LA RÉVOLUTION DE LA CROIX

CHAPITRE V
L'ensemencement

Nous ne manquons pas de cartes de l'Eglise des premiers temps. Aucune n'est d'époque, elles ont été établies plus tard à l'aide des indications trop rares laissées par les contemporains. Sur l'une d'elle où l'on peut reconnaître les côtes de la Syrie et du Liban d'aujourd'hui, s'étalent les ports où l'on accostait il y a vingt siècles. Entre Antioche et Azotus — ancienne cité des Philistins —, voici Joppé, Sébaste, Césarée de Palestine, Ptolémée, Tyr, Sidon. Chacun accueille désormais une Eglise. Le contexte géographique suggère une interpénétration tant quotidienne que spirituelle : il suffit d'embarcations conçues pour la cabotage et les fidèles du Christ passent rapidement d'un lieu à l'autre[1].

[1] A. Hamman, op. cit.

Que ces chrétiens descendant peut-être des Phéniciens aient d'abord préféré regarder vers le large ne peut étonner. A la fin du Ier siècle et au début du IIe, on les voit en Syrie et en Asie Mineure gagner l'intérieur des terres.

Diversité : tel est le maître mot qui va accompagner la progression de la pensée chrétienne. Longtemps les historiens ont cultivé le mythe des catégories populaires ralliées les premières à la religion nouvelle et laissant loin en arrière les classes sociales plus élevées. Le père Hamman, qu'il faut citer dès qu'il est question de la vie quotidienne des premiers chrétiens, rappelle que Paul de Tarse a converti à Chypre Sergius Paulus, un proconsul — ce qui n'est pas rien — et que, de son propre aveu, à Thessalonique et à Bérée, il a gagné à la cause du Christ de nombreuses femmes nobles. A Corinthe, le trésorier de la ville s'est fait chrétien. Les Eglises de Rome, d'Alexandrie, de Lyon ou de Carthage réuniront des communautés tout aussi composites. Si, de l'époque de Pierre jusqu'à la fin du IIe siècle, l'on étudie la liste des papes, on trouve quatre Romains, trois Italiens, cinq Grecs, un Syriaque, un Carthaginois.

Selon Eusèbe de Césarée, les apôtres se seraient dispersés la douzième année après la Résurrection de Jésus. Comme la date correspond à la persécution d'Hérode Agrippa qui jeta Pierre en prison et fit supplicier Jacques, fils de Zébédée, on ne peut exclure cette éventualité. On marquera plus de réserve quant à la destination que la Providence leur aurait assignée : Jean s'en serait allé en Asie ; André et Thomas au pays des Scythes (Russie du sud) ; Matthieu en Ethiopie et Barthélemy jusqu'aux limites de l'Inde. Les premiers explorateurs occidentaux, quand ils débarqueront en Inde, auront la surprise de rencontrer des « chrétiens de saint Thomas ». Il existe encore au XXIe siècle 300 000 « thomasistes », notamment à Malabar. Selon une autre thèse, ils descendraient plutôt d'Eglises nestoriennes formées dans l'empire perse à la fin du Ve siècle.

Même si ces succès des apôtres ont pu enchanter les premiers chrétiens, on croira davantage à des conversions plus humbles, plus anonymes. L'admirable réseau des « voies » mis en place par les légions romaines ne peut que les faciliter. Sur ces routes dallées de pierre, on traverse l'Empire dans tous les sens. De Rome, on rejoint le Finistère breton ; on gagne Athène aussi bien que Byzance, les embouchures du Rhin comme celles du Danube. Une fois le Bosphore franchi, on peut aisément atteindre Ninive. En Afrique du Nord, une voie romaine court du Nil à l'Atlantique.

On ne saurait omettre les possibilités multiples de déplacement par mer offertes aux amateurs. Plusieurs ports de la Méditerranée ont donné naissance à d'énormes métropoles : Athènes, Antioche, Ephèse, Alexandrie, Carthage. Le grouillement de ceux qui vont s'embarquer prolongé des semaines passées à bord des navires, tout favorise les rencontres. Sur ces bateaux, on s'entasse : Paul parle tout naturellement de 276 voyageurs, Flavius Josèphe s'étonne à peine des 600 personnes qui naviguent avec lui. Un homme d'affaires de Phrygie s'enorgueillit d'être venu soixante-douze fois à Rome. Les étudiants voyagent à la recherche des meilleurs professeurs ; Athènes le dispute à Alexandrie et Marseille à Lyon. Pline se plaint de cette recherche permanente de « l'ailleurs » : « Nos compatriotes parcourent le monde et ignorent leur propre pays. » Que d'occasions pour les chrétiens d'expliquer leur foi et de narrer la destinée d'un nommé Jésus !

