Comme Christ

NOTES

NOTE 1

Thomas à Kempis a dit : « Tous les hommes désirent être à Christ et faire partie de son peuple, mais peu d'entre eux veulent réellement mener la vie du Christ ! » Plusieurs se figurent que, pour imiter Jésus-Christ, il faut un certain degré d'avancement, auquel un petit nombre seulement peut atteindre. Ils pensent que, pour être un vrai chrétien, il suffit de confesser sa faiblesse et ses péchés et de rester attaché à la Bible et aux sacrements, sans viser à aucune réelle conformité à la vie de Christ. Ils taxent même d'orgueil et de fanatisme quiconque ose soutenir qu'une vie conforme à celle de Christ est la conséquence indispensable de tout vrai christianisme. Et pourtant notre Seigneur dit à tous sans exception : « Celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas, n'est pas digne de moi ». (Mat. 10.38). Jésus parle ici de ce qu'il y avait de plus pénible dans sa vie, de sa croix, qui résume tout le reste. C'est à toute l'Eglise, et non à quelques-uns seulement, que Pierre adresse ces mots : « Christ nous a laissé un exemple, afin que nous suivions ses traces ». (1 Pier. 2.21). La négligence à l'égard de ces commandements irréfutables est un mauvais symptôme de notre christianisme moderne.

NOTE 2

Ne cesseras-tu pas de te plaindre en considérant mes souffrances et celles de mes saints ?... Ne dis jamais : Il m'est impossible de souffrir cela d'un tel homme. S'il m'avait attaqué d'une autre manière, je l'aurais enduré, mais de m'avoir fait ce tort, c'est ce que je ne puis supporter. Voyez quel dommage il m'a fait, quelle injure, quel déshonneur ! Il me noircit en m'imputant des choses dont je n'ai jamais eu la moindre pensée. Encore pourrais-je bien souffrir de quelque autre certaines choses que l'on peut raisonnablement souffrir.

Ces pensées, mon fils, sont insensées : elles, marquent qu'on ne regarde que l'offense et la personne qui l'a commise, et que l'on ne considère pas en quoi consiste la vraie patience, ni qui doit la couronner. Ce n'est pas la posséder que de prétendre ne souffrir qu'autant qu'on veut, et de qui l'on veut. Un homme vraiment patient ne jette point les yeux sur celui qui le fait souffrir ; il ne regarde point si c'est un supérieur, ou un égal, ou un inférieur; si c'est un homme qui soit en réputation de probité et de sainteté, ou un infâme et un méchant. Mais toutes les fois qu'il lui arrive quoi que ce soit de fâcheux, il le reçoit également de toutes les créatures, comme si ce fût Dieu lui-même qui le lui présentât de sa main paternelle, et il croit y trouver un grand avantage, puisqu'on ne saurait souffrir la moindre chose du monde pour l'amour de Dieu, que Dieu n'en tienne compte.

Seigneur, mon Dieu ! Toutes ces choses paraissent impossibles à la faiblesse de ma nature ; fais, s'il te plaît, que ta grâce me les rende possibles. Que ta grâce me dispose tellement à souffrir injustement que ce soit là l'objet de mes vœux et de ma joie, convaincu qu'il m'est très salutaire de souffrir pour l'amour de toi et de ta divine bonté.

Thomas à Kempis : Imitation de Jésus-Christ III, 19.

NOTE 3

Aujourd'hui il est encore assez de personnes qui soupirent après la gloire du royaume de Jésus-Christ ; mais il en est bien peu qui désirent porter sa croix. Jésus trouve beaucoup de gens qui aiment ses joies, mais peu qui veulent ses afflictions. Que de compagnons pour l'abondance de sa table, mais que de déserteurs dans les temps d'abstinence ! Chacun veut se réjouir avec lui, personne ou très peu veulent souffrir quelque chose avec lui, ou pour l'amour de lui. Il s'en trouve assez avec Jésus-Christ lorsqu'il rompt le pain, mais peu lorsqu'il s'agit de boire la coupe de sa passion...

