Théologie Systématique – V. et VI. La Morale Chrétienne

1re Section
Du principe divin de la nature humaine ou de l’image de Dieu dans l’homme.

Pour définir l’image, il faut connaître la définition de l’original. Aussi allons-nous résumer les résultats obtenus dans la partie fondamentale de la Dogmatique ou Théologie, où nous avons traité de l’essence et de la nature de Dieu. Nous pourrons déduire de ces résultats les principaux éléments de l’image de Dieu dans l’homme.

Dieu, avons-nous dit tout d’abord, est l’Être, l’Être absolu qui s’est défini lui-même dans la formule sublime : « Je suis Celui qui suis » ; il est l’Être qui est tout ce qu’il veut être, et qui a par conséquent la conscience pleine et parfaite de son Être. C’est là l’attribut désigné ordinairement par l’aséité divine, qui est plus qu’un attribut, puisque cette aséité constitue l’essence divine elle-même. Dieu est donc tout d’abord l’Être absolument scient et absolument voulant, il est la personnalité absolue qui a sa propre fin en elle-même ; c’est là le premier élément, l’élément ontologique, de toute définition de Dieu.

Mais l’essence divine n’est pas encore épuisée : Dieu n’est pas seulement l’Être, doué de conscience propre et de délimitation propre et ayant sa fin en lui-même ; il est en même temps l’Être souverainement bon, qui poursuit éternellement et souverainement une fin qui se nomme le Bien et qui est située en lui-même ; en sorte que Dieu est éternellement et simultanément par rapport à lui-même cause et effet, volonté et nature, l’Être et le Bien, l’Être absolu et l’Être souverainement bon, sans qu’il nous soit possible de résoudre cette dualité de l’élément ontologique et de l’élément moral dans l’essence divine ; et il est également vrai de dire que Dieu est souverainement bon parce qu’il ne peut vouloir et ne veut que le bien, et que le bien est bien parce qu’il le veut ; qu’il a sa fin dans le bien, et qu’il l’a en même temps en lui-même qui est le bien.

Or cet être parfait a voulu et posé en lui-même, par un acte éternel et absolu, une image parfaite et vivante de lui-même, qui en Dieu est Dieu lui-même, qui est en Dieu son autre lui-même ; autre, puisqu’il est l’objet et non plus le sujet, l’image et non l’original ; et cependant Dieu lui-même, puisque l’acte par lequel cet objet est connu et posé est éternel et absolu comme Dieu. Cet être est Celui que l’Écriture appelle le Fils, et qui, étant le Fils, est l’image parfaite de Dieu (2 Corinthiens 4.4 ; Colossiens 1.15).

Et, étant l’image parfaite du Père, il est aussi sa gloire, puisque, comme nous l’avons dit dans notre première partie, ces deux termes, image et gloire, sont corrélatifs (1 Corinthiens 11.7) ; car comme gloire du Père il a sa fin dans le Père, et comme image du Père il a sa fin en lui-même ; le Père ne peut être pleinement glorifié que dans cette image parfaitement adéquate à lui-même. Soit donc que nous considérions l’essence ontologique ou l’essence morale, le Fils est l’image parfaite, absolue, éternelle du Père, équivalente et identique à Dieu, à cette seule différence près qu’il est l’image et que le Père est l’original ; et tout en glorifiant pleinement le Père, puisqu’il manifeste parfaitement son essence insondable, il est pleinement glorifié par le Père, puisqu’il est éternellement posé comme sa parfaite image.

Que Dieu maintenant connaisse et pose dans le temps un autre être qui, comme Dieu, ait sa fin à la fois en lui et en Dieu, c’est-à-dire qui soit capable comme Dieu de se penser et de se vouloir, cet être sera déjà, par le fait seul de sa création, l’image de Dieu en même temps que sa gloire, puisqu’en lui, dans son essence et dans sa nature, se reflètent l’essence et la nature de Dieu ; mais cette image ne sera pourtant ni adéquate à l’original, puisqu’elle a été posée dans l’espace et dans le temps, ni achevée, puisque cet être capable de penser et de vouloir n’est pas encore déterminé pour cela à penser et à vouloir le bien ; il est déjà personnalité, mais il n’est pas encore bon comme Dieu lui-même ; il n’a encore en lui que la faculté, la capacité, la possibilité de le devenir ; il est donc déjà eo ipso l’image de Dieu selon une partie de sa nature, et il est appelé à le devenir selon un autre élément de son essence qui est non pas sa nature, mais sa destinée. Il est déjà l’image de Dieu en essence ; il n’est encore la gloire de Dieu qu’en idée et en droit ; glorifier Dieu est sa fin déjà posée dans son commencement, mais il reste encore à réaliser cette fin sur la voie morale. L’image de Dieu, qui est sa propre gloire, est son être ; la ressemblance avec Dieu, qui sera la gloire de Dieu, doit devenirh.

h – On a longtemps cru et nous avons cru et enseigné nous-même que cette dualité des éléments de la nature primitive de l’homme était exprimée dans les deux termes : à son image et à sa ressemblance (Genèse 1.26), dans ce sens que le premier représenterait l’élément inamissible, le second, l’élément amissible de l’image de Dieu. Mais une étude plus attentive de ces mêmes termes dans d’autres contextes de l’Écriture nous a convaincu que cette distinction en ce qui concerne Genèse 1.26 n’était pas fondée ; que tsélem peut aussi désigner l’élément amissible et demouth l’élément inamissible.

Cela étant, les deux éléments constitutifs de l’image primitive de Dieu en l’homme ne seront pas difficiles à désigner et à définir.

Pour trouver cette définition, il suffira d’éliminer de la notion générale de la nature humaine les éléments que l’homme a en commun avec les créatures inférieures, pour ne retenir que ceux qu’il partage avec Dieu, même après la chute, puisque d’après l’Écriture (Genèse 9.6) cette image survit au péché, et d’écarter en même temps les éléments de ressemblance divine que la grâce de Dieu en Jésus-Christ crée dans l’homme régénéré et qui dépassent certainement l’image primitive.

Cette double élimination faite, que nous restera-t-il ? Une ressemblance ontologique et une ressemblance morale.

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