Le servir dans sa présence

L’AMOUR DE CHRIST

L’amour de Christ nous étreint.

2 Corinthiens 5.14

Le vocabulaire évolue. Avant 1939, dans les cercles évangéliques, on parlait plus volontiers des âmes que des personnes. On disait, par exemple : Tout vrai chrétien doit posséder « l’amour des âmes » ; Alençon est une ville de « quarante mille âmes » ; ou encore : « Combien d’âmes étaient-elles présentes à la réunion d’hier soir ? Y a-t-il des « âmes » qui ont levé la main pour répondre à l’appel du Sauveur ?

L’emploi de ce terme agaçait à tel point un prédicateur qu’il conseillait à ses auditeurs, non sans humour (je l’ai entendu de mes oreilles !) : « Ne vous asseyez pas sur le premier banc, je l’ai réservé aux âmes des absents qui m’ont dit, durant la semaine “Nous n’assisterons pas au culte dimanche prochain, mais nous serons avec vous par la pensée et par le cœur !” »

Puisque Dieu s’intéresse à la personne tout entière, c’est la personne tout entière que Dieu nous demande d’aimer ; j’agirai donc pour son bien physique si elle est malade ou démunie, toujours avec désintéressement. Et si je secours un malheureux notoirement fermé à l’Evangile, je l’assisterai avec un égal amour puisque c’est une créature également aimée de Dieu. Jésus ne s’est pas seulement intéressé à ceux qui lui étaient favorables, puisqu’il a guéri tous les malades qu’on lui amenait, disciples ou non. Une maman ne serait-elle pas heureuse d’apprendre que je suis venu en aide à son fils, engagé pourtant sur une mauvaise voie ? Et le Créateur, qui ne fait acception de personne et fait lever son soleil sur les bons et les méchants ne serait pas heureux de me voir rechercher le bien de l’une de ses plus indignes créatures (Matthieu 5.45) !

Il faut distinguer l’amour que l’homme témoigne à son semblable — ou ce qu’il croit être l’amour — de l’amour que Dieu communique à l’homme qui se confie en lui. Ils n’ont rien de commun entre eux. Ce qui « presse » l’apôtre Paul et le pousse à annoncer la Bonne Nouvelle de la réconciliation, ce n’est pas « son » amour, le sien, mais c’est l’amour même du Christ, un amour reçu d’En Haut (2 Corinthiens 5.14). Cet amour l’étreint, le domine et l’oblige à se donner sans mesure à son prochain, et toujours avec joie. A ses amis de Philippes, Paul ne déclarait-il pas : Dieu m’est témoin que je vous chéris tous avec la tendresse de Jésus-Christ (Philippiens 1.8) ?

Notre cœur naturel est incapable de produire l’amour. Aussi est-il vain de dresser la liste des commandements de Dieu en disant, par exemple : « A partir de maintenant, je suis fermement décidé à aimer mon prochain. Je suis résolu à tout supporter, à ne jamais soupçonner le mal, à rester patient et maître de moi-même dans les moments difficiles ; je riposterai par l’amour lorsqu’on me voudra du mal… »

Qui parle ainsi connaîtra inévitablement l’échec ! Même la personne la plus sensible et la mieux intentionnée ne peut produire l’amour. L’Amour, le vrai, jaillit ; sa source, c’est le Seigneur. Et parce qu’il est don de Dieu, l’amour est à recevoir. Donc, à demander avec foi. Conformément aux promesses de Dieu, il sera accordé à quiconque reconnaît en manquer, désespère de lui-même, mais s’abandonne avec confiance au Seigneur « pour en être revêtu. » N’est-ce pas l’apôtre qui dit encore : Par-dessus toute chose, revêtez-vous de l’amour qui est le lien de la perfection… Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ… ? En vérité, l’amour est une personne ; c’est Jésus lui-même. Et c’est son amour, l’amour du Christ, le Christ lui-même « qui nous presse ».

Si quelqu’un a soif (d’aimer), qu’il vienne à moi, et qu’il boive ! dit précisément Jésus (Jean 7.37).

O. Chambers affirmait : « Quand nous faisons des efforts pour prouver à Dieu que nous l’aimons, c’est le signe certain que nous ne l’aimons pas. Mais quand son Esprit est libre de se déployer en nous, c’est spontanément qu’il nous est donné d’aimer ; généralement, c’est plus tard que nous découvrons que, dans telle circonstance, nous nous sommes montrés étonnamment désintéressés, patients, pleins de bonté. Ce qui ne nous était pas habituel. Notre surprise, alors, est grande d’avoir agi ou parlé d’une manière toute nouvelle qui, visiblement, ne venait pas de nous. L’amour est répandu dans nos cœurs, par le Saint-Esprit qui nous a été donné. (Romains 5.5). »

