois la victime qui est efficace pour le salut éternel. Que faisons-nous alors ? Est-ce que nous ne l'offrons pas chaque jour, mais pour commémorer sa mort ? »

L'autre motif concerne l'effet de la passion du Christ : c'est-à-dire que, par ce sacrement, nous devenons participants du fruit de la passion du Seigneur. C'est pourquoi l'on dit dans la secrète d'un dimanche : « Chaque fois qu'on célèbre ce sacrifice en mémorial, c'est l'œuvre de notre rédemption qui s'accomplit. »

Quant au premier mode, on pouvait dire que le Christ était immolé aussi dans les figures de l'Ancien Testament ; d'où la parole de l'Apocalypse (Apocalypse 13.8) : « Leurs noms ne sont pas inscrits au livre de vie de l'Agneau, lequel a été immolé dès l'origine du monde. » Mais quant au second mode, il est propre à ce sacrement que, dans sa célébration, le Christ soit immolé.

Solutions

1. Comme dit S. Ambroise au même endroit : « Il y a une seule victime », celle que le Christ a offerte et que nous offrons, « et non plusieurs, parce que le Christ a été offert une seule fois et que ce sacrifice-ci est le modèle de celui-là. De même que ce qui est offert partout est un seul corps et non plusieurs corps, de même c'est un unique sacrifice ».

2. De même que la célébration de ce sacrement est une image qui représente la passion du Christ, de même l'autel représente sa croix sur laquelle il a été immolé sous son aspect propre.

3. C'est pour la même raison que le prêtre aussi est l'image du Christ, à la place et par la vertu de qui il prononce les paroles consécratoires, comme on l'a vu plus haut. Et ainsi, d'une certaine manière, c'est le même qui est prêtre et hostie.


2. Le temps de la célébration

Objections

1. Ce sacrement représente la passion du Seigneur, on vient de le dire. Mais la commémoration de la Passion ne se fait dans l'Église qu'une fois par an. Car S. Augustin écrit : « Chaque fois que la Pâque est célébrée, le Christ n'est-il pas immolé ? Cependant la commémoration anniversaire représente ce qui s'est passé jadis, et ainsi elle nous émeut comme si nous voyions devant nous le Seigneur en croix. » Ce sacrement ne doit donc se célébrer qu'une fois par an.

2. La passion du Christ est commémorée dans l’Église le vendredi avant Pâques, et non à la fête de Noël. Donc, puisque ce sacrement commémore la passion du Seigneur, il parait anormal qu'on le célèbre trois fois le jour de Noël, et qu'on l'omette totalement le Vendredi saint.

3. Dans la célébration de ce sacrement, l'Église doit imiter l'institution du Christ. Mais le Christ a consacré ce sacrement dans la soirée. Il apparaît donc que c'est à une heure semblable qu'on doit célébrer ce sacrement.

4. Le pape Léon, dans une lettre recueillie dans les Décrets de Gratien, affirme qu'il est permis de célébrer la messe « dans la première partie du jour ». Mais le jour commence à minuit, nous l’avons vu. Il apparaît donc qu'il est permis aussi de célébrer après minuit.

5. Dans la secrète d'un dimanche, on dit « Accorde-nous, Seigneur, de venir nombreux à ces mystères. » Mais il y aurait davantage d'affluence si le prêtre pouvait célébrer le même jour à plusieurs heures. Il apparaît donc qu'on ne doit pas interdire au prêtre de célébrer plusieurs fois le même jour.

En sens contraire, telle n'est pas la coutume observée par l'Église, selon les statuts canoniques.

Réponse

Nous l'avons dit, dans la célébration de ce mystère, on vise et la représentation de la passion du Seigneur, et la participation à son fruit. Et c'est selon ces deux points de vue qu'il a fallu déterminer le temps approprié à la célébration de ce sacrement. Parce que nous avons quotidiennement besoin du fruit de la passion du Seigneur, à cause de nos défaillances quotidiennes, il est normal que, dans l'Église, on offre quotidiennement ce sacrement. C'est pourquoi le Seigneur nous enseigne à demander : « Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien. » Ce que S. Augustin explique ainsi : « Si le pain est quotidien, pourquoi le manges-tu au bout d'un an, selon la coutume des Grecs en Orient ? Prends quotidiennement ce qui te soutient quotidiennement. » — Et parce que la passion du Seigneur fut célébrée depuis la troisième jusqu'à la neuvième heure, il est normal que ce soit dans cette partie du jour que ce sacrement est solennellement célébré dans l’Église.

Solutions

1. Dans ce sacrement on commémore la passion du Christ en tant que son effet se communique aux fidèles. Mais au temps de la Passion, on commémore la passion du Christ seulement en tant qu'elle a été accomplie dans la personne de notre chef. Or cela ne s'est produit qu'une fois ; mais c'est chaque jour que les fidèles perçoivent le fruit de la passion du Seigneur. C'est pourquoi ce qui est simple commémoration ne se fait qu'une fois par an, mais ce sacrement se célèbre chaque jour, et pour appliquer le fruit de la passion et pour en renouveler sans cesse la mémoire.

2. À l'avènement de la vérité, la figure disparaît. Or, ce sacrement est une figure et une ressemblance de la passion du Seigneur, on vient de le dire. Et c'est pourquoi au jour où l'on commémore la passion du Seigneur en elle-même, selon queue s'est passée dans la réalité, on ne célèbre pas la consécration de ce sacrement. Cependant, pour que l'Église, même ce jour-là, ne soit pas privée du fruit de la passion que nous procure ce sacrement, on réserve le corps du Christ consacré le jour précédent, pour le consommer ce jour-là. Mais non le sang, parce qu'on risque de le répandre, et parce que le sang est plus spécialement l'image de la passion du Seigneur, comme on l'a dit précédemment. Et il n'est pas vrai, quoique certains l'affirment, qu'en laissant tomber dans le vin une parcelle du corps, on change le vin en sang. Car cette conversion ne peut se faire autrement que par la consécration qui s'accomplit avec la formule verbale prescrite.

Au jour de la Nativité, on célèbre plusieurs messes à cause de la triple naissance du Christ. La première est éternelle qui, pour nous, est cachée. C'est pourquoi l'on chante une messe la nuit, où l'on dit à l'introït (Psaumes 2.7) : « Le Seigneur m'a dit : tu es mon Fils, moi, aujourd'hui, je t'ai engendré. » La deuxième est sa naissance selon le temps, mais dans les âmes, par laquelle le Christ « se lève dans nos cœurs comme l'étoile du matin » (2 Pierre 1.19). Et c'est pourquoi l'on chante une messe à l'aurore, où l'on dit à l'introït (Ésaïe 9.2) : « La lumière brillera aujourd'hui sur nous. » La troisième est la naissance du Christ selon le temps et dans son corps, selon laquelle il s’est produit visiblement hors du sein virginal, revêtu de notre chair. Et c'est pourquoi on chante la troisième messe à la pleine lumière et l'on chante dans son introït (Ésaïe 9.5) : « Un enfant nous est né. » — Cependant on peut dire, inversement, que la naissance éternelle, considérée en elle-même, est en pleine lumière : et c'est pourquoi, dans l'évangile de la troisième messe, on fait mention de la naissance éternelle. Mais selon la naissance corporelle il est né, à la lettre, pendant la nuit, pour signifier qu'il venait vers les ténèbres de notre faiblesse : aussi, dans la messe nocturne, lit-on l'évangile de la naissance corporelle du Christ.

Et c'est encore ainsi qu'à d'autres jours où se rencontrent plusieurs bienfaits du Christ à honorer ou à implorer, on célèbre plusieurs messes le même jour, par exemple une pour la fête, et les autres pour le jeûne ou pour les morts.

3. On a déjà fait remarquera que le Christ voulut laisser ce sacrement à ses disciples au dernier moment, afin de l'imprimer plus profondément dans leurs cœurs. Et c'est pourquoi il a consacré ce sacrement et l'a donné à ses disciples après le souper et à la fin du jour. Mais, par nous, ce sacrement est célébré à l'heure de la passion du Seigneur : soit, aux jours de fête, à tierce, quand il fut crucifié par les clameurs des juifs, comme le note S. Marc (Marc 15.25), et quand le Saint-Esprit descendit sur les disciples (Actes 2.15) ; soit aux jours de férie à sexte, quand il fut crucifié par les mains des soldats, comme on le lit en S. Jean (Jean 19.14) ; soit, aux jours de jeûne, à none, quand « il rendit l'esprit après avoir poussé un grand cri », comme dit S. Matthieu (Matthieu 27.46-50).

On peut cependant célébrer plus tard : surtout quand il y a des ordinations et en particulier le Samedi saint ; soit à cause de la longueur de l'office, soit parce que les ordinations appartiennent au dimanche, comme on le voit dans les Décrets de Gratien.

On peut encore, cependant, célébrer la messe « dans la première partie du jour » pour motif de nécessité, comme on le voit dans les Décrets.

4. Régulièrement la messe doit se célébrer de jour et non de nuit : parce que le Christ lui-même est présent dans ce sacrement, lui qui dit en S. Jean (Jean 9.4) : « Il faut que j'accomplisse les œuvres de celui qui m'a envoyé, tandis qu'il fait jour. La nuit approche, où personne ne peut rien faire. Tant que je suis dans le monde, je suis la lumière du monde. » De telle sorte cependant que le début du jour ne soit pas compté à partir de minuit, ni non plus à partir du lever du soleil, c'est-à-dire quand l'astre lui-même se montre au-dessus de la terre ; mais quand l'aurore commence à paraître. Alors en effet on dit que le soleil est levé, en tant que paraît la lumière de ses rayons. C'est pourquoi il est dit en S. Marc (Marc 16.2) que les femmes vinrent au sépulcre « le soleil étant déjà levé », et pourtant lorsqu'elles arrivèrent au tombeau « il faisait encore nuit », selon S. Jean (Jean 20.1). Car c'est ainsi que S. Augustin résout cette contradiction.

