Explication de l’Épître aux Éphésiens

1. L’Apôtre demande que Dieu donne aux Éphésiens l’intelligence pour le bien connaître, et plus spécialement pour connaître sa puissance.

1.15-19

15 C’est pourquoi, moi aussi, ayant appris quelle est parmi vous la foi au Seigneur Jésus et l’amour pour tous les saints, 16 je ne cesse de rendre grâces pour vous, en faisant mention de vous dans mes prières ; 17 afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire, vous donne un esprit de sagesse et de révélation, dans sa connaissance ; 18 les yeux de votre cœur étant illuminés pour savoir quelle est l’espérance de sa vocation, et quelle est la richesse de la gloire de son héritage dans les saints, 19 et quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons, selon l’efficace du pouvoir de sa force.

Moi aussi, etc. Je joins mes prières à celles que vous présentez vous-mêmes à Dieu pour votre accroissement dans la grâce.

Ayant appris : plusieurs années s’étaient écoulées depuis que saint Paul avait été à Éphèse. Heureuse l’Église à laquelle saint Paul, parlant par l’Esprit de Dieu, peut dire : Ayant appris quelle est parmi vous la foi et l’amour, ces deux dispositions qui résument tout l’Évangile ! Combien en est-il, de nos jours, et sans aller chercher bien loin, auxquelles il aurait sujet de dire plutôt : Ayant appris quelle est parmi vous l’ignorance de l’Évangile, l’incrédulité, la froideur et les divisions ! De telles Églises ne sauraient s’appliquer la prière qui va suivre, qu’elles ne soient parvenues d’abord à la foi et à la charité. Il faut commencer par le commencement, et les degrés de la vie spirituelle veulent être franchis et non sautés.

Je ne cesse de rendre grâces pour vous, faisant mention de vous dans mes prières, afin que, etc. ; c’est-à-dire, comme le montre le verset correspondant de l’épître aux Colossiens (1.9) : « priant pour vous et demandant que Dieu vous donne, » etc. Le mot grec rendu ici par afin que est le même qui est rendu par que dans Colossiens 1.9. Le langage elliptique de saint Paul dans notre texte, où les mots et demandant sont sous-entendus, nous instruit combien l’action de grâces et la requête sont étroitement unies dans l’esprit de l’Apôtre. La première est chez lui le fondement de la seconde, non seulement ici, mais habituellement. Nous avons déjà fait remarquer que presque toutes ses épîtres débutent par l’action de grâces ; nous pouvons ajouter que cette action de grâces y est presque toujours suivie immédiatement d’une requête. Ce que les disciples de Jésus-Christ ont déjà reçu excite l’Apôtre à demander à Dieu pour eux tout ce qui leur manque encore. Ainsi, sans parler de l’épître aux Colossiens, Romains 1.8, avec 9 et 10 ; Philippiens 1.3, avec 4 et 9 ; 2 Thessaloniciens 1.3, avec 11 et 12, etc. Ce trait de la correspondance de saint Paul est profondément évangélique : il tient à la gratuité parfaite du don de Dieu, qui « nous prévient en bénédictions de bien » (Psaumes 21.4), et qui « donne à celui qui a » (Matthieu 13.12) « grâce pour grâce » (Jean 1.16)1. Commençons toujours par rendre grâces, pour ce que nous avons reçu, nous qui avons reçu la vie éternelle ; mais, loin de nous contenter jamais de l’état auquel nous sommes parvenus, n’y voyons qu’un degré pour nous élever plus haut. Ainsi le veut une juste reconnaissance, unie à une sainte ambition. Cette belle union est bien marquée dans 1 Thessaloniciens 3.9-10 : « Quelles actions de grâces ne pouvons-nous pas rendre à Dieu à votre sujet, pour toute la joie dont nous nous réjouissons à cause de vous devant notre Dieu, priant nuit et jour surabondamment pour voir votre visage et réparer ce qui manque à votre foi ! » – « L’action de grâces, a dit un homme de Dieu, est la clef de l’Évangile. »

1 – Et non grâce sur grâce, comme l’ont rendu d’autres versions.

