Libéré de l'angoisse

Libéré de l'angoisse

Alfred Lechler

2. La peur des atteintes à la vie

Nous entendons par là, l'angoisse devant tout ce qui menace la vie : c'est la forme la plus répandue de l'angoisse humaine. C'est ainsi que s'exprime l'instinct de conservation qui anime chacun de nous. Nous y sommes tous également sujets : qui pourrait soutenir que sa vie n'est pas menacée ? Les progrès de la science et de la technique, loin de diminuer les inquiétudes de l'homme, les ont aggravées. A aucun moment de l'histoire de l'humanité notre existence n'a été aussi exposée qu'aujourd'hui.

Le fond de cette angoisse

Au fond de cette angoisse il y a la peur des difficultés et des souffrances du monde, celle des exigences de la vie professionnelle, familiale ou conjugale, lorsque l'on ne se sent pas à la hauteur de sa tâche, celle des revers et des coups durs, celle des forces de la nature, des orages et des tremblements de terre. Dans bien des pays viennent s'y ajouter la crainte de l'emprisonnement, celle des détournements d'avions et des prises d'otages. Que d'hommes aujourd'hui sont en fuite devant les autorités qui leur ôteraient jusqu'à la vie ! Les crimes, les assassinats qui sont à l'ordre du jour font frissonner d'horreur. Ou encore, il y a la peur d'une maladie longue et incurable — du cancer, en particulier — qui tourmente sans répit : on craint de ne pouvoir supporter de pareilles souffrances. Chez beaucoup, il y a aussi la crainte de la malveillance du prochain ou des supérieurs, la peur de la solitude et de l'abandon. L'incertitude de l'avenir que nous allons affronter cause à l'homme d'aujourd'hui des soucis bien particuliers. Il redoute la catastrophe inéluctable qui pourrait le guetter au prochain tournant.

Même chez celui qui s'estime assuré de sa situation peut surgir l'appréhension effrayante de perdre un jour ce qu'il a amassé avec tant de peine. Non seulement l'homme lui-même, mais sa famille, sa parenté, son peuple, pourraient disparaître, et la « chute de l'Occident » pourrait bien être pour demain. Ce genre de crainte est tout à fait caractéristique de notre génération. Aussi comprend-on aisément que l'idée d'une troisième guerre mondiale, où le rôle principal reviendrait aux fusées téléguidées et aux bombes atomiques, soit pour beaucoup la cause d'une inquiétude constante. Les spécialistes des questions internationales tiennent une telle guerre pour tout à fait possible, et dans un avenir proche.

La perspective d'une explosion démographique a, elle aussi, de quoi nous effrayer. On admet que dans trente ans la population mondiale pourrait presque avoir doublé, ce qui rendrait une famine inévitable. Autre menace : la pollution de l'air. Des enquêtes ont montré que dans les grandes villes encombrées de voitures, la durée moyenne de la vie est écourtée de plusieurs années du fait de la pollution par les gaz d'échappement plombifères. Une place toute particulière doit être faite à la peur de la mort, de l'agonie douloureuse qui nous attend peut-être, nous ou nos proches. Aussi éprouvons-nous instinctivement une certaine gêne à parler de la mort à un grand malade. Même l'homme le plus éloigné de Dieu ressent parfois, dans le secret de son cœur, quelque anxiété à l'idée qu'il pourrait y avoir une vie après la mort — et un Dieu.

Chez beaucoup, une forme particulière d'angoisse joue un grand rôle. C'est la peur que leur inspirent les puissances occultes qui menacent la vie de l'homme. Ils craignent, surtout lorsqu'ils font état de leur bonne santé, quelque coup funeste de l'empire des ténèbres : d'où le port des amulettes, et la pratique de superstitions de toute sorte, comme la consultation de voyantes ou de leur horoscope. Ils voudraient, pour se libérer de la peur, trouver de cette façon des éclaircissements sur leur destinée ; or, par là même, ils tombent souvent dans une angoisse mille fois plus grande parce qu'un pronostic défavorable leur a été fait — mais, hélas, ils s'en aperçoivent trop tard. Il est frappant de constater que, dans tous les pays civilisés, des millions sont encaissés chaque année par les diseurs de bonne aventure et les tireuses de cartes, les astrologues et les « voyantes ». Et chez les païens cette angoisse prend des formes particulièrement grossières : vivant dans la crainte perpétuelle de leurs idoles, souvent ils n'osent même pas sortir de chez eux la nuit, et pour se rassurer ils cherchent à obtenir par toutes sortes de cadeaux et d'offrandes la protection de leurs dieux.