Cependant la messe est célébrée dans la nuit de Noël par une exception particulière, parce que le Seigneur est né la nuit, comme disent les Décrets de Gratien. Et de même encore le Samedi saint vers le début de la nuit, parce que le Seigneur est ressuscité la nuit, c'est-à-dire « quand il faisait encore nuit », avant que n'apparût le soleil levant.

5. Comme on lit dans les Décrets de Gratien citant un décret du pape Alexandre II : « Il suffit au prêtre de célébrer une seule messe par jour : car le Christ a souffert une seule fois et a racheté le monde entier ; et il a bien de la chance, celui qui peut dignement célébrer une seule messe ! Cependant certains célèbrent une messe pour les défunts et une autre de la liturgie du jour, si c'est nécessaire. Quant à ceux qui ont l'audace de célébrer plusieurs messes le même jour, pour recevoir de l'argent ou des flatteries des séculiers, j'estime qu'ils n'échappent pas à la damnation. » Et Innocent III dit que « sauf le jour de la Nativité du Seigneur, à moins qu'un motif de nécessité n'y engage, il suffit au prêtre de célébrer seulement une messe par jour ».


3. Le lieu et tout l'apparat de cette célébration

Objections

1. Ce sacrement représente la passion du Seigneur. Or le Seigneur n'a pas souffert dans une demeure, mais hors de l'enceinte de la ville : « Jésus, pour sanctifier le peuple par son sang, a souffert hors de la porte » (Hébreux 13.12). Il apparaît donc que ce sacrement ne doit pas se célébrer dans une demeure, mais plutôt en plein air.

2. Dans la célébration de ce sacrement, l'Église doit imiter la manière de célébrer du Christ et des Apôtres. Mais la maison dans laquelle le Christ accomplit ce sacrement pour la première fois n'était pas consacrée : ce fut une salle à manger ordinaire, préparée par le maître de la maison, comme on le voit en S. Luc (Luc 22.11). Et on lit dans les Actes (Actes 2.46) que les Apôtres « d'un même cœur fréquentaient assidûment le Temple ; et, rompant le pain dans leurs maisons, ils mangeaient avec allégresse ». Donc maintenant non plus, il ne faut pas qu'il y ait des demeures consacrées pour célébrer ce sacrement.

3. Rien ne doit se faire d'inutile dans l'Église, qui est gouvernée par le Saint-Esprit. Mais il semble inutile de conférer une consécration à l'église, ou à l'autel, et à d'autres choses inanimées qui sont incapables de recevoir la grâce ou une vertu spirituelle. Il est donc déplacé de faire, dans l'Église, de telles consécrations.

4. Seules les œuvres divines doivent être commémorées avec quelque solennité, selon la parole du Psaume (Psaumes 92.5) : « J'exulterai dans l'œuvre de tes mains. » Mais la consécration de l'église ou de l'autel est une œuvre humaine, comme celle du calice, du ministre, et toutes les autres. Et ces dernières consécrations ne sont pas commémorées publiquement dans l'Église. Donc on ne doit pas non plus commémorer avec solennité la consécration de l'église ou de l'autel.

5. La réalité doit répondre à la figure. Mais dans l'Ancien Testament, qui était la figure du Nouveau, on ne faisait pas l'autel avec des pierres taillées. Car il est dit dans l'Exode (Exode 20.24) : « Vous me ferez un autel de terre. Et si vous me faites un autel de pierre, vous ne le bâtirez pas avec des pierres taillées. » Dans l'Exode encore (Exode 25.1), on prescrit de faire « l'autel de bois d'acacia » revêtu de « bronze », ou même « d'or ». L'usage observé dans l'Église de ne faire l'autel qu'en pierre ne paraît donc pas justifié.

6. Le calice avec la patène figure le sépulcre du Christ. Or celui-ci fut « taillé dans la pierre », disent les évangiles. Donc le calice doit être fait de pierre, et non pas seulement d'argent, d'or ou d'étain.

7. De même que l'or est la matière la plus précieuse pour faire un vase, de même les étoffes de soie sont les étoffes les plus précieuses. Donc, de même que le calice est en or, les nappes de l'autel devraient être en soie et non pas seulement en tissu de lin.

8. La dispensation des sacrements et leur ordonnance appartient aux ministres de l'Église, comme la dispensation des choses temporelles est soumise aux ordonnances des princes séculiers. D'où la parole de l'Apôtre (1 Corinthiens 4.1) : « Que l'on nous considère comme les ministres du Christ et les dispensateurs des mystères de Dieu. » Mais si, dans l'administration des choses temporelles, on agit contrairement aux décrets des princes, c'est tenu pour nul. Donc, si ce dont on vient de parler a été réglé comme il faut par les prélats de l'Église, il apparaît que l'on ne peut, sans elles, consacrer le corps du Christ. Et il en découlerait que les paroles du Christ ne sont pas suffisantes pour consacrer ce sacrement, ce qui est inadmissible. Il ne paraît donc pas justifié qu'on ait établi toutes ces règles pour la célébration de l'eucharistie.

En sens contraire, les décisions prises par l'Église sont réglées par le Christ lui-même qui dit, en S. Matthieu (Matthieu 18.20) : « Là où deux ou trois seront assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux. »

Réponse

Dans ce qui encadre ce sacrement, deux motifs entrent en ligne de compte. L'un concerne la représentation de ce qui s'est passé lors de la passion du Seigneur. L'autre concerne le respect dû à ce sacrement, qui contient le Christ réellement et non seulement en figure. C'est pourquoi on recourt à des consécrations pour les choses qui interviennent dans la pratique de ce sacrement, soit par respect envers le sacrement, soit pour représenter son effet, qui découle de la passion du Christ, selon l'épître aux Hébreux (Hébreux 13.12) : « Le Christ, pour sanctifier le peuple par son sang, etc. »

Solutions

1. Régulièrement, ce sacrement doit se célébrer dans une demeure qui symbolise l'Église, selon la 1ère épître à Timothée (1 Timothée 3.15) : « je veux que tu saches la conduite à tenir dans la maison de Dieu, qui est l'Église du Dieu vivant. » Car, « hors de l'Église il n'y a pas de place pour le vrai sacrifice », selon S. Augustin. Et parce que l'Église ne devait pas être renfermée dans les frontières de la nation juive, mais être établie dans le monde entier, la passion du Christ n'a pas été célébrée dans la cité des juifs, mais en plein air, afin que le monde entier fût regardé, à l'égard de la passion du Christ, comme une demeure.

Et cependant, comme il est dit dans les Décrets de Gratien : « Nous permettons à ceux qui voyagent, s'ils ne trouvent pas d'église, de célébrer la messe en plein air ou sous la tente, pourvu qu'ils aient là une table consacrée et les autres objets consacrés nécessaires à cet office. »

2. La demeure dans laquelle ce sacrement se célèbre symbolise l'Église, et c'est pourquoi on l'appelle une « église », et il est normal qu'elle soit consacrée : afin de représenter la sanctification procurée à l'Église par la passion du Christ, et aussi afin de symboliser la sainteté requise chez ceux qui doivent recevoir ce sacrement. Quant à l'autel, il symbolise le Christ lui-même dont il est écrit (Hébreux 13.15) : « C'est par lui que nous offrons le sacrifice de louange. » Aussi la consécration de l'autel signifie-t-elle la sainteté du Christ, de qui il est dit en S. Luc (Luc 1.35) : « L'être saint qui naîtra de toi sera appelé Fils de Dieu. » D'où la prescription des Décrets : « On a décidé de consacrer les autels non seulement par l'onction du chrême, mais encore par la bénédiction sacerdotale. »

Et c'est pourquoi, régulièrement, il n'est pas permis de célébrer ce sacrement ailleurs que dans des demeures consacrées. D'où cette règle des Décrets : « Qu'aucun prêtre n'ait l'audace de célébrer la messe ailleurs que dans des lieux consacrés par l'évêque. » Et c'est pourquoi aussi, parce que les païens, et les autres infidèles, n'appartiennent pas à l'Église, on lit dans la même Distinction : « Il n'est pas permis de consacrer l'église dans laquelle on ensevelit les cadavres des infidèles ; mais, si elle paraît apte à être consacrée, qu'après en avoir exhumé les corps, en avoir rasé les murs ou les charpentes, on la reconstruise. Mais si cette église a été consacrée antérieurement, il est permis d'y célébrer la messe ; à condition cependant que ce soient des fidèles qui y aient été ensevelis. »

Cependant, en cas de nécessité, on peut accomplir ce sacrement dans des demeures non consacrées, ou profanées, toutefois avec le consentement de l'évêque. C'est pourquoi on lit dans la même Distinction : « Nous jugeons qu'il ne faut pas célébrer la messe n'importe où, mais dans les lieux consacrés par l'évêque, ou autorisés par lui. » Non toutefois sans un autel portatif consacré, si bien qu'on lit dans la même Distinction : « Nous accordons, si les églises ont été brûlées, qu'on reprenne la célébration de la messe dans les chapelles, avec une table consacrée. » En effet, parce que la sainteté du Christ est la source de toute la sainteté de l'Église, en cas de nécessité il suffit pour accomplir ce sacrement d'avoir un autel consacré. C'est pourquoi encore une église n'est jamais consacrée sans que l'on consacre un autel ; alors que parfois, sans consacrer d'église, on consacre un autel, avec les reliques des saints dont « la vie est cachée avec le Christ en Dieu ». Aussi lit-on dans la même Distinction : « On a décidé que les autels où l'on constate qu'on n'a déposé ni corps ni reliques de martyrs seront détruits, si c'est possible, par les évêques qui ont l'autorité en ces lieux. »