Cette parole semble bien rude à beaucoup de gens et choque leurs oreilles : renoncez à vous-mêmes, chargez votre croix et suivez Jésus (Mat. 16.24) ; mais en voici une autre beaucoup plus terrible : Allez, maudits, au feu éternel (Mat. 25.41). Ceux qui aiment maintenant entendre parler de la croix, et qui l'embrassent de tout leur cœur, ne craindront point alors de s'entendre condamner au feu éternel. Lorsque le Seigneur viendra juger les hommes, la croix sera le signe auguste qui les discernera. Alors ceux qui se seront soumis à elle, qui se seront conformés pendant leur vie au Dieu crucifié, s'approcheront avec une grande confiance de ce souverain Juge du monde. Pourquoi donc crains-tu de porter ta croix, vu que c'est par elle qu'on va au royaume céleste ? Le salut est dans la croix ; la vie est dans la croix ; on ne peut se défendre contre les ennemis que par la croix. Dieu joint à la croix et à la souffrance ses divines douceurs, la force de l'âme et la joie de l'esprit. L'abrégé de toutes les vertus et la perfection de la sainteté se trouvent dans la croix et dans les afflictions. Hors de cette croix il n'y a ni salut ni espérance de vie éternelle. Prends donc ta croix et suis Jésus et tu parviendras à la vie éternelle.

Si tu portes la croix de bon cœur elle te portera aussi et te portera au port désiré, lorsque le terme de tes souffrances sera venu, quoi qu'il ne doive pas venir pendant que nous vivons sur cette terre. Mais si tu la portes malgré toi, tu la rends plus pesante et plus insupportable et toutefois il faudra que tu la portes. Si tu rejettes une croix, tu en trouveras infailliblement une autre, peut-être plus pesante que la première. Crois-tu donc pouvoir éviter ce que nul homme n'a pu éviter ? Qui d'entre les saints a été sans croix et sans adversité dans ce monde ? Notre Seigneur Jésus-Christ même n'a pas été une heure sans elles pendant qu'il a vécu sur la terre. Comment donc cherches-tu une autre voie que cette voie royale, cette voie de la croix ?

Plus la chair est abattue par l'affliction, plus l'esprit est fortifié par une grâce ultérieure qui l'affermit... Il ne faut pas attribuer ces effets à la vertu de l'homme; ce n'est que la grâce de Jésus-Christ qui peut et qui fait tout cela dans la faiblesse de la nature ; c'est elle qui fait qu'on embrasse avec ardeur la croix et qu'on l'aime. Si tu ne jettes les yeux que sur toi, tu te verras dans l'impuissance à rien faire de tout cela, mais si tu t'appuies sur le Seigneur, il t'enverra du ciel une force si puissante qu'elle assujettira à l'esprit le monde et la chair... Consacre-toi donc comme un bon et fidèle serviteur à porter courageusement la croix de ton maître qui a bien voulu être crucifié pour l'amour de toi...

Tiens pour certain que tu dois mener une vie mourante, et que plus on meurt à soi, plus on vit à Dieu. S'il y avait eu quelque chose de meilleur et de plus utile pour le salut des hommes que la souffrance, sans doute Jésus l'aurait enseigné par ses paroles et par son exemple. Cependant il se borne à exhorter hautement ses disciples et tous ceux qui veulent le suivre, à porter la croix.

Thomas à Kempis : Imitation de Jésus-Christ II, 12.

NOTE 4

Voici ce qu'écrit un des ouvriers les plus sérieux et les plus bénis dans l'œuvre de sauver ceux qui se perdent : Si je n'avais pas été amené à une expérience plus claire et plus complète de ce qu'est le salut, je n'aurais jamais pu accomplir le travail des dernières années. Voici aussi ce qui m'est devenu toujours plus clair, c'est que nous ne pouvons pas parler de communion non interrompue avec notre Dieu, à moins de nous consacrer sans réserve à sauver par la puissance du Seigneur ceux qu'il nous donne de sauver. Une consécration au Seigneur qui n'est pas accompagnée de dévouement au prochain, devient une illusion, ou conduit au fanatisme. C'est le dévouement entier à être la lumière et le sel du monde, à aimer le monde, même quand il nous hait, qui est pour toute âme réellement consacrée le véritable combat de la vie. Trouver notre repos à travailler, et notre plus grande joie à combattre le péché autour de nous par la puissance de Jésus, nous réjouir du bonheur des autres plus que du nôtre, ne rien rechercher pour nous-mêmes, mais tout pour les autres, voilà quelle est notre sainte vocation.

Que Dieu nous préserve de nous borner à admirer de telles pensées, mais qu'il nous porte à nous joindre aussitôt aux petits groupes de ceux de ses enfants qui réellement abandonnent tout pour employer leur vie à gagner des âmes à Jésus.

