Libéré de l'angoisse

Libéré de l'angoisse

Alfred Lechler

4. La peur des atteintes de notre « moi »

La peur des atteintes à la vie et l'angoisse de culpabilité ne sont pas les seules formes d'angoisse qui saisissent l'homme. D'autres formes d'angoisse naissent de son égocentrisme et jouent un rôle essentiel dans sa vie. Elles arrivent parfois à tenir la première place dans ses pensées et dans son comportement.

L'origine de la peur des atteintes à notre « moi »

L'origine en est variée, mais toujours le moi est au premier plan. L'égocentrique se sent angoissé chaque fois qu'il pense que sa réputation est en jeu. Il a peur de se singulariser et d'être le sujet des conversations. Le pire qu'il puisse lui arriver, c'est de se rendre ridicule. Ou encore, il ambitionne (à tort) de damer le pion à tous ses proches et vit, de ce fait, dans la peur continuelle d'avoir le dessous et de perdre l'estime des autres. L'égocentrisme est souvent la cause de la timidité de l'enfant: il craint, s'il se montre tel qu'il est, de donner prise aux autres. Il peut aussi y avoir de l'égocentrisme dans la peur de l'examen, dans le trac ou la crainte de faire quelque chose de travers — tout cela dissimule un besoin excessif de se faire valoir.

Ou bien l'homme redoute de ne pouvoir réaliser aussi pleinement qu'il le voudrait ce qu'il attend de la vie. S'il aime par-dessus tout son confort, il a peur d'avoir un jour à y renoncer. S'il n'a pas appris à s'exercer au renoncement, il craint toutes les privations qui le menacent. S'il a fait de l'argent son idole, il se tourmente à la perspective de tomber dans le pauvreté. Si de toutes les fibres de son cœur il est attaché à l'objet de son amour, l'idée de le perdre un jour l'effraie. Il y a aujourd'hui parmi les jeunes beaucoup d'anxieux, qui se sentent menacés dans leur besoin de liberté ou entravés dans leur marche en avant.

L'angoisse peut aussi se manifester dans la vie sexuelle. La frigidité de la femme, par exemple, résulte assez souvent de la peur des fatigues occasionnées par l'arrivée d'un autre enfant. Beaucoup de jeunes filles, pour éviter une grossesse, prennent régulièrement la pilule et connaissent une triple crainte, indice de leur égocentrisme : elles craignent, tout d'abord, que le résultat désiré ne soit pas obtenu. Elles craignent ensuite de perdre leur partenaire si elles n'ont pas recours à la pilule. Et enfin elles n'arrivent pas à se débarrasser de la peur secrète que l'usage continu de la pilule ne provoque, à la longue, des troubles dans leur organisme.

Une des craintes les plus fréquentes de l'égocentrisme concerne son état de santé. Son bien-être passant avant tout le reste, il est obsédé par la crainte de tomber malade. Si quelqu'un lui décrit ses ennuis de santé, il croit aussitôt reconnaître chez lui-même des troubles identiques. La pensée de maladies incurables ou contagieuses lui inspire des craintes exagérées ; la peur du cancer (qui est une des formes de la peur de vivre) est grossie sans mesure chez l'homme égocentrique. Au moindre malaise, il redoute d'avoir une maladie grave; il est alors ballotté entre deux sentiments contradictoires : entre la peur qu'on ne lui dise pas toute la vérité sur son état, et l'espoir d'apprendre que son inquiétude n'est pas fondée. Il va ainsi d'un médecin à un autre, et fait confiance à celui dont le diagnostic est le moins favorable plutôt qu'à celui qui cherche à le tranquilliser. S'il ne peut conserver des habitudes de vie qu'il estime salutaires (un régime particulier, certains médicaments, une cure annuelle, ou un climat approprié), il succombe également à l'inquiétude. Un certain égocentrisme apparaît aussi dans l'angoisse de ceux qui présentent des signes corporels particuliers, tels que les oreilles décollées, une taille au-dessous de la moyenne, une calvitie dès la jeunesse, etc.

L'angoisse, moyen de parvenir à un but précis

L'enfant, dans son égocentrisme est tout particulièrement sujet à l'angoisse. Au cours d'un orage, par exemple, il manifeste une vive inquiétude. Sa mère vient, reste auprès de lui, le calme avec des mots de tendresse. L'enfant se sent bien quand sa mère s'occupe de lui. Vienne un nouvel orage, ou un danger quelconque, il se réfugiera dans l'angoisse pour recevoir l'aide des adultes : il utilise inconsciemment l'angoisse pour satisfaire ses désirs égocentriques.

Les craintes de l'égocentrisme et la Bible

On trouve dans la Bible deux exemples de ce type d'angoisse. Quand Samuel demanda compte de sa désobéissance au roi Saül, celui-ci reconnut qu'il avait transgressé l'ordre du Seigneur parce qu'il avait eu peur de perdre la faveur de son peuple en refusant de céder aux désirs de ses compatriotes (1 Samuel 15.24). Et quand Jésus annonça à ses disciples les souffrances qui l'attendaient, Pierre, en conseillant à Jésus de se ménager, était en fait inquiet pour son propre avenir. Mais Jésus découvrit ses vrais motifs et le réprimanda sévèrement (Matthieu 16.21-23).

La délivrance de cette angoisse

Si vous voulez être libérés de cette forme d'angoisse, il vous faut apprendre à reconnaître dans toutes ses manifestations votre égocentrisme, qu'il soit apparent ou secret. Ayez les regards sur Jésus qui ne recherchait pas sa propre gloire, mais celle de son Père Céleste (Jean 5.41), et ne cherchez pas à réaliser vos désirs égocentriques et vos plans ambitieux. Cessez de toujours vous mettre en valeur devant autrui. L'important n'est pas ce que vous êtes aux yeux des hommes, mais ce que Dieu pense de vous. Face à sa sainteté, votre moi devient tout petit ! Paul, lui aussi, nous donne un modèle d'effacement de sa propre personne: son moi ne vivait plus, seul le Christ vivait en lui (Galates 2.20). Aussi les craintes de l'égocentrique n'avaient-elles pas de place en son cœur.

N'attachez pas trop d'importance à votre état de santé, mais confiez votre vie au Dieu tout-puissant. Il est le maître de votre corps et tient entre ses mains la santé et la maladie. S'il vous donne une croix à porter et qu'il ne vous en décharge pas en dépit de vos prières, n'ayez pas peur de souffrir, mais efforcez-vous de la porter de bon gré et de faire vos preuves dans la souffrance. L'acceptation de la souffrance doit remplacer la peur de la souffrance. Ce qui importe, ce n'est pas tant que vous jouissiez d'une bonne santé et que vous viviez le plus longtemps possible, mais que vous arriviez purifié et mûri au terme de votre existence, au moment où Dieu le jugera bon.

Plus grande sera la place que vous ferez à Dieu pour qu'il règne sur votre vie, plus vous prendrez une part aimante aux peines et aux joies du prochain, et plus le souci de votre valeur aux yeux des autres ou l'inquiétude de votre santé passeront à l'arrière-plan, plus la paix de Dieu vous remplira le cœur. C'est là ce que Dieu vous dit : « N'entretenez aucun souci ... Alors, la paix de Dieu prendra sous sa garde vos cœurs et vos pensées en Jésus-Christ » (Philippiens 4.6-7).

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