Afin que le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, etc. Le verset 15 ayant rappelé l’occasion de la prière de l’Apôtre, l’état de l’Église d’Éphèse, et le verset 16, en ayant indiqué le fondement, l’action de grâces, les versets 17-19 en exposent l’objet. Le verset 17 le fait connaître sommairement ; puis les deux versets suivants le reprennent pour le développer. Car les mots : « un esprit de sagesse et de révélation, » correspondent à ceux-ci : « en éclairant les yeux de votre « cœur, » et les mots : « dans sa connaissance, » à ceux-ci : « pour que vous sachiez quelle est l’espérance de sa vocation, » etc. Mais d’abord quel est le Dieu à qui l’Apôtre demande cette grâce pour les Éphésiens ? Il le décrit en termes choisis avec cette propriété d’expression qui caractérise le langage des Écritures, quoique cachée sous un air de simplicité et d’abandon.

Le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père de la gloire. Le Dieu qu’il prie de se faire mieux connaître aux Éphésiens, l’Apôtre le définit, non par des traits généraux qui pourraient convenir également ailleurs, mais tel qu’il souhaite de le voir connu des Éphésiens, pour leur accroissement spirituel.

Il l’appelle d’abord le Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ. Ce nom, que nous avons expliqué dans une note sur le verset 3 de notre chapitre, est bien placé à la tête de cette prière. Car c’est « le Dieu de Jésus-Christ » que les Éphésiens doivent apprendre à mieux connaître ; et comment d’ailleurs ce Dieu qui leur a donné son Fils, pour « Seigneur et Christ, » ne serait-il pas disposé à « leur donner toutes choses avec lui, » et notamment le Saint-Esprit que le Père avait promis d’envoyer au nom du Fils ? Mais saint Paul avait encore une autre raison plus spéciale pour donner ce nom à Dieu dans cet endroit. Il voulait par là rappeler aux Éphésiens que le Dieu qui devait déployer sa puissance sur eux, était celui qui l’avait déployée avec tant d’éclat en Jésus-Christ, en le ressuscitant d’entre les morts. (Voyez verset 20 et suivants.)

Il l’appelle ensuite le Père de la gloire, ou, d’après une traduction moins littérale, mais plus conforme au génie de notre langue, le Père de gloire. Rapprochez de ce nom d’autres noms semblables donnés à Dieu ou à son Christ : « le Dieu de gloire » (Actes 7.2), « le Roi de gloire » (Psaumes 24.7), « le Seigneur de gloire » (1 Corinthiens 2.8), « le Père des compassions et le Dieu de toute consolation » (2 Corinthiens 1.3), « le Père d’éternité » (Ésaïe 9.5). Ces titres sont parmi ces nombreuses expressions de l’Écriture dont la signification peut mieux se sentir que s’analyser ; les pensées divines se trouvent à l’étroit dans le langage de l’homme, et il faut que l’Esprit de Dieu achève de nous les faire comprendre par cette intelligence à la fois plus large et plus déliée qui est réservée au cœur. En nous représentant Dieu comme le Père de gloire, l’Apôtre nous rappelle à la fois, sa miséricorde et sa gloire infinie. Dieu est le Père de Jésus-Christ et de ceux qui croient en Jésus-Christ, et tout ensemble il est celui en qui toute gloire réside et de qui toute gloire procède. Quoi de plus propre à faire comprendre aux Éphésiens combien la grâce de ce Dieu était excellente, et plus spécialement combien était magnifique l’héritage qu’il destinait à ses enfants !

Ainsi l’un des deux noms que saint Paul donne à Dieu devait préparer l’esprit de ses lecteurs à ce qu’il avait à dire sur « la gloire de l’héritage de Dieu dans ses saints, » et l’autre à ce qu’il avait à dire sur « la puissance de Dieu envers ceux qui croient, » qui sont les deux choses sur lesquelles il voulait fixer surtout l’attention des Éphésiens.

