Explication de l’Épître aux Éphésiens

I. La salutation

1.1-2

1 Paul, apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu, aux saints et fidèles en Jésus-Christ qui sont à Éphèse 2 Grâce et paix vous soient de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ.

Paul… ce nom, que l’Apôtre se donne dans toutes ses épîtres, de préférence à son premier nom, Saul (ou Saül), rappelle la mission qu’il avait reçue de Dieu auprès des païens. Car Saül était un nom juif ; mais Paul était un nom romain, que l’Apôtre paraît avoir pris pour se faire mieux venir de ses auditeurs, et en mémoire de la conversion du proconsul Sergius Paul, le premier fruit de sa première mission.

Apôtre de Jésus-Christ, par la volonté de Dieu. Ces mots servent tout ensemble à tourner l’attention des Éphésiens sur Jésus-Christ, dont Paul n’est que l’Apôtre (l’envoyé – Jean 3.30), et à imprimer dans leur esprit l’autorité divine de son ministère, puisque c’est au nom de Jésus-Christ qu’il leur parle. En écrivant à certaines Églises, auxquelles on avait inspiré des doutes sur son apostolat, il s’étend sur cet article, qu’il se contente ici d’indiquer. Il y consacre, en particulier, les deux premiers chapitres de son épître aux Galates, qui font le tiers de toute l’épître. Bien qu’entré dans l’apostolat après la mort et l’ascension du Seigneur, saint Paul y avait été appelé directement et par le Seigneur lui-même. Jésus lui était apparu tout exprès et l’avait personnellement institué, sans intermédiaire humain, ce qui faisait qu’il était apôtre au même titre que les douze témoins de la résurrection du Seigneur (Actes 1.22), « non de la part des hommes, ni par un homme » (c’est-à-dire par le ministère d’un homme), « mais par Jésus-Christ et par Dieu le Père qui le ressuscita des morts » (Galates 1.1). Comme si ce nom d’apôtre de Jésus-Christ ne suffisait pas encore, saint Paul ajoute qu’il l’est par la volonté de Dieu ; tant il tient à constater qu’il ne s’est point ingéré de lui-même dans le ministère qu’il exerce. C’est que ce point est également nécessaire pour lui-même et pour ses lecteurs ; pour lui, afin qu’il parle avec foi ; pour eux, afin qu’ils l’écoutent avec foi. Quel est le pasteur chrétien qui puisse lire ces mots, par la volonté de Dieu, sans une sorte de sainte jalousie ? Qu’on est fort quand on peut s’assurer que ce qu’on fait, ce qu’on dit, on le fait et on le dit pour obéir à un commandement du Seigneur ! Qu’on se trouverait heureux d’avoir, comme saint Paul, des caractères manifestes pour tout le monde, d’une vocation divine ! Mes chers frères dans le ministère, ne perdons pas courage. Dieu voit ce besoin que nous éprouvons de nous sentir faisant sa volonté, et il est fidèle pour y répondre. Il est juste que l’évidence des signes de vocation se proportionne à l’importance de la vocation elle-même ; et cette intervention visible du Seigneur, qui était nécessaire pour les docteurs inspirés de l’Église universelle, nous n’avons pas le droit d’y prétendre. Mais, comme ces pasteurs d’Éphèse que saint Paul n’hésitait pas à appeler « établis par le Saint-Esprit » sur leur troupeau (Actes 20.26), bien qu’il n’y eût eu rien de surnaturel et d’extraordinaire dans leur institution, nous avons aussi nos signes auxquels nous pourrons reconnaître si le Seigneur nous appelle ou non au ministère de la Parole. Cherchons-les, non dans cette prétendue succession apostolique que l’imagination des hommes a rêvée et qu’elle substitue imprudemment à la vocation de Dieu ; mais dans l’ordre de l’Église, dans les indications des événements, dans les dispositions de notre esprit, et surtout dans le secret de la prière. Oui, prions beaucoup, prions ardemment pour être conduits du Seigneur ; puis, s’il veut nous employer comme serviteurs de sa Parole, il nous le fera clairement connaître, et il saura le faire connaître aussi à la conscience de ceux auprès desquels il nous envoie.

Aux saints et fidèles en Jésus-Christ qui sont à Éphèse. Les chrétiens d’Éphèse sont saints, parce qu’ils appartiennent à cette « race élue » (1 Pierre 2.9), pour laquelle le Seigneur « s’est donné lui-même afin de la racheter de toute iniquité, et de se purifier un peuple particulier, zélé pour les bonnes œuvres » (Tite 2.14), et dont l’ancienne économie nous offre un type visible dans ce peuple saint à l’Éternel qu’il s’était choisi d’entre tous les peuples de la terre (Deutéronome 7.6). Les chrétiens sont des hommes mis à part, séparés du monde, et réservés pour le service de Jésus-Christ et pour la gloire de Dieu, selon ce qui est écrit : « Je me suis formé ce peuple-ci ; ils raconteront ma louange » (Ésaïe 43.21). Cette séparation, cette consécration se fait à la fois extérieurement, par l’admission dans l’Église, et intérieurement par la conversion du cœur. Que d’autres cherchent leurs saints parmi les morts, nous cherchons les nôtres parmi les vivants ; point de saint au ciel, qui n’ait commencé par l’être sur la terre. Ils sont fidèles (ce qui signifie en cet endroit croyants, ainsi que dans Jean 20.28 ; Galates 3.9, etc.), parce qu’ils possèdent la foi en Jésus-Christ, qui est le principe de leur sainteté. Ils n’ont pu devenir saints que parce qu’ils ont été fidèles, comme ils ne peuvent être vraiment fidèles sans devenir saints ; deux caractères inséparables dont la réunion forme une définition complète de l’enfant de Dieu. Enfin, ils sont en Jésus-Christ, parce qu’ils sont unis à lui de telle sorte « qu’il demeure en eux et eux en lui. » De là tout ce qui les distingue d’avec le reste des hommes. C’est en Jésus-Christ seul qu’ils sont saints ; en Jésus-Christ seul qu’ils sont fidèles ; en Jésus-Christ seul que leur âme a « la vie, le mouvement et l’être. »

