L’Église selon la Parole
L’Église selon la Parole John Nelson Darby

L’ÉGLISE D’APRÈS LA PAROLE

Qu’est-ce que l’Église ?

Voilà une question suscitée en bien des cœurs, par ce qui se passe autour de nous. Cette question est déjà en elle-même du plus haut intérêt, et l’état du monde professant, si agité sur la question de l’Église sous toutes les formes, ajoute à l’opportunité d’un travail tendant à résoudre les difficultés soulevées à ce sujet dans l’esprit des chrétiens.

Tant de divers mouvements s’annonçant chacun comme répondant au besoin de trouver la vérité sur ce point, un examen sérieux de ce que la Parole de Dieu dit sur l’Église, sera un soulagement pour un grand nombre d’âmes sincères. Éclairées par cette seule vraie lumière, puisant à la source et se mettant en possession de la lumière même, elles seront en mesure de juger paisiblement et sainement de tout ce qui leur est présenté comme ayant des titres à leur soumission, ou du moins à leur adhésion à une marche qui se propose comme étant selon la lumière.

Mais ce n’est pas tout.

Je ne doute pas que ce ne soit par l’action de l’Esprit de Dieu que cette question ait été soulevée actuellement, afin que ses enfants apprennent quelle est l’étendue et quelles sont les pensées de son amour, et qu’ils prennent moralement dans un dévouement vraiment chrétien une position qui réponde à sa bonté infinie. Car la question de l’Église, telle qu’elle est présentée dans la Bible, est éminemment pratique. La position dans laquelle le chrétien est placé, par le fait d’être membre de l’Église de Dieu, domine ses affections et forme le caractère de son christianisme. Cette dernière considération fera sentir l’importance de bien saisir la pensée de Dieu quant à l’Église.

De fait, cette question se présente ordinairement comme étant une question d’organisation de quelque nouveau corps formé au milieu des chrétiens ; question dont les cœurs se fatiguent. Il en résulte que bien des personnes écartent le sujet comme étant nuisible à la sanctification, et cherchent et engagent les autres à chercher la spiritualité, en mettant de côté un sujet dont cependant le Nouveau Testament est rempli, et dont il parle en termes qui en montrent l’importance pratique.

Enfin, si, comme le pensent tant de chrétiens sérieux, nous sommes dans les derniers jours, bien que les circonstances n’ajoutent rien à l’importance essentielle de la vérité, le fait qu’on se trouve près de la fin de ce siècle rend plus sensible sa valeur pratique. Sans doute les vierges sages devaient tenir leurs lampes prêtes et veiller dans tous les temps, mais le devoir était encore plus impérieux lorsque le cri avait retenti à minuit : « Voici l’époux qui vient, sortez à sa rencontre. »

Les considérations que je viens de présenter, auront dessiné clairement pour le lecteur le but de ce petit travail, savoir : l’examen de l’enseignement de la parole de Dieu au sujet de l’Église, et qu’elles doivent en être les conséquences pratiques pour nos âmes.

Mon but n’est pas d’examiner les bases du salut personnel, bien que l’enseignement de la Parole sur l’Église jette beaucoup de lumière sur ce point. Il est même important de comprendre que ce sont des choses distinctes ; Dieu ne laisse jamais de côté la responsabilité individuelle, quels que soient les privilèges qu’il nous accorde en nous attachant à une assemblée. On est sauvé individuellement, quoique Dieu puisse réunir ceux qu’il sauve en un corps, s’il le trouve bon.

Le salut, tout en étant complet en Christ, suppose, dans le cœur de celui qui en jouit, des exercices personnels, qui se passent nécessairement et exclusivement dans sa propre conscience, et qui mettent son âme en rapport immédiat avec Dieu, et sans lesquels toute relation avec lui, tout bonheur, l’existence même de la vie spirituelle seraient impossibles. Les relations avec Dieu d’une âme intelligente et responsable, qui a été auparavant dans le péché, supposent nécessairement qu’il se passe en elle, à la suite de l’établissement de ces nouvelles relations, bien des choses qui lui sont propres. La forme spéciale que ces relations revêtent, ajoute (et peut ajouter beaucoup et donner un caractère spécial) à ces relations, et c’est ce qui a lieu ; mais cela ne détruit pas les relations personnelles ; c’est une des différences essentielles entre la vérité de la Parole et l’idée de l’Église, telle qu’elle est considérée par le Romaniste qui, faisant des ordonnances un moyen de salut, attache le salut à l’Église, au lieu d’y voir le rassemblement des sauvés. S’il n’y avait qu’un individu de sauvé, son salut serait tout aussi parfait et assuré, mais il ne serait pas l’Église ; celle-ci est une pensée, une relation ajoutée à l’autre. Quelle est cette pensée ? Laissons de côté les définitions humaines et rattachons-nous à la Parole.

L’Église est quelque chose d’infiniment à Christ. Il a aimé l’Église, il s’est donné pour elle, afin qu’il la sanctifiât en la purifiant par le baptême d’eau [Le mot « et » ajouté ici en quelques versions, fausse complètement le sens ; la Parole est l’explication de ce que veut dire baptême d’eau.] par la Parole, afin qu’il se la présentât une Église glorieuse, n’ayant ni tache, ni rides, ni autre chose semblable, mais afin qu’elle fût sainte et irrépréhensible.

Voilà une révélation qui nous fait sentir l’importance que Dieu attache à ce qu’il appelle l’Église. Quel objet des affections de Christ, de ses soins, que cette Église ! Combien l’accomplissement des conseils de Dieu à son égard sera glorieux ! Quel privilège d’en faire partie ! Ce passage nous enseigne de plus que l’union de l’Église et de Christ a toute l’intimité [Il est bon de remarquer qu’il ne s’agit pas dans ce passage d’affection mutuelle, ni de rien qui tienne à des imaginations charnelles. C’est l’amour de Christ seul, parfait selon son propre cœur avant l’existence même de l’Église, ayant pour but de son travail d’amour la présentation de l’Église à lui-même, sans tache et glorieuse. Tout est du côté de Christ lui-même et le but parfait selon son cœur.] de celle du mari avec sa femme bien-aimée, faible figure, après tout, de la réalité de ce grand mystère ; que par ce moyen nous sommes membres de son corps, nous sommes de sa chair et de ses os ; que l’Église tient la même place qu’Ève a tenue à l’égard d’Adam, figure de celui qui devait venir, associée à lui dans la jouissance de tout ce qui lui avait été conféré de la part de Dieu. Ce n’est, il est vrai, que l’analogie de la position d’Ève, employée par l’Apôtre pour représenter celle de l’Église, qui nous suggère cette dernière pensée, mais elle est enseignée ailleurs, comme doctrine. Il est tout naturel de supposer que ce qui tient une telle place dans la pensée de Dieu, se retrouve plus d’une fois dans la Parole. C’est ce qui a lieu effectivement en des passages dont nous allons tout-à-l’heure examiner la portée.

En même temps, on conçoit parfaitement par la nature de la chose même, qu’une telle association avec Christ est une position toute particulière, un objet spécial des conseils et des desseins de Dieu. Car la place d’une épouse, comme celle d’Ève, est toute spéciale. Elle n’est pas l’héritage, elle est bien plus qu’un enfant, tout cher que celui-ci soit au père : c’est beaucoup plus que d’être peuple de Dieu, quoique toutes ces choses puissent être vraies en même temps.

Il est difficile d’imaginer quelque chose de plus intimement lié à soi, que son épouse et son corps. Personne, dit l’Apôtre, n’a jamais haï sa propre chair ; c’est soi-même. Il dit être évident au lecteur, qu’une telle relation doit avoir des conséquences pratiques immenses, parce qu’elle tient en même temps aux affections les plus intimes et aux devoirs les plus absolus. Le Seigneur a exprimé lui-même la portée de cette position de son Église, la première fois qu’il l’a signalée d’une manière formelle après le commencement de son existence, lorsqu’il a dit à Saul : Pourquoi me persécutes-tu ? C’était lui-même, c’était son corps, que Saul persécutait. Signalons les trois points capitaux présentés par le V d’Éph. qui a suggéré ces réflexions [Il y a dans ce passage un témoignage à la divinité de Jésus, d’autant plus remarquable qu’il n’est là qu’occasionnellement, et l’allusion est faite à une chose reconnue. Dieu a présenté Ève au premier Adam lorsqu’il l’avait formée ; mais Christ se présente l’Église à lui-même, parce que, s’il est le second Adam, il est en même temps celui qui peut se la présenter comme auteur de son existence, de sa beauté, et de la perfection dans laquelle elle doit paraître dans le Ciel pour être digne d’un tel époux et de la gloire qui s’y trouve.].

1 °Christ a aimé l’Église et s’est donné pour elle. Elle est rachetée au prix de son sang, de sa vie, de lui-même.

L’ayant acquise absolument à lui, en second lieu il la façonne et la sanctifie, pour qu’elle soit telle qu’il la veut dans son cœur, afin que, troisièmement, il se la présente à lui-même, une Église glorieuse, sans la moindre chose qui ne convienne pas à sa gloire, ou qui blesse l’œil ou le cœur de son divin époux.

Nous allons considérer son histoire plus loin ; mais déjà nous pouvons remarquer ici que l’Église, quelles que soient d’ailleurs les circonstances qu’elle traverse, est toujours considérée comme un tout, autant pendant que sa purification s’opère sur la terre, que lorsqu’elle est présentée glorieuse à son époux dans le Ciel. Le rachat de ce corps par le sang de la croix, s’est fait sur la terre ; sa purification par la Parole, par l’Esprit, se fait également sur la terre. Le résultat glorieux au retour de Christ aura son accomplissement dans le Ciel, pour lequel elle a été préparée [Il est très-important en pratique de se souvenir qu’il n’y a pas d’autre but que cette perfection céleste. Tout s’y rapporte, et c’est ce qui ici-bas caractérise chaque pas vers cette perfection. La même chose se voit quant à l’individu (Phil., III.) Les conseils de Dieu et le cœur du croyant se proposent ce but céleste. Une marche céleste en est la conséquence sur la terre.]. La relation aussi a subsisté toujours dans ses droits, quoique les noces n’aient pas encore eu lieu. Je ne parle pas seulement quant aux conseils éternels de Dieu, mais de fait pour la connaissance et les devoirs de ceux qui ont été appelés.

Depuis que Christ a acquis l’Église à Lui-même (je parle maintenant du fait et historiquement, en laissant toujours du temps pour la communication de la vérité, à cet égard, par le Saint-Esprit), l’Église a été à Lui, au point de vue de la conscience de ceux qui ont été appelés à jouir de cette position. La relation subsiste, et comme Christ a été toujours fidèle, l’Église aurait dû l’être. Sa purification, de la part de Christ, a dû être en vue de cette relation, ainsi que ce passage le démontre formellement. Elle aurait dû être reconnue telle de la part des chrétiens, de ceux qui, hélas ! peuvent manquer à la fidélité due à cette relation, comme à toutes les autres. Toutefois, leur responsabilité est en rapport avec les obligations qui en découlent.

La manière dont cette vérité doit agir sur la connaissance d’un salut accompli et sur la sanctification, ainsi que sur la joie de l’espérance, est évidente. Car, à l’égard de la première, l’existence de l’Église est basée sur le fait que Christ l’a aimée et s’est donné pour elle. Son rachat, son salut, la grâce de l’amour parfait de celui qui l’a rachetée, et cela, dans le but immanquable de se la présenter glorieuse, forment la base de toute sa vie et de ses relations de chaque jour.

