Théologie Systématique – III. Prolégomènes et Cosmologie

2. L’œuvre des six jours

(Comparez Psaumes 104.5-10.)

Le premier point à décider ici est de savoir si la portée du récit à partir du v. 2 est cosmique ou seulement tellurique, c’est-à-dire si le mot terre désigne au v. 2 la nébuleuse renfermant notre système solaire tout entier, d’où se seraient détachés, dès le second jour, les autres astres du système (eaux — ou gaz — d’en haut) ; ou bien si ce verset désigne notre globe déjà détaché de cette masse. Dans ce second cas, les eaux d’en haut désignent dans la scène de la deuxième journée, v. 6, les nuages suspendus dans l’atmosphère une fois créée.

La raison qui nous décide pour la première interprétation, se tire des autres cosmogonies de l’antiquité, où les eaux d’en haut désignent la matière des planètes et non pas les nuages.

Les jours de la création représentant, dans la pensée même de l’auteur, comme nous l’avons établi précédemment, non pas des durées de vingt-quatre heures, mais des périodes d’une durée indéterminée, les nuits représenteront les intermittences (catastrophes ou arrêts) de la production créatrice.

Le premier caractère qui ressort du tableau d’ensemble de l’œuvre des six jours, est la symétrie qui l’a partagée en deux ternaires, dont chaque membre de l’un correspond à celui de l’autre. C’est ainsi que la quatrième journée complète la première ; la cinquième, la deuxième ; et que l’œuvre double de la sixième correspond à l’œuvre double de la troisième. Les œuvres des trois premières journées furent des séparations successives de la lumière et des ténèbres ; des eaux d’en haut et des eaux d’en bas, des continents et des mers ; les œuvres des trois dernières furent les peuplements successifs des éléments créés dans chacune des précédentes.

La raison du caractère de successivité de l’œuvre créatrice ne pouvant se trouver dans l’activité divine qui est à volonté soudaine et successive, doit être cherchée, malgré le silence du texte sur ce point, dans la présence des créatures intelligentes supérieures, témoins et déjà sans doute auxiliaires de ce grand œuvre (Job 38.7) ; et ce ne peut être que pour l’amour d’elles que la toute-puissance divine s’est assujettie aux lois de l’histoire : le développement, la mesure et le progrès.

Nous reconnaissons la même intention dans les dénominations faites par Dieu simultanément à chaque production nouvelle (v. 5 et sq.), en attendant que ce droit, qui est le signe de la souveraineté, soit exercé par l’homme lui-même (Genèse 2.19).

Les émissions successives de la parole divine évoquant du néant chaque nouvelle existence, désignent les émissions successives de la toute-puissance (v. 3 et sq.), tandis que la vision divine constatant l’ellet produit (v. 4) est l’acte de la toute-science.

Il nous paraît enfin très important de constater ici la juste proportion maintenue dans le document de l’œuvre des six jours, entre les deux points de vue rivaux aujourd’hui : l’un, que nous appellerons l’ultra-créationisme, qui ne veut reconnaître que des séries de créations absolues dans l’œuvre de la formation du monde, et l’ultra-transformisme qui, niant la création et toute création, prétend faire dériver des protoplasmes tous les types subséquents. Ici, tout ensemble, l’intervention divine créatrice apparaît nécessaire à chaque avènement de types nouveaux ; et chacun de ces types, aussitôt qu’évoqué par la parole créatrice, est converti en nature organique, mis en œuvre comme cause seconde et devient le substratum duquel surgiront, à la prochaine émission de la parole divine, des formes nouvelles et plus parfaites. C’est ainsi que le sol, à peine formé, est appelé à « pousser son jet » (v. 11), et que les eaux (v. 20) et la terre (v. 24) sont invitées à produire successivement les animaux aquatiques et terrestres.

C’est à raison de cette juste proportion établie entre les deux principes du créationisme et du transformisme que l’auteur élohiste, tout en plaçant la création de l’homme, désignée expressément comme telle (v. 27), au terme de la série, n’a pas craint de la renfermer dans la même journée que la production des animaux terrestres, proclamant ainsi tout ensemble les caractères de similitude qui unissent l’homme à l’animalité, et la supériorité qui l’en sépare.

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