Vous donne un esprit de sagesse et de révélation. On peut traduire encore : l’Esprit de sagesse et de révélation, c’est-à-dire le Saint-Esprit ; et c’est ainsi que traduisent Harless et les meilleurs commentateurs. Il n’est pas douteux que l’intelligence que l’Apôtre demande pour les Éphésiens ne doive être produite dans les cœurs par le Saint-Esprit. Le terme de l’original que nous rendons par un esprit le donne à entendre ; car il marque, non une disposition quelconque, comme le mot esprit en français, mais une disposition soufflée d’en haut2. De plus, le passage parallèle de l’épître aux Colossiens (1.9) le dit clairement : « Nous ne cessons de prier pour vous, et de demander que vous soyez remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle », c’est-à-dire communiquée à l’esprit de l’homme par l’Esprit de Dieu. Mais, tandis que la traduction adoptée par Harless attire directement l’attention sur l’agent divin, celle que nous avons suivie l’attire sur l’impression qu’il opère dans le cœur ; ou, selon une locution allemande, dont nous demandons la permission de nous servir quelquefois, pour abréger, la première voit ici le côté objectif de la grâce demandée, la seconde son côté subjectif. Ce qui nous décide pour la seconde, c’est d’abord qu’elle nous paraît plus rigoureusement conforme à l’original, où le mot esprit n’est pas précédé de l’article ; ensuite, et surtout, qu’elle se rapporte plus exactement au commencement du verset 18 : « Les yeux de votre cœur étant éclairés, » où l’Apôtre explique lui-même ce qu’il entend par « esprit de sagesse et de révélation, » et l’explique subjectivement plutôt qu’objectivement.

2 – Cela est vrai même dans Romains 11.8, où l’esprit d’assoupissement est représenté comme donné de Dieu, par un jugement spirituel. Ce passage offre un contraste complet avec le nôtre : Là, « un esprit d’assoupissement, des yeux pour ne point voir ; » ici, « un esprit de sagesse et de révélation, des yeux éclairés pour savoir, etc. » Nouvelle présomption, ce nous semble, en faveur de la traduction que nous avons ; suivie.

Cet esprit de sagesse et de révélation que l’Apôtre demande pour les Éphésiens, c’est cette intelligence, communiquée par le Saint-Esprit, qui les rendra capables, d’abord, de bien comprendre les choses que Dieu leur a déjà fait connaître, voilà la sagesse ; ensuite, de pénétrer plus avant et de recevoir constamment des lumières nouvelles, voilà la révélation. Ce dernier mot étonne à cette place : nous aurions dit plutôt un esprit de découverte qu’un esprit de révélation, parce que l’homme découvre, quand Dieu révèle. Mais il ne faut pas oublier que l’une et l’autre langue originale des Écritures se piquent beaucoup moins que la nôtre d’une exactitude logique, surtout quand aucune équivoque n’est à craindre. Un mot correspondant à découverte n’aurait d’ailleurs pas eu l’avantage de rappeler, comme le fait vivement celui de révélation, que des lumières nouvelles ne peuvent nous arriver que par de nouvelles leçons du Saint-Esprit. Au reste, si saint Paul dit un esprit de révélation, au lieu d’un esprit de découverte par révélation, cette ellipse n’est pas plus forte que celle dont s’est servi Siméon lorsqu’il appelle Jésus-Christ « une lumière pour la révélation des Gentils » (version littérale, Lausanne 1839), c’est-à-dire, évidemment, pour l’illumination des Gentils par révélation (Luc 2.32)3.

3 – Si l’on pouvait donner au mot rendu par révélation le sens de découverte (révéler signifie proprement ôter le voile, découvrir), l’esprit de révélation serait cet esprit qui fait que nous contemplons les choses sans voile, telles qu’elles sont. Il correspondrait alors à cette expression de l’Apôtre : « Contemplant la gloire du Seigneur à visage découvert » (2 Corinthiens 3.18), et à ces « yeux éclairés » qu’il souhaite aux Ephésiens dans le verset 18. Cette explication du mot révélation ne saurait être admise d’après Harless ; elle aurait cependant pour elle le langage des Septante, que les apôtres ont tant imité, et qui ont rendu ainsi le psaume 119.18 : « Découvre mes yeux (pour révèle mes yeux), et je contemplerai les merveilles de ta loi. » C’est ainsi que Robinson, dans son Dictionnaire du Nouveau Testament, explique notre passage : un esprit de révélation, c’est-à-dire, un esprit capable de sonder et de contempler sans voile les choses profondes de Dieu. Au fond, la pensée demeure la même ; car, si nous contemplons les choses sans voile, ce n’est pas nous qui avons enlevé le voile, c’est l’Esprit de Dieu. Nous nous rangerions volontiers à cette interprétation, surtout à cause de son rapport étroit avec le commencement du verset 18.