Ce n’est pas un peuple mis à l’épreuve par le moyen d’une règle qui lui a été donnée, l’Église a été l’objet d’une œuvre parfaite, par laquelle Christ se l’est acquise, lorsqu’elle était esclave de Satan, souillée et coupable. Elle doit son existence à cette œuvre. Elle n’a, comme Église, d’autre responsabilité que celle qui est basée sur son acquisition par Christ. Ceci lui dit, sans doute, qu’elle doit être entièrement à Lui ; mais elle doit l’être, parce qu’elle l’est déjà. Le chrétien instruit de Dieu dans cette doctrine, a la paisible assurance (assurance qui donne un calme qui est la base des affections les plus douces) qu’il est à Christ, selon son parfait amour et l’efficace d’une œuvre à laquelle Dieu n’a pas pu manquer, pour que son cœur fût satisfait dans l’objet que son Père lui avait donné.

L’influence de cette vérité dans la conscience pour la sanctification, est également grande ; car cette sanctification est la purification de ce qui appartient absolument à Christ, pour le rendre propre à demeurer toujours avec Lui ; une purification qui, par conséquent, s’étend aux pensées, aux affections, à la manière de voir à tous égards. Étant toute à Lui, l’Église est en rapport avec Lui en chaque sentiment, en chaque mouvement du cœur ; sinon elle manque à sa relation avec Lui, dans la circonstance où elle ne l’est pas. Quant au résultat qu’Il s’est proposé, Christ, grâces à Dieu, ne peut manquer de le réaliser aussi parfaitement qu’Il a accompli le rachat par lequel il s’est acquis l’Église. Il se la présentera sans ride. Mais le cœur du chrétien devrait répondre à cette œuvre.

L’influence de la relation de l’Église avec Christ, sur son espérance, n’est pas moins grande. Elle est en dehors des jugements qu’amènera sur le monde la venue du Seigneur, en dehors de la suite des événements prophétiques qui auront lieu dans un monde dont elle ne fait plus partie. Elle attend le moment bienheureux, où le Seigneur l’appellera, en la prenant auprès de Lui, à réaliser la gloire et la joie de la relation qu’elle connaît déjà par la grâce.

Telle est la position de l’Église et sa relation avec Christ. Mais il y a une conséquence qui en résulte, dont la relation dans laquelle Eve se trouvait avec la création peut nous donner l’idée ; j’ai déjà touché à ce sujet, mais cela demande encore, en passant, quelques remarques. Christ, dit l’Apôtre à la fin du premier chapitre de l’Épître aux Éphésiens, est chef, ou mieux, tête de l’Église, qui est son corps, l’accomplissement [C’est-à-dire, ce qui rend complet ; il faut le corps pour complément à la tête.] de Celui qui accomplit tout en tous.

C’est-à-dire, Christ est la tête et l’Église le corps, et, ainsi que le corps est le complément de la tête pour faire un homme, il en est de même de l’Église et de Christ ; Lui, comme la tête, dirigeant l’Église, son corps, exerçant toute autorité sur elle ; mais l’Église, comme le corps, rendant complet l’homme mystique, selon les conseils éternels de Dieu, car il est évident qu’il ne s’agit pas ici de la personne divine du Christ ; mais, dans les conseils de Dieu, le Christ médiateur n’aurait pas été complet sans l’Église.

Disons-le, en passant, c’est cette idée qui était complètement cachée (« cachée en Dieu ») sous l’ancienne alliance, et qui ne se trouve pas révélée dans tout l’Ancien Testament. Un Christ qui n’était pas parfait tout simplement, dans sa propre personne comme individu, aurait été incompréhensible au saint le plus avancé de l’Ancien Testament. On pouvait être béni sous son gouvernement ; mais que quelqu’un fît partie de Christ comme membre de son corps, aurait été inintelligible. L’union entre le Juif et le Gentil qui en découle, se présentera plus tard. Or, l’effet d’une telle union de l’Église avec Christ a été d’associer l’Église à sa domination sur toutes choses et à toute sa gloire, telle qu’Il l’a reçue comme médiateur de son Père. Telle est la force même de Éph., I, 21, 22, que nous venons de citer. C’est à l’occasion de cette union avec Christ, que l’Apôtre montre les membres de l’Église comme étant une nouvelle création, fruit de cette même puissance qui a placé Christ à la droite du Père (I, 19 et II, 7). Et cela se lie au chapitre premier, où l’Apôtre a révélé le propos arrêté de Dieu pour l’administration de la plénitude des temps ; savoir : de réunir toutes choses en Christ, tant les choses dans les cieux que celles sur la terre, le lot [La seconde édition du Nouveau Testament, dit de Lausanne, a changé ceci fort mal-à-propos. Je ne doute nullement que εϰληρωθημεν veut dire : « Nous avons part à l’héritage. »], notre héritage, nous ayant été donné en lui. En attendant, Dieu nous a fait part, à nous qui avons cru avant la manifestation du Christ, de son Esprit, comme arrhes, jusqu’à la rédemption de l’héritage même. C’est pourquoi l’Apôtre fait voir que nous sommes les objets de l’exercice de la même puissance que celle qui a placé Christ au-dessus de toutes choses, lorsque par grâce Il était dans notre état, et montre qu’en Lui nous sommes dans le sien. Si l’on demande comment de telles choses peuvent avoir lieu, Éph. II, 7, nous dit la raison. Mais d’abondants témoignages confirment les conséquences, pour nous, de cette union. Nous ne parlons ici que des conséquences. La gloire, dit le Seigneur, que tu m’as donnée, je la leur ai donnée, afin que le monde sache que tu les as aimés, comme tu m’as aimé. « Si nous sommes enfants, nous sommes héritiers, héritiers, dis-je, de Dieu et cohéritiers de Christ. » (Rom. V.) « Ne savez-vous pas que les Saints jugeront le monde ? Ne savez-vous pas que nous jugerons les Anges ? » (I. Cor., VI, 2, 3.) Je ne parle pas de ces choses, comme caractérisant exclusivement l’Église ; mais comme des choses qui, pour nous, sont la conséquence de ce que nous en faisons partie.

Après cette courte revue de la position de l’Église, à l’égard de Christ et à l’égard de la création entière qui lui sera assujettie, nous considérerons, d’une manière plus suivie, la doctrine de la Parole à l’égard de l’Église elle-même, et puis la position qu’elle tient dans l’historique des voies de Dieu, dont la suite nous est détaillée dans la Bible.

Le propos arrêté de Dieu, ainsi qu’il nous est expressément révélé dans le premier chapitre des Éphésiens, est de réunir toutes choses en Christ, dans les Cieux et sur la terre. L’Église sera associée avec Lui comme son corps, comme son Épouse, dans ce temps-là. (Éph., I, 22,23 ; V, 27.) Mais, toutes choses ne sont pas encore assujetties à Christ. Dieu ne les a pas encore mises comme un marchepied sous ses pieds. L’Église ne lui est pas non plus présentée glorieuse. Il est toujours assis à la droite de Dieu. (Héb., II, 8.)

Il n’est pas nécessaire que je cite des passages pour prouver que l’Église n’est pas encore ressuscitée et glorifiée. Vous et moi, cher lecteur chrétien, en sommes les preuves ; heureux de l’être tout en attendant l’adoption, c’est-à-dire, la rédemption du corps !

Pendant cette attente de l’heureux moment de notre rencontre avec Jésus, existe-t-il une Église ? Est-ce qu’il entrait dans la pensée de Dieu qu’il y eût une Église sur la terre, en attendant l’accomplissement final de ses desseins magnifiques quant à sa gloire dans le Ciel ? Pour celui qui est soumis à la Parole, il ne peut y avoir aucun doute. Examinons ce qu’elle dit sur ce point.

Christ lui-même est le premier qui annonce que l’Église [Cette déclaration du Seigneur (Matth., XVI) a un caractère plus décisif, si nous considérons les circonstances dans lesquelles elle a été prononcée. Au commencement du chapitre, il avait prononcé le juge ment de la nation juive et laissé à eux-mêmes ceux qui lui demandaient un signe, en leur donnant comme tel sa mort sous la figure de Jonas. Puis il demanda aux disciples, ce qu’on disait de lui. À cette occasion, Pierre fait la confession unique : « Tu es le Christ, le fils du Dieu vivant. » Cette dernière partie ne se trouve qu’à cette occasion, et c’est ce qui donne à cette confession une importance particulière. Le fils du Dieu vivant, en bâtissant l’Église, la mettait à l’abri de la puissance du Hadès et de celui qui avait l’empire de la mort. La mort du Messie pouvait rompre les liens entre Israël selon la chair et le chef de sa bénédiction, quoi que fît la grâce plus tard pour cette nation ; mais ce qui se basait sur la puissance de la résurrection (et c’est là que Christ a été déclaré fils de Dieu en puissance) était garanti contre celui qui tout au plus avait l’empire de la mort. Saint Pierre est toujours plein de cette idée de vie. (Voyez Pierre, I, 3, 21, 23, 24 ; II, 4, 5.) Matthieu (XVII) ajoute la gloire milléniale du Fils de l’homme. À la fin du chapitre, Christ ramenant les disciples à son rejet parmi les Juifs, explique les voies de la grâce, et, à cette occasion, introduit l’action de l’Église (XVIII, 17).] doit commencer : « Sur cette pierre je bâtirai mon Église. » La déclaration que les portes du lieu invisible ne prévaudraient pas contre elle, démontre qu’il ne s’agit pas de l’Église déjà présentée dans la gloire : c’est sur la terre.

Il y a quelques points importants à signaler qui nous sont révélés dans ce passage. L’Église était encore à commencer, Christ, reconnu Fils du Dieu vivant, devait être le fondement d’une œuvre nouvelle sur la terre. Le fait qu’il existe des croyants sur la terre et même des croyants qui reconnaissent Jésus pour être le Christ, ne fait pas l’Église. Ce fait existait lorsque Jésus a parlé, et l’Église était encore à bâtir. C’était une œuvre encore à faire à l’égard des enfants de Dieu ; ceci est confirmé par une déclaration de saint Jean à l’occasion de la prophétie involontaire de Caïphe, que Jésus devait mourir pour la nation juive, et pas pour cette nation seulement, dit-il, mais pour rassembler en un, les enfants de Dieu qui étaient dispersés. Il y avait déjà des enfants de Dieu dispersés, isolés : Christ, par sa mort, devait les rassembler, non les sauver seulement de sorte qu’ils fussent ensemble dans le Ciel (puisque c’étaient des enfants de Dieu, cela était déjà fait), mais les rassembler en un. Il y avait déjà des fidèles ; l’Église [Remarquons ici que ce qu’on appelle faussement une Église invisible, était ce qui avait lieu en Israël, c’est-à-dire, un corps de professants, Israélites par naissance et par ordonnances, et un certain nombre de fidèles isolés, au milieu de cela, qui jouissaient par la foi de la bonté de Dieu et de leur foi commune lorsqu’ils se rencontraient. (Voyez Matth., III, 16, et Luc, II, 38.) C’est de cet état que le Seigneur a fait sortir les fidèles, en bâtissant l’Église.] était encore à bâtir par le rassemblement de ces fidèles, et cela sur la terre. Nous savons que c’est ce qui a déjà eu lieu de fait par la parole de Jésus et par la puissance du Saint-Esprit descendu du Ciel. Ici nous pouvons rapporter la demande de Jésus, que non-seulement ceux déjà manifestés, mais aussi ceux qui croiraient par le moyen de leur parole, fussent un, afin que le monde crût. Avant de passer aux Épîtres, nous pouvons remarquer que le Seigneur, outre l’idée générale de l’Église qu’il voulait bâtir, nous donne à voir l’opération pratique de l’assemblée en détail. (Matth., XVIII.) Il attache en même temps l’efficace de cette opération et l’autorité du Ciel même à deux ou trois réunis en assemblée, pourvu que ce fût vraiment en son nom. C’est une précieuse lumière que la Parole nous fournit pour des temps de ténèbres.