3. L'église, l'autel et les autres objets inanimés sont consacrés, non parce qu'ils seraient capables de recevoir la grâce mais parce que, en vertu de la consécration, ils reçoivent une certaine vertu spirituelle qui les rend aptes au culte divin ; c'est-à-dire pour que les hommes en retirent une certaine dévotion, afin d'être mieux préparés aux mystères divins, si le manque de respect n'y fait pas obstacle. D'où ce texte (2 Maccabées 3.38) « Vraiment, il y a dans ce lieu une vertu divine car celui qui a son habitation dans les cieux visite ce lieu et le protège. »

Et de là vient que ces objets, avant leur consécration, sont purifiés et exorcisés, pour que la vertu de l'ennemi en soit chassée. Et pour la même raison on réconcilie les églises « qui auront été souillées par une effusion de sang ou de semence », parce que le péché qui y a été commis décèle une activité de l'ennemi en cet endroit. Et c'est pourquoi on lit aussi dans cette Distinction : « Partout où vous trouverez des églises des ariens, consacrez-les sans retard, pour en faire des églises catholiques par les prières et les rites divins. » Aussi certains disent-ils avec raison que par l'entrée dans une église consacrée on obtient la rémission des péchés véniels, comme par l'aspersion de l'eau bénite. Ils avancent à l'appui de cette opinion la parole du Psaume (Psaumes 85.2) : « Tu as béni ta terre, Seigneur, tu as pardonné à ton peuple son iniquité. »

Et c'est pourquoi, à cause de la vertu que l'église acquiert par sa consécration, celle-ci ne se renouvelle pas. Aussi lit-on dans la même Distinction cette prescription empruntée au concile de Nicée : « On ne doit pas conférer une nouvelle consécration aux églises une fois consacrées à Dieu, à moins qu'elles n'aient été entièrement détruites par le feu, ou souillées par une effusion de sang ou de semence ; car, de même que l'enfant une fois baptisé par n'importe quel prêtre au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ne doit pas être baptisé à nouveau, ainsi un lieu dédié à Dieu ne doit pas être consacré à nouveau, sinon pour les motifs signalés ci-dessus ; pourvu du moins que ceux qui l'ont consacré aient eu la foi en la sainte Trinité. » D'autre part, ceux qui sont hors de l'Église ne peuvent pas consacrer. Mais, comme on lit dans la même Distinction : « Que l'on consacre les églises et les autels dont la consécration est douteuse. »

Et parce que, par la consécration, ces objets acquièrent une certaine vertu spirituelle, on lit ce décret, dans la même Distinction : « Les bois employés dans une église consacrée ne doivent pas être employés à un autre usage, si ce n'est pour une autre église ; ou bien il faut les brûler, ou bien les donner pour l'agrandissement d'un monastère ; ils ne doivent pas entrer dans des ouvrages destinés aux laïcs. » Et on lit au même endroit : « La nappe d'autel, la cathèdre, le candélabre et le voile, s'ils sont rongés de vieillesse, doivent être livrés au feu ; que les cendres soient portées à la piscine, ou jetées dans la muraille ou dans les cavités du pavement, pour n'être pas souillées par les pas de ceux qui entrent. »

4. Parce que la consécration de l'autel représente la sainteté du Christ, et que la consécration de la demeure représente la sainteté de toute l'Église, il est tout à fait à propos de commémorer solennellement la consécration de l'église ou de l'autel. C'est pourquoi aussi la solennité de la dédicace se poursuit pendant huit jours, pour symboliser la bienheureuse résurrection du Christ et des membres de l'Église. Et la consécration de l'église et de l'autel n'est pas une œuvre purement humaine puisqu'elle a une vertu spirituelle. Aussi est-il dit, dans la même Distinction : « Les solennités de la dédicace des églises doivent se célébrer solennellement chaque année. Que ces dédicaces doivent être célébrées pendant huit jours, vous le verrez au premier livre des Rois (1 Rois 8.66), en lisant le récit de la dédicace du Temple. »

5. Comme disent les Décrets : « Si les autels ne sont pas de pierre, il ne faut pas les consacrer par l'onction du chrême. » Cela convient à la signification de notre sacrement ; d'abord parce que l'autel signifie le Christ, et il est écrit (1 Corinthiens 10.4) : « La pierre était le Christ » ; et aussi parce que le corps du Christ fut déposé dans un sépulcre de pierre. Cela convient encore à la pratique du sacrement ; la pierre, en effet, est solide, et peut facilement se trouver partout. Ce qui n'était pas nécessaire dans la loi ancienne, où il n'y avait d'autel qu'en un seul lieu. Quant à l'ordre de faire l'autel avec de la terre ou des pierres non taillées, il avait pour but d'écarter l'idolâtrie.

6. Comme dit la même Distinction : « jadis les prêtres n'employaient pas des calices d'or, mais de bois. Mais le pape Zéphyrin décida qu'on célébrerait la messe avec des patènes de verre. Enfin le pape Urbain fit faire tout cela en argent. » Ensuite il fut décrété « que le calice du Seigneur, avec la patène, soit d'argent ou d'or ; ou au moins qu'on ait un calice d'étain. Mais qu'il ne soit pas fait de bronze ou de cuivre : car ces métaux, sous l'action du vin, se rouillent, ce qui provoque des nausées. Et que personne n'ait l'audace de chanter la messe avec un calice de bois ou de verre », car le bois est poreux, et le sang consacré y pénétrerait ; quant au verre, il est fragile et risque de se briser. Et le même motif fait interdire la pierre. Et c'est pourquoi, par respect pour le sacrement, il a été décrété que le calice serait fait avec les matières indiquées.

7. Là où cela pouvait se faire sans danger, l'Église a décrété d'environner ce sacrement de ce qui représente le plus vivement la passion du Christ. Ce danger n'était pas aussi grand à l'égard du corps, qu'on pose sur le corporal, qu'à l'égard du sang contenu dans le calice. Et c'est pourquoi, bien qu'on ne fasse pas de calice en pierre, on fait le corporal d'une étoffe de lin, car le corps du Christ y fut enseveli. Aussi lit-on, dans la même Distinction, ce texte tiré d'une lettre du pape Silvestre — « Avec l'accord de tous, nous établissons que personne n'ait l'audace de célébrer le sacrifice de l'autel sur une étoffe de soie, ou sur une étoffe de couleur, mais sur une pièce de lin, consacrée par l'évêque, de même que le corps du Christ fut enseveli dans un suaire de lin blanc. » L'étoffe de lin convient encore à cause de sa propreté, pour symboliser la pureté de conscience ; et, à cause de la multiplicité des travaux qu'exige la préparation d'une telle étoffe, pour symboliser la passion du Christ.

8. La dispensation des sacrements appartient aux ministres de l'Église, mais leur consécration vient de Dieu lui-même. Et c'est pourquoi les ministres de l'Église n'ont rien à décider sur la forme de la consécration, mais sur la pratique du sacrement et la manière de célébrer. Et c'est pourquoi, si un prêtre prononce les paroles de la consécration sur la matière requise, avec l'intention de consacrer, en se passant de tout ce que nous avons dit : local, autel, calice et corporal consacrés, et les autres objets réglementés par l'Église, il consacre bien réellement le corps du Christ, mais il pèche gravement, en n'observant pas le rite de l'Église.


4. Les paroles que l'on dit en célébrant ce mystère

Objections

1. Ce sacrement est consacré par les paroles du Christ, dit S. Ambroise. On ne doit donc, dans ce sacrement, dire rien d'autre que les paroles du Christ.

2. Nous connaissons les paroles et les actions du Christ par l'Évangile. Mais on dit, dans la consécration de ce sacrement, des paroles qui ne s'y trouvent pas. Car on ne lit pas dans l’Évangile que le Christ, en instituant ce sacrement, ait levé les yeux au ciel ; de même encore, on dit dans l'Évangile « Prenez et mangez » mais il n'y a pas « tous » ; pourtant on dit, en célébrant ce sacrement « Les yeux levés au ciel » et aussi : « Prenez et mangez-en tous. » C'est donc à tort que l'on dit de telles paroles dans la célébration de ce sacrement.

3. Tous les sacrements sont ordonnés au salut des fidèles. Mais dans la célébration des autres sacrements il n'y a pas de prière générale pour le salut des fidèles défunts. C'est donc sans raison que l'on dit de telles paroles en célébrant ce sacrement.

4. Le baptême est appelé spécialement « le sacrement de la foi ». Ce qui regarde l'instruction de la foi doit donc être transmis plutôt dans le baptême que dans ce sacrement, comme l'enseignement de l'Apôtre et de l'Évangile.

5. La dévotion des fidèles est requise en tout sacrement. On ne devrait donc, pas plus dans ce sacrement que dans les autres, exciter la dévotion des fidèles par des louanges divines et des avertissements, comme lorsqu'on dit : « Élevons notre cœur ! »

6. C'est le prêtre qui est le ministre de ce sacrement, nous l'avons dit. Tout ce qui se dit dans ce sacrement devrait donc être dit par le prêtre, et non pas certaines paroles par les ministres, et d'autres par le chœur.