NOTE 5

Le mal ne peut être surmonté que par un dévouement tout individuel et effectif ; jamais il ne le sera par une charité qui se tient à distance. « Vous êtes le sel de la terre », a dit Jésus : Vous aussi, vous l'êtes, vous-même, tel que vous êtes, et dans le milieu où vous vous trouvez. En tout lieu, à chaque instant, il faut que de vous et de votre présence émane une influence sanctifiante. C'est Christ lui-même qui est la vie et la lumière. Dans tout ce qu'il fait, tout ce qu'il dit, tout ce qu'il souffre, c'est lui-même que nous trouvons. Impossible de rien séparer de sa personne, sans la voir s'évanouir et disparaître. Et pourtant l'erreur fondamentale de notre christianisme moderne est de vouloir séparer les paroles de Christ et les œuvres de Christ de sa personne même. Il en résulte pour un grand nombre de croyants que, malgré tout ce qu'ils font comme chrétiens, ils n'ont jamais encore trouvé Christ lui-même. Plusieurs de ceux qui ont foi en ses souffrances et en ses mérites, ne peuvent ni demeurer en communion avec lui, ni suivre fidèlement ses traces. Christ fit sa demeure non seulement de Cana en Galilée, mais encore de Gethsémané, et plus tard du Calvaire. Hélas ! que de personnes qui font parade de la croix et qui pourtant ont plus peur de la véritable croix que du diable lui-même ! Elles ont si sagement arrangé leur profession de la croix de Christ qu'il ne peut en résulter aucune atteinte ni à leur réputation, ni à leur fortune, ni à leur indépendance.

Il faut qu'à présent, comme jadis, l'imitation fidèle de Christ redevienne le drapeau de la chrétienté. Alors seulement la foi triomphera de l'incrédulité et de la superstition. On travaille beaucoup actuellement à prouver aux Incrédules l'inspiration des Saintes Ecritures, la vérité des paroles et de la vie du Seigneur Jésus, mais c'est travailler en vain que de vouloir prouver par des arguments ce qui ne se démontre que par la force de l'évidence. Montrez par vos actes que l'Esprit des miracles habite en vous, prouvez surtout par votre vie que Jésus vit en vous de sa vie éternelle et divine, et alors vos paroles amèneront beaucoup d'âmes à la foi. Si au contraire vous manquez dans la vie pratique de l'Esprit saint et de sa puissance, ne soyez pas surpris que le monde prête peu d'attention à l'éloquence de vos discours. L'heure est venue où toute la chrétienté doit se lever comme un seul homme, et avec la force de Christ, faire tout de nouveau ce que, Christ lui-même a fait pour le monde qui se perd. Voilà ce dont nous avons besoin pour pouvoir ressembler à Jésus-Christ, voilà la seule preuve concluante de la vérité du christianisme.

Tiré de : « Een nieuw boek van de navolging van Jésus Christus », par M. Diemer.

NOTE 6

« Ainsi nous tous qui contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, à visage découvert, nous sommes transformés à la même image, de gloire en gloire, comme par l’Esprit du Seigneur ». (2 Cor. 3.18).

Contempler avec amour, avec admiration, avec adoration la gloire de Dieu en son Fils bien-aimé : voilà ce qui nous transforme à son image. Les procédés employés par la photographie nous aideront à mieux comprendre cette photographie divine dont parle notre texte. Pour photographier, il faut deux choses : Il faut d'abord avoir foi en la force de la lumière et en ses effets, puis il faut se conformer exactement à ses lois. Il faut préparer avec soin la plaque qui doit recevoir l'empreinte, puis l'ajuster avec précision à la place voulue, vis-à-vis de l'objet à reproduire, puis la laisser tranquille en face de cet objet sans que rien vienne la déranger. Quand le photographe a fait tout cela, il laisse la lumière faire son œuvre, son travail à lui est celui de la foi.

Tirons de là une leçon à notre usage. Ayons confiance, nous aussi, en la lumière de Dieu pour reproduire l'image de Christ dans nôtres cœur. « Nous sommes transformés en la même image, comme par l'Esprit du Seigneur ». Ne cherchons pas à faire nous-mêmes l'œuvre que l'Esprit doit faire. Croyons simplement qu'il la fera. Notre devoir à nous est de chercher à avoir un cœur préparé, c'est-à-dire un cœur qui demande, qui désire et qui attende l'image à recevoir. Il faut nous placer en face de Jésus, le contempler, l'aimer, l'étudier, l'adorer et croire que ce que nous voyons en lui, le Crucifié, nous est la promesse certaine de ce que nous pouvons être nous-mêmes. Puis, mettant de côté tout ce qui pourrait nous distraire, attendons avec tranquillité d'âme, et en silence devant Dieu, afin de permettre à son Esprit, à la lumière de Dieu de faire son œuvre en nous. Alors notre âme recevra l'empreinte de cette admirable image tout aussi certainement, tout aussi merveilleusement que la lumière terrestre produit la photographie.