Mais la descente du St-Esprit a donné un développement beaucoup plus grand à la doctrine de l’Église. Le fait de son existence se déclare au 2me chap. des Actes. Tous ceux qui croyaient étaient ensemble [Ce passage montre la futilité de l’objection que le rassemblement en un est une impossibilité. Peut-être bien matériellement. Sans doute c’était le cas ici lors qu’on rompait le pain de maison en maison, il n’y avait pas trois mille ensemble ; cela n’empêche pas dans la pensée de Dieu, leur rassemblement en un lieu dans une unité morale et réelle. Il ne s’agit pas de disposition ici, mais des faits qui montraient la puissance du St-Esprit.] en un même lieu et ils avaient toutes choses communes, et déjà il y avait trois mille âmes ; puis le Seigneur ajoutait tous les jours à l’Église ceux qui devaient être sauvés [Le mot que je traduis ici par devant être sauvés, sens donné en de très-bonnes traductions, est un mot employé par les LXX, et je ne doute pas en saint Luc pour le résidu d’Israël qui devait échapper aux jugements de Dieu. Or, ce que le Seigneur en faisait, c’était de les ajouter à l’assemblée chrétienne.].

L’union et l’unité des sauvés étaient accomplies comme fait par la présence du St-Esprit descendu du Ciel. C’était un corps sur la terre, un corps visible, reconnu de Dieu, auquel tous ceux qu’il appelait à sa connaissance se rattachaient et cela en y étant conduits par le Seigneur lui-même qui opérait dans leurs cœurs : c’était l’Église de Dieu. Seulement, jusqu’alors elle était exclusivement composée de Juifs. La patience de Dieu attendait encore à Jérusalem ; et, quoique par la mort de Jésus cette ville coupable dût 10,000 talents, il lui proposait encore la repentance par le témoignage du St-Esprit. Dieu se souvenait de sa miséricorde, et déclarait que sur la repentance de la nation, quelque coupable qu’elle fût, Jésus reviendrait. C’est le sujet du chap. III des Actes. Mais Jérusalem est demeurée sourde à l’appel, et ses chefs résistant comme toujours au St-Esprit, ont lapidé celui par qui Il rendait témoignage. Dès-lors, quoi que l’unité de l’ensemble soit gardée par la conversion de Corneille, un nouvel instrument de la grâce souveraine de Dieu paraît sur la scène. Celui qu’on voit pour la première fois, lors du martyre d’Étienne, et consentant lui-même à sa mort, Saul le persécuteur, expression de la haine des Juifs contre le Christ, devient le zélé témoin de la foi qu’il avait cherché à détruire. Mais cette grâce souveraine, tout en tenant toujours compte des Juifs, ne fait plus de Jérusalem son point de départ. C’est Antioche, ville de Gentils, qui a vu partir Paul de son sein pour accomplir son œuvre apostolique.

Mais cet événement a été accompagné d’un développement bien remarquable de la doctrine de l’Église, ou plutôt précédé d’une révélation qui faisait, non un nouvel Évangile (car le salut est toujours un seul et même salut), mais un nouveau point de départ pour la prédication de cet Évangile, et cela à l’égard de la gloire de Christ lui-même. Jusqu’alors, quoiqu’on prêchât un Christ exalté, seul sauveur, c’était un homme connu parmi les Juifs par des signes et des mi racles comme ils le savaient, et que Dieu avait élevé et fait Seigneur et Christ. Le témoignage était tout-à-fait selon Dieu, il n’est pas besoin de le dire, et tout-à-fait à sa place au milieu des Juifs. Vous aussi, avait dit le Seigneur, vous rendrez témoignage, parce que vous avez été avec moi depuis le commencement. Pierre et les autres Apôtres ayant accompagné Christ pendant le temps de son ministère, l’ont suivi jusqu’à la nuée qui l’a caché à leurs yeux. Ils reçurent le témoignage qu’il reviendrait de la même manière. La conséquence en était que les rapports de Christ avec les Juifs étaient toujours maintenus sur le pied de la foi en lui, élevé il est vrai maintenant à la droite de Dieu, mais dont le sceptre devait sortir de Sion et qui attendait la repentance de son peuple. Mais nous avons vu que le témoignage du Saint-Esprit à un Christ glorifié a été rejeté par la nation aveugle, et la mort d’Étienne, en signalant ce rejet, devient l’occasion de la révélation du Fils de l’homme dans la gloire de Dieu dans le Ciel, d’un Sauveur qui reçoit l’esprit de son serviteur en haut, au lieu de revenir à Israël en bas. Ce changement du caractère de Christ en Fils de l’homme (souffrant et héritier de toutes choses dans les Cieux et sur la terre), est souvent enseigné par Jésus dans les Évangiles. (Voyez, par exemple, Luc, IX.) Il s’accomplit de fait à l’occasion de la mort d’Étienne, sans toutefois que le Seigneur perde ses droits comme Christ ; ils sont réservés pour le siècle à venir.

Mais ici Paul entre en scène, et Dieu, tout en continuant son œuvre à Jérusalem, en commence une nouvelle. Par une nouvelle révélation de son Fils à celui qui n’a pas dû le connaître personnellement selon la chair, il fait voir à Saul pour la première fois Jésus dans la gloire du Ciel, trop resplendissant pour des yeux humains. Ce n’est pas Jésus, connu sur la terre, fait Seigneur [L’examen des Actes des Apôtres fera voir que Jésus n’y est jamais annoncé comme Fils de Dieu, avant qu’il l’ait été par Paul après sa conversion ; il est toujours pour Pierre, l’homme connu sur la terre, glorifié. Mais Paul, aussitôt après sa conversion, annonce Jésus dans les synagogues, comme Fils de Dieu. Il ne faut pas penser qu’il y ait imperfection ici dans les voies de Dieu ; au contraire, c’est la preuve de leur perfection. Le mot Fils (III, 26 ; IV, 30) est un tout autre mot et qui ne signifie pas vraiment Fils : ce serait mieux de dire serviteur. C’est précisément le mot garçon employé comme en français, pour quelqu’un qui sert ; mais qu’on ne saurait employer évidemment à l’égard du Seigneur.], mais le Seigneur de gloire, qui, vu comme tel, déclare qu’il est Jésus. Mais où se trouve-t-il sur la terre pour Paul ? Dans les siens. Vu comme Seigneur sans équivoque, Saul lui demande : Qui es-tu ? Seigneur. Et le Seigneur répond : Je suis Jésus que tu persécutes. Les Saints étaient lui-même, son corps. La conversion de Saul s’identifiait avec la pleine révélation de l’union du Seigneur glorieux avec les membres de son corps sur la terre. Son point de départ, sa connaissance du salut ne pouvaient se séparer de ces deux choses. Elles se reproduisent dans ses Épîtres. Ainsi (Cor., IV) il dit : Si notre Évangile est encore voilé, il ne l’est que pour ceux qui périssent, desquels le Dieu de ce siècle a aveuglé les entendements, c’est-à-dire des incrédules, afin que la lumière de l’Évangile de la gloire de Christ, lequel est l’image de Dieu, ne leur resplendît point. Ceci ne faisait que mettre en évidence d’une manière encore plus frappante la valeur de ses souffrances, mais il revêtait également d’un caractère particulier la prédication de l’Apôtre. Je ne m’étends pas sur cette partie [C’est cependant un sujet plein d’intérêt ; le contraste entre un Christ, objet de prophéties et de promesses, et Christ, révélé dans la plénitude de sa personne, comme commencement et fondement de la nouvelle création lorsqu’il a accompli son œuvre, comme chef de cette nouvelle création remplissant toutes choses, ayant rétabli entre elles et Dieu les relations que le péché avait rompues, et en même temps commencement, fonde ment et chef de l’Église qu’il a réconciliée dans le corps de sa chair par la mort, l’ayant réunie, vivifiée en lui, à lui-même, comme son corps par le Saint-Esprit. Ce sont ces deux choses qui font le mystère dans toute son étendue. La seconde partie est plus amplement traitée dans la Parole comme nous regardant de plus près, ainsi que l’admission des Gentils qui en découlait. Mais ce qui est du plus haut intérêt dans ce sujet, c’est la gloire de la personne de Christ lui-même.] des rapports de Paul avec Christ, pour en revenir à ce qui concerne plus directement notre sujet, l’Église.

Quelles que fussent les voies de Dieu sur la terre, il est évident que toute question de Juifs et de Gentils était terminée lorsqu’il s’agissait du Seigneur de gloire et des membres de son corps. Les relations des croyants avec Jésus devenaient célestes et dans l’unité du corps de Christ ; ainsi connu dans le Ciel, il n’y avait ni Juifs ni Gentils. L’Église cependant était sur la terre, malgré cette révélation de sa position, car elle était persécutée, mais elle était identifiée avec le Seigneur dans le Ciel. C’était lui, le Seigneur, glorifié, qui était persécuté dans ses membres.

Sur quel précieux terrain ceci introduit le cœur. Nous possédons, et cela de la bouche et du cœur du Seigneur lui-même, l’expression la plus forte de notre union avec lui. Il considère le plus faible membre de son corps comme une partie de lui-même.

Poursuivons cependant l’examen de la doctrine pour en avoir l’ensemble.

Nous examinerons les Épîtres de saint Paul. L’épître aux Romains n’a pas l’Église pour sujet ; mais, après avoir convaincu le Gentil sans loi, et le Juif sous la loi, d’être l’un et l’autre coupables devant Dieu, elle montre l’individu justifié devant Dieu, non par la loi mais par la foi, en introduisant la résurrection comme le plaçant dans une position toute nouvelle, quant à la justification, quant à la vie (savoir une vie nouvelle en dehors de la domination du péché) et quant à la loi. Par la grâce, le croyant était justifié, renouvelé, héritier de Dieu ; il avait les sentiments de l’Esprit, et il était gardé pour la gloire par un amour dont rien ne pouvait le séparer. Ceci bien constaté, l’Apôtre concilie (IX, X, XI) l’admission du Juif et du Gentil, sans distinction, à la jouissance de ces bénédictions, avec les promesses faites aux Juifs ; et il fait voir que les Gentils ont été entés pour continuer la ligne comme enfants d’Abraham dans la jouissance des promesses.

Mais, quoique le sujet principal de l’Épître aux Romains ne prête pas à des enseignements sur l’Église, les exhortations à la fin de l’Épître nous fournissent un principe qui découle naturellement de la révélation faite sur le chemin de Damas. C’est que, étant membres du corps de Christ, nous sommes donc membres les uns des autres (XII, 4, 5). « Car comme nous avons plusieurs membres en un seul corps et que tous les membres n’ont pas une même fonction, ainsi, nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ, et chacun réciproquement les membres l’un de l’autre. Or, ayant des dons différents, etc… »

L’Église est absolument une.