Dans sa connaissance ; on demande si ces mots signifient par la connaissance de Dieu, ou pour la connaissance de Dieu. Ce serait plutôt le second que le premier, comme l’indiquent ces mots du verset suivant : « pour savoir » etc. ; mais ce n’est proprement ni l’un ni l’autre. La pensée de l’Apôtre est indiquée d’une façon générale dans le verset 17, avant de recevoir la précision et le développement avec lesquels elle reparaît au verset 18. Nos versions reçues l’ont assez bien rendue, pour le sens : « en ce qui regarde sa connaissance ; » mais c’est moins là traduire que paraphraser. L’intelligence spirituelle et la connaissance de Dieu nous sont présentées ici comme marchant l’une avec l’autre ; aussi l’Apôtre n’a-t-il pas craint de renverser l’ordre des idées dans Colossiens 1.9, où il souhaite à ses lecteurs la connaissance de Dieudans la sagesse, comme il leur souhaite ici la sagesse – dans la connaissance de Dieu. Ici, l’esprit de sagesse s’exerce dans la contemplation de Dieu ; là, la contemplation de Dieu se fait dans un esprit de sagesse.

Quoi qu’il en soit, l’idée dominante de l’Apôtre dans notre texte, et l’objet final de sa prière, c’est l’accroissement des Ephésiens dans la connaissance de Dieu. Voilà le but ; « l’esprit de sagesse et de révélation » est le moyen. Connaître Dieu, le vrai Dieu, le Dieu de Jésus-Christ, c’est la vie éternelle (Jean 17.3). Dieu est si excellent et si aimable, que l’homme naturel n’est « étranger à la vie de Dieu » que « par l’ignorance » où il est de Dieu (Éphésiens 4.18), et que nul ne peut le contempler tel qu’il est sans se sentir aimé de lui et sans l’aimer à son tour ; deux choses qui constituent la vie spirituelle : « Nous l’aimons parce qu’il nous a aimés le premier » (1 Jean 4.19). La philosophie, prenant nécessairement l’homme pour centre, lui a dit : Connais-toi ; mais la parole inspirée, pouvant seule partir de Dieu, a seule aussi pu dire : Connais Dieu ; et cette connaissance renferme, avec l’unique connaissance salutaire de nous-mêmes et de notre misère, celle de l’unique remède capable de la réparer4. Par une raison semblable, croître dans la connaissance de Dieu, qui est le principe de la vie spirituelle, c’est croître dans la vie spirituelle elle-même. Voulez-vous avancer en lumière, en amour, en ferveur, en sainteté ? entrez plus avant dans la connaissance de Dieu ; pénétrez dans la pensée du Seigneur, et, si l’on peut ainsi parler, dans son cœur et dans son commerce intime. C’est là la récompense réservée à l’homme qui médite jour et nuit les Écritures, et c’est pour cela aussi qu’elles nous ont été données. De là cette belle parole d’Osée : « Nous connaîtrons l’Eternel, et nous continuerons de le connaître ; » littéralement : « Nous connaîtrons, nous poursuivrons pour connaître, l’Éternel » (Osée 6.3). La connaissance de Dieu est à la fois le point de départ, le moyen et la fin de tout développement spirituel. Ces trois degrés sont indiqués dans notre texte pour le lecteur réfléchi ; mais ils le sont en termes encore plus clairs dans le premier chapitre de l’épître aux Colossiens. Parce que les Colossiens « ont connu la grâce de Dieu en vérité (verset 6), » l’Apôtre prie « qu’ils soient remplis de la connaissance de sa volonté, en toute sagesse et intelligence spirituelle » (verset 9), « afin qu’ils marchent d’une manière digne du Seigneur, « portant du fruit en toute bonne œuvre et croissant dans la connaissance de Dieu » (v. 10).

4 – Pascal.