Je me sens pressé d'ajouter ici un mot à l'adresse des pasteurs appelés à concourir à cette divine photographie, « car Dieu qui a dit que la lumière sortit des ténèbres, a répandu la lumière dans nos cœurs, afin que nous éclairions les hommes par la connaissance de Dieu et la présence de Jésus-Christ » (2 Cor. 4.6). Quelle sérieuse vocation que celle qui nous appelle à stimuler l'avancement des croyants ! Faisons-le en leur montrant en Jésus, et dans chacun des traits de sa vie, ce qu'ils doivent devenir eux-mêmes, leur faisant désirer ardemment d'être changés à cette ressemblance, d'obtenir cette conformité avec Jésus. Puis apprenons-leur à se placer en face du Seigneur, soit dans le culte public, soit dans leurs prières particulières, et à ouvrir leur cœur jusque dans ses replis intimes pour l'exposer aux rayons de son amour et de sa gloire, jusqu'à ce qu'il entre en eux, qu'il prenne possession d'eux et les transforme par son Esprit à son image.

« Qui est suffisant pour ces choses ! » « Notre capacité vient de Dieu qui nous a rendus capables d'être ministres de l'Esprit ». (2 Cor. 2.16 ; 3.5, 6).

NOTE 7

Dans une réunion de pasteurs qui étudiaient ce texte : « Vous aussi mettez-vous bien dans l'esprit que vous êtes morts au péché, et que vous vivez pour Dieu en Jésus-Christ, notre Seigneur » (Rom. 6.11), voici la question qui fut adressée à tous : Des cinq pensées que renferme ce texte, quelle est la plus importante ?

1° « Vous aussi » : mots impliquant une parfaite ressemblance avec Jésus dont il est dit : « En mourant il est mort une seule fois pour le péché, mais en vivant il vit pour Dieu ». (Rom. 6.10).

2° « Mettez-vous bien dans l'esprit » : commandement qui réclame de nous une foi aussi simple que ferme.

3° « Morts au péché » : vérité qui résume le but des trois premiers points.

4° « Vivants pour Dieu » : conséquence de la mort au péché.

5° « En Jésus-Christ, notre Seigneur » : Lui la base et le centre de tout enseignement de l'Ecriture.

Lequel de ces points faut-il regarder comme le plus essentiel à l'intelligence du texte entier ?

La première réponse donnée fut : « Morts au péché ». C'est sans doute, observa le président, ce qui donne à ce texte son intérêt principale et ce qui excite tant de sérieux efforts pour le réaliser ; et pourtant ce n'est pas là ce qui me paraît le plus important.

« Vivant pour Dieu » fut la seconde réponse : Car c'est la vie de Jésus, reçue à la conversion, qui nous fait participer à sa mort et à sa victoire sur le péché. Les mots : « morts au péché » expriment la même pensée que ceux de « vivants pour Dieu ». Si nous étions plus « vivants pour Dieu », nous saurions mieux ce que c'est que d'être « morts au péché ».

« Mettez-vous bien dans l'esprit », dit un troisième. Ce commandement ne nous dit-il pas d'agir avec foi en ce qui nous a été préparé de Dieu ? c'est là la principale idée du texte. C'est sur cette foi que doit se porter toute notre attention.

« Par Jésus-Christ notre Seigneur », dit un autre frère. Le président ajouta aussitôt : Je crois avoir compris dernièrement que c'est bien de là que dépend toute la force de ce texte.

Que de croyants ont cherché à saisir qu'ils étaient morts au péché et vivants à Dieu, sans l'avoir pu ! Que de fois on entend prier ainsi : Seigneur, nous ne sommes pas tout à fait morts, mais nous voudrions l'être ! Combien d'autres qui ont saisi que tout dépend du : « mettez-vous bien dans l'esprit que vous êtes morts », de la foi qui reçoit ce que Dieu nous dit des choses déjà accomplies et certaines, et qui doivent pourtant reconnaître que leur foi n'a pas été suivie des grâces qu'ils attendaient.