Amour de l’homme et amour du Christ n’ont rien de commun. Le premier, même si cela n’apparaît pas, est recherche de soi. Il a le « moi » pour centre et pour moteur. Je peux me montrer aimable, généreux, serviable, me dépenser sans compter dans une œuvre de charité sans pour autant aimer de l’amour du Christ ; je peux faire l’aumône sans vraiment m’intéresser à la personne qui tend la main, en cédant à la pitié ou simplement pour calmer ma conscience, parfois pour être approuvé ou admiré, pour avoir la satisfaction d’avoir bien agi. Paul ne précise-t-il pas qu’on peut distribuer tous ses biens pour la nourriture des pauvres, sans être « poussé » par l’amour authentique (1 Corinthiens 13.3) ?

Vous noterez que l’amour, le vrai, peut s’exprimer différemment chez les chrétiens. En effet, le Fils de Dieu n’a pas, comme Saint Martin, partagé sa robe « sans couture », laquelle devait être un vêtement de prix. Lui reprochera-t-on pour autant de s’être montré moins compatissant que l’évêque de Tours, donc de lui être inférieur ? Jésus n’a pas fondé, comme Georges Muller ou comme William Booth, une œuvre destinée à venir au secours des orphelins, des délinquants, des mendiants, des sans-abri, alors qu’il en rencontrait constamment sur sa route ; il n’a pas davantage cherché à sensibiliser l’opinion en faveur des épouses battues, des enfants abandonnés ou violés, des foyers sans ressources… Et pourtant, Jésus n’a pas cessé d’aimer, lui qui se réjouissait et se réjouit de voir les siens se dépenser sans compter pour leurs semblables comme l’ont fait Muller ou Booth. Quelqu’un a dit : « La spécialité du chrétien, c’est la charité. »

Deux choses caractérisent l’amour du Christ :

  1. il est sans hypocrisie, sans recherche de soi ;
  2. il a toujours valeur de sacrifice.

1) Amour sans masque.

L’apôtre Paul conseille : Que l’amour soit sans hypocrisie (littéralement : sans masque) ; détestez le mal, attachez-vous fortement au bien… (Romains 12.9). La deuxième phrase de cette citation n’est pas une recommandation banale de détester le mal et d’aimer le bien. Paul tient à préciser que « l’amour n’est pur que lorsqu’il est ennemi déclaré du mal, même dans la personne de ceux que l’on aime ; il met toute son énergie à travailler à leur progrès dans le bien. Dénué de cette rectitude morale qui est l’esprit de sainteté, l’amour n’est qu’un produit de l’égoïsme. » (F. Godet). L’amour du prochain est souvent l’une des formes les plus subtiles de l’amour-propre. « On se montre aimable pour être populaire et se faire bien voir de tout le monde. On jouit de se sentir en si bons termes avec chacun. Intérieurement, on est souvent agacé et l’on aurait bien des remontrances à faire à son prochain, mais, préoccupé de plaire, on feint de s’entendre à merveille. Pour rester en bons termes avec son entourage, on se garde de dévoiler le fond de sa pensée, de dénoncer l’erreur ou le péché. » (Deluz) Le chrétien doit être et non paraître. L’amour veut le bien du prochain. Et il agit en conséquence.

Jésus est notre modèle par excellence, lui qui veut nous communiquer son amour. Relisez les Evangiles et vous constaterez que c’est sans distinction et en toute liberté, qu’il a côtoyé ses contemporains. La désapprobation que pouvaient entraîner ses actes et ses fréquentations ne l’arrêtait pas. Il a mangé ouvertement avec les publicains, les gens de mauvaise vie, le rebut de la société, pleinement conscient qu’il serait critiqué, voire combattu, même par les autorités religieuses. Il restait libre de frayer avec Zachée, un percepteur d’impôts à la solde de l’Occupant, donc un personnage détesté, honni par la nation. Ignorant la crainte des hommes, peu soucieux du qu’en-dira-t-on, Jésus pénétrait en Samarie avec les Douze (donc sans se cacher) alors qu’un Juif ne se hasardait pas ou ne s’autorisait pas à fréquenter les Samaritains, ces gens méprisables, venus de Mésopotamie et dont la religion n’était qu’hérésie. Le Maître n’a méprisé personne. Il a tellement aimé le jeune homme riche qu’il a jugé nécessaire de lui parler sans ménagement, de lui révéler son péché en dénonçant, en particulier, son amour des richesses. Il n’a rien fait pour obtenir de lui quelque largesse. Il ne l’a pas retenu pour avoir un disciple de plus. Et pourtant, le langage de Jésus, quoique rude – celui de l’amour sans masque –, a eu de l’impact chez ce jeune homme au demeurant fort sympathique. S’il est parti « tout triste », c’est qu’il était repris intérieurement. Le Saint-Esprit agissait en lui. S’il avait été semblable aux Pharisiens, ce nanti les aurait quittés furieux, en jetant l’anathème sur le Christ. Tel n’a pas été le cas de ce garçon qui s’est éloigné sans ajouter un mot, visiblement ébranlé dans sa conscience. Le Maître devait-il poursuivre la conversation pour le mieux convaincre, insister et revenir à la charge pour qu’il devienne son disciple ? Non ! Jésus a jugé bon de le laisser partir ; car il était nécessaire que le jeune homme se retrouvât seul devant Dieu pour réfléchir et capituler. La décision de suivre le Christ doit être prise lucidement. Qui aime respecte la liberté de l’autre.