Les yeux de votre cœur étant illuminés. Le mot étant, que nous sommes obligés d’ajouter en français pour être compris, fausse un peu la construction du texte original ; mais on s’en écarterait encore plus en traduisant, avec nos versions reçues ou avec Lausanne 1839 : « Qu’il illumine les yeux, etc. » Nous trouvons une construction tout à fait analogue dans Romains 11.8 : « Dieu leur a donné un esprit d’assoupissement, des yeux pour ne point voir, » etc. ; et nous regrettons que notre inexorable idiome nous interdise de traduire ici : « Qu’il vous donne un esprit de sagesse et de révélation, des yeux du cœur illuminés, » etc., pour montrer que les yeux illuminés dépendent, comme régime, du verbe donner, exactement comme l’esprit de sagesse et de révélation. Les yeux illuminés sont plus que les yeux ouverts (Actes 26.18). Les Éphésiens avaient déjà eu « les yeux ouverts, » lorsqu’ils « s’étaient convertis des ténèbres à la lumière. » Mais aujourd’hui qu’ils sont dans la lumière, l’Apôtre demande à Dieu que cette lumière qui les environne éclaire si vivement leurs yeux qu’ils puissent contempler sans voile, « à visage découvert » (2 Corinthiens 3.18), avec « des yeux dessillés » (littéralement dépouillés de leur voile, Psaumes 119.18), les choses de Dieu, telles qu’elles sont en Dieu.

Les yeux de votre cœur. Nous suivons, avec Harless, Olshausen, etc., une leçon qui s’écarte légèrement du texte suivi par nos versions reçues, mais qui est décidément préférable. Le choix de cette expression étonne d’abord, et c’est probablement ce qui a déterminé certains manuscrits à y substituer cette autre expression plus facile à comprendre, et d’ailleurs empruntée au chapitre 4, verset 18 : les yeux de votre entendement. Mais ce choix renferme une instruction importante : c’est que l’intelligence que saint Paul demande pour les Éphésiens est une intelligence qui a son siège non dans la pensée, mais dans ce fond intime de notre âme que l’Écriture appelle le cœur. « C’est du cœur que procèdent les sources de la vie » (Proverbes 4.23). C’est par le cœur qu’il faut comprendre pour se convertir (Jean 12.40). C’est du cœur qu’il faut croire pour être justifié (Romains 10.10). C’est aussi par le cœur qu’il faut croître dans la connaissance salutaire de Dieu.

Afin que vous sachiez quelle est l’espérance de sa vocation, etc. Qu’on n’oublie pas que ces mots et ceux qui suivent jusqu’à la fin du verset 19, correspondent à ceux-ci : « la connaissance de Dieu, » comme les mots : « Les yeux de votre cœur étant éclairés » correspondent à ceux-ci : « un esprit de sagesse et de révélation. » Cette connaissance de Dieu que l’Apôtre a commencé par souhaiter aux Éphésiens en termes généraux, la voici reprise et développée dans les parties essentielles dont elle se compose. Saint Paul en indique trois. Mais en les comparant attentivement, et en rapprochant de notre passage 1 Pierre 1.3-5, où la même pensée est exposée avec les mêmes termes essentiels (l’espérance, au verset 3 ; l’héritage, au verset 4 ; et la puissance de Dieu, au verset 5), et vraisemblablement avec l’intention de rappeler notre texte et de l’éclaircir (2 Pierre 3.15-16), on se convaincra, nous le pensons, de la vérité d’une observation de Harless : c’est que les deux dernières choses mentionnées par l’Apôtre, la gloire de l’héritage de Dieu, et sa puissance envers les croyants ne sont que des subdivisions de l’espérance de sa vocation, qui est indiquée la première, et plus brièvement5. Il est question de l’élection, au temps passé uniquement ; de la vocation, au passé et au présent ; du salut, au passé, au présent et au futur. Mais ici, le mot vocation se trouve employé dans un sens moins précis, et marque, en général, toute l’œuvre de grâce que Dieu accomplit en faveur des élus et que l’Apôtre a développée dans les versets 3 à 14 de notre chapitre. Ce mot pouvait d’autant mieux servir à résumer ainsi toute l’œuvre de la grâce, que la vocation en forme comme le milieu et le centre. L’espérance de cette vocation6, c’est l’espérance qui se rattache à cette vocation, et qui est le partage de ceux qui sont ainsi appelés de Dieu. C’est à peu près ce qu’on appellerait, dans le style religieux du jour, les privilèges de la vocation divine. Mais le mot espérance a ce double avantage qu’il indique une bénédiction future (Romains 8.24) qu’on attend par la foi, et la ferme assurance avec laquelle on l’attend (Romains 5.5).