Voici leur erreur : ils ont été plus préoccupés des grâces qui résultent d'être morts au péché et vivants pour Dieu, plus préoccupés de réaliser par leurs propres efforts une foi capable de les saisir que de Jésus lui-même en qui seul pourtant, se trouvent ces grâces aussi bien que la foi qui nous les obtient. C'est en lui que la mort au péché et la vie pour Dieu sont des réalités vivantes, actuelles, puissantes. C'est quand nous nous savons en lui, sortant de nous-mêmes pour demeurer en lui uniquement et continuellement, que nous possédons aussi les grâces divines, notre foi recevant la force de les saisir et de s'en réjouir. Du commencement à la fin, c'est Jésus-christ qui est tout. Ceci nous est clairement dit au 3e verset de ce chapitre : « Ne savez-vous pas que nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort ? » Les disciples avaient compris et admis le baptême en Jésus-Christ, mais quant au baptême en sa mort qui devait résulter du premier, ils avaient encore à apprendre ce qu'il signifiait. Notre Seigneur Jésus avait reçu le baptême d'eau et du Saint-Esprit, et pourtant il pariait d'un autre baptême encore qui devait avoir lieu. Son premier baptême devait être confirmé par la mort de la croix. Il en est de même de nous aussi. Quand « nous avons été baptisés en Christ, nous avons revêtu Christ » (Gal. 3.27). Nous avons été faits participants de lui, de tout ce qu'il est, et de tout ce qu'il fut, par conséquent de sa mort aussi. Mais ce n'est qu'avec le temps que nous arrivons à le comprendre, à réclamer pour nous la puissance de sa mort au péché et de sa vie pour Dieu. Nous ne pouvons le faire que lorsque nous tenons ferme le baptême en Christ, première grâce qui comprend toutes les autres. C'est quand notre foi sort de nous-mêmes pour aller fixer sa demeure en Jésus d'une manière décidée et permanente, que nous acquérons la force de dire : en Jésus-Christ nous sommes morts au péché et vivants pour Dieu ; oui, c'est « en Jésus-Christ » que nous pouvons hardiment « nous considérer comme morts au péché et vivants pour Dieu ».

« Baptisés en sa mort ». Quelle parole ! La mort de notre Seigneur Jésus est le point capital de son histoire ; c'est sa mort qui fait sa gloire, sa victoire et sa puissance ; aussi est-ce dans cette parfaite conformité à sa mort que réside le plus grand privilège du chrétien. Etre plongé, immergé dans la mort de Christ, avoir tout son être pénétré de l'esprit de cette mort, de son obéissance, de son sacrifice, de son abandon de toute la nature terrestre, de tout ce qui a été en contact avec le péché, pour passer de là dans la nouvelle vie que Dieu donne : voilà ce que le chrétien doit désirer avant tout. Il a déjà été baptisé « en cette mort ». il ne lui reste donc qu'à s'abandonner à l'action du Saint-Esprit pour qu'il lui dévoile et lui assimile tout ce qu'elle renferme. Et c'est par la loi qu'il le fait : il sait qu'en Jésus-Christ il est « mort au péché et vivant pour Dieu ». La vie pour Dieu est un tout complet et parfait, «et pourtant elle est soumise à une loi de progression et de croissance. Plus le croyant avance dans la vie pour Dieu, plus il meurt au péché. En Christ il est mort au péché complètement et entièrement, mais il n'acquiert la pleine jouissance de tout ce que cette mort signifie et opère en lui que par des progrès successifs, soit quant à la connaissance intellectuelle, soit quant à l'expérience pratique.

Gardons-nous de nous fatiguer comme on le fait souvent, à comprendre exactement ce qu'est cette mort au péché, à sentir ce que c'est que de se tenir pour mort ; souvenons-nous plutôt que tout cela ne nous est donné que quand nous demeurons en Jésus-Christ, en qui seul ces grâces nous appartiennent. Il se pourrait que, préoccupé de la manière de me les assurer, je perdisse de vue celui en qui je dois demeurer si je veux les posséder. Que mon premier soin soit donc de demeurer avec obéissance et foi en Jésus, en qui sont et la mort au péché, et la vie pour Dieu. C'est en lui que se trouve tout ce dont parle notre texte, car lui-même, il vit de cette vie-là. Aussitôt que je me perds en lui, je puis être sûr que la grâce attendue me viendra, ou plutôt je sais que déjà je possède en lui cette vie divine, sortie de sa mort, et qu'elle opère en moi, lors même que je ne pourrais pas la décrire par des paroles. Alors je comprends aussi que toute la puissance et toutes les grâces présentées dans ce commandement se résument dans son dernier mot. « Vous aussi mettez-vous bien dans l'esprit que vous êtes morts au péché, mais vivants pour Dieu, en Jésus-Christ, notre Seigneur ». C'est en Christ qu'est la source de : comme Christ.

(Voir la note 10e.)