7. C'est la vertu divine qui, en toute certitude, réalise ce sacrement. Il est donc superflu que le prêtre demande l'achèvement de ce sacrement, lorsqu'il dit : « Sanctifie pleinement cette offrande... »

8. Le sacrifice de la loi nouvelle est beaucoup plus excellent que le sacrifice des anciens Pères. Le prêtre a donc tort de demander que ce sacrifice soit considéré de même que le sacrifice d'Abel, d'Abraham et de Melchisédech.

9. Le corps du Christ n'a pas commencé d'être en ce sacrement par un changement local, comme on l'a dit plus haut : de même il ne cesse pas d'y être. Le prêtre demande donc sans raison : « Que cette offrande soit portée par ton ange... sur ton autel céleste. »

En sens contraire, on dit dans les Décrets « C'est Jacques, frère du Seigneur selon la chair, et Basile, évêque de Césarée, qui ont établi la célébration de la messe. » Leur autorité prouve la convenance de toutes les paroles qui accompagnent ce sacrement.

Réponse

Parce que ce sacrement embrasse tout le mystère de notre salut, il est célébré avec une plus grande solennité que les autres sacrements. Et parce qu'il est écrit dans l'Ecclésiaste (Ecclésiaste 4.17) : « Surveille tes pas lorsque tu entres dans la maison du Seigneur », et dans l'Ecclésiastique (Ecclésiastique 18.23 Vg) : « Avant la prière, prépare ton âme », avant la célébration de ce mystère intervient une préparation, pour qu'on accomplisse dignement ce qui va suivre. La première partie de cette préparation est la louange divine, qui se fait dans l'introït, selon cette parole du Psaume (Psaumes 50.23) : « Le sacrifice de louange m'honorera, et c'est là le chemin où je lui montrerai le salut de Dieu. » Et cet introït est tiré des Psaumes le plus souvent, ou du moins on le chante avec un Psaume, parce que, selon Denys . les Psaumes embrassent, par mode de louange, tout le contenu de la Sainte Écriture. — La seconde partie de la préparation comporte le rappel de la misère présente, lorsqu'on demande miséricorde, par le chant du Kyrie, eleison, trois fois pour la personne du Père, trois fois pour la personne du Fils, quand on dit Christe, eleison ; et trois fois pour la personne du Saint-Esprit, lorsqu'on dit encore Kyrie, eleison ; cette triple invocation se dit contre la triple misère, d'ignorance, de coulpe et de peine ; ou bien pour signifier que toutes les Personnes se contiennent réciproquement. — La troisième partie de la préparation rappelle la gloire céleste, à laquelle nous tendons, après la vie et la misère présente, en disant : Gloria in excelsis Deo. On le chante aux fêtes, où l'on rappelle la gloire céleste ; on l'omet aux offices de deuil, qui concernent le rappel de notre misère. Enfin, la quatrième partie de la préparation comprend la prière que le prêtre fait pour le peuple, afin qu'il soit digne de si grands mystères.

Ensuite on fait précéder la célébration par l'instruction du peuple fidèle ; car ce sacrement est « le mystère de la foi », comme on l'a vu plus haut. Cette instruction se fait d'une manière préparatoire par l'enseignement des Prophètes et des Apôtres qui, dans l'église, est lu par les lecteurs et les sous-diacres. Après cette lecture, le chœur chante le graduel, qui symbolise le progrès de la vie ; et l'alléluia, qui signifie l'exultation spirituelle ; ou, dans les offices de deuil, le trait, qui signifie le gémissement spirituel. Ces chants doivent parvenir au peuple comme une suite de l'enseignement que nous avons dit. Le peuple reçoit ensuite une instruction parfaite par l'enseignement du Christ, contenu dans l'évangile, qui est lu par les ministres les plus élevés, c'est-à-dire les diacres. Et parce que nous croyons au Christ comme à la vérité divine, selon sa parole en S. Jean (Jean 8.46) : « Si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? », après la lecture de l'évangile, on chante le Symbole de foi, dans lequel le peuple montre qu'il adhère par la foi à l'enseignement du Christ. On chante ce symbole aux fêtes de ceux qui sont mentionnés dans le Symbole, comme aux fêtes du Christ, de la Sainte Vierge, et des Apôtres, qui ont fondé cette foi, et aux fêtes analogues.

Une fois que le peuple a été ainsi préparé et instruit, on en vient logiquement à la célébration du mystère. Celui-ci est offert en tant que sacrifice, consacré et mangé en tant que sacrement. Aussi, en premier lieu s'accomplit l'oblation ; en deuxième lieu, la consécration de la matière offerte ; en troisième lieu, sa réception. Deux actes accompagnent l'oblation : la louange du peuple, dans le chant de l'offertoire, par quoi s'exprime la joie de ceux qui offrent ; et la prière du prêtre, qui demande que l'oblation du peuple soit agréée par Dieu. C'est ainsi que David a dit (1 Chroniques 29.17) : « Moi, dans la simplicité de mon cœur, j'ai offert toutes ces choses, et ton peuple qui se trouve ici, je l'ai vu avec grande joie te présenter ses offrandes », et ensuite il prie en disant : « Seigneur Dieu, garde-leur cette volonté. »

Puis, pour la consécration, qui s'accomplit par une puissance surnaturelle, on excite d'abord le peuple à la dévotion, dans la préface ; c'est pourquoi on l'avertit d'« avoir le cœur élevé vers le Seigneur ». Et c'est pourquoi, la préface achevée, le peuple, avec dévotion, loue la divinité du Christ avec les anges, en disant : « Saint, Saint, Saint... » Et il loue son humanité, avec les enfants, en disant : « Béni, celui qui vient... » Puis : 1° Le prêtre, à voix basse, commémore ceux pour qui ce sacrifice est offert, c'est-à-dire l'Église universelle, et ceux qui, selon S. Paul (1 Timothée 2.2) « sont établis en dignité », et spécialement ceux « qui offrent ou pour qui l'on offre ». 2° Il commémore les saints, dont il implore le patronage pour ceux qu'on vient de dire, avec la prière « Dans la communion de toute l'Église... » 3° Il conclut sa demande lorsqu'il dit : « Que cette offrande soit salutaire à ceux pour qui elle est offerte. »

Ensuite il arrive à la consécration elle-même. 1° Il y demande la réalisation de la consécration, avec la prière : « Sanctifie pleinement cette offrande... » 2° Il accomplit la consécration par les paroles du Sauveur, lorsqu'il dit : « La veille de sa passion, etc. » 3° Il s'excuse de cette audace sur son obéissance à l'ordre du Christ, lorsqu'il dit : « C'est pourquoi, nous aussi, tes serviteurs... » 4° Il demande que ce sacrifice, qui vient d'être réalisé, soit agréé de Dieu, lorsqu'il dit : « Sur ces offrandes, daigne... » 5° Il demande l'effet de ce sacrifice et sacrement d'abord pour ceux qui le prennent, lorsqu'il dit : « Nous t'en supplions... » Ensuite, pour les morts, qui ne peuvent plus le prendre, lorsqu'il dit : « Souviens-toi aussi, Seigneur... » ; enfin, spécialement pour les prêtres eux-mêmes qui l'offrent, lorsqu'il dit : « Et nous, pécheurs... » etc.

Ensuite, il s'agit de la réception du sacrement. Et tout d'abord on prépare le peuple à le recevoir. 1° Par la prière commune de tout le peuple, qui est l'oraison dominicale, dans laquelle nous demandons que nous soit « donné notre pain quotidien » ; et aussi par la prière privée que le prêtre présente spécialement pour le peuple, quand il dit : « Délivre-nous, Seigneur... » 2° On prépare le peuple par la paix, qu'on donne en disant : « Agneau de Dieu... » : en effet, c'est le sacrement de l'unité et de la paix, comme on l'a dit plus haut. Mais dans les messes des défunts, où ce sacrifice n'est pas offert pour la paix d'ici-bas, mais pour le repos des morts, on omet la paix.

Ensuite vient la réception du sacrement : le prêtre le reçoit le premier, et le donne ensuite aux autres ; car, selon Denys, « celui qui transmet aux autres les biens divins doit y participer lui-même le premier ».

Enfin toute la célébration de la messe s'achève par l'action de grâce  : le peuple exulte pour sa communion au mystère, ce qu'exprime le chant qui suit la communion ; et le prêtre présente son action de grâce par l'oraison. Comme le Christ qui, après avoir célébré la Cène avec ses disciples, « récita l'hymne », dit S. Matthieu (Matthieu 26.30).

Solutions

1. La consécration est accomplie exclusivement par les paroles du Christ. Mais il est nécessaire d'y ajouter d'autres paroles pour préparer le peuple qui y participe, comme on vient de le dire.

2. Comme il est dit en S. Jean (Jean 21.25), le Seigneur a fait ou dit bien des choses que les évangélistes n'ont pas écrites. Parmi elles, le fait que le Seigneur, à la Cène, leva les yeux au ciel : ce que, cependant, l'Église a reçu de la tradition des Apôtres, car il semble logique que lui, qui avait élevé les yeux vers son Père, selon S. Jean (Jean 11.41), en ressuscitant Lazare et en priant pour ses disciples (Jean 17.1), ait renouvelé ce geste, et à bien plus forte raison, en instituant ce sacrement, car c'était une affaire de plus d'importance.