5La vocation de Dieu, c’est-à-dire dont Dieu nous appelle, est cet acte de sa grâce, qui suit l’élection, et qui précède la conversion, et par lequel il appelle ses élus, par la parole de la vérité (Éphésiens 1.13), à la possession du salut qu’il leur a destiné (2 Timothée 1.9 ; Romains 8.27-29). Dans le premier de ces deux passages, le développement de l’Apôtre va si l’on ose ainsi parler, en reculant : Dieu nous a sauvés, parce qu’il nous avait appelés, et appelés parce qu’il nous avait élus. Dans le second le même ordre est indiqué, mais en sens inverse, et avec de nouveaux degrés intermédiaires.

6 – Le mot espérance est pris ici dans son acception objective. Il s’agit, non du sentiment, mais de son objet. Il en est de même dans Colossiens 1.5 ; Tite 2.13, etc.

Cette espérance de la vocation de Dieu est la première chose dont saint Paul souhaite l’intelligence aux Éphésiens ; et c’est aussi la première que mentionne saint Pierre (1 Pierre 1.3). « Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, qui, selon son abondante miséricorde, nous a régénérés pour une espérance vivante par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts. » Ce que l’Apôtre demande ici pour ses frères, il l’a reçu lui-même le premier ; car comment aurait-il pu écrire la première moitié de notre chapitre, s’il n’avait compris profondément la grandeur de la grâce que Dieu a faite à ses enfants ? Nous pourrons nous flatter d’avoir connu comme lui quelle est l’espérance de la vocation de Dieu, quand, au lieu de trouver dans les versets 3 à 14 de notre chapitre une hauteur et une ferveur de sentiment où nous pouvons à peine atteindre assez pour l’expliquer, nous y verrons l’expression spontanée d’un amour et d’une reconnaissance qui débordent dans notre cœur, comme dans celui dû saint Apôtre.

Pour que nous puissions jouir ainsi de l’espérance de notre vocation, deux choses sont nécessaires. La première, que nous connaissions quelle est la richesse de la gloire de l’héritage de Dieu dans les saints, pour nous réjouir dans l’attente de cette gloire, malgré notre misère présente ; l’autre, que nous connaissions quelle est la surabondante grandeur de la puissance de Dieu envers nous qui croyons, pour ne pas douter que la possession de cette gloire ne nous soit assurée, malgré notre infirmité présente, ou, comme s’exprime saint Pierre, par une antithèse aussi solide qu’ingénieuse, il faut que nous connaissions le prix de l’héritage qui est gardé dans les cieux pour nous, et la force de « la puissance de Dieu » par laquelle nous sommes nous-mêmes gardés par la foi pour le salut.

La richesse de la gloire de son héritage dans les saints. L’héritage de Dieu, c’est-à-dire que Dieu réserve à ses élus (Romains 8.17-18), est appelé un héritage dans les saints7, pour marquer que le siège en est intérieur et la nature spirituelle (Luc 17.21 : « Le royaume de Dieu est au dedans de vous ») ; ce qui sert en même temps à nous faire entendre que la possession de cet héritage peut commencer dès ici-bas, au moins en germe, par les arrhes du Saint-Esprit (versets 11 et 14). Au lieu de la gloire de cet héritage, nous aurions dit probablement la félicité. Mais le mot gloire, dont l’Écriture se sert presque à l’exclusion de l’autre, outre qu’il est plus grand, est surtout moins égoïste : il attire l’attention sur Dieu, au lieu que le mot félicité l’attirerait sur nous-mêmes. Il s’agit d’un héritage à recevoir de Dieu et à partager avec Jésus-Christ : à cette pensée, ce n’est pas de jouir qu’il est question pour l’Apôtre, c’est d’être glorifié, nous dans le Seigneur et le Seigneur en nous (2 Thessaloniciens 1.12). Mais, comme si cette expression de gloire ne lui suffisait pas encore, il ajoute : richesse de cette gloire. L’emploi que le Nouveau Testament fait de ce mot est intéressant à observer : plus il s’élève au-dessus de la richesse convoitée par le monde, plus il retient fermement l’expression de cette convoitise pour le sanctifier en l’appliquant aux biens vraiment désirables (Romains 2.4 ; 9.23 ; 11.33 ; 2 Pierre 1.11 ; littéralement « vous sera richement accordée, » etc.). De quoi nous rendrait capables l’intelligence réelle, et la contemplation constante, de cette gloire de l’héritage de Dieu dans les saints ? Jésus-Christ lui-même nous l’apprend par son exemple, Hébreux 12.2 (traduisons, avec Lausanne 1839 : « en échange de la joie qui lui était proposée, » comme le prix réservé au vainqueur, au terme de la course) ; voyez encore Hébreux 10.34.