NOTE 8

« Celui qui me mange vivra par moi » (Jean 6.57). Quoique ces mots n'aient pas directement été dits de la sainte Cène, ils s'y rattachent pourtant puisqu'ils parlent des bénédictions spirituelles dont la Cène est l'emblème. Quand nous mangeons le pain, quand nous buvons le vin de la sainte Cène, notre vie spirituelle en est fortifiée, non seulement parce que la Cène nous rappelle le pardon de nos péchés, mais parce que le Saint-Esprit nous fait participer au corps et au sang du Seigneur Jésus tels qu'ils existent spirituellement. C'est aussi ce que dit le catéchisme d'une de nos Eglises réformées, celle de Heidelberg : « Qu'est-ce que manger le corps rompu de Christ et boire son sang versé ? C'est non seulement croire aux souffrances et à la mort de Christ pour obtenir ainsi le pardon des péchés et la vie éternelle, mais c'est croire en outre que nous sommes unis à son corps céleste par le Saint-Esprit qui demeure en lui et en nous, en sorte que, quoique Christ soit au ciel et nous sur la terre, nous, sommes néanmoins chair de sa chair et os de ses os. » (Eph. 5.30.)

Nos églises protestantes offrent, comme on le sait, trois manières de comprendre la sainte Cène.

D'un côté les luthériens croient à la transsubstantiation, disant que le corps du Seigneur est si bien présent dans le pain que même un incrédule peut manger ainsi le corps du Seigneur.

D'un autre côté les zwingliens pensent que le but du sacrement est de nous rappeler par une figure frappante que la mort de Christ fait vivre notre âme comme le pain et le vin font vivre notre corps, et que participer à la Cène c'est exprimer notre foi en cette vérité, aussi bien que notre désir de recevoir la bénédiction qui en résulte. Ils pensent que comme le Saint-Esprit parle à notre oreille par la Parole de Dieu, le sacrement parle à nos yeux par sa forme visible.

Entre ces deux manières de voir se place celle de Calvin - appuyant fortement sur ce qu'il y a dans la sainte Cène une bénédiction mystérieuse qui ne peut guère s'exprimer par des paroles. Il dit que ce n'est pas assez de parler de la vie que le Saint-Esprit communique à notre esprit par la foi, mais que le Saint-Esprit nous assimile réellement le corps et le sang de Christ, tels qu'ils sont à présent dans le ciel, que c'est pour cela que nous sommes appelés membres de son corps, et qu'ainsi son corps est en nous le germe du corps spirituel que développera la résurrection. En évitant d'une part la doctrine de la transsubstantiation, il cherche d'autre part à établir la participation substantielle et spirituelle au corps et au sang mêmes de notre Seigneur Jésus.

Ce n'est pas le moment d'approfondir davantage cette question, mais je suis convaincu que, lorsqu'on aura des connaissances scripturaires plus claires quant à la relation qui existe entre le corps et l'esprit, on ne trouvera plus étrange de croire que, sans admettre rien qui ressemble à la présence réelle dans le pain, nous soyons en vérité nourris du corps et du sang de notre Seigneur Jésus. Le corps de notre Seigneur est maintenant un corps spirituel, transfiguré et glorifié, participant de la vie spirituelle du monde céleste. Son corps et son Esprit sont en parfait accord, en sorte qu'à présent le Saint-Esprit peut librement nous les communiquer quand il le veut. Notre corps est le temple du Saint-Esprit qui demeure en nous; nos corps sont les membres de Christ ; nos corps mortels doivent être dès à présent vivifiés et préparés pour la résurrection par l'Esprit qui habite en eux. « Si donc l'Esprit de celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Christ d'entre les morts rendra aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous ». (Rom. 8.11).

Pourquoi donc trouver étrange que, par le moyen du Saint-Esprit, la communion au corps de Christ si clairement promise soit, non seulement un symbole de l'Ancien Testament, mais une divine réalité.

Voici ce que dit Calvin : « Ceux-là aussi ne satisfont point, lesquels après avoir confessé que nous avons aucune communication au corps de Christ, quand ils la veulent démontrer, nous font seulement participants de son Esprit, laissans derrière toute la mémoire de la chair et du sang... La plénitude de vie habite mesme en son humanité; tellement que quiconque communiquera à sa chair et à son sang obtiendra la jouissance d'icelle ; ce que nous pouvons mieux expliquer par un exemple familier... La chair de Christ est semblable à une fontaine en tant qu'elle reçoit la vie descoulante de la Divinité pour la faire descouler en nous. Maintenant qui est-ce qui ne voit que la communication au corps et au sang de Christ est nécessaire à tous ceux qui aspirent à la vie céleste ? Et à cela tendent toutes ces sentences de l'apostre. Que l'église est le corps de Christ et son accomplissement : Que luy il est le Chef, dont tout le corps estant conjoint croist selon ses liaisons et joinctures... que nous sommes les membres de son corps, partie de ses os et de sa chair... Que la foy reçoyve ce que notre entendement ne peut concevoir, c'est que l'Esprit unit vrayement les choses qui sont séparées de lieu. Or Jésus-Christ nous testifie et scelle en la Cène ceste participation de sa chair et de son sang par laquelle il fait descouler sa vie en nous tout ainsi que s'il entroit en nos os et eh nos mœlles. Et ne nous y présente pas un signe vuide et frustatoire, mais en y desployant la vertu de son Esprit pour accomplir ce qu'il promet... Je reçoy volontiers tout ce qui pourra servir à bien exprimer la vraye communication que Jésus-Christ nous donne par la Cène en son corps et en son sang, de l'exprimer, dis-je, en sorte qu'on cognaisse que ce n'est point par imagination ou pensée que nous les recevons, mais que la substance nous est vrayement donnée... Nous disons que Jésus-Christ descend à nous tant par le signe extérieur que par son Esprit pour vivifier vrayement nos âmes de la substance de sa chair et de son sang ».