Grâce et paix vous soient. Cette salutation, que l’on retrouve, avec de légères différences presque dans toutes les épîtres, tant de saint Paul que des autres apôtres, était une formule usitée généralement de leur temps, et où ils n’avaient fait d’autre changement que celui que commandait l’esprit évangélique. Les Grecs et les Romains avaient coutume de commencer ainsi leurs lettres : « Un tel à un tel, salut ; » et les Juifs se saluaient en ces termes : « Paix te soit » (Juges 20.20, etc.). Par ce salut, et par cette paix, on entendait la santé et des jours prospères. Les apôtres ont maintenu la forme de la salutation reçue, mais en y substituant aux souhaits que dicte l’amitié du monde, ceux qu’inspire la foi et la charité de Christ. Exemple à méditer. Le chrétien doit se séparer du siècle par l’esprit qui l’anime, et non sur des formes insignifiantes ; ces formes vides que nous fournit la bienveillance du monde, ne les brisez pas ; mais remplissez-les avec cette « charité sans hypocrisie » que vous avez apprise de votre Maître. « Séparez-vous » (2 Corinthiens 6.17), mais ne vous singularisez pas. Ne détournez pas sur un mot, sur un geste, sur un habit, sur une convenance sociale, l’attention que réclame de la part des hommes leur salut et la gloire de Dieu. N’innovez qu’autant que l’Évangile le commande, et n’étonnez le monde que par votre sainteté.

La grâce et la paix, que l’Apôtre souhaite aux Éphésiens, marquent sommairement toutes les bénédictions attachées à la foi évangélique, avec cette différence que le premier de ces deux mots indique le principe de ces bénédictions, qui est en Dieu, au lieu que le second en indique le résultat, qui se fait sentir dans le cœur de l’homme. Saint Paul souhaite en premier lieu aux Éphésiens, la grâce, c’est-à-dire, cette bonne disposition de Dieu, toute libre et gratuite, qui le porte d’abord à nous pardonner nos péchés en Jésus-Christ, et puis à nous accorder encore, en lui, avec cette délivrance capitale, toutes les autres délivrances qui en dépendent et qui en découlent ; elles sont énumérées dans le Psaume 32, et dans le commencement du Psaume 103, où le pardon est nommé avant tout le reste : « La première faveur que Dieu accorde à un pécheur, c’est de lui remettre ses péchés » (Luther). Il leur souhaite en second lieu la paix, c’est-à-dire cette heureuse disposition d’une âme chrétienne, qui se réjouit d’abord de ce que Dieu lui a remis ses péchés, et puis de ce qu’il la console, la guide, la sanctifie, la fortifie, et « accomplit tout pour elle » (Psaumes 57.2). Ce n’est donc pas sans dessein que l’Apôtre nomme la grâce avant la paix : Dieu commence et l’homme répond ; l’un et l’autre sont nécessaires ; mais la première place est à Dieu. L’ordre que suit saint Paul dans cette salutation est celui qu’il a également adopté en développant ces deux bénédictions évangéliques dans son épître aux Romains. Les quatre premiers chapitres de cette épître sont pour la grâce ; le cinquième s’ouvre par la paix : « étant donc justifiés par la foi, nous avons la paix avec Dieu, par notre Seigneur Jésus-Christ. » A ces deux souhaits saint Paul en ajoute un troisième, la miséricorde, qu’il intercale entre les deux autres, en écrivant à Timothée et à Tite. Il entend alors par la miséricorde, ce qu’il entend ici par la grâce, et par la grâce l’origine commune, cachée plus profondément encore en Dieu, et de sa miséricorde et de notre paix. Saint Jude, à son tour, souhaite aux chrétiens la miséricorde, la paix et l’amour. La miséricorde est pour lui ce qu’est la grâce pour notre apôtre ; et l’amour complète le tableau des bénédictions évangéliques, en joignant à la grâce, exposée dans les quatre premiers chapitres de l’Épître aux Romains, et à la paix, exposée dans le cinquième, cet amour saint, principe de la sanctification chrétienne, exposé dans les chapitres 6, 7 et 8. La grâce engendre la paix, et la paix l’amour qui est le mobile de la vraie obéissance.

De la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus-Christ. Qui lirait ces paroles tant de fois répétées de saint Paul et oserait dire que Jésus-Christ n’est pas Dieu ? Quel autre que Dieu, quel homme, quelle créature pourrait être, dans le langage si jaloux du Saint-Esprit, associé partout à Dieu comme principe de toutes les grâces divines : « Moi et le Père sommes un. » Si vous n’avez vu cela, lecteur, vous n’avez rien vu.

chapitre précédent retour à la page d'index chapitre suivant