7 – Harless l’entend d’une autre manière : parmi les saints, c’est-à-dire qui doit être distribué parmi les saints. Il rapproche de notre passage Actes 20.32 ; 26.18.

Et quelle est la surabondante grandeur de sa puissance envers nous qui croyons, selon l’efficace du pouvoir de sa force. Le prix est magnifique. Reste à savoir si nous pouvons l’atteindre. Nous n’en avons pas la force en nous-mêmes ; mais cette force est en Dieu, pleinement suffisante, surabondante comme le langage par lequel l’Apôtre semble s’efforcer vainement de la décrire : cela doit nous suffire. Pour nous qui croyons, et qui avons été rendus par la foi « participants de la « nature divine » (2 Pierre 1.4), la question n’est pas : Que pouvons-nous ? mais, que peut Dieu ? « Toutes choses sont possibles à celui qui croit » (Marc 9.23), parce que « rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1.37). Les derniers mots : Selon l’efficace du pouvoir de sa force, se rapportent, non au mot croyons, que nous avons, par cette raison, séparé de ce qui suit par une virgule, mais à l’ensemble de la phrase : « La surabondante grandeur de sa puissance, – selon l’efficace, etc. » Dans cette accumulation d’expressions semblables, il faut voir avant tout l’abondance du sentiment qui remplit le cœur de l’Apôtre ; mais il faut discerner aussi les nuances qui les distinguent les unes des autres. L’efficace est la puissance dans son opération ; le pouvoir, la puissance dans son essence ; et la force, la puissance dans son principe ; ou, selon une image aussi juste que belle de Calvin, la première est le fruit, la seconde l’arbre et la troisième la racine.

Des trois choses que l’Apôtre prie Dieu de révéler aux Éphésiens, celle qu’il a surtout à cœur de leur voir bien connaître, c’est la puissance de Dieu envers ceux qui croient. Car, tandis qu’il ne fait qu’indiquer les deux autres, il s’arrête sur celle-ci, et va montrer comment elle a été déjà déployée, d’abord en Jésus-Christ, et ensuite en ses membres. C’est que rien n’est plus nécessaire à connaître pour nous, ni tout ensemble plus difficile à croire, que cette puissance de Dieu envers nous. Ésaïe résume toute l’œuvre de notre salut en ce seul mot « le bras de l’Éternel, » c’est-à-dire sa puissance, et il explique toute l’incrédulité des hommes par la difficulté qu’ils éprouvent à croire cette puissance : « Qui a cru à notre prédication, et à qui le bras de l’Éternel a-t-il été révélé ? » (53.1) Le Psalmiste dit dans le même esprit : « Dieu a une fois parlé, et j’ai ouï cela deux fois ; que la force est à Dieu » (Psaumes 67.11). Il est vrai qu’il ajoute : « Et c’est à toi, Seigneur, qu’appartient la gratuité ; » mais cette gratuité de Dieu, l’Apôtre l’a exposée avec abondance dans la première moitié de notre chapitre. Dieu est bon et Dieu est puissant, il veut et il peut : deux petits articles, qui renferment tout ce qui peut consoler une âme. Heureux qui les croit réellement !

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