(Institution de la religion chrétienne, par Jehan Calvin, IV, 17 § 7, 9, 10, 19, 24.!)

Pour l'âme qui cherche à vivre entièrement par Christ comme il vivait lui-même par « le Père », la sainte Cène offre réellement une grâce spirituelle, quelque chose de plus que ce que comporte la foi en la Parole. Que toujours quand nous communions au corps et au sang de Christ notre plus grand désir tende à chercher et à réaliser par nos prières, par notre foi et notre vie la grâce de vivre précisément comme Christ vivait par le Père. Remportons de la célébration de la Cène la confiance que ce qui nous a été donné et confirmé à ce moment-là, nous sera continué dans notre vie de chaque jour, que Jésus lui-même nous communiquera sa force par les canaux plus habituels de sa grâce qui sont la Parole et la prière.

NOTE 9

Considérons ce qui faisait la beauté harmonique du caractère de notre Sauveur. C'était son amour pour son père qui était le mobile de sa vie, et cet amour s'exprimait directement ou indirectement par ses paroles et ses actes comme une chose toute simple et naturelle.

Il est bon de nous rappeler l'exemple que Jésus nous donne là, parce que souvent on craint par fausse honte de faire connaître ses convictions religieuses, soit à ceux qui ne comprendraient pas, de peur d'en être blâmé, soit même à ceux qui les partagent, de peur de blesser les convenances. Le moi redoute la moindre désapprobation. Tant que notre amour pour Dieu est faible, notre moi a grand soin de le dissimuler sous prétexte qu'il ne faut pas manquer de tact.

Notre Maître nous donne dans sa vie de nombreux exemples de tact et de prudence, mais nulle part il ne nous donne celui de cette fausse prudence qui cherche à détourner l'attention, non de nous-même, mais des mobiles de notre conduite. Dans sa nature terrestre, Christ a aimé le Seigneur son Dieu de tout son cœur et de toute sa force, et il ne pouvait faire autrement que de le laisser voir en toute occasion. Son but avoué était que le monde sût qu'il aimait le Père. Souvent il faisait allusion à ses rapports avec le Père comme à la force de sa vie, la force qui lui faisait tout supporter.

Jésus-Christ nous a été envoyé pour nous faire connaître l'amour du Père et le bonheur de lui appartenir entièrement. Comme lui, nous sommes envoyés dans le monde, chacun de nous, pour faire connaître le Sauveur autour de nous. C'est par notre relation intime avec lui que nous ferons connaître le Fils comme lui-même faisait connaître le Père, et c'est en agissant comme lui que nous le pourrons, montrant par là que notre union avec lui suffit à tout.

(Extrait de : Steps on the upward path; or, holiness unto the Lord. By A. M. James. Religious Tract Society.)

NOTE 10

J'ajoute ici un extrait du livre de Marshall sur la sanctification, où se trouve clairement exposée notre participation à la nature de Jésus dans sa vie, sa mort et sa résurrection.

Le but de l'incarnation de Christ, de sa mort et de sa résurrection, était de nous préparer en lui une nature sainte à notre usage, qui pût nous être communiquée par notre union avec lui, et non de nous amener à produire en nous une nature sainte par nos propres efforts.

Par l'incarnation de Christ, Dieu a créé un homme d'une nature nouvelle et sainte, après la chute du premier Adam qui avait souillé et perdu par le péché la sainteté de sa nature. Cette nature nouvelle est plus excellente que celle du premier Adam, puisque, en la personne de Christ, l'homme se trouve uni à Dieu par le lien indissoluble qui relie la nature divine à la nature humaine. En Christ ces deux natures étaient si bien d'accord dans leurs actes, que, dans sa nature humaine, Christ pouvait agir selon la puissance de la nature divine. Par là il était un avec Dieu le Père.