En outre, il est évident que l’Apôtre parle ici de ce qui est sur la terre, et lors même qu’il y eût des membres dont les âmes étaient auprès du Seigneur, ceux-ci ne pouvant plus le fier sur la terre d’où Il avait été chassé, et où la puissance de Satan s’exerce, il ne s’occupe que de ceux qui étaient encore ici-bas ; le corps dans le sens pratique et vrai ne se compose que de ces derniers.

La première Épître aux Corinthiens nous fournit des instructions précieuses sur le point qui nous occupe. Cette Épître nous donne des détails sur l’intérieur d’une Église locale et particulière, quoique en s’adressant à tous ceux qui invoquent le Seigneur. Elle nous fait voir que les chrétiens d’une localité, réunis en corps sont pour autant la réalisation de l’unité du corps entier [On a voulu faire une Église invisible du corps entier, et des Églises visibles où le mal pouvait se trouver. Mais il est de toute évidence que le baptême introduisait, non dans une Église, mais dans l’Église en général, sur la terre, de sorte que cette manière de voir n’a aucun appui dans la Parole. La vraie distinction n’est pas entre l’Église et les Églises, mais entre l’Église envisagée dans sa responsabilité humaine et l’Église dans les conseils de Dieu, conseils qui seront infailliblement accomplis. « Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et que chacun qui invoque le nom de Christ s’éloigne de l’iniquité. ». Voilà les deux côtés de la médaille de Dieu, et non une Église invisible et des Églises visibles.]. L’Église de Jérusalem avait été au commencement les deux choses à la fois. Mais alors il y avait beaucoup d’assemblées. Mais les chrétiens de chaque localité se réunissaient en corps et formaient l’Église ou l’assemblée de Dieu dans cette localité. « À l’Église de Dieu qui est à Corinthe. » Il n’y en avait qu’une ; elle se composait des sanctifiés en Jésus-Christ, des saints appelés qui se trouvaient à Corinthe. L’Apôtre comptait sur leur affermissement jusqu’à la fin. Ils étaient en dehors du monde, un corps connu pour être séparé entièrement de lui par sa profession et par sa marche commune en corps. Les rapports avec le monde des individus qui le composaient sont discutés, et se bornent aux communications ordinaires de la vie. Mais, en celles-ci même, la distinction la plus formelle et la plus complète est tracée entre les frères et le monde. Il y avait ceux du dehors et ceux du dedans : c’est-à-dire, ce n’était pas seulement une différence morale dans la marche individuelle, mais une marche commune en corps, et en corps formellement séparé du monde. (Voy. V, 13 ; X, 17, 21, 22. Comp. Cor. XI, 16, 17.) La cène était le signe extérieur qui les réunissait. (Cor. X, 17.) Or, la présence du Saint-Esprit se trouvait dans le corps, dans le corps entier de l’Église, mais réalisée et manifestée dans le corps local selon son état.

Cette présence du Saint-Esprit dans le corps se distingue de la présence du Saint-Esprit dans l’individu. Le corps de l’individu est le temple du Saint-Esprit. (Cor., VI. 19.) Mais l’Église est aussi son temple, par ce que l’Esprit y habite (III, 16, 17). Ayant recueilli ces renseignements épars, nous pouvons examiner le chapitre qui traite expressément notre sujet, introduit par celui des puissances spirituelles qui se manifestaient dans l’assemblée.

Les démons sont plusieurs. L’Esprit de Dieu est un seul Esprit, quelles que soient d’ailleurs les manifestations de sa présence. C’est là ce qui se trouvait dans les dons. Et ces manifestations de l’Esprit étaient données pour l’utilité commune, le Saint-Esprit les distribuant à chacun selon son bon plaisir. Les dons se trouvaient dans un très-grand développement au milieu des Corinthiens. Longtemps menés par les artifices des démons, ils étaient en danger de confondre les manifestations énergiques de ces démons avec celles du Saint-Esprit, parce qu’ils cherchaient la puissance plutôt que la grâce.

L’Apôtre leur donne premièrement une règle absolue pour distinguer l’Esprit de Dieu d’avec les démons, dans la confession que Jésus était Seigneur, confession que ces démons ne feraient jamais, et ensuite il s’applique à faire comprendre aux Corinthiens la vraie doctrine à l’égard de la présence du Saint-Esprit dont l’effet allait bien plus loin que de faire confesser la seigneurie de Jésus, bien que cette confession en fût la pierre de touche. Le Saint-Esprit unissait tous les chrétiens dans un seul corps, et l’exercice des dons, et les services rendus au Seigneur par leur moyen n’étaient autre chose qu’un membre du corps exerçant ses fonctions pour le bien de tout le corps. C’était un seul et même Esprit qui distribuait à chacun. Or, ainsi que le corps est un et a plusieurs membres, et que tous les membres de ce corps étant plusieurs, ne font qu’un seul corps, ainsi est Christ [L’identification du corps avec son chef est exprimée d’une manière remarquable par l’emploi de ce mot.] (Christ, car l’Église est lui-même, son corps). Car par un seul Esprit nous avons tous été baptisés pour être un seul corps, Juifs et Gentils.

L’unité du corps ainsi constatée, tous les dons rentraient dans l’idée de membres de ce corps, c’est-à-dire tout l’exercice du ministère était l’activité des membres du corps. Il est bien de se rappeler ici que la conséquence de cette vérité est que les dons ont pour sphère de leur exercice toute l’étendue du corps ; c’est leur devoir même de l’édifier si cela leur est donné.

Mais d’autres vérités de toute importance nous sont révélées dans ce chapitre, et particulièrement le moyen dont Dieu s’est servi pour produire cette unité, pour former ce corps. « Vous avez été baptisés par un seul Esprit pour être un seul corps [La cène est le signe et le centre visible de cette unité, ainsi que la présence du Saint-Esprit en est la puissance. (Cor., X, 17.) Cette déclaration donne un caractère très-intéressant à la cène.]. » Christ ayant pleinement accompli son œuvre, et étant monté en haut, a reçu l’effet de la promesse du Père, savoir le St-Esprit, et l’a envoyé dans ce monde pour que, d’un côté, il rendît le témoignage de cet accomplissement et de la gloire personnelle de Jésus à la droite de Dieu, et, de l’autre, pour unir les membres de son corps à lui, et en même temps les uns aux autres, soit Juifs, soit Gentils qui, toute distinction étant perdue, ne forment qu’un seul corps uni à sa tête dans le Ciel, c’est-à-dire, au Seigneur Jésus.

Deux vérités ressortent clairement des enseignements de cette partie du chapitre : 1°que la formation du corps est accomplie par la présence du Saint-Esprit descendu du Ciel ; 2°que ce corps est formé sur la terre ; son unité, telle qu’elle est présentée dans la Parole, a lieu essentiellement sur la terre, puisque le Saint Esprit est descendu ici-bas pour l’accomplir. Les circonstances accessoires confirment cette vérité ; car il est de toute évidence que les dons s’exercent sur la terre. Les disciples étaient le corps de Christ par l’union que formait entre eux la présence d’un seul Esprit qui, étant un, se trouvait en eux tous, et en même temps dans l’ensemble du corps uni. Il est bon de rappeler les passages déjà cités, qui nous enseignent la différence de ces deux derniers points. I Cor. III, 16, nous révèle que l’ensemble est le temple du Saint-Esprit ; VI, 19 nous montre que chaque chrétien individuellement est le temple de Dieu.

Il est évident que cette unité ne se perdra pas dans le Ciel, lorsque tous les membres du corps seront réunis, et que Dieu garde les âmes de ceux qui dorment en Jésus, pour ce jour de gloire. Mais la manifestation du corps de Christ est maintenant exclusivement sur la terre, où le Saint-Esprit de Dieu est descendu pour établir cette unité. La foi sait très-bien que les âmes sont gardées pour cela, auprès de Jésus ; mais ainsi séparées du corps, elles n’entrent pas, pour le moment, en ligne de compte, étant dans une position où la communion n’est plus possible, ni aucune manifestation d’unité, ni service pour la gloire de Christ. Là où le Saint-Esprit est descendu et où il demeure, là est la manifestation de l’Église, tandis que son chef est assis à la droite du Père. L’Esprit s’adresse aux chrétiens sur la terre et à ceux-là seuls. Or, voici ce qu’il dit : « Vous êtes le corps de Christ et ses membres chacun en particulier ; et Dieu a mis dans l’Église : premièrement des Apôtres, seconde ment des Prophètes, troisièmement des Docteurs ; après cela des miracles, puis des dons de guérison, etc. Ici donc, nous sommes enseignés de Dieu, que l’Église, qui est le corps de Christ, est formée en unité ici-bas sur la terre par le Saint-Esprit qui est descendu du Ciel et qui se manifeste par des dons dans les membres de ce corps. Ajoutons que cette présence du Saint-Esprit n’est pas la régénération, mais le baptême du Saint-Esprit, non-seulement son œuvre dans le cœur, mais sa présence dans le corps, envoyé d’en-haut aussi réellement et personnellement que le Fils a été envoyé du Père, quoique ce ne soit pas de la même manière.

Que le baptême du Saint-Esprit soit la descente du Saint-Esprit sur la terre, c’est évident, d’après le 5e verset du premier chapitre des Actes.

L’Épître aux Galates traite la question de la justification et du droit à la jouissance de l’héritage par promesse, en contraste avec la loi, et ne touche la doctrine de l’Église que par la seule déclaration que les chrétiens sont tous un dans le Christ Jésus (III, 28). Mais l’Épître aux Éphésiens traite ce sujet au long et demande une attention particulière. Le premier chapitre, après avoir posé le fondement de la grâce souveraine, annonce (verset 10) le propos arrêté de Dieu ; savoir : de réunir toutes choses en Christ, soit les choses dans le Ciel, soit celles sur la terre, et ayant montré les enfants de Dieu scellés du Saint-Esprit pour l’héritage, à la fin nous révèle l’Église unie comme son corps à Celui qui est établi chef de toutes choses. Le chap. II révèle l’opération de la puissance qui a uni l’Église à Christ, et la manière de cette union, et, faisant voir que le Juif était enfant de colère dans sa nature, tout autant que le Gentil, et que tous deux étaient morts dans leurs fautes et dans leurs péchés, présente les uns et les autres comme vivifiés ensemble avec Christ, ressuscités ensemble, et assis ensemble, en Christ, dans les lieux célestes. Ainsi, la distinction n’existait plus. Dieu avait fait, des deux, un homme nouveau en les réconciliant avec Lui, en les réunissant en un seul corps par la croix : c’était l’Église. Cette œuvre s’accomplissait dans la formation de l’Église, dans le temps présent. Le chrétien était bâti sur le fondement des Apôtres et des prophètes (du Nouveau Testament, comp. III, 5), Jésus-Christ étant la maîtresse-pierre du coin, les Gentils étaient bâtis ensemble avec les Juifs pour être l’habitation de Dieu par l’Esprit. Ce chapitre nous enseigne que l’Église, par son union avec son chef dans le Ciel, était censée être dans le Ciel ; que sa vocation était absolument céleste. Ainsi qu’Israël était séparé des nations, l’Église était séparée du monde, n’en étant plus. Sa formation sur la terre a commencé, selon la parole du Seigneur (Matth. XVI), après la destruction, par la croix, de la paroi mitoyenne. C’était comme un seul homme nouveau, les Juifs et les Gentils étant réconciliés à Dieu dans un seul corps. En outre, nous trouvons que, à la place d’un temple où l’Éternel demeurait, cette union des croyants d’entre les Juifs et les Gentils en un seul corps, l’Église, formait la demeure de Dieu sur la terre, et que cette demeure était par l’Esprit. Cette dernière vérité nous donne le vrai caractère de l’Église sur la terre ; caractère et élément de la plus haute portée ; caractère qui implique une responsabilité des plus graves, et, disons-le, des plus précieuses, car les chrétiens sont responsables, selon la grâce qui leur a été faite ; caractère, enfin, que, malgré son infidélité à cette responsabilité, l’Église, grâces à Dieu, ne saurait perdre, parce qu’il dépend de la grâce et de la promesse de Dieu, qui a, déclaré que cet autre consolateur, l’Esprit de vérité, ne s’en irait pas, mais demeurerait éternellement avec les siens.