Si la poste officielle est réservée à l'autorité romaine, les personnes privées sont réduites à chercher des possibilités de correspondre. Le plus souvent, on profite d'un voyageur, d'un commerçant, d'un soldat revenant de permission. Dans les cas exceptionnels, les plus aisés engagent un messager. Certains en font profession.

Dès que les Eglises s'installent, les évêques commencent à échanger leurs informations, leurs points de vue, leurs craintes ou leurs exhortations. Après le massacre des martyrs de Lyon, le récit en est déposé entre les mains du pape Victor par l'évêque Irénée lui-même. Or on sait que l'Eglise d'Ephèse s'est trouvée, dans un délai très court, en possession d'une copie. Il est clair qu'Irénée a dû en confier le texte à un compatriote s'embarquant à Ostie pour Ephèse.

Les fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour des moyens de correspondance fort inattendus. Certains, faut de mieux, se servent de fragments de métal ou de morceaux de poterie, d'autres de parchemin — peau d'animal spécialement préparée — ou de papyrus fabriqué en Egypte à l'aide d'une plante de la famille des cypéracées dont on découpe la tige en bandes étroites. Juxtaposées et collées, elles forment des feuilles. Une fois la lettre écrite, elle est enroulée, fermée par une ficelle dont on scelle les extrémités.

Pour la circulation du courrier, la saison et le climat jouent le premier rôle. En Méditerranée, la navigation est interdite l'hiver. Le reste du temps, il faut compter avec les vents : s'ils sont contraires, le courrier est retardé. On a enregistré des sortes de record : une lettre partie de Cappadoce à destination de Rome met cinquante jours pour être remise à Cicéron. Une autre, de Syrie à Rome exige le double de ce temps. Une lettre de commerce émise par une fabrique de Pouzzoles parvient à Tyr cent sept jours plus tard. Le fils de Cicéron reçoit, à Athènes, une lettre de son père expédiée quarante-six jours auparavant : « Voilà qui est rapide » constate le fils[2].

[2] Précisions collationnées par A. Amman, op. cit.

Aux Ier et IIe siècles, parmi les négociants et les commerçants de toutes origines circulant en permanence, les juifs abondent. Sensibilisés par les échanges de la Diaspora, certains d'entre eux ont dû se trouver porteurs de la Bonne Nouvelle du Messie mort et ressuscité[3]. D'où le cri que l'on entend parfois proféré en milieu chrétien : « Le salut vient des juifs » !

[3] Marcel Simon, Verus Israël (1964).

On ne saurait pas ailleurs minimiser les multiples migrations observées en ce temps. On en plaisante à Rome. Le cosmopolitisme romain inspire même des pamphlets. Quelles que soient les raisons, surtout factuelles, de ces allers sans retour, ils favorisent le mouvement des idées. La langue grecque généralement adoptée par les Eglises devient un outil de conversion : le grec est l'anglais de l'époque. Le pouvoir implanté en Orient par Alexandre le Grand a donné force de loi à la langue du conquérant. L'annexion de provinces hellénistiques a accentué ce mouvement. Voyant dans le grec un synonyme d'occupation, voire d'idolâtrie, les juifs l'ont durant des années tenu en suspicion. Il s'y sont peu à peu ralliés. A Alexandrie, aux IIIe et IIe siècles av. J.-C., on a même traduit la Bible hébraïque en grec : la Bible des Septante deviendra un outil précieux pour les juifs de la Diaspora mais aussi une chance pour la diffusion du christianisme naissant auprès des païens[4]. Doit-on rappeler que les Epîtres de Paul furent écrites en grec ?

[4] Jean-Pierre Moisset, Histoire du catholicisme (2006).

Parallèlement à la démarche des apôtres et de leurs successeurs, il faut reconnaître la prédication modeste qui « ne se faisait pas au grand jour, publiquement, sur les places et les marchés, mais sans bruit, à l'oreille, par des paroles échangées, à voix basse à l'ombre du foyer domestique[5] ». Eusèbe de Césarée évoque ces « disciples d'alors dont l'âme était touchée par le Verbe divin » et qui, délibérément, partaient remplir la mission d'évangélistes. Allant de lieu en lieu, « ils se contentaient de jeter les bases de la foi chez les peuples étrangers, y établissaient des pasteurs et leur abandonnait le soin de ceux qu'ils venaient d'amener à la foi. Puis ils partaient de nouveau vers d'autres contrées et d'autres nations ».

[5] B. Aubé, Histoire des persécutions (1875).

Eusèbe poursuit : « Il y avait encore, en ce temps-là, un grand nombre d'évangélistes de la parole qui avaient à cœur d'apporter un zèle divin à imiter les apôtres pour accroître et édifier la parole divine. » Confirmation chez Origène : « Les chrétiens ne négligent rien de ce qui est en leur pouvoir pour répandre leur doctrine dans l'univers entier. Pour y parvenir, il en est qui ont pris à tâche d'aller de ville en ville, de village en bourgade, pour amener les autres au service de Dieu. »

Tout en ricanant de son mieux, Celse, grand ennemi du christianisme, confirme cette volonté missionnaire en voulant l'amoindrir : « Nous observons dans les maisons privées des tisserands, des cordonniers, des foulons, des gens de la dernière ignorance et dénués de toute éducation ; en présence de maîtres, hommes d'expérience et de jugement, ils se garderaient bien d'ouvrir la bouche. Rencontrent-ils les enfants de la maison ou des femmes, aussi stupides qu'eux-mêmes, ils dégoisent leurs merveilles. »

Paul obéissait à un plan. Rarement l'imitent les messagers évoqués à l'instant. Tout démontre pourtant qu'ils sont complémentaires. Paul et Jean ont prêché l'Asie Mineure et ses prolongements ; les anonymes franchissent les frontières de l'Empire vers le royaume d'Edesse tôt christianisé ; des communautés s'installent en Perse à la fin du Ier siècle ; vingt ans après la mort du Christ, l'Italie connaît ses premières communautés. Les premiers ralliements se révèlent pourtant plus rapides en Orient qu'en Occident. La Gaule, l'Espagne, l'Afrique ne s'ouvriront qu'au début du IIe siècle. Dès lors, le mouvement s'accélère. A tel point que Hermas, l'auteur du Pasteur, compare, vers 120, le christianisme à « un arbre dont les branches couvrent le monde civilisé ».

L'Eglise naissante devra beaucoup à la pax romana. Devant elle, s'ouvre une période de paix politique telle qu'elle nous paraît invraisemblable et, pour tout dire, irréelle. La conquête de l'Espagne s'est achevée en 19 avant notre ère et celle de la Gaule vers 50. Aucun soldat étranger ne se présentera plus, avant trois siècles, les armes à la main à l'intérieur de l'Empire. Imaginez : pas de guerre de Trente Ans au XVIIe siècle, pas de guerre de Sept Ans aux XVIIIe, aucun conflit armé sous la Révolution et l'Empire, en 1870, en 1914-1918, en 1939-1945 ! Vers 220, le chrétien Origène écrira : « Dieu voulant que toutes les nations fussent prêtes à recevoir la doctrine du Christ, sa Providence les soumit toutes à l'empereur de Rome. »

Ce monde où progresse le christianisme est aussi celui de l'esclavage que Daniel-Rops définissait à juste titre comme « la plaie ouverte au flanc du monde antique ». Le droit parle alors de res, chose. L'esclave est en effet une chose que l'on achète et revend. Les enfants d'esclaves sont eux-mêmes esclaves ; habitués à leur servitude dès leur plus jeune âge, leur sort paraît moins affreux que celui des prisonniers capturés au cours des combats, ceux par exemple appréhendés durant la conquête de la Gaule, celles de l'Espagne, de la Grèce, de la Bretagne, de l'Afrique du Nord et de la Syrie, tous devenus esclaves. On ose à peine concevoir des hommes libres issus de familles libres, devenus soldats pour défendre leur pays et qui, du jour au lendemain, sont réduits au statut de chose. Aucun droit ne leur est laissé. L'acquéreur fait d'eux ce qu'il veut : ils travailleront sous les coups dans les champs, descendront dans les mines où l'on dépasse rarement une année de vie ou seront domestiques dans des maisons où la discipline s'exerce généralement par le fouet. S'il est acheté par un particulier, son sort sera pire. Pensons aux femmes acquises délibérément pour être livrées à la prostitution. A celles qui se voient soumises, sans possibilité de refus, aux lubies et vices de malades sexuels.

La seule chance d'un esclave ? Exciper, le cas échéant d'une forte éducation. On les repère, on les utilise selon leurs compétences et, souvent, on en fera des affranchis. La Rome impériale est peuplée d'affranchis qui atteignent, auprès du prince, le plus haut rang : c'est le cas sous les règnes de Claude et de Néron.

On voudrait croire que le christianisme fut à l'origine d'un adoucissement du sort des esclaves. En apparence, il n'en est rien. Quatre siècles passeront après Jésus sans que l'esclavage soit remis en cause. Quatre siècles, cependant, au cours desquels le christianisme plaidera pour un monde renouvelé où riches et pauvres, puissants et faibles, hommes libres et esclaves se retrouveraient frères en Jésus Christ. Exemple éloquent : dès les IIe siècle, on voit une femme libre chrétienne jetée aux bêtes sauvages en compagnie de son esclave chrétienne qui ne veut pas séparer sa cause de celle de sa maîtresse. L'esclave s'appelle Blandine.

On hésite à faire figurer les persécutions au nombre des moyens de conversion. Tout démontre pourtant que le comportement des martyrs suscite non seulement l'admiration des païens mais soulève chez d'autres le désir d'embrasser une foi qui permet d'affronter délibérément la souffrance pour s'élever jusqu'à Dieu.