Pourquoi Christ a-t-il, en sa personne, replacé la nature déchue de l’homme dans de telles conditions de sainteté qu’elle puisse vivre et agir par la vie de Dieu en elle ? Son but était de communiquer cette nature excellente à sa postérité, à tous ceux qui naîtraient de lui par son Esprit, et qui recevraient en lui, second Adam, l'Esprit vivifiant, afin que, « comme nous avons porté l'image de celui qui est terrestre, nous portions aussi l'image du céleste » en sainteté dès ici-bas et plus tard en gloire. (1 Cor. 15.45, 49). Il est donc né Emmanuel, Dieu avec nous, avec la plénitude de la divinité qui habitait corporellement en lui, et avec une parfaite sainteté dans sa nature humaine, afin qu'en lui nous fussions, nous aussi, remplis de cette même plénitude. (Mat. 1.13 ; Col. 2.9, 30). Il est « descendu du ciel » comme le pain de la vie, afin que, comme « il vit par le Père » ceux qui le mangent puissent « vivre par lui » de la même vie de Dieu en eux dont il vivait, lui-même. (Jean 6.51, 57).

Par sa mort, Christ s'est affranchi de nos péchés qui lui avaient été imputés, et de la faiblesse de la nature humaine qu'il avait subie sans péché pour l'amour de nous. Il s'en est affranchi lui-même, et nous a affranchis nous aussi, de toute notre nature terrestre qui est faiblesse comme l'était la sienne, et qui est en outre souillée par nos péchés et notre corruption. Par là, notre ancienne nature, que l’Ecriture appelle « le vieil homme », a été crucifiée avec Christ, « afin que le corps du péché fut détruit ». (Rom. 6.6). Il est donc détruit en nous, non par nos efforts pour le détruire nous-mêmes, mais par notre participation à la mort de Christ déjà accomplie pour nous, et à l'affranchissement qui en résulte. C'est ce que représente le baptême, dans lequel nous sommes ensevelis avec Christ, nous unissant à lui dans sa mort sur la croix. (Rom. 6.2, 3, 4, 10, 11)

« Dieu, en envoyant son propre Fils dans une chair semblable à celle des hommes pécheurs et pour le péché, a condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous qui marchons non selon la chair, mais selon l'Esprit ». (Rom. 8.3, 4.) Observons ici que Christ est mort non seulement pour que nous fussions justifiés par la justice de Dieu et par la foi, au lieu de recourir à notre propre justice (Rom. 10.4-6 ; Phi. 3.9), mais aussi pour que la justice de la loi s'accomplisse en nous, nous faisant marcher selon l'Esprit comme tous ceux qui demeurent en Christ. (Rom. 8.4). L'Ecriture compare Christ en sa mort au grain de froment qui meurt dans la terre afin de propager sa propre nature et de porter beaucoup de fruit. (Jean 12.24). Elle le compare aussi à l'agneau de Pâques qu'on tue pour en faire une fête, puis au pain rompu qui sert de nourriture à ceux qui le mangent (1 Cor. 5.78 et 11.24), puis encore au rocher frappé, d'où jaillit l'eau qui donne à boire. (1 Cor. 10.4).

Christ est mort pour faire du Juif et du Gentil un nouvel homme en lui (Eph. 2.15), et « se voir ainsi de la postérité », tous ceux qui tirent de lui leur nature sainte. (Esa. 53.10). Remarquons bien ces paroles de l'Ecriture ; elles nous montrent clairement que Christ est mort, non pas pour nous rendre capables de nous former une nature sainte en nous-mêmes, mais pour que nous recevions par notre union avec lui celle qui a été préparée en lui pour nous.

Par sa résurrection. Christ a pris possession de sa vie spirituelle pour nous la communiquer ; cette vie est pleinement à notre disposition, elle est devenue notre droit et notre propriété par le mérite de sa mort ; c'est pour cela qu'il est dit que « nous sommes vivifiés ensemble avec Christ ». (Eph. 2.5). Sa résurrection est notre propre résurrection à une vie de sainteté, et cela tout aussi réellement que la chute d'Adam nous a fait tomber dans la mort spirituelle. Nous ne sommes donc pas l'auteur de notre nature nouvelle, pas plus que nous ne le sommes de notre corruption originelle, quoi que l'une et l'autre s'offrent à notre participation. Par notre union avec Christ nous participons à cette vie divine dont il a pris possession pour nous à sa résurrection, et par elle il nous devient possible de porter les fruits qu'elle produit, ainsi que nous le présente l'Ecriture sous la figure du mariage, « Vous êtes morts à l'égard de la loi... pour être à un autre, savoir à celui qui est ressuscité des morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu ». (Rom. 7.3, 4).

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