2) L’amour se donne en sacrifice.

Un amour qui ne coûte rien n’est pas le vrai. On ne peut aimer et donner sans se donner, sans renoncer à quelque chose. Ici encore, Jésus est notre modèle, lui qui s’est livré à ses bourreaux alors qu’il pouvait leur échapper et disparaître à la faveur de la nuit. Une fois élevé « sur le bois », le Fils de Dieu refusa d’obéir aux moqueurs qui lui suggéraient de quitter la croix ; il avait le pouvoir de foudroyer ses ennemis et de gravir en vainqueur le trône d’Israël. Il s’en est abstenu. Les souffrances qu’il allait connaître et dont il connaissait à l’avance l’étendue, ne l’avaient pas détourné du sacrifice suprême. C’est par obéissance à son Père et par amour pour l’homme pécheur, qu’il se livra à la mort de la croix. Oui, quel amour !

Paul possédait l’amour du Christ et il disait vrai lorsqu’il affirmait être dominé par cet amour. A Damas déjà, il s’était montré prêt au sacrifice car il acceptait la perte de ses amis et l’hostilité de sa nation pour suivre son nouveau Maître ; du même coup, il renonçait aux honneurs, aux richesses, à la vie facile. A cause de cela, j’ai tout perdu et je considère tous ces avantages comme de la boue, afin de gagner Christ (Philippiens 3.8). Il n’ignorait pas que la souffrance, l’opposition, les critiques, la prison, les coups, la mort, seraient désormais son partage, mais il y consentait avec joie pour plaire à son Sauveur. Ne disait-il pas, dans sa prison à Rome : Pour moi, partir (mourir), c’est le meilleur ?

Est-ce à dire que le chrétien doive nécessairement subir le martyre ? Non, bien sûr ! Mais il y a mille façons de s’offrir en sacrifice pour Dieu, en acceptant, par exemple, comme conséquence de sa fidélité au Christ, d’être méprisé et piétiné tel un paillasson, considéré comme le rebut de la société (1 Corinthiens 4.13) ou en consentant à perdre ses biens à l’instar des chrétiens juifs de jadis (Hébreux 10.32-34), à vivre dans l’oubli, en solitaire, désapprouvé, à s’user au service des autres et, dans le succès, à donner gloire à Dieu seul. Saint Paul disait à ses lecteurs : Si je sers de libation pour le sacrifice, et le service de votre foi, je m’en réjouis et je me réjouis avec vous tous (Philippiens 2.17)

Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans citer la prière du même apôtre : Que Dieu vous donne, selon les richesses de sa gloire, d’être puissamment fortifiés par son Esprit dans l’homme intérieur, en sorte que Christ habite dans vos cœurs par la foi ; afin qu’étant enracinés et fondés dans l’amour, vous puissiez comprendre avec tous les saints, quelle est la largeur, la longueur et la hauteur, et connaître l’amour de Christ qui surpasse toute connaissance, en sorte que vous soyez remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu. Or, à celui qui peut faire, par la puissance qui agit en nous, infiniment au-delà de tout ce que nous demandons ou pensons, à lui soit la gloire dans l’Eglise et en Jésus-Christ, dans toutes les générations, aux siècles des siècles. Amen (1).

(1) Nous vous proposons de lire, si possible, le chapitre 11 de notre livre « Sa Présence », édité par la Ligue pour la Lecture de la Bible.

QUESTIONS

  1. Admettez-vous que, par nature, vous n’êtes pas porté à aimer ceux qui ne vous sont pas sympathiques ou qui vous ont fait du mal dans un passé plus ou moins lointain ?
  2. Voudriez-vous demander à Dieu de purifier votre cœur de toute amertume ou rancœur ? Pouvez-vous dire de telle personne qui vous éprouve « Je l’aime de l’amour du Seigneur » ?
  3. Etes-vous résolu à pardonner à celui qui vous a fait du tort ? Acceptez-vous de le bénir et de lui venir en aide s’il le faut ? Ici, relisez le chapitre treize de la première épître de Paul aux Corinthiens.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant