Théologie Systématique – V. et VI. La Morale Chrétienne

§ 1. De la loi physique.

Si nous faisons rentrer la loi physique dans la catégorie générale de la loi énoncée plus haut, nous la définirons : l’expression de la fin nécessaire de tout être ou fait appartenant à la nature. Mais, comme il n’y a pas dans l’ordre physique de cause finale qui ne soit en même temps cause efficiente, ni de cause efficiente qui ne soit en même temps cause finale, que même nous ne pouvons statuer la présence de causes finales dans l’ordre physique qu’au nom de principes et de données supérieurs à cet ordre ; comme, en d’autres termes, il n’y a pas de fins proprement dites, dans l’ordre physique, il n’y a pas non plus dans cet ordre de lois proprement dites qui soient l’expression de ces fins.

« Le contraste, avons-nous écrit ailleurs, entre ce qu’on appelle la loi naturelle et la loi morale se marque, soit que nous considérions leur origine ou leurs manifestations.

Quant au premier point, il est constant que, tandis que la révélation de la loi morale précède tous les faits de son ordre, la prétendue loi naturelle est issue d’une induction de l’esprit humain partant d’un certain nombre de faits observés, et remontant par voie d’abstractions ou de généralisations successives jusqu’à une formule acceptée comme l’exposant exact et complet de cette série déterminée de données. Que de nouveaux faits viennent à être découverts, ou que tel de ceux qui passaient pour acquis à la science échappe tout à coup à ses prises, une seule règle s’impose, et cela d’un consentement tacite et unanime : la nécessité de réviser la formule trop abstraite ou trop étroite en rétablissant la concordance exacte entre la loi naturelle et les faits observés.

Aussi, disons-nous en second lieu, la prétendue loi naturelle n’apparaît-elle nulle part au-dessus ou en dehors de la force ; comme la locomotive porte dans son sein le brasier qui l’emporte, la loi est incorporée à la force, une et identique avec la force ; les fins sont ici immanentes et non transcendantes aux moyens ; et la loi ayant commencé avec la force, si jamais celle-ci a commencé, elle finira aussi avec la force, si jamais celle-ci doit finirc. »

cExposé, tome II, p. 355 et 356.

La loi physique, ajoutons-nous, n’est qu’une force affectée d’une direction constante, déterminée à la fois par le mouvement initial dont elle est issue, quelle qu’en soit l’origine, et par les mouvements divers de toutes les autres forces issues de la même impulsion qu’elle-même.

Nous avons, à ce propos, signalé les graves conséquences dogmatiques qui sont résultées de l’impropriété constatée tout à l’heure de l’expression loi physique, et qui induisait à attribuer à la prétendue loi physique les caractères et les droits de la loi morale ; à statuer l’immutabilité et l’inviolabilité de la loi physique au même titre que l’immutabilité et l’inviolabilité de la loi morale.

C’est grâce à une équivoque toute semblable et moins excusable encore que les positivistes et les matérialistes, qui sont condamnés par la logique de leur doctrine à ne reconnaître que des faits particuliers, des successions fortuites de phénomènes, parlent également de lois et de lois naturelles.

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