Qu'on dise manducate ou comedite, le sens est le même. Et peu importe le terme qu'on emploie ici ; d'autant plus que ces paroles n'appartiennent pas à la forme sacramentelle, comme on l'a dit plus haut.

Si l'on ajoute « tous », c'est le sens des paroles évangéliques, bien que ce ne soit pas exprimé ici, car lui-même avait dit (Jean 6.54) : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme, vous n'aurez pas la vie en vous. »

3. L'eucharistie est le sacrement de toute l'unité ecclésiastique. Et par conséquent, spécialement dans ce sacrement plus que dans les autres, on doit faire mention de tous ceux qui relèvent du salut de toute l'Église.

4. L'instruction de la foi est de deux sortes. L'une s'adresse aux futurs initiés, c'est-à-dire aux catéchumènes. Cette instruction-là est liée au baptême.

Une autre instruction est destinée au peuple fidèle, qui communie à ce mystère. Et cette instruction-là se fait dans ce sacrement. Cependant, on n'éloigne pas de cette instruction même les catéchumènes et les infidèles. C'est pourquoi on dit dans les Décrets : « L'évêque n'interdira à personne l'entrée de l'église et l'audition de la parole de Dieu, qu'il s'agisse d'un païen, d'un hérétique ou d'un juif, jusqu'au renvoi des catéchumènes », c'est-à-dire pendant qu'on donne l'instruction de la foi.

5. Ce sacrement requiert une plus grande dévotion que les autres, puisqu'il contient le Christ tout entier. Et aussi une dévotion plus communautaire, parce que ce sacrement requiert la dévotion de tout le peuple, pour qui le sacrifice est offert, et non seulement de ceux qui reçoivent le sacrement, comme dans les autres sacrements. Et c'est pourquoi, dit S. Cyprien, « le prêtre, en prononçant le prélude de la préface, prépare les âmes des fidèles, en disant : “Élevons notre cœur”, afin que le peuple répondant : “Nous le tournons vers le Seigneur”, il soit averti de ne plus penser qu'à Dieu ».

6. Dans ce sacrement, on vient de le dire, on touche à des réalités qui concernent toute l'Église. Et c'est pourquoi certaines prières sont dites par le chœur, parce qu'elles concernent le peuple. Certaines sont dites par le chœur d'un bout à l'autre ; ce sont celles qui sont inspirées à tout le peuple. D'autres sont continuées par le peuple, mais après l'intonation du prêtre, qui tient la place de Dieu, pour signifier que ce sont des choses qui sont parvenues au peuple par la révélation divine, comme la foi et la gloire céleste. Et c'est pourquoi le prêtre entonne le Symbole de foi et le Gloria in excelsis Deo. D'autres sont dites par les ministres, comme l'enseignement de l'Ancien et du Nouveau Testament, pour manifester que cet enseignement fut annoncé au peuple par l'intermédiaire de ministres envoyés par Dieu.

Certaines sont dites jusqu'au bout par le prêtre seul : ce sont celles qui appartiennent à l'office propre du prêtre, à qui il revient, « de présenter des dons et des prières pour le peuple » (Hébreux 5.1). Parmi celles-ci cependant, il dit certaines de façon à être entendu : ce sont celles qui concernent à la fois le prêtre et le peuple, comme les oraisons communes. D'autres appartiennent exclusivement au prêtre, comme l'oblation et la consécration. Et c'est pourquoi les prières qui les accompagnent sont dites secrètement par le prêtre. Mais dans les deux cas, il éveille l'attention du peuple en disant : Dominus vobiscum ; et il attend son assentiment, exprimé par Amen. Et c'est pourquoi, avant les prières dites tout bas, il dit à haute voix : Dominus vobiscum, et à la fin : Per omnia saecula saeculorum. Ou encore le prêtre prononce secrètement certaines paroles pour symboliser que, dans la passion du Christ, les disciples ne confessaient le Christ qu'en secret.

7. L'efficacité des paroles sacramentelles peut être empêchée par l'intention du prêtre. Et cependant il n'y a pas de contradiction à ce que nous demandions à Dieu quelque chose dont nous savons, de toute certitude, qu'il le fera ; c'est ainsi que le Christ, en S. Jean (Jean 17.1-5) a demandé sa glorification.

Cependant, il ne semble pas qu'ici le prêtre prie pour que la consécration s'accomplisse, mais pour qu'elle nous soit fructueuse. Aussi dit-il expressément : « Qu'elle devienne pour nous le corps et le sang... » Et c'est le sens des paroles qu'il prononce auparavant : « Cette offrande, daigne la bénir... » selon S. Augustin, c'est-à-dire : « Par laquelle nous soyons bénis », à savoir par la grâce ; adscriptam, c'est-à-dire « par laquelle nous soyons inscrits dans le ciel » ; ratam, c'est-à-dire « par laquelle nous soyons reconnus comme appartenant au Christ » ; rationabilem, c'est-à-dire « par laquelle nous soyons dépouillés du sens charnel » ; acceptabilem, c'est-à-dire « que nous, qui nous déplaisons à nous-mêmes, nous soyons agréables par elle à son Fils unique ».

8. Bien que ce sacrifice, en lui-même, soit supérieur à tous les sacrifices antiques, cependant les sacrifices des anciens furent très agréables au Seigneur, en raison de la dévotion de ceux qui les offraient. Le prêtre demande donc que ce sacrifice soit agréé de Dieu en raison de la dévotion de ceux qui les offrent, comme le furent ces sacrifices anciens.

9. Le prêtre ne demande pas que les espèces sacramentelles soient transportées au ciel ; ni le corps réel du Christ, qui ne cesse pas d'y être présent. Mais il demande cela pour le Corps mystique, car c'est lui qui est signifié dans ce sacrement ; c'est-à-dire que l'ange qui assiste aux divins mystères présente à Dieu les prières du prêtre et du peuple, selon l'Apocalypse (Apocalypse 8.4) : « La fumée des parfums monta des mains de l'ange avec les offrandes des saints. » « L'autel céleste » signifie soit l'Église triomphante elle-même, où nous demandons à être transférés ; ou bien Dieu lui-même, à qui nous demandons d'être unis ; car il est dit de cet autel, dans l'Exode (Exode 20.26) : « Tu ne monteras pas à mon autel par des degrés », c'est-à-dire (suivant la Glose) : « Tu ne feras pas de degrés dans la Trinité. »

Par l'ange on peut encore comprendre le Christ lui-même, qui est « l'Ange du grand conseil », qui unit son corps mystique à Dieu le Père et à l'Église triomphante.

Et c'est de cela aussi que la « messe » (missa) tire son nom. Parce que, par l'ange, le prêtre « envoie » (mittit) ses prières à Dieu, comme le peuple les envoie par le prêtre. Ou bien parce que le Christ est la victime que Dieu nous « envoie ». C'est pourquoi, à la fin de la messe, le diacre, les jours de fête, congédie le peuple en disant  : Ite, missa est, c'est-à-dire que la victime a été « envoyée » à Dieu par l'ange, pour qu'elle soit agréée de Dieu.


5. Les actions qui accompagnent la célébration de ce mystère

Objections

1. Ce sacrement appartient à la nouvelle alliance, comme le montre sa forme même. Or, dans la nouvelle alliance, il ne faut pas observer les cérémonies de l'ancienne. À celles-ci se rattache l'ablution d'eau que pratiquaient le prêtre et les ministres, quand ils venaient sacrifier. On lit en effet dans l'Exode (Exode 30.19) : « Aaron et ses fils se laveront les mains et les pieds quand ils monteront à l'autel. » Il ne convient donc pas que le prêtre se lave les mains dans la célébration de la messe.

2. Au même endroit (Exode 30.7), le Seigneur a prescrit que le prêtre « brûle de l'encens à l'odeur agréable » sur l'autel qui se trouvait devant le propitiatoire. Cela encore appartenait au cérémonial de l'ancienne alliance. Il ne convient donc pas que le prêtre, à la messe, pratique l'encensement.

3. Les rites accomplis dans les sacrements de l'Église ne doivent pas être répétés. C'est donc à tort que le prêtre multiple les signes de croix sur ce sacrement.

4. L'Apôtre dit (Hébreux 7.7) : « Sans contredit, c'est l'inférieur qui reçoit la bénédiction du supérieur. » Mais le Christ, qui se trouve dans ce sacrement après la consécration, est très supérieur au prêtre. Il est donc inadmissible que le prêtre, après la consécration, bénisse le sacrement par des signes de croix.

5. Dans le sacrement de l'Église, on ne doit rien faire qui prête à rire. Mais on prête à rire quand on fait des gesticulations : ainsi le prêtre étend parfois les bras, joint les mains, plie les doigts, et s'incline. Cela ne doit donc pas se faire dans ce sacrement.

6. Il parait encore ridicule que le prêtre se tourne si souvent vers le peuple, et le salue si souvent. On ne devrait donc pas faire cela dans la célébration de ce sacrement.

7. L'Apôtre (1 Corinthiens 1.13), juge inadmissible que « le Christ soit divisé ». Mais, après la consécration, le Christ se trouve dans ce sacrement. Il est donc inadmissible que l'hostie soit rompue par le prêtre.

8. Les rites de ce sacrement représentent la passion du Christ. Mais, dans sa passion, le corps du Christ fut rompu à l'endroit des cinq plaies. Donc le corps du Christ devrait être rompu en cinq parties plutôt qu'en trois.

9. Tout le corps du Christ, dans ce sacrement, est consacré à part du sang. Il n'est donc pas convenable qu'une partie de son corps soit mélangée à son sang.