Il est aussi de toute évidence que c’est sur la terre que tout ceci a lieu, quoique, tout en étant sur la terre, notre position soit d’être assis dans les lieux célestes, en notre chef, et d’attendre la réalisation de notre état lors de notre réunion avec lui.

Le chap. III qui, dans son entier, est une parenthèse, développe ce mystère caché dans les siècles passés et maintenant révélé, dont l’Apôtre était le ministre, savoir : que les Gentils sont un même corps avec tous les Saints. Mais je réserve mes remarques sur ce chapitre, jusqu’à ce que nous traitions la seconde partie de notre sujet : la place que tient l’Église dans les voies de Dieu.

Le chap. IV donne l’application de la doc trine du second, et engage les Saints à marcher d’une manière digne de leur vocation, savoir : d’être la demeure de Dieu par l’Esprit. Le sentiment de la présence de Dieu produit toujours l’humilité, et en insistant sur ce sentiment, l’Apôtre les exhorte à conserver l’unité de l’Esprit (celle qui nous a été annoncée chap. II), par le lien de la paix. Car, dit-il, il n’y a qu’un seul corps et un seul Esprit. Ceci conduit l’Apôtre au sujet des dons en rapport avec le corps. Christ avait remporté la victoire sur Satan et pouvait conférer à l’Église qu’il avait rachetée, la puissance qui en serait le témoignage, car elle était soustraite à l’esclavage de l’ennemi et pouvait être le vase de cette puissance et de ce témoignage. Ici parce que le sujet est son corps, il s’agit des dons qui se rapportent à son bienêtre. Christ par le moyen de ces dons nourrissait et faisait croître ce corps ; ils s’exerçaient pour l’édification du corps de Christ.

Il vaut la peine de citer les versets qui suivent ce que nous venons d’examiner. « Lui-même donc a donné les uns pour être apôtres, les autres pour être prophètes, les autres pour être évangélistes, et les autres pour être pasteurs et docteurs, pour travailler à la perfection des Saints, pour l’œuvre du ministère, pour l’édification du corps de Christ, jusqu’à ce que nous nous rencontrions tous dans l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu dans l’état d’un homme parfait, dans la mesure de la par faite stature de Christ, afin que nous ne soyons plus des enfants flottants et emportés çà et là par tout vent de doctrine, par la tromperie des hommes et par leur ruse à séduire artificieusement, mais afin que, suivant la vérité avec la charité, nous croissions en toutes choses en celui qui est le chef, c’est-à-dire Christ, duquel tout le corps ajusté et serré ensemble par toutes les jointures de fournissement, prend l’accroissement du corps selon la vigueur qui est dans la mesure de chaque partie pour l’édification de soi-même en charité. »

Ainsi, les richesses incompréhensibles de Christ, par lesquelles il remplit toutes choses dans la puissance de la rédemption qu’il a accomplie, sont la base de l’édification de l’Église, Christ n’étant plus considéré comme un simple Messie qui accomplit les prophéties et les promesses, mais dans une grandeur dont aucun prophète ne s’est fait une idée, et dont aucune prophétie n’a annoncé l’étendue, chaque membre fournissant au corps, selon la grâce qui lui est communiquée, de ces richesses de Christ. Le corps lui-même qui se développe dans ses membres, prend un accroissement dont par là même Christ dans cette plénitude est la mesure, la vérité qui révèle cette plénitude étant le moyen de faire croître le corps en celui dont la plénitude est révélée. Ainsi la stature parfaite de Christ est toujours le but et la seule mesure reconnue. Quelle grâce infinie ! Cependant il n’en saurait être autrement, puisque la révélation de Christ est le moyen par lequel l’Église doit croître, et ce Christ est tel, remplissant toutes choses, depuis la poussière de la mort jusqu’au trône de Dieu. Descendu en amour et remonté en justice, pour la foi, il exclut de l’univers qu’il a fait sien par la rédemption, ainsi qu’il l’était par la création, l’ennemi qu’il a vaincu, comme il l’exclura de fait, lorsqu’il accomplira tous les effets de sa puissance. Et où ce corps se trouve-t-il ? Où ces dons s’exercent-ils ? Où cet accroissement a-t-il lieu ? Dieu soit béni, c’est ici-bas, Il s’agit de ce que Christ fait, après l’accomplissement de son œuvre, pendant qu’il est assis à la droite de Dieu. C’est par le Saint-Esprit ; c’est le corps de l’Église, ce seul corps qui est le vase de ce ministère et de l’Esprit qui l’accomplit par les membres, et qui fait croître le corps selon la pensée de Dieu en Christ qui en est la tête, corps dont les membres sont les membres de Christ.

Aussi l’Apôtre a en vue tout le corps et tout le corps envisagé sur la terre. La charité embrasse nécessairement tous les membres comme étant les membres de Christ. Le rapport entre tout ceci, et l’Église vue dans l’étendue de ses privilèges et des pensées de Dieu, se voit d’une manière frappante à la fin du chap. III, où l’Apôtre s’écrie : À celui qui peut faire selon la puissance qui opère en nous, infiniment au-dessus de tout ce que nous pouvons demander ou même penser, à lui soit gloire dans l’Église par le Christ Jésus dans toutes les générations du siècle des siècles ! Amen. »

Je ne reviens pas sur l’enseignement infini ment précieux du chap. V, parce que j’ai déjà attiré l’attention du lecteur sur cette portion en commençant notre thèse. Mais il est évident que l’Épître aux Éphésiens traite le sujet d’une Église qui est un seul corps dont Christ est la tête, corps formé et développé sur la terre depuis l’ascension de Jésus, par l’Esprit envoyé d’en haut, qui en fait sa demeure ; corps par lequel doit rejaillir la gloire de Dieu dans tous les siècles. C’est le vase sur la terre de l’Esprit que Christ, après avoir remporté la victoire sur la terre et établi la gloire de la rédemption depuis la mort jusqu’au trône du Père a envoyé pour témoigner de la puissance par laquelle il a vaincu, et pour réunir l’Église à son chef dans les Cieux en lui donnant une vocation céleste, comme y étant admise en lui. Ce corps, formé dans sa perfection au commencement, devait croître par l’énergie du St-Esprit qui y demeurait, ainsi qu’un enfant parfait dans toutes ses parties, prend son accroissement par la force de la vie qui est en lui, pour parvenir à l’état d’homme fait.

L’Épître aux Colossiens nous présente quelques instructions précieuses sur le sujet qui nous occupe. L’Épître aux Éphésiens nous a fait voir que Dieu réunissait toutes choses en Christ, et que l’Église était unie à lui comme son corps, associé à lui dans sa domination sur toutes choses. Celle aux Colossiens nous présente la même vérité sous un autre point de vue. Nous trouvons aussi que l’idée du Christ qui est présentée dans le chapitre I, fait contraste avec tout ce qu’Il était comme espérance des Juifs selon le témoignage des prophètes, autant que ce qui se trouve dans l’Épître aux Éphésiens, mais d’une manière différente.

Premièrement examinons ce qui est dit de cette double gloire de Christ, chef de toutes choses et chef de l’Église, aux v. 15, 16. Il est annoncé comme premier-né de toute créature, et la raison en est donnée, c’est qu’il a tout créé. Celui qui a tout créé, ayant pris place comme homme au milieu de la création, doit certaine ment en être le chef. Cette pensée est confirmée v. 17. Le v. 18 montre la seconde portion de la gloire de Christ. Il est le chef (la tête) du corps qui est l’Église, le commencement, le premier-né d’entre les morts.

Ce sont les deux vérités présentées (Éphés. I, 22, 23) ; seulement ici les deux choses sont considérées à part comme deux gloires diverses de Christ en qui toute la plénitude a trouvé bon de demeurer.

Ensuite nous trouvons la réconciliation de toutes choses et de l’Église. Ayant fait la paix par le sang de la croix, la pensée de Dieu est de réconcilier toutes choses par le moyen de Christ dans les Cieux et sur la terre ; c’est ce qui répond au v. 16. Puis, l’Apôtre s’adressant aux chrétiens appelés à Colosse, leur dit : « Et vous autrefois ennemis, il vous a maintenant réconciliés » ; c’est ce qui répond au v. 18. Ils faisaient partie de l’Église dont Christ est la tête et de laquelle la réconciliation s’accomplit dans le temps présent. Les v. 24, 25, présentent à la suite de la distinction de cette double gloire de Christ et de cette double réconciliation, un double ministère : le ministère de l’Évangile à toute créature sous le Ciel, et le ministère de l’Église qui est le corps de Christ. Ce ministère, complément dans sa doctrine de toutes les révélations précédentes, rendait complète dans ses enseignements la parole de Dieu (v. 24, 25, 26). C’était un mystère que l’Église, qui avait été caché pendant des siècles et des générations, mystère qui admettait les Gentils à tous les privilèges qu’il révélait, et parlait d’un Christ, non la couronne et l’accomplissement de la gloire des Juifs, mais qui, parmi les Gentils en Esprit, était l’espérance de la gloire. La présence de Jésus au milieu des Juifs aurait dû être et sera une fois l’accomplissement de la gloire qui leur a été promise. Mais la présence de Christ en Esprit parmi les Gentils est l’espérance de la gloire, d’une gloire bien plus excellente, d’une gloire céleste. Dans les Éphésiens Christ est considéré comme élevé à la droite de Dieu. Étant assis là, Il donne à l’Église les dons qui sont le témoignage de sa victoire par les bénédictions qu’il peut communiquer aux siens délivrés par cette victoire, et la manifestation de sa puissance, comme chef glorieux de l’Église qui est sur la terre. Dans les Colossiens, Il est envisagé comme présent dans l’Église assurant aux Gentils la possession de la gloire céleste dans laquelle il est entré lui-même. Ce chapitre met donc l’Église en relief d’une manière très-intéressante. Christ ressuscité en est la tête, l’Église est son corps ; sa réconciliation pratique s’effectue maintenant, basée sur la paix faite par le sang de la croix. Les Gentils en font partie, tout aussi bien que les Juifs, et Christ en Esprit y demeure l’espérance de la gloire. Cette dernière expression fait com prendre, sans controverse, que l’Église est contemplée exclusivement sur la terre, quoique ayant l’espérance assurée d’une gloire céleste ; son unité n’est pas annoncée comme dans l’Épître aux Éphésiens, mais il est de toute évidence que le corps de Christ ne saurait être qu’un.

