Théologie Systématique – III. Prolégomènes et Cosmologie

3. La finalité de la créature

La fin de toute créature étant inévitablement comprise dans le plan universel conçu éternellement en Dieu même, le but de l’action sustentatrice de Dieu succédant à l’action créatrice, est l’exécution finale de ce plan universel par ou malgré chacune des forces particulières, normales ou perverties. Nous ajoutons que l’action providentielle ne se conçoit pas sans l’existence de ce plan universel, faute duquel elle se résoudrait en une succession d’interventions incohérentes et de remèdes empiriques.

Comme l’acte créateur a institué entre la nature physique et la nature morale un rapport de subordination de la première à la seconde, nous considérerons l’action providentielle : 1° dans la nature physique ; 2° dans la nature morale.

Ce sera le sujet des deux articles de cette troisième section ; puis dans chacun de ces ordres, nous considérerons cette action tour à tour en tant que : 1° conforme à la nature ; 2° supérieure à la nature ; et 3° contraire à la nature. C’est-à-dire que dans la nature physique d’abord, dans la nature morale ensuite, nous considérerons successivement le fait naturel, le fait surnaturel et le fait anormal.

Nous appelons nature le système des forces inconscientes ou conscientes qui constituent un organisme dans l’ordre physique ou dans l’ordre moral.

Nous définissons la nature physique : Le système des forces inconscientes d’elles-mêmes, soumises par l’acte créateur aux cours périodiques et. invariables qui constituent, durant l’économie présente, l’organisme général et les organismes particuliers de l’univers visible ou matériel.

Nous définissons la nature morale : Tout système de forces disposées par l’acte créateur pour concourir à la fin particulière de chaque créature libre et consciente d’elle-même, telle qu’elle est comprise dans la fin générale de l’univers moral.

Nous constatons entre la nature physique et la nature morale cette différence essentielle que là, les lois, ou ce qu’on appelle de ce nom, sont immanentes aux forces, et les fins aux moyens. Dans la nature morale, au contraire, les lois sont transcendantes aux forces, et les fins aux moyens. La liberté absente de l’une est un facteur inhérent à l’autre. Ici, l’idée préside au fait possible, régit le fait actuel et juge le fait accompli. Là, la règle cesse avec le fait, et le fait lui-même avec sa raison d’être située tout entière dans la nature morale.

Il appartient à l’apologétique de montrer que la plupart des objections faites à la possibilité ou à l’opportunité du fait surnaturel, et la plupart aussi des difficultés que les défenseurs du miracle ont rencontrées, procèdent de l’abus de langage qui, confondant sous la même dénomination de lois les cours constants des forces physiques et les normes qui président aux activités libres, prête aux uns et aux autres le même caractère d’inviolabilité. Il n’y a pas d’inviolabilité des lois de la nature, parce qu’il n’y a pas de lois naturelles ; il n’y a dans la nature que des cours de forces : « Les lois dans le domaine des sciences, dit Littré, sont les conditions nécessaires qui déterminent les phénomènes, ou les rapports constants et invariables entre les phénomènes et leurs diverses phasesc ».

c – Cité dans l’excellent opuscule intitulé : L’idée du miracle et la physique moderne, par H. Dufour, professeur de physique à l’académie de Lausanne, Petite bibliothèque du chercheur. 10e volume, page 20. L’auteur, qui semble avoir aperçu l’impropriété du terme : lois de la nature, ne laisse pas de s’en servir.

On eût déjà été averti de la différence essentielle entre la prétendue loi physique et la loi morale en considérant l’origine de l’une et de l’autre. La loi morale est une révélation a priori de la conscience ; ce qu’on appelle loi physique est l’exposant d’une série plus ou moins exacte et complète de faits observés, et variant incontestablement avec l’état de ces observations elles-mêmes.

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