10. De même que le corps du Christ est présenté dans ce sacrement comme une nourriture, de même le sang du Christ comme une boisson. Mais lorsque l'on a pris le corps du Christ, on n'y ajoute pas, dans la célébration de la messe, une autre nourriture corporelle. C'est donc à tort que le prêtre, après avoir pris le sang du Christ, prend du vin non consacré.

11. La réalité doit correspondre à la figure. Mais au sujet de l'agneau pascal, qui était la figure de ce sacrement, il était prescrit « qu'il n'en resterait rien jusqu'au matin ». Il n'est donc pas convenable que des hosties consacrées soient réservées, au lieu d'être consommées sur le champ.

12. Le prêtre parle au pluriel à ceux qui l'écoutent, par exemple lorsqu'il dit : « Le Seigneur soit avec vous » et « Rendons grâce... » Mais il semble illogique de parler au pluriel lorsqu'on s'adresse à un seul individu, surtout si c'est un inférieur. Donc il paraît illogique que le prêtre célèbre la messe en présence d'un seul ministre.

Il apparaît donc ainsi que certains des rites accomplis dans la célébration de ce sacrement ne sont pas justifiés.

En sens contraire, il y a la coutume de l'Église, laquelle ne peut se tromper, étant instruite par le Saint-Esprit.

Réponse

Nous l'avons dit plus haut, la signification, dans les sacrements, se réalise de deux façons, c'est-à-dire par des paroles et par des actions, pour que la signification soit plus parfaite. Dans la célébration de ce sacrement, certaines paroles signifient des réalités qui se rattachent à la passion du Christ, représentée dans ce sacrement ; d'autres paroles signifient des réalités qui se rattachent à l'usage de ce sacrement, qui doit se faire avec dévotion et respect. C'est pourquoi, dans la célébration de ce mystère, certaines actions ont pour but de représenter la passion du Christ, ou encore l'organisation du Corps mystique ; et d'autres actions relèvent de la dévotion et du respect envers ce sacrement.

Solutions

1. On se lave les mains, dans la célébration de la messe, par respect pour ce sacrement. Et cela pour deux motifs. D'abord parce que nous avons l'habitude de ne manier des choses précieuses qu'après nous être lavé les mains. Il paraît donc inconvenant que l'on approche d'un si grand sacrement avec des mains souillées, fût-ce corporellement.

Ensuite pour une raison symbolique. Comme dit Denys l'ablution des extrémités symbolise la purification même des plus petits péchés, selon cette parole en S. Jean (Jean 13.10) : « Celui qui est propre n'a besoin que de se laver les pieds. » Et telle est la purification qu'on exige de celui qui s'approche de ce sacrement. C'est ce que signifie aussi la confession qui précède l'introït de la messe. C'est cela même que signifiait l'ablution dans l'ancienne loi, comme le remarque Denys au même endroit.

Cependant l'Église n'observe pas ce rite comme un précepte cérémoniel de la loi ancienne, mais comme une institution de l'Église, qui se justifie d'elle-même. Et c'est pourquoi elle ne l'observe pas comme on le faisait alors. On omet en effet le lavement des pieds, et l'on garde celui des mains, qui peut se faire plus facilement et qui suffit à symboliser la parfaite pureté. En effet, la main étant « l'instrument des instruments », comme dit Aristote, toutes les œuvres sont attribuées aux mains. C'est pourquoi on dit dans le Psaume (Psaumes 26.6) : « je laverai mes mains parmi les innocents. »

2. De même, nous ne pratiquons pas l'encensement comme un précepte cérémoniel de l'ancienne loi, mais comme une institution de l'Église. C'est pourquoi nous ne le pratiquons pas de la manière dont il était prescrit dans l'ancienne loi.

L'encensement a un double objet. D'abord le respect envers ce sacrement ; en répandant un parfum agréable on chasse la mauvaise odeur corporelle qui régnerait dans le lieu du culte et pourrait provoquer le dégoût.

Ensuite l'encensement sert à représenter l'effet de la grâce, dont le Christ fut rempli comme d'un parfum agréable, selon la parole de la Genèse (Genèse 27.27) : « Voici que le parfum de mon fils est comme le parfum d'un champ fertile. » Et du Christ elle découle jusqu'aux fidèles par l'office des ministres selon S. Paul (2 Corinthiens 2.14) : « Par nous (le Christ) répand en tous lieux le parfum de sa connaissance. » Et c'est pourquoi, lorsqu'on a encensé de tous côtés l'autel, qui symbolise le Christ, on encense tout le monde selon l'ordre hiérarchique.

3. Le prêtre, dans la célébration de la messe, pratique les signes de croix pour évoquer la passion du Christ, qui l'a conduit à la croix. Or la passion du Christ s'est accomplie comme par étapes. La première consiste en ce que le Christ fut livré : par Dieu, par Judas, et par les juifs. Ce que symbolise le triple signe de croix sur ces paroles : « Ces dons, ces présents, ces offrandes saintes et sans tache. »

La seconde étape de la passion consiste en ce que le Christ fut vendu. Or il fut vendu aux prêtres, aux scribes, et aux pharisiens. Pour le symboliser, on fait encore un triple signe de croix sur ces paroles : « bénite, acceptée, approuvée ». Ou bien pour montrer le prix du marché, qui fut de trente deniers. Et l'on ajoute un double signe de croix sur ces paroles : « qu'elle devienne pour nous le corps et le sang... » pour désigner la personne de Judas qui vendit, et celle du Christ qui fut vendu.

La troisième étape fut la préfiguration de la passion du Christ accomplie à la Cène. Pour la désigner, on fait une troisième fois deux croix, l'une dans la consécration du corps, l'autre dans la consécration du sang, où l'on dit chaque fois « il bénit ».

La quatrième étape fut la passion même du Christ. Aussi, pour représenter les cinq plaies, on fait en quatrième lieu un quintuple signe de croix sur ces paroles : « la victime pure, la victime sainte, la victime immaculée, le pain sacré de la vie éternelle et le calice de l'éternel salut ».

Cinquièmement, on représente l'écartèlement du corps, et l'effusion du sang, et le fruit de la passion par le triple signe de croix qui se fait sur ces paroles : « Quand nous recevrons le corps et le sang... puissions-nous être comblés... de toute bénédiction... »

Sixièmement, on représente la triple prière que fit le Christ en croix : la première pour ses persécuteurs, quand il dit : « Père, pardonne-leur », la seconde pour être délivré de la mort, quand il dit : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » La troisième se rattache à son entrée dans la gloire, quand il dit : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et pour symboliser cela, on fait un triple signe de croix sur ces paroles : « tu sanctifies, tu vivifies, tu bénis, etc. »

Septièmement, on représente les trois heures où Jésus resta suspendu à la croix, de la sixième jusqu'à la neuvième heure. Et pour le symboliser on fait encore un triple signe de croix à ces paroles : « par Lui, avec Lui, et en Lui ».

Huitièmement, on représente la séparation de l'âme et du corps par les deux signes de croix qu'on fait ensuite hors du calice.

Neuvièmement, on représente la résurrection accomplie au troisième jour, par les trois croix qu'on fait à ces paroles : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous. »

Mais on peut dire plus brièvement que la consécration de ce sacrement, et l'acceptation du sacrifice, et le fruit de celui-ci ont pour origine la vertu de la croix du Christ. Et c'est pourquoi, chaque fois que l'on fait mention d'une de ces choses, le prêtre pratique le signe de la croix.

4. Après la consécration, le prêtre ne pratique pas le signe de la croix pour bénir et pour consacrer, mais seulement pour commémorer la vertu de la croix et la manière dont le Christ a subi sa passion, comme ce qui précède l'a montré.

5. Les mouvements que le prêtre fait à la messe ne sont pas des gesticulations ridicules : elles ont un but de représentation. En effet, que le prêtre étende les bras après la consécration, cela. représente l'extension des bras du Christ en croix.

Il lève aussi les mains, lorsqu'il prie, pour manifester que l'oraison qu'il prononce pour le peuple se dirige vers Dieu ,, selon cette parole des Lamentations (Lamentations 3.41) : « Élevons nos cœurs avec nos mains vers Dieu dans le ciel. » Et il est dit dans l'Exode (Exode 17.11) que « lorsque Moïse élevait les mains, Israël était vainqueur ».

Que parfois il joigne les mains et s'incline, priant avec insistance et humilité, cela représente l'humilité et l'obéissance du Christ, qui ont inspiré sa passion.

Il joint les doigts, après la consécration, en réunissant le pouce et l'index avec lesquels il a touché le corps du Christ qu'il a consacré, afin que, si une miette s'est attachée à ses doigts, elle ne s'égare pas. Cela se rattache au respect envers le sacrement.

6. Le prêtre se tourne cinq fois vers le peuple, pour signaler que le Seigneur s'est manifesté cinq fois le jour de la résurrection, comme on l'a dit plus haut dans le traité de la résurrection du Christ.

Il salue sept fois le peuple — cinq fois en se tournant vers lui et deux fois sans se tourner, à savoir avant la Préface lorsqu'il dit : « Le Seigneur soit avec vous », et lorsqu'il dit : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous » — pour désigner la grâce septiforme du Saint-Esprit. L'évêque, lorsqu'il célèbre aux fêtes, dit dans son premier salut : « Que la paix soit avec vous », ce que le Seigneur a dit aux disciples après sa résurrection (Jean 20.19, 21, 26 ; Luc 23.46), parce que c'est principalement l'évêque qui représente sa personne.