L'homme aspire à trouver quelque abri secret pour n'avoir plus à voir ni à entendre la dure réalité, lourde de menaces. Et comme toutes ces peurs s'appesantissent sur lui, ou se dressent devant lui comme des spectres, il a, souvent, peur d'avoir peur. Rien d'étonnant à ce que cette peur de vivre s'aggrave jusqu'à lui infliger les pires tourments. A quel point l'homme en souffre, on le constate par le nombre effrayant de suicides qui ont pour cause, avant tout, la peur de vivre.

L'Ecriture Sainte devant cette forme d'angoisse

L'Ecriture confirme que ce type d'angoisse est universel. Même les hommes de Dieu que nous dépeint la Bible l'ont connue plus d'une fois. Quelle ne fut pas l'angoisse du prophète Elie lorsqu'il se réfugia dans le désert pour fuir la reine Jézabel (1 Rois 19.3) ! Et David, dans les Psaumes, gémit à maintes reprises : « Les filets du schéol me cernaient, devant moi l'angoisse de la mort … » (Psaume 18.6). « … Le danger est proche et il n'y a point d'aide … » (Psaume 22.12). « Desserre l'angoisse de mon cœur, dégage-moi de mes tourments » (Psaume 25.17). « Mon cœur se tord en moi, les affres de la mort tombent sur moi, crainte et tremblement me pénètrent, un frisson m'étreint » (Psaume 55.5-6).

De même dans le Nouveau Testament, nous voyons les disciples de Jésus effrayés devant la souffrance (Marc 10.32), devant la tempête sur le lac (Matthieu 8.26 ; 14.30), devant les adversaires de leur Maître (Matthieu 25.26). Pensons à Paul, qui non seulement était inquiet devant l'opposition qu'il rencontrait (Actes 18.9 ; 23.11), mais devait encore vaincre de sérieuses craintes au cours de ses interventions publiques (1 Cor. 2.3 ; 2 Cor. 7.5). Jésus lui-même, à Gethsémané, frissonna d'effroi devant le calice de la souffrance (Marc 14.33-34 ; Hébreux 5.7).

On trouve aussi dans les Ecritures, bien manifeste, la peur du malin, qui dirige contre les hommes ses traits enflammés et qui cherche à les asservir. Beaucoup de chrétiens s'inquiètent des paroles de Jésus : « Satan vous a réclamés pour vous cribler comme du froment » (Luc 22.31) ou de celles de Pierre : « Le diable comme un lion rugissant rôde, cherchant qui dévorer » (1 Pierre 5.8). Et beaucoup enfin sont angoissés à la pensée de la fin des temps, lorsque Jean prophétise les horreurs de la guerre, de la famine, de la cherté de la vie, de l'extermination, de la grande tribulation, des tremblements de terre, des astres qui tombent du ciel, ou lorsque Pierre fait allusion au jour du Seigneur : « A cause duquel les cieux disparaîtront à grand fracas, les éléments embrasés se dissoudront, la terre avec les œuvres qu'elle renferme seront consumées » (2 Pierre 3.10). Le bouleversement universel et l'affolement des hommes ont été prédits par Jésus (Luc 21.25-26).