Je m’arrête à la doctrine, en ajoutant que l’ensemble de l’Épître fait voir que les Colossiens étaient en danger de perdre de vue leur union intime avec la tête du corps, Christ en qui tout était accompli et par conséquent eux-mêmes en lui. En oubliant cette vérité, ils risquaient d’ajouter quelque autre chose qui n’aurait fait que la mettre de côté. C’est à cause de cela que l’Épître met plus en saillie les richesses et la perfection de Christ pour les rappeler aux Colossiens ; tandis que les Éphésiens qui tenaient ferme la foi de leur union avec lui, étaient capables de profiter des enseignements qui leur révélaient toute l’étendue de leurs privilèges. La bonté de notre Dieu a fait tourner à la bénédiction de l’Église dans tous les siècles la fidélité des uns et l’infidélité des autres, en en faisant l’occasion d’enseignements aussi précieux.

La première à Timothée, nous fournit quelques pensées précieuses, dans une courte phrase (ch. III, 15) : « La maison de Dieu, qui est l’Église du Dieu vivant, la colonne et le fondement de la vérité. » Ici, nous nous trouvons sur un terrain plus en rapport avec le caractère pratique de l’Église sur la terre ; elle est la maison de Dieu : c’est en elle que la vérité se trouve et pas ailleurs ; c’est elle seule qui la soutient dans le monde. Comprenons cette déclaration ; l’Église ne crée pas cette vérité, elle a été créée par elle. Elle n’y ajoute aucune autorité ni aucun poids. La vérité est de Dieu avant que l’Église la reçoive, mais elle la possède. Elle existe en tant qu’elle, et elle seule la possède. Où la vérité se trouve-t-elle ailleurs que dans l’Église ? Nulle part ; ce serait nier la vérité et les voies de Dieu que de supposer la vérité ailleurs que là. La vérité ne peut être autre chose que ce que Dieu a dit, sa Parole. Elle est vérité indépendante de toute autorité de l’Église, de toute autre que celle de Dieu qui en est la source ; mais là où est la vérité, en supposant un corps constitué par son moyen, là est l’Église, et l’Église qui la possède et subsiste en la possédant, la manifeste, par là même, au monde. L’autorité de l’Église ne fait nullement que ce qu’elle annonce soit la vérité. La vérité à elle seule ne fait pas l’Église, c’est-à-dire, que le mot Église renferme d’autres idées. Un homme seul qui est dans la vérité, n’est pas l’Église ; mais l’assemblée de Dieu est distinguée par la possession de la vérité de Dieu. L’assemblée qui n’a pas la vérité comme condition de son existence, n’est pas l’assemblée de Dieu.

Le passage qui nous occupe et l’importance de ce point seront mon excuse pour cette petite digression, qui ne se rapporte qu’indirectement au sujet de l’Église.

Il reste encore un passage qui nous présente l’Église d’une manière si complète, quant à son espérance et à son service, que je le citerai en terminant cette série de témoignages bibliques. C’est Ap. XXII, 17. « L’Esprit et l’épouse disent : Viens, et que celui qui a soif vienne ; et quiconque en veut, qu’il vienne et qu’il boive de l’eau de la vie sans qu’elle lui coûte rien. »

Dans ce passage nous trouvons l’Esprit introduit d’une manière très-remarquable ; c’est un peu analogue à Rom. VIII, 25. Ces deux passages montrent jusqu’à quel point le Saint-Esprit est considéré dans la Parole de Dieu, comme demeurant sur la terre depuis le jour de la Pentecôte, et comme s’identifiant, soit avec le chrétien, soit avec l’Église. Dans les Romains, Celui qui sonde les cœurs sait quelle est l’affection de l’Esprit, car il intercède pour les Saints selon Dieu. Or, il s’agit de nos soupirs. Ici, dans l’Apocalypse, l’Esprit et l’épouse disent : Viens. L’Esprit prend tellement sa place avec l’épouse, que le sentiment de l’Église est celui qu’exprime l’Esprit lui-même. L’Esprit est sur la terre et anime l’Église, étant la vraie source de ses pensées. L’Église animée par ces pensées mêmes, exprime ses affections sous l’influence du Saint-Esprit. Si ce n’avait été que l’expression de l’affection, on aurait pu douter de sa légitimité, ainsi que pour les soupirs dont il est parlé en Rom. VIII. Mais, puisque le Saint-Esprit s’y joint, ce désir d’un faible cœur a la force et l’autorité d’une pensée divine. C’est donc là ce qui caractérise l’Église dans ses désirs et son espérance ; elle veut que son Époux vienne. Il ne s’agit pas de la prophétie. C’est Christ qui l’a communiquée qui se présente lui-même. Je suis l’étoile brillante du matin. L’Église le connaît. Elle sera avec lui, avant que le grand jour de sa manifestation arrive : elle paraîtra avec lui en gloire. Mais, lorsqu’il est présenté ainsi dans sa personne, le désir ardent de l’Épouse est qu’il vienne. Mais il y a aussi un témoignage à rendre ; c’est ce qui suit. Ce témoignage appelle ceux qui écoutent, mais qui n’ont pas saisi leurs privilèges d’être de l’Épouse, à se joindre à ce cri : Viens. En attendant, l’Église possède déjà le fleuve d’eau vive, et se tournant vers ceux qui ont soif, elle les invite à venir et à s’y désaltérer librement.

Quelle belle position pour l’Église, pour nos cœurs : la première affection de son cœur se porte vers son chef, son époux, qui doit venir comme l’étoile matinière, la recevoir à lui-même dans le Ciel, avant qu’il soit manifesté au monde ; puis elle veut que tous les croyants partagent ce désir et renforcent son cri pour qu’il vienne.

Elle est en attendant, le vase et le héraut de la grâce, selon le cœur de celui qui lui en a fait part. Aurait-on pu imaginer pour de pauvres vermisseaux tels que nous, une position plus belle que celle que nous a fait la grâce souveraine et créatrice ? Si le lecteur examine le chap. XVII de l’Évangile de Jean, il trouvera que le but de la plus grande partie de ce chapitre, est de placer les fidèles, en commençant d’une manière spéciale par les Apôtres, dans la même position que Jésus, comme son remplaçant sur la terre. Nous savons bien que Lui seul, par son Esprit peut être la force par laquelle ils accomplissent une tâche pareille.

Cette vérité nous facilite l’intelligence de la vraie position de l’Église. Christ était sur la terre, mais un avec son Père. Il le manifestait sur la terre. C’était un homme sur la terre, mais un homme céleste, qui montrait sur la terre ce que c’étaient que l’esprit et les sentiments du Ciel, où l’amour et la sainteté règnent, parce que Dieu est amour et sainteté. « Le Fils de l’homme, » dit-il, « qui est dans le Ciel. » Dans ce cas, sa personne en était la cause tout en étant véritable homme et agissant par la puissance du St-Esprit dans une dépendance de Dieu qui faisait sa perfection comme tel. Dans le cas de l’Église, il est évident qu’il n’est plus question d’une personne divine. Cependant elle n’est pas du monde comme Christ n’était pas du monde. Unie à son chef dans le Ciel par le Saint-Esprit qui en est descendu, morte et ressuscitée avec lui et assise enfin dans les lieux célestes, elle est sur la terre où le Saint-Esprit est descendu, pour y manifester une marche céleste, les motifs et l’esprit du Ciel. Elle y demeure en Christ par l’Esprit ; sa vie y est cachée avec Christ en Dieu. Elle ne cherche rien ici-bas, déclarant hautement qu’elle cherche encore sa patrie ; elle est une, elle le sait. Elle ne peut pas être autrement. Son cœur peut-il reconnaître que Christ a une autre épouse, compagne de ses joies célestes ? La nature de son existence nécessite son unité, ainsi que le caractère de son époux et l’unité de l’Esprit. Elle est sur la terre, elle soupire après sa patrie et, encore plus, après son époux qui reviendra pour la prendre, afin que là où il est, elle soit avec lui.

En attendant, elle rend témoignage sur la terre comme unie en un seul corps par la présence du Saint-Esprit. Voilà la place où Dieu la reconnaît jusqu’à ce que Christ vienne la prendre à lui. Dès-lors, elle rendra témoignage dans sa gloire et par sa gloire, à l’amour qui l’a placée là, et à la puissante rédemption qui a pris de pauvres pêcheurs et les a placés dans la même gloire que le Fils de Dieu, et dans les mêmes relations avec son père, sauf ce qui est éternellement divin, « afin que Dieu montrât dans les siècles à venir les immenses richesses de sa grâce par sa bonté envers nous, en Jésus-Christ. » Ce que nous avons déjà dit nous conduit naturellement à la seconde partie du sujet que nous traitons, savoir quelle place l’Église tient dans les voies de Dieu.

Le côté céleste de cette question trouve sa réponse dans plusieurs passages que nous venons d’examiner, lesquels traitent le sujet de la nature de l’Église.

Nous avons déjà vu que Dieu a voulu que son Fils, dominateur de toutes choses comme Fils de l’homme, eût une épouse qui partageât sa gloire et sa domination, position glorieuse, témoignage de la grâce infinie de Dieu. C’est l’Église, la compagne de Jésus dans la gloire céleste. Or, ceci aura lieu en même temps que la gloire terrestre qui sera l’accomplissement des prophéties de l’Ancien Testament.

Pour l’administration de la plénitude des temps, Dieu réunira toutes choses dans les cieux et sur la terre, en Christ, comme chef, duquel l’Église est l’épouse et le corps. L’Ancien Testament qui nous donne l’histoire des voies de Dieu sur la terre, et dont la partie prophétique annonce ce qui en sera le résultat, ne nous révèle pas ce mystère. L’Église ne fait pas partie, en tant qu’Église, de la suite des voies de Dieu sur la terre. Objet des conseils de Dieu dès avant la fondation du monde, elle avait été cachée dans les profondeurs de ces conseils, jusqu’à ce que le Christ ayant été rejeté sur la terre, pût devenir son chef céleste ; et le témoignage de cette gloire ayant été aussi rejeté par les Juifs, qui, dans un certain sens, avaient droit aux promesses, la porte fut pleinement ouverte à la révélation de ce glorieux mystère, caché dans tous les âges. En considérant un peu les faits, soit à l’égard de l’homme, soit à l’égard des Juifs, l’opportunité de ces voies de Dieu se comprendra sans difficulté.

Jusqu’à ce que le Christ fût rejeté, l’homme avait été mis à l’épreuve de toutes les manières : sans loi, sous la loi, et même sous la grâce présentée dans la personne de Christ : car Dieu était en lui, réconciliant le monde avec soi en ne leur imputant pas leur péchés. Or, l’homme en mettant Christ à mort a été trouvé ennemi de Dieu, un ennemi qui haïssait sa miséricorde même, sa seule ressource toutefois, et qui la haïs sait parce qu’elle était de Dieu. Christ, nouvel homme, ressuscité, glorifié à la droite de Dieu, hors du monde, prend comme homme, la place où l’homme devait être selon les conseils de Dieu. Il y a un homme à la droite de Dieu, auquel l’Église peut être unie comme son corps, par le St-Esprit.

Une telle position céleste était impossible auparavant ; le corps ne pouvait pas subsister avant que la tête à laquelle il devait être uni, eût pris sa place, telle qu’elle lui était destinée dans les conseils de Dieu. Il n’y avait pas auparavant dans le Ciel un homme glorifié, auquel l’Église pût être unie.