7. La fraction de l'hostie a une triple signification. D'abord la division subie par le corps du Christ dans sa passion ; ensuite la répartition du Corps mystique selon divers état ; enfin la distribution des grâces qui découlent de la passion du Christ, selon Denys. Cette fraction n'introduit donc pas de division dans le Christ.

8. Comme dit le pape Sergius, dans un texte qu'on trouve dans les Décrets : « Le corps du Seigneur est triple. La partie de l'oblation qui est mise dans le calice désigne le corps du Christ qui a déjà ressuscité », c'est-à-dire le Christ lui-même et la Sainte Vierge, et les autres saints, s'il y en a, qui sont entrés corporellement dans la gloire. « La partie qui est mangée représente le Christ qui est encore sur terre », c'est-à-dire que ceux qui vivent sur terre sont unis par le sacrement, et sont broyés par les épreuves, comme le pain qu'on mange est broyé par les dents. « La partie qui demeure sur l'autel jusqu'à la fin de la messe est le corps du Christ demeurant au sépulcre ; car jusqu'à la fin du monde les corps des saints seront dans les sépulcres », tandis que leurs âmes sont soit au purgatoire, soit au ciel. Cependant ce dernier rite — qu'une partie de l'hostie soit réservée jusqu'à la fin de la messe — n'est plus observé maintenant parce qu'il présentait des risques. Mais ce symbolisme des parties reste valable. On l'a exprimé en vers : « L'hostie est divisée en parties : celle qui est trempée désigne ceux qui sont pleinement bienheureux ; celle qui est sèche, les vivants ; celle qui est réservée, les ensevelis. »

Cependant certains disent que la partie mise dans le calice symbolise ceux qui vivent en ce monde ; la partie gardée hors du calice, ceux qui sont pleinement bienheureux dans leur âme et leur corps ; et la partie mangée symbolise les autres.

9. On peut trouver au calice un double symbolisme. Celui de la passion, qui est représentée dans ce sacrement. Et, à ce titre, par la partie mise dans le calice on symbolise ceux qui participent encore aux souffrances du Christ.

D'un autre point de vue, le calice peut signifier la jouissance bienheureuse qui est aussi préfigurée dans ce sacrement. Et par conséquent, ceux dont les corps sont déjà dans la pleine béatitude sont symbolisés par la partie mise dans le calice.

Et il faut remarquer que la partie mise dans le calice ne doit pas être donnée au peuple pour compléter la communion : car Jésus n'a donné « le pain trempé » qu'au traître Judas.

10. Le vin, en qualité de liquide, est capable de laver. Et c'est pourquoi le prêtre en prend après avoir reçu ce sacrement, pour se laver la bouche afin qu'il n'y demeure pas de restes ; ceci se rattache au respect envers le sacrement. Aussi lit-on dans la décrétale : « Le prêtre, lorsqu'il a achevé de prendre le sacrement, doit toujours se laver la bouche avec du vin ; à moins qu'il ne doive célébrer une autre messe le même jour, car il ne pourrait célébrer de nouveau, après avoir pris du vin. » Et c'est pour le même motif qu'il lave avec du vin les doigts dont il a touché le corps du Christ.

11. La réalité doit correspondre à la figure sur quelque point ; c'est ainsi qu'on ne doit pas réserver pour le lendemain la partie de l'hostie consacrée qui sert à la communion du prêtre, des ministres, voire du peuple. Aussi trouve-t-on dans les Décrets cette décision du pape Clément : « Qu'on offre sur l'autel autant d'hosties qu'il en faut pour suffire au peuple. S'il en reste, que ce ne soit pas réservé pour le lendemain, mais que, avec crainte et tremblement, ce soit consommé par le zèle des clercs. »

Cependant ce sacrement doit être mangé quotidiennement, ce qui n'était pas le cas de l'agneau pascal ; c'est pourquoi il faut conserver d'autres hosties consacrées pour les malades. Aussi lit-on dans la même Distinction : « Le prêtre doit toujours avoir l'eucharistie à sa disposition ; afin que, si quelqu'un tombe malade, il lui donne la communion aussitôt, pour ne pas le laisser mourir sans la communion. »

12. Dans la célébration solennelle de la messe, il faut qu'il y ait plusieurs assistants. Aussi trouve-t-on dans les Décrets cette parole du pape Soter : « Cela aussi a été décidé, que nul prêtre n'ait l'audace de célébrer la messe sans qu'il y ait deux assistants qui lui répondent, lui-même étant le troisième ; car, lorsqu'il dit au pluriel : “Le Seigneur soit avec vous” et dans les secrètes : “Priez pour moi”, il convient d'une façon très évidente que l'on réponde à son salut. » C'est pourquoi, pour plus de solennité, il est décrété, au même endroit, que l'évêque doit célébrer la messe avec un plus grand nombre d'assistants.

Cependant, dans les messes privées, il suffit d'avoir un seul ministre, qui tient la place de tout le peuple catholique, à la place duquel il répond au prêtre en employant le pluriel.


6. Les défauts qui se rencontrent dans la célébration de ce sacrement

Objections

1. Il arrive parfois que le prêtre, avant la consécration ou après, meure, ou perde la raison, ou soit empêché par une autre infirmité de pouvoir consommer le sacrement et achever la messe. On voit donc qu'on ne peut observer le décret de l'Église prescrivant que le prêtre consécrateur communie à son propre sacrifice.

2. Il arrive parfois que le prêtre, avant la consécration ou après, se rappelle qu'il a mangé ou bu quelque chose, ou qu'il est chargé d'un péché mortel, ou encore d'une excommunication dont il ne se souvenait pas auparavant. Il est donc forcé que celui qui se trouve dans un pareil cas pèche mortellement contre la loi de l'Église, soit qu'il communie, soit qu'il ne communie pas.

3. Il arrive parfois qu'une mouche, une araignée, ou une bête venimeuse tombe dans le calice après la consécration ; ou encore que le prêtre découvre que du poison a été mis dans le calice par un criminel qui veut le tuer. En ce cas, s'il communie, il apparaît qu'il pèche mortellement en se donnant la mort, ou en tentant Dieu. Pareillement, s'il ne communie pas, il pèche en agissant contrairement à la loi de l’Église. Il apparaît donc qu'il est « perplexe », c'est-à-dire soumis à la nécessité de pécher, ce qui est inadmissible.

4. Il arrive parfois que, par la négligence du ministre, ou bien on n'a pas mis d'eau dans le calice, ou même pas de vin, et que le prêtre s'en aperçoit. Donc, dans ce cas, il apparaît qu'il est acculé au péché, soit qu'il consomme le corps sans consommer le sang, car alors il accomplit un sacrifice incomplet ; soit qu'il ne consomme ni le corps ni le sang.

5. Il arrive parfois que le prêtre ne se rappelle plus avoir prononcé les paroles de la consécration, ou encore d'autres paroles que l'on prononce dans la célébration de ce sacrement. Il apparaît donc qu'il pèche en ce cas, soit qu'il réitère, sur la même matière, des paroles que peut-être il avait déjà dites ; soit qu'il use de pain et de vin non consacrés comme s'ils étaient consacrés.

6. Il arrive parfois, à cause du froid, que l'hostie échappe au prêtre et tombe dans le calice, soit avant la fraction, soit après. En ce cas, le prêtre ne pourra donc pas accomplir le rite de l’Église, soit pour faire la fraction proprement dite, soit pour ne mettre que la troisième partie de l'hostie dans le calice.

7. Il arrive parfois que, par la négligence du prêtre, le sang du Christ est répandu ; ou encore que le prêtre rejette le sacrement après avoir communié ; ou encore que les hosties consacrées soient gardées si longtemps qu'elles se décomposent ; ou encore qu'elles soient rongées par les souris ; ou enfin qu'elles se gâtent d'une manière ou d'une autre. Dans tous ces cas, il apparaît qu'on ne peut manifester le respect dû à ce sacrement selon les lois de l’Église. Il apparaît donc qu'on ne peut obvier à ces défauts ou à ces dangers, en observant les lois de l'Église.

En sens contraire, de même que Dieu, l’Église ne prescrit rien d'impossible.

Réponse

On peut obvier de deux façons aux dangers ou aux défauts qui se produisent à l'occasion de ce sacrement. Ou bien en les prévenant, pour que le danger ne se produise pas. Ou bien, après coup, on corrige ce qui s'est produit ou en y portant remède, ou au moins par la pénitence de celui qui a traité ce sacrement avec négligence.

Solutions

1. Si le prêtre est surpris par la mort ou par une grave infirmité avant la consécration du corps et du sang du Seigneur, il n'est pas nécessaire qu'un autre le supplée.

Mais si cela arrive une fois que la consécration est commencée, par exemple après la consécration du corps mais avant celle du sang, ou encore après la double consécration, on doit faire achever par un autre la célébration de la messe. C'est pourquoi, dans les Décrets on trouve ceci, tiré d'un concile de Tolède : « Nous avons jugé convenable, lorsque les prêtres consacrent les saints mystères dans la célébration de la messe, et qu'un accident de santé empêche d'achever le mystère commencé, qu'il soit permis à un autre évêque ou prêtre d'achever la consécration de l'office commencé. Car il ne faut pas faire autre chose, pour compléter les mystères commencés, que de les faire achever par la bénédiction du prêtre qui commence ou qui continue ; car on ne peut les considérer comme accomplis parfaitement s'ils ne sont accomplis selon le rite complet. Car, puisque nous sommes tous un dans le Christ, la diversité des personnes n'apporte aucun obstacle, là où l'unité de la foi procure un heureux résultat. Cependant, si l'on tient compte du motif naturel de maladie, il ne faut pas que cela crée un danger d'irrévérence. Que nul, ministre ou prêtre, sans le motif d'un obstacle évident, n'ait aucunement l'audace de laisser inachevés les offices qu'il a commencés. Si quelqu'un a cette audace téméraire, il subira la sentence d'excommunication. »

2. Là où se présente une difficulté, il faut toujours adopter le parti qui comporte le moins de danger. Ce qui est le plus dangereux, à l'égard de ce sacrement, c'est ce qui s'oppose à son accomplissement, car c'est là un énorme sacrilège. Ce qui concerne la condition du communiant comporte un moindre danger. Et c'est pourquoi si le prêtre, après avoir commencé la consécration, se rappelle avoir mangé ou bu quelque chose, il doit néanmoins achever le sacrifice et consommer le sacrement. Pareillement, s'il se rappelle avoir commis un péché, il doit s'en repentir, avec résolution de le confesser et de satisfaire ; et ainsi ce n'est pas d'une façon indigne, mais d'une façon fructueuse qu'il consommera le sacrement. Et il doit tenir le même raisonnement s'il se souvient d'avoir encouru une excommunication. Il doit en effet prendre la résolution d'en demander humblement l'absolution : et ainsi, par le Pontife invisible, Jésus Christ, il obtient l'absolution, quant à cet acte, pour accomplir les divins mystères.

Mais si c'est avant la consécration qu'on se rappelle un de ces empêchements, j'estimerais plus sûr, surtout si l'on se souvient d'avoir mangé, ou d'avoir encouru une excommunication, d'abandonner la messe commencée, sauf si l'on craignait un grave scandale.

3. Si une mouche ou une araignée tombe dans le calice avant la consécration, ou bien que le prêtre s'aperçoive qu'on y a mis du poison, il doit vider le calice, le nettoyer et y mettre d'autre vin à consacrer. Mais si cet accident se produit après la consécration, il doit saisir l'animal avec précaution, le laver avec soin et le brûler, et l'eau de l'ablution, avec les cendres, doit être jetée dans la piscine.

S'il s'aperçoit qu'on y a mis du poison, il ne doit aucunement le prendre ni le donner à un autre, pour que le calice de vie ne donne pas la mort ; mais il doit le mettre en réserve avec soin dans un vase approprié à cet office, qu'on gardera avec la réserve. Et pour que le sacrement ne demeure pas inachevé, il doit remettre du vin dans le calice, reprendre à partir de la consécration du sang, et achever le sacrifice.

4. Si le prêtre, avant la consécration du sang et après celle du corps, s'aperçoit qu'il n'y a pas de vin ou d'eau dans le calice, il doit en mettre aussitôt, et consacrer. Mais s'il s'aperçoit, après avoir prononcé les paroles de la consécration, qu'il n'y a pas d'eau, il doit continuer, parce que l'addition d'eau, comme on l'a dit précédemment, n'est pas nécessaire au sacrement. On doit cependant punir celui dont la négligence est cause de cet accident. On ne doit en aucun cas mêler de l'eau au vin déjà consacré, parce qu'il s'ensuivrait une destruction, au moins partielle, du sacrement, comme on l'a dit précédemment.

Si le prêtre s'aperçoit, après avoir prononcé les paroles de la consécration, qu'on n'a pas mis de vin dans le calice, si du moins il s'en aperçoit avant d'avoir communié au corps, il doit, après avoir enlevé l'eau qui y serait, mettre du vin avec de l'eau, et reprendre aux paroles de la consécration du sang. Mais s'il s'en aperçoit après avoir communié au corps, il doit prendre une nouvelle hostie qu'il consacrera conjointement au sang. Je dis cela parce que, s'il prononçait seulement les paroles de la consécration du sang, il n'observerait pas le rite requis à la consécration. Et, comme on dit dans le chapitre déjà cité d'un concile de Tolède : « On ne peut considérer les sacrifices comme accomplis parfaitement s'ils ne sont accomplis selon le rite complet. » Mais s'il commençait à la consécration du sang et reprenait toutes les paroles qui suivent, elles ne seraient plus appropriées, en l'absence d'une hostie consacrée, car ces prières comportent des paroles et des actions qui ne concernent pas seulement le sang mais aussi le corps. Et il doit à la fin consommer la nouvelle hostie consacrée et le sang, sans se laisser arrêter même par le fait qu'il ait consommé auparavant l'eau qui était dans le calice, parce que le précepte touchant l'accomplissement du sacrement a plus de poids que celui qui oblige à ne communier qu'à jeun, comme on vient de le dire.

5. Bien que le prêtre ne se rappelle pas avoir prononcé certaines paroles qu'il devait dire, il ne doit pas se troubler pour cela. Car celui qui dit beaucoup de paroles ne se souvient pas de toutes celles qu'il a dites, à moins que peut-être, en en prononçant une, il la saisisse comme ayant été déjà dite ; car c'est ainsi que quelque chose devient matière à souvenir. Aussi, si quelqu'un pense attentivement à ce qu'il dit et que pourtant il ne pense pas qu'il le dit, il ne se rappelle guère ensuite qu'il l'a dit. Car c'est ainsi que quelque chose devient objet de mémoire, comme reçu sous la raison de passé, selon Aristote.

Si cependant le prêtre constate d'une façon sûre qu'il a omis quelque chose qui n'est pas nécessaire au sacrement, je ne crois pas qu'il doive pour cela reprendre, en changeant le rite du sacrifice, mais il doit passer outre. S'il a cependant la certitude qu'il a omis quelque chose de nécessaire au sacrement, c'est-à-dire les formules consécratoires, puisque la forme est nécessaire au sacrement comme la matière, il doit faire ce que nous avons dit en cas de défaut de la matière : reprendre depuis la forme de la consécration, et répéter le reste dans l'ordre, pour ne pas changer le rite du sacrifice.

6. La fraction de l'hostie consacrée, et le fait d'en mettre une seule partie dans le calice se rapporte au Corps mystique, de même que l'eau qu'on mélange au vin signifie le peuple. C'est pourquoi l'omission de ces rites ne rend pas le sacrifice incomplet au point qu'il soit nécessaire pour cela de recommencer quelque chose dans la célébration de ce sacrement.

7. Comme on lit dans les Décrets d'après Pie Ier : « Si, par négligence, des gouttes du précieux sang ont coulé sur le plancher, on les léchera et on raclera le plancher. S'il n'y a pas de plancher, on raclera la terre, on la brûlera et la cendre sera déposée dans l'autel. Et le prêtre fera pénitence pendant quarante jours. — Si quelques gouttes se répandent du calice sur l'autel, le ministre les absorbera, et il fera pénitence pendant trois jours. — Si c'est sur la nappe de l'autel et que le liquide ait atteint la deuxième nappe, il fera pénitence pendant quatre jours. Jusqu'à la troisième nappe : pénitence pendant neuf jours. jusqu'à la quatrième : pénitence pendant vingt jours. Et le ministre lavera trois fois les linges ainsi mouillés, après avoir mis un calice au-dessous ; puis on prendra l'eau de cette ablution et on la déposera auprès de l'autel. » Cette ablution peut aussi être bue par le ministre, à moins que le dégoût l'y fasse renoncer. Certains, en outre, coupent et brûlent cette partie des linges, et déposent la cendre dans le sanctuaire ou la piscine.

On ajoute au même endroit ce qui vient du Pénitentiel de S. Bède : « Si quelqu'un a rendu l'eucharistie, par suite d'ébriété ou de gloutonnerie, il fera pénitence pendant quarante jours : les clercs ou les moines, les diacres ou les prêtres, pendant soixante jours ; l'évêque pendant quatre-vingt-dix. S'il l'a rendue pour cause de maladie, il fera pénitence pendant sept jours. »

Et on lit dans la même Distinction, ce qui vient du concile d'Arles : « Celui qui n'aura pas bien gardé le saint sacrement, de sorte qu'une souris ou un autre animal l'ait dévoré, fera pénitence pendant quarante jours. — Celui qui l'aura égaré dans l'église, ou bien en aura laissé tomber un fragment sans pouvoir le retrouver, fera pénitence pendant trente jours. » Et la même pénitence semble méritée par le prêtre dont la négligence aura laissé les hosties se corrompre.

Pendant ces jours-là, le pénitent doit jeûner et s'abstenir de la communion. Mais, en tenant compte des conditions de l'affaire et du personnage, on peut diminuer ou augmenter la pénitence indiquée.

On doit cependant noter que partout où les espèces se trouvent dans leur intégrité, on doit les conserver ou même les consommer avec respect. En effet, tant que demeurent les espèces, le corps du Christ y demeure, comme on l'a dit antérieurement. Quant aux objets avec lesquels on les trouve en contact, on doit les brûler si cela peut se faire commodément, en déposant les cendres dans la piscine, comme on l'a dit pour la raclure du plancher.


LA PÉNITENCE

Il faut étudier maintenant le sacrement de pénitence : 1° La pénitence elle-même (Q. 84-85). — 2° Son effet (Q. 86-89). — 3° Ses parties (Q. 90 et Supplément, q. 1-15). — 4° Ceux qui reçoivent ce sacrement (Suppl., q. 16). — 5° Le pouvoir des clés chez les ministres (Suppl., q. 17-27). — 6° La célébration de ce sacrement (Suppl., q. 28).

Sur la pénitence elle-même, il faut étudier : I. La pénitence en tant que sacrement (Q. 84). II. La pénitence en tant que vertu (Q. 85).

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