Faux expédients

Que ne fait-on pas pour se libérer de son angoisse ! Les uns cherchent à s'étourdir par des distractions de toutes sortes, par la télévision, la radio ou le cinéma, par une vie sociale intense, ou l'activisme dans le travail. Mais cette politique de l'autruche ne parvient qu'à conjurer passagèrement l'angoisse. D'autres usent de somnifères ou de drogues, font un usage immodéré de l'alcool ou du tabac, jusqu'à s'en rendre esclaves et à avoir bien du mal à s'en délivrer. La plupart des passions — il est facile de le constater — ont leur origine dans l'angoisse. D'autres encore cherchent à s'entraîner au calme et à la sérénité : mais la réussite n'est qu'apparente, car il s'agit là d'une autosuggestion, qu'on ne prolongera qu'avec peine et qui, tôt ou tard, laissera démuni. Il faut nous rendre à l'évidence : écarte définitivement l'angoisse est absolument impossible.

Le vrai remède

Le seul remède efficace contre la peur des atteintes à la vie se trouve dans la foi au Dieu vivant. Déjà l'Ancien Testament invite le croyant à échapper à son angoisse en se tournant vers le Seigneur. Dieu dit à Abraham : « Ne crains pas, je suis ton bouclier, et ta récompense sera grande » (Genèse 15.1). A Isaac il promet : « Ne crains rien, car je suis avec toi et je te bénirai » (Genèse 26.24). Après le passage de la Mer Rouge, Moïse parla au peuple d'Israël en ces termes : « Banissez toute crainte, tenez ferme et voyez ce que le Seigneur fera pour vous, et vous n'aurez rien à faire » (Exode 14.13-14). Les Psaumes et les livres prophétiques, eux aussi, affirment que la seule issue pour sortir de l'angoisse, c'est le Seigneur tout-puissant et toujours présent (par exemple, Psaume 18.7 ; 23.4 ; 27.1 ; 46.2-3 ; 56.4-12 ; 61.3 ; 118.5-6 ; Esaïe 41.10 ; 43.1).

Dans le Nouveau Testament, la direction générale nous est indiquée par les paroles de Jésus : « Dans le monde vous êtes angoissés… » (Jean 16.33). Ceci nous montre que Jésus comprenait bien que ses apôtres n'étaient pas exempts de l'angoisse de ce monde: ce n'est pas parce qu'ils étaient ses disciples qu'ils en étaient automatiquement libérés. Il n'attendait pas cela d'eux, car il avait le sens des réalités et savait bien que l'angoisse était naturelle à l'homme. Il ne reprochait donc nullement à ses disciples d'être angoissés. Et d'ailleurs, ayant lui-même fait l'expérience de l'angoisse, il peut en tant que grand-prêtre céleste compatir à nos angoisses (Hébreux 4.15). Mais comme lui-même a surmonté son angoisse, il veut nous aider à échapper nous aussi à notre peut de vivre : « Il a affranchi tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort » (Hébreux 2.15). C'est pourquoi il a fait suivre les mots : « Vous êtes angoissés… » d'un mais qui est très important : « Mais gardez courage, j'ai vaincu le monde ! ».

En faisant cette promesse, Jésus se présente à ses disciples comme le libérateur de toute angoisse qu'on éprouve en ce monde. Il est vrai qu'il entraîne souvent les siens dans des situations angoissantes, mais il est là pour les en sortir, il ne les laisse pas sombrer. Vous n'avez donc pas à rester toute votre vie esclave de vos inquiétudes: au milieu même de ces inquiétudes, regardez à Jésus avec confiance. Il peut se servir de votre angoisse pour fortifier votre foi. N'a-t-il pas envoyé à ses disciples, sur le lac, une tempête pour qu'ils s'appuient sur lui dans leur détresse ? Et Pierre, lorsqu'il marcha sur l'eau, ne devait-il pas apprendre dans l'angoisse à regarder à Jésus et à saisir sa main ? Vous aussi, quand vous serez en danger, Jésus vous tiendra fermement « par votre main droite » (Psaume 73.23). Il vous laisse expérimenter toutes sortes de situations périlleuses pour vous faire comprendre que vous dépendez entièrement de lui, et vous aider ainsi à vous libérer de la peur.