Si nous considérons les Juifs, la chose est encore plus intelligible par d’autres raisons. Ils étaient l’objet des prophéties et des promesses. Le Christ devait leur être présenté. Jusqu’à ce qu’ils l’eussent rejeté, Dieu toujours fidèle, n’aurait pu les mettre de côté pour établir quelque chose qui eût nié leurs privilèges, en effaçant toute distinction entre le Juif et le Gentil, distinction qui devait être soigneusement maintenue par le Juif. La crucifixion de Jésus a mis fin à tout cela. On n’est pas Juif dans le Ciel.

Mais, l’homme ayant entièrement manqué à sa responsabilité, et les Juifs ayant rejeté Celui en qui l’accomplissement des promesses leur a été présenté, Dieu, avant de les accomplir, ainsi qu’il le fera, a révélé le mystère caché qui se rattache à la gloire céleste du Fils de l’homme, savoir, un corps uni à lui, rassemblé pendant le rejet d’Israël, et qui sera manifesté en gloire avec lui, lorsque, dans sa grâce souveraine, il reprendra sur la terre ses voies avec Israël, car l’aveuglement est arrivé à Israël en partie, jusqu’à ce que la plénitude des Gentils soit entrée. Israël, infidèle comme sont les hommes, a perdu tout droit à la jouissance des promesses, par le rejet de Celui en qui elles devaient s’accomplir. Car, après tout les Juifs étaient des enfants de colère comme les autres. Cela n’empêche pas cependant Dieu d’accomplir ses promesses. Lui ne peut être infidèle, quelle que soit l’infidélité de l’homme. Ses dons et son appel sont sans repentance, et l’aveuglement des Juifs n’est que temporaire (c’est l’instruction de Rom. XI), ainsi que leur a dit le Seigneur lui-même : « Votre maison sera délaissée jusqu’à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom de l’Éternel ! » Or, voici la sagesse parfaite de Dieu. Israël ayant rejeté le Christ lorsqu’il est venu se présenter au peuple, il n’y a pas de remède. Ce sera la grâce souveraine de Dieu qui le réintégrera, comme n’étant que de pauvres pécheurs, dans la jouissance des promesses selon la Parole. Châtié et gardé pour ce jour-là, Israël demeure sans vrai Dieu et sans faux Dieu, selon la prophétie d’Osée (III). Pendant cet intervalle, Dieu fait entrer la plénitude des Gentils, et montre sa sagesse multiforme, dans l’appel de l’Église, peuple céleste, établi sur plus que des promesses, sur une rédemption parfaite, accomplie dans l’acte par lequel Israël s’est placé sous la condamnation.

Mais, l’épreuve de l’homme et d’Israël n’est pas tout ce que nous trouvons dans l’histoire des siècles écoulés, avant l’accomplissement de la rédemption. Dieu avait aussi déployé la sagesse de ses voies, avec l’un et avec l’autre : sa puissance et sa patience, sa miséricorde, son gouvernement entre les mains des hommes, et selon les conditions de sa sainte loi, par des promesses et par des interventions miraculeuses, par des châtiments et par des bénédictions, par de justes jugements et par les soins les plus tendres, par les interventions de la Providence les plus magnifiques et les plus variées. Un monde, englouti dans les grandes eaux, avait, en disparaissant devant ses jugements, rendu témoignage aux voies de Dieu à l’égard des hommes.

Les Anges avaient vu ces choses, avaient vu la sagesse et la puissance de Dieu, en exercice dans ses voies avec les hommes sur la terre.

L’Église devait leur fournir une manifestation toute nouvelle des profondeurs des conseils et de la sagesse du Dieu infini qu’ils adorent, par l’union d’un peuple céleste à un Christ glorifié, après son rejet sur la terre.

La démonstration de l’incapacité de l’homme à profiter des voies de Dieu, lui en fournissait l’occasion. Ce n’étaient plus des preuves que Dieu gouvernait sur la terre ; mais, des soins qui, en laissant en apparence entre les mains des méchants ce qui était l’objet le plus cher à Dieu sur la terre, le préparaient, par là même, pour une gloire et une joie célestes.

Il reste encore une chose à faire remarquer, c’est que, jusqu’à ce que Christ fût glorifié, le Saint-Esprit ne pouvait pas descendre sur la terre ; car l’objet de son témoignage, la gloire céleste de Christ et la rédemption accomplie par son moyen lui manquaient encore. « Le Saint-Esprit n’était pas [L’expression de : « n’était pas encore, » qui est la traduction simple et exacte du passage, montre à quel point la présence du Saint-Esprit sur la terre, descendu du Ciel et demeurant dans l’Église, était une réalité pour les Apôtres, et remplissait leur pensée, comme étant pour eux le tout de l’idée du Saint-Esprit ; car, en effet, il était là. Il ne s’agit pas évidemment de l’existence du Saint-Esprit comme personne ; mais puisque maintenant il était descendu et présent sur la terre, en vertu de la rédemption et de la gloire de Christ, cette présence était pour eux le Saint-Esprit. C’est la même expression (Actes, XIX). « Nous n’avons pas ouï dire que le Saint Esprit est. » C’étaient des disciples de Jean-Baptiste, qui leur avait dit que l’Agneau de Dieu les baptiserait du Saint-Esprit. Et ils disaient à Paul que, non-seulement eux ne l’avaient pas reçu, mais ils ne savaient pas s’il était déjà.] encore (donné), parce que Jésus n’était pas encore glorifié. »

Nous allons voir avec quelle clarté la parole de Dieu nous présente l’Église comme une révélation toute nouvelle de ce qui n’avait eu aucune existence auparavant, sauf dans les conseils éternels de Dieu, qui ainsi lui prédestinaient une existence en dehors de la suite des siècles.

Les écrits de Paul, qui a été choisi pour rendre ce témoignage et pour annoncer aux Gentils les richesses incompréhensibles de Christ, ministère qui se rattachait à ces vérités, sont remplis de cette doctrine, en mettant en saillie cette gloire de Christ, qui était au-dessus de tout ce dont les prophètes avaient parlé ; ainsi dans 1 Tim. III, 16, ayant parlé de l’Église, dans un passage déjà cité, il tourne naturellement vers la vérité dont l’Église était la colonne, ce mystère de piété. Un Messie, accomplissement des prophéties, n’était pas un mystère. Mais il n’avait jamais été parlé d’un Christ, tel que l’apôtre Paul le présente dans le verset 16 : Dieu manifesté en chair, justifié en Esprit, vu des Anges, annoncé aux Gentils, objet de la foi du monde, reçu en haut dans la gloire. Certains éléments qui s’y trouvent, se rattachaient au Messie sur la terre, parce que ce même Messie, monté en haut, doit en redescendre pour accomplir les promesses faites aux Juifs. Mais, un ensemble pareil n’avait jamais été présenté à la foi.

Quant à l’Église, la chose est vraie d’une manière encore plus absolue. Voici ce que l’Apôtre en dit (Éph. III, 9-11) : « Pour faire voir à tous quelle est la communication du (participation au) mystère, lequel, depuis la fondation du monde a été caché en Dieu, qui a créé toutes choses, afin que la sagesse infiniment variée de Dieu soit maintenant donnée à connaître aux principautés et aux puissances, dans les lieux célestes, par le moyen de l’Église, selon le dessein éternel de Dieu arrêté dans le Christ Jésus. » Impossible d’avoir quelque chose de plus absolu que « caché en Dieu [Aussi, c’est un privilège tout spécial que possède l’Église de connaître le Fils de Dieu, lorsqu’Il est caché en Lui. C’est un privilège qui montre l’intimité des communications dont Dieu favorise l’Église. Le monde et même Israël ne verront Christ que lorsqu’Il sera manifesté. Mais, lorsque Dieu l’a caché à ce monde, l’ayant retiré de devant son iniquité, et l’a fait asseoir à sa droite, caché en Lui ; c’est alors qu’Il fait part à l’Église de ses délices en Christ, connu de l’Église, tel qu’Il est à la droite de Dieu. La comparaison du VIIIe des Proverbes rend cette pensée encore plus frappante. Les enfants des hommes ayant rejeté Christ, celui-ci actuellement ne peut se réjouir en eux (ainsi qu’Il le fera plus tard) ; c’est alors que l’Église (Christ étant caché en Dieu) a part aux délices que le Père trouve dans cet objet précieux de son affection.]. » Le mystère de l’Église, caché dans les profondeurs de ses conseils, ne se dévoilait pas.

Elle n’existait pas non plus. C’est maintenant qu’elle manifeste aux principautés et aux puissances la variété qui se trouve dans la sa gesse de Dieu. Elles avaient vu sa patience, sa puissance, son gouvernement ; mais jamais un corps céleste sur la terre, uni à son Fils dans le Ciel. Ainsi, pour le moment, Dieu pouvait laisser de côté le cours de son gouvernement d’un peuple terrestre, pour être en relation avec un peuple céleste.

Ce passage est très-clair sur ce point-ci : que l’Église n’existait pas auparavant et n’était pas non plus révélée. Jusqu’alors elle avait été un mystère caché en Dieu, qui, l’ayant établie dans ses conseils, éprouvait l’homme sous son gouvernement sur la terre, avant de créer un système céleste, basé sur une rédemption accomplie, en union avec le second Adam dans le Ciel.

Il est important que le lecteur mette bien dans son esprit, l’enseignement de ce passage. Le but de l’Apôtre est de montrer que l’Église est une chose nouvelle. Il y avait eu d’autres moyens pour démontrer la sagesse et les voies de Dieu : des moyens terrestres. Maintenant, les existences célestes voyaient dans l’Église un genre de sagesse tout nouveau. Ce n’était pas seulement que l’Église n’existait pas encore ; mais elle n’avait pas été révélée avant son existence. Elle avait été un mystère caché en Dieu. Ce dernier point est confirmé par d’autres passages que nous allons citer.

Mais il est bon de développer le premier point, par l’enseignement de la fin du ch. II. L’union des Juifs et des Gentils dans un seul corps, l’Église, est constatée comme la conséquence de la croix, dans les versets 14 et 15, de la manière la plus formelle. La paroi mitoyenne établie par Dieu lui-même, et absolument obligatoire, n’a été renversée que par la croix, et, par son moyen, ils étaient réconciliés les uns et les autres avec Dieu en un seul corps : ceux qui étaient loin et ceux qui étaient près. La paroi ayant été abolie, ils avaient été édifiés sur le fondement des Apôtres et des prophètes ; c’est-à-dire, l’Église n’a existé qu’après l’époque où la croix de Jésus avait rendu possible l’union des Juifs et des Gentils [Cette union aurait été un péché avant le rejet de Christ, avant la croix.]. L’inimitié de l’homme contre Dieu ayant été manifestée, l’inimitié de sa nature même, fût-il Juif ou Gentil, et les Juifs ayant perdu tout droit à la jouissance des promesses, la grâce les reçoit d’une manière souveraine, les uns et les autres, selon les conseils éternels de Dieu, pour un meilleur héritage. Dieu lui-même, dans la personne du Fils, ayant été manifesté en chair, ayant mis les choses sur le pied des réalités éternelles, en dehors de toute économie ou administration terrestre, élevé dans la gloire après s’être acquis un peuple (qui était associé à lui-même, selon l’élection arrêtée avant la fondation du monde), lui fait partager cette gloire comme son épouse et son corps.

J’en reviens à la révélation de ce mystère.

