Vie de Saint Antoine

Je vous conjure, ne lisons pas seulement ce livre, mais imitons ce qu’il contient et ne prétextons ni le lieu, ni l’éducation, ni la perversité des temps présents.

Saint Chrysostôme, In Math. homil. 8, tome VII, page 150 ; édition Gaume.

PRÉFACE

On a mêlé si souvent la légende à l’histoire dans la vie de saint Antoine le Grand, qu’il ne paraîtra pas hors de propos de relire ce qu’a écrit de cet homme de Dieu le plus illustre de ses contemporains au quatrième siècle, saint Athanase. Le récit du docteur de l’Église ne saurait être, dans sa simplicité, plus instructif à la fois et plus édifiant. Il nous montre comment celui qui était appelé à devenir le patriarche des solitaires, un jour, à vingt ans, riche, honoré, n’aimant que la gloire et les plaisirs, se recueille sous l’impression de quelques paroles de l’Évangile, et aussitôt renonce à tout, vend ses terres, distribue sa fortune aux pauvres, puis se retire dans le désert de la Thébaïde, et là s’exerce jusqu’à l’âge le plus avancé à la pratique non-seulement du travail et de la prière, mais de toutes les œuvres de la charité et de l’apostolat, multipliant les monastères à l’orient et à l’occident du Nil, donnant aux cénobites, avec de nobles exemples, des conseils empreints de la bonté la plus tendre et de la sagesse la plus éclairée, attirant les peuples et les empereurs dans la solitude par le renom de sa sainteté, redescendant au besoin lui-même du fond du désert au milieu du monde pour confondre le paganisme et l’hérésie, apaiser les dissensions, guérir les malades, consoler les affligés, et avec cela ne cessant d’opposer au spectacle des joies qui énervent et qui tuent, le spectacle de la pénitence qui retrempe et qui sauve. Tellement, d’après saint Paul, nous pouvons toutes choses en Celui qui nous fortifie. Quant à ces combats extraordinaires, si connus sous le nom de tentations de saint Antoine, l’historien les décrit sans en témoigner la moindre surprise, et tels que les religieux qui étaient là lui en parlaient, tels surtout que le saint anachorète les avait soutenus, c’est-à-dire comme des révoltes de la chair contre la volonté et des tentations du malin esprit, qui fatigue de mille embûches, obsède de mille fantômes une vertu qu’il ne peut vaincre. Luttes terribles, sans doute, mais où l’athlète de la pénitence résistait toujours, parce que dans l’épreuve il redoublait de zèle, de jeûnes, de prières, jusqu’à ce que la voix d’en haut vînt se faire entendre et dire : Courage, mon fils ! Dieu est avec toi. Et lui, écoutant ces paroles, chantait en actions de grâces au Christ son Sauveur quelque psaume de bénédiction et de délivrance.

Tel est ce livre où le plus grand des solitaires est célébré par son disciple et son ami, celui-là même qui, au prix de tant de souffrances, fit triompher la vraie foi au concile de Nicée, l’immortel Athanase.

Nous devons savoir gré au pieux et savant M. de Rémondange d’avoir mis à la portée de tous le texte grec du saint docteur en le traduisant dans notre langue, et à Mme de Rémondange de le publier aujourd’hui en hommage à la mémoire de l’homme de bien qu’elle a perdu. Puisse la lecture de cette sainte vie, qui a été si populaire dans la primitive Église, mériter de l’être encore quelque peu de nos jours, et glorifier une fois de plus le Seigneur dans ses Saints ! – Mirabilis Deus in sanctis suis[3].

L’abbé ***.

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