C'est sous le règne de Néron, en 64, que la première répression cruelle — ô combien — se déchaîne à Rome au lendemain de l'incendie qui a dévoré la ville[6]. On ne trouve guère de persécutions sous les empereurs qui succèdent à Néron : Galba, Othon, Vitellius, Vespasien, Titus. Domitien est considéré par l'historiographie chrétienne comme le deuxième empereur persécuteur. Dans une lettre du pape Clément datant de 96, l'allusion à de grands malheurs dont a eu à souffrir l'Eglise de Rome suffit à confirmer le virage sanglant.

[6] Voir ci-après le chapitre IX.

Les premières persécutions attestées avec certitude se sont organisées en Asie Mineure. A Pergame, Antipas est mis à mort : Tertulien rapporte son martyre. Sous le règne d'Hadrien, Telesphore, septième évêque de Rome, meurt en un « glorieux martyre ». Pour que la punition se révèle exemplaire, l'empereur Auguste avait livré dans l'amphithéâtre un bandit célèbre aux bêtes sauvages. Contre les chrétiens, la méthode va être reprise dans tout l'Empire avec des raffinements croissants de cruauté cherchant visiblement à satisfaire les « pires instincts » des foules.

Parfois, comme à Carthage, des mouvements populaires prennent l'initiative. On s'assemble devant la résidence du procurateur et l'on réclame à grands cris la mise à mort des membres de la secte haïe : « Plus de cimetière pour eux ! Plus de cimetière ! » On garde le souvenir de Perpétue, originaire d'une cité située au sud de Carthage. Fille d'un noble fortuné, elle a reçu une éducation enviable et fait ce que l'on appelle un « beau mariage ». Convertie au Christ, ayant déjà donné naissance à un fils, elle attend un autre enfant. On la jette en une prison immonde. Restés païens, ses parents la supplient d'abjurer. Elle s'y refuse. Sa captivité dure tout l'hiver. Elle est enceinte de huit mois quand le procurateur Hilarianus la fait appeler devant lui. Leur dialogue est parvenu jusqu'à nous :

— Prends en pitié les cheveux blancs de ton père et la jeunesse de ton enfant. Sacrifie !

— Non. Je ne sacrifie pas.

— Tu es chrétienne ?

— Je suis chrétienne.

On fait entrer l'infortuné père. Ses supplications ne servent à rien. Elle accouche trois jours plus tard avant d'être jetée dans l'amphithéâtre en compagnie d'une autre femme, Félicité, et de deux esclaves chrétiens. Ceux-ci, Revocatus et Saturninus, sont la proie d'un ours et d'un léopard. Contre les deux femmes, on lance une vache furieuse dont les assauts les blessent sans les tuer. Pour mettre fin à ce massacre qui commence à émouvoir le public — le lait de Perpétue se perd —, on fait venir un gladiateur. Au lieu de l'égorger, troublé sans doute par cette jeune mère, il ouvre dans son flanc une blessure affreuse. Perpétue elle-même place le glaive sur sa gorge et commande au maladroit d'achever son œuvre. Elle a vingt-deux ans.

Elle meurt.

A Alexandrie, à la fin du IIe siècle, quand un chrétien anonyme s'adressera à un fonctionnaire local appelé Diognète — le lecteur reconnaîtra le nom —, il est clair que le destinataire de la lettre ne cultive pas, envers les chrétiens, la haine qui persiste toujours mais témoigne une curiosité à laquelle il serait souhaitable de répondre. Visiblement, l'expéditeur s'en préoccupe : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n'habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n'a rien de singulier... Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant la nature extraordinaire et vraiment paradoxale de la cité qui est la leur.

« Ils résident chacun dans sa propre patrie mais comme des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous leurs devoirs de citoyen et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils ne jettent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table mais non le même lit.

« Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, mais leur propre manière de vivre est supérieure à celle qui est définie par les lois. Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent. On les méconnaît et on les condamne ; on les tue et par là ils gagnent la vie. Ils sont pauvres et ils donnent la richesse à beaucoup. Ils manquent de tout et ils surabondent en toutes choses. On les méprise et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les calomnie et ils sont justifiés. On les insulte et ils bénissent. On les outrage et ils honorent. Ne faisant que le bien, ils sont châtiés comme des criminels. Châtiés, ils sont dans la joie comme s'ils naissaient à la vie. Les juifs leur font la guerre comme à des étrangers ; ils sont persécutés par les Grecs, et ceux qui les détestent ne sauraient dire la cause de leur haine.

« En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde[7]. »

[7] Cité par Jean Bernardi, Les Premiers Siècles de l'Eglise (1987).

Qui ne souhaiterait d'avoir connu ces chrétiens-là ?

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