En parlant de l’Église corps de Christ (Col., I, 16), l’Apôtre l’appelle « le mystère qui a été caché dans tous les siècles et dans tous les âges, mais qui est maintenant manifesté à ses Saints, auxquels Dieu a voulu donner à connaître les richesses de ce mystère parmi les Gentils, c’est à-dire, Christ en nous, l’espérance de la gloire. »

Pour le Juif, le Christ est l’accomplissement de la gloire ; mais Christ, présent en Esprit, devient l’espérance de la gloire céleste pour ceux en qui il demeure. De même aussi dans l’Épître aux Romains : « Or, à celui qui peut vous affermir, selon mon Évangile et la prédication de Jésus-Christ, selon la révélation du mystère qui a été caché dans les temps passés, mais qui est maintenant manifesté, etc. »

Plus on examine les Épîtres de Paul et de Pierre, plus on trouve d’exemples du contraste entre les espérances et l’élection des Juifs et celles des chrétiens (seulement Pierre [Il n’y a que Paul qui parle de l’Église, et ainsi que nous voyons (Éph. III, 3), comme d’une vérité qu’il avait reçue par une révélation particulière. Il n’y a que lui qui emploie le mot même, dans son application au corps entier. Saint Jean parle, deux fois, d’une Église particulière.] ne traite jamais le sujet de l’Église), et plus on trouve l’élection éternelle de l’Église mise en évidence.

Ce mystère est aussi appelé le mystère de Christ (Ép. III). Car, en effet, auparavant c’était un Christ homme, individu, quelle que fût sa gloire, et non un Christ, tête d’un corps spirituellement uni à lui. L’Apôtre ajoute que c’était par une révélation spéciale qu’il avait reçu con naissance d’un mystère qui n’avait pas été manifesté aux enfants des hommes dans les autres âges. Ce mystère était que les Gentils sont héritiers et d’un même corps. (V. 3, 4, 5.)

Ces passages [Je rappelle l’expression déjà citée. Ministre de l’Église pour accomplir (rendre complète) la Parole de Dieu. Il manquait encore à cette Parole quelque chose des révélations voulues de Dieu, savoir l’Église. Dieu s’est servi de l’apôtre Paul pour administrer cette vérité.] démontrent assez de quelle manière saint Paul présente l’Église comme une doctrine essentielle de la vérité, mais qui, comme mystère, n’avait pas été révélée dans l’Ancien Testament et qui n’avait jamais eu son accomplissement avant que la mort de Jésus eût clos toutes les relations de Dieu avec Israël, en tant que l’accomplissement des promesses et des prophéties sur lesquelles ces relations étaient fondées, dépendait de la foi et de la fidélité de l’homme.

Ces passages montrent aussi qu’Israël ayant été aveuglé pour un temps, Dieu qui accomplira certainement les promesses faites à son peuple terrestre, a trouvé dans la période de leur aveuglement l’occasion de manifester ce fruit admirable de ses conseils éternels, savoir : l’Église, qui, lorsque Israël sera établi par grâce dans la jouissance des promesses qui lui ont été faites, brillera comme l’Épouse du Seigneur, de l’éclat dans lequel il sera lui-même manifesté.

Telle est l’Église, telle est sa destinée. En attendant, quelle est sa place et quelle est sa vocation ? Nous l’avons dit, le St-Esprit descendu du Ciel la rassemble sur la terre ; et si l’Époux tarde à venir et que des âmes aillent attendre auprès de lui le moment de la réunion de tous les siens, ressuscités ou transmués, dans sa présence dans l’air, ce qui reste des rachetés rassemblés ici-bas, où le Saint-Esprit le consolateur demeure, forme toujours l’Église. Il peut y avoir de l’ignorance ; ses membres peuvent être dispersés çà et là ; l’Église a pu être infidèle et dépouillée de ses ornements ; mais il n’en est pas moins vrai que, jusqu’à ce que Christ l’appelle à sa rencontre dans l’air, elle est toujours l’Église, toujours l’Épouse de Christ. Elle a été fiancée à lui, comme une vierge chaste. Or, c’est à un Christ céleste. Israël est son peuple sur la terre. Pendant que Christ est dans le Ciel, le Saint-Esprit rassemble l’Église pour être à lui dans le Ciel.

Que l’Église ait une vocation céleste, ce n’est cependant pas toute la vérité à l’égard de ses relations avec Christ. Elle est aussi son Épouse et son corps. Lorsque toutes les pensées de Dieu seront accomplies, elle sera de fait avec lui ; ses pensées et son caractère devront être formés d’après sa portion selon Dieu. Aussi est-elle déjà unie à Christ par l’Esprit.

Elle est une, elle ne peut être qu’une ; mais il y a d’autres traits encore qui la caractérisent. Lorsque le monde a rejeté Christ, le monde s’est jugé et condamné ; maintenant, dit le Seigneur, lorsque sa mort s’est présentée à son esprit, est le jugement de ce monde.

L’Église a été établie en grâce, lorsque les relations de Dieu avec le monde sur le pied de la responsabilité de l’homme ont fini pour toujours, par le rejet de Christ. Ainsi elle a été appelée à sortir du monde pour être reçue de Dieu. Elle est à Christ seul, un peuple qui lui appartient en propre. « Vous n’êtes pas du monde, dit Jésus, comme moi je ne suis pas du monde. » Ce n’est pas non plus individuellement que cela a lieu. « Qu’ils soient un, dit le Seigneur, afin que le monde croie. » C’est une unité sensible au monde qui en est dehors. « Qu’ai-je à faire, dit l’Apôtre, à juger ceux qui sont de dehors ! Ne jugez-vous pas ceux qui sont de dedans ? Ceux qui sont de dehors, Dieu les juge. Le St-Esprit est sur la terre pour établir l’union la plus étroite et la plus formelle entre les membres du corps ; ils étaient membres les uns des autres, cette vérité était reconnue entre eux. Tous savaient qu’un chrétien n’était pas du monde, parce qu’il était de l’Église. « Si l’un des membres souffre, tous les membres souffrent avec lui. » Cette unité était bien clairement manifestée dans chaque localité, c’était l’Église de l’endroit, ainsi que les adresses mêmes de plusieurs Épîtres le démontrent ; mais cette unité locale constatait l’unité universelle. Chacun qui en faisait partie, faisait partie par cela même de l’unité universelle. Les docteurs, les Évangélistes, les Apôtres, les Timothée, les Tite, les, Paul, n’étaient pas d’une Église plus que d’une autre : les dons étaient des membres du corps. L’idée d’être membre d’une Église ne se trouve pas dans la Bible. Il s’agit d’une toute autre pensée, des membres du corps de Christ. Mais ces liens, ces jointures de fournissement qui agissent dans les Églises locales, mais qui étaient de l’Église, constataient l’unité de tout le corps et la rendait visible et parfaitement sensible au monde.

Les chrétiens se reconnaissaient et étaient reconnus comme étant un corps, un seul corps bien connu et bien dessiné, comme ayant des intérêts communs et les liaisons les plus étroites, comme un corps à part du monde. Le St-Esprit ne peut pas unir le monde et l’Église, qu’Il a tirée du milieu de ce monde. Si elle est une dans le monde, il est évident que son devoir est de glorifier le Seigneur dans cette unité et par cette unité, et comme un tout ; car c’est la responsabilité qui s’attache à toute position quelconque dans laquelle nous sommes placés par Dieu. Mais les motifs sont d’autant plus puissants, que la grâce de cette position est excellente. Nous sommes le sel de la terre, la lumière du monde, une cité située sur une montagne, l’Épître [Il n’est pas dit : Les épîtres. C’était l’ensemble de l’Église de Corinthe qui était l’épître.] de Christ, épître qui doit être lue et connue de tout le monde. Le corps de Christ devait reproduire, par la puissance de l’Esprit, le caractère de son chef et ainsi le glorifier sur la terre. L’Épouse devait manifester son attachement à l’Époux, à qui elle appartient entièrement et exclusivement.

On parle d’une Église invisible. La Parole n’en parle pas. C’est une idée qui nie la force des passages que nous venons de citer. La dispersion des enfants de Dieu les a cachés. Quelqu’un oserait-il nier que les individus ne doivent pas être invisibles, c’est-à-dire, cacher leur christianisme ? « Que votre lumière luise devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans le Ciel. » Il est donc évident que les individus ne doivent pas être invisibles. Or, si cela est vrai, dire que l’Église doit l’être, reviendrait à dire que les individus ne doivent pas être unis. Or, il est certain que le Seigneur dit qu’ils auraient dû être un, afin que le monde crût.

S’il y a des divisions, ils sont charnels et marchent comme les hommes. Si c’est le devoir de tout chrétien individuellement de faire luire sa lumière devant les hommes, et que tous ces individus soient intimement liés et fassent corps à part en dehors du monde, et cela partout, faisant profession publique de leur union (et c’est ce qui avait lieu au commencement, sans controverse), dire que ce corps est invisible est un non-sens. Or ce corps, c’est l’Église. Une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Mais, ceci soit dit en passant. Jusqu’à quel point l’Église réalise cette position, n’est pas la question que je traite maintenant. Je parle de l’Église telle qu’elle est présentée dans la Parole.

Mais, si l’Église est l’épouse de Jésus, elle doit, comme telle, désirer le glorifier pendant son absence. Elle doit avoir son cœur à lui, recevoir ses directions de lui seul. Si elle est la maison de Dieu, elle doit chercher à se conserver pure, à cause de la sainteté de l’Esprit qui y demeure. Si elle est la colonne et l’appui de la vérité, elle ne pourra souffrir autre chose que la vérité qui fait la base de son existence. Car, la révélation glorieuse de Christ, qui a accompli sa rédemption, « Dieu manifesté en chair, annoncé aux Gentils, reçu en gloire, » a fait exister l’Église, comme elle en est le témoin. Se reconnaissant pour être l’épouse de l’Agneau, elle aura les affections qui conviennent à une pareille relation, elle désirera la venue de l’Époux pour la recevoir à Lui. Elle comprendra qu’elle est à lui dans le Ciel et ne se confondra pas avec le monde, et saura discerner son attente à elle d’avec l’apparition de Jésus pour juger le monde, [Lorsqu’il s’agit de la responsabilité des individus, soit chrétiens, soit du monde, c’est de la manifestation de Jésus que parle le Nouveau Testament. Pour la joie et la portion de l’Église, selon les conseils de Dieu en grâce ; c’est l’arrivée de Christ dans l’air, avant son apparition, que la Parole nous présente comme objet de la foi et de l’Espérance.] tout en y croyant fermement. Elle sait que, lorsqu’Il paraîtra, elle paraîtra avec Lui en gloire. Ainsi, séparée du monde par la puissance de l’Esprit qui est la force et les arrhes de cette espérance, elle cherchera à la réaliser, autant que possible, sur la terre. « Celui qui a cette espérance se purifie, comme Lui aussi est pur. »

C’est là aussi la force de l’enseignement de Phil. III, qui cependant s’adresse à l’individu. Je le cite, parce que je parle de l’effet moral de cette vérité dans le cœur du chrétien.

Celui qui aura appris cette vérité, aura la conscience que l’Église est une et ne peut être qu’une. Il aura la conscience qu’elle est à Christ et ne peut être qu’à lui. Il aura la conscience qu’elle devrait manifester cette vérité, et rendre un témoignage constant et pratique qu’elle est à lui seul. La présence en elle du Saint-Esprit, qui réunit les membres en un seul corps, sera la force et la vie de ce témoignage ; ce chemin sera le chemin de la foi, et le chemin de la foi sera le chemin des souffrances. Mais ce seront les souffrances de Christ pour son corps, afin que nous soyons glorifiés ensemble.

FIN.

retour à la page d'index des textes en ligne