Il est réconfortant de pouvoir se dire : l'angoisse du monde n'a pas à nous effrayer, puisque Jésus a « vaincu le monde », c'est-à-dire qu'il a placé sous sa puissance le monde et toutes les menaces qu'il recèle, y compris son « prince », le diable. Depuis que Jésus est monté au ciel à la droite du Père, et qu'il gouverne votre vie, vous n'avez plus rien à craindre.

La foi vivante au Seigneur crucifié, ressuscité et monté au ciel est en fait si puissante qu'elle peut éliminer toute peur des atteintes de la vie. Celui qui reste étroitement uni au vainqueur du monde en fait l'expérience : il est libéré de son angoisse. Quelle consolation et quelle joie lui apporte ce cri de David : « Le Seigneur est le rempart de ma vie, devant qui tremblerais-je ? » (Psaume 27.1).

Vous aussi, vous pouvez, assuré de la présence constante et de l'aide puissante de Jésus, vaincre toute crainte devant les dangers et les détresses de ce monde. Devant les cruautés du destin, vous pouvez être armé contre la peur par la foi en celui qui a dit : « Toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre », et qui tient votre vie toute entière entre ses mains. Vous pouvez bannir la crainte des hommes méchants et vindicatifs (Romains 8.3), vous n'avez plus à redouter la mort, sachant qu'étant enfant du Père Céleste vous êtes aussi héritier de la vie éternelle. Vous pouvez affronter les embûches du mal en vous appuyant sur les promesses de Jésus : « Nul ne les arrachera de ma main » (Jean 10.28), « Rien ne pourra vous nuire » (Luc 10.19). Que la puissance de Satan soit une réalité, le croyant en est très conscient, mais Satan ne pourra avoir de prise sur lui tant qu'il se tournera vers Jésus — Jésus qui par sa mort a réduit à l'impuissance celui qui détenait la puissance de la mort (Hébreux 2.14). C'est pourquoi, bien que le regard que vous portez sur la situation mondiale inspire le pessimisme, vous pouvez être réconforté. Dans toutes les situations angoissantes, Dieu peut vous adresser la parole qui fortifie et encourage (Psaume 119.50).

La foi en Jésus est vraiment le seul remède contre la peur de ce qui menace notre vie : cette peur peut devenir, sans lui, un tourment insurmontable ; mais avec lui, elle disparaît.

Prêtez donc l'oreille à la voix de Dieu, levez les yeux vers le Seigneur vivant, ouvrez la bouche et criez à lui, comme Jésus a imploré son Père Céleste à Gethsémané. Il a promis de réconforter tous ceux que l'angoisse fatigue et opprime: il veut vous aider, vous aussi, à ne pas succomber à la crainte. Il veut faire de vous un homme libre et joyeux, qui trouve le repos en Dieu et qui affronte courageusement tout ce qui peut survenir.

On rapporte qu'au Kenya quelques indigènes armés de pistolets et de couteaux firent irruption dans une école chrétienne ; les professeurs s'enfuirent, excepté le directeur, qui était un Noir. La bande se jeta sur lui et le laissa gisant sur le sol, les dents brisées, la tête lardée de coups de couteau. Le missionnaire, par la suite, lui demanda : « Qu'as-tu ressenti quand ces hommes t'ont menacé ? Tu avais peur ? » Il répondit : « Non, ne n'avais pas peut du tout, je n'éprouvais rien que de l'amour, de la joie et la présence de Jésus avec moi. »

N'est-il pas admirable que le chrétien puisse terminer ses jours dans la paix, sachant qu'il lui sera permis d'accéder à la Patrie Céleste, où il n'y aura plus de mort, de souffrance, de cri, de souillure (Apocalypse 21.4) ?

Aussi pouvez-vous, devant toutes les menaces susceptibles de vous angoisser, dire en regardant au Seigneur :

« Même si l'avenir est voilé à mes yeux,
J'ai confiance.
Sachant que toujours s'accomplit le plan de Dieu,
J'ai confiance.
Plus que le prochain pas je ne puis discerner,
Mais c'est assez.
Car mon Seigneur, lui-même, marche à mes côtés. »

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