L'Humilité

7. L'humilité et la sainteté

J'ai tendu les mains tous les jours vers un peuple rebelle, qui marche dans une voie mauvaise, au gré de ses pensées... ... qui dit : Retire-toi, ne m'ap­proche pas, car je suis saint ... (Esaïe 65.2-5).

Nous avons à bénir Dieu pour tous les besoins de sainteté qu'il a créés dans le cœur de ses enfants. Les réunions de sanctification sont de plus en plus nombreuses et fréquentées ; des multitudes de chrétiens rendent témoignage du bien qu'ils y ont reçu. Jamais on n'a davantage mis en lumière les précieuses vérités de la sanc­tification par la foi en Christ. Comment pouvons-nous reconnaître que Dieu nous a visités en nous sanctifiant ? Ne sera-ce pas en constatant en nous une humilité toujours plus grande ? L'humilité est la condition indispensable pour permettre à la sainteté de Dieu d'habiter dans la créature et de briller par nous. L'humilité est le secret de la vraie sainteté. En Jésus, le Saint de Dieu qui nous rend saints, une divine humilité fut le secret de sa vie, de sa mort et de son ascension glorieuse. La seule preuve réelle de notre sainteté sera notre humilité devant Dieu et devant les hommes. L'humilité est la fleur et la beauté de la sainteté.

La sainteté apparente se reconnaît surtout à son absence d'humilité. Tout croyant qui a soif de sainteté a besoin d'être vigilant, de peur qu'inconsciemment ce qui avait été commencé dans l'Esprit ne se continue dans la chair. L'orgueil se glisse si facilement là où on s'atten­drait le moins à le trouver. Nous connaissons tous la parabole des deux hommes qui montè­rent au temple pour prier. Il n'y a pas de lieu sacré dans lequel le pharisien ne puisse entrer. L'orgueil peut se manifester même dans le tem­ple de Dieu et mettre la créature à la place du Créateur. En ayant l'air d'adorer Dieu, le pha­risien s'adorait lui-même.

Depuis l'époque où Jésus a mis à nu l'orgueil du pharisien, celui-ci a revêtu le manteau du péager ; il sait confesser sa grande culpabilité, en même temps qu'il fait profession d'expéri­menter la délivrance du péché. C'est justement quand nous aurons le plus soif d'avoir un cœur dans lequel Dieu seul habite, que nous recon­naîtrons en nous les deux hommes en train de monter au temple pour prier. Le péager fera l'expérience que le danger de chute ne vient pas du pharisien qui se trouve à côté de lui et qui le méprise, mais du pharisien intérieur qui le complimente et l'enorgueillit. Dans le temple de Dieu, quand nous croyons être à l'abri des tentations, dans la seule présence du Saint des saints, prenons garde à l'orgueil. Souvenons-nous « qu'un jour les fils de Dieu vinrent se présenter devant l'Eternel et que Satan vint aussi au milieu d'eux » (Job 2.1). « O Dieu, je te rends grâce de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, ou même comme ce péager. »

Le moi peut trouver de quoi se nourrir et se développer dans des expressions de reconnais­sance. Oui, même dans le temple, même en parlant le langage de la pénitence et de la confiance en la seule grâce de Dieu, le phari­sien peut entonner un chant de louanges et se féliciter lui-même tout en ayant l'air de remer­cier Dieu. L’orgueil se revêt facilement des vête­ment de la louange ou de la pénitence. Même quand nous rejetons avec dégoût ces paroles : « Je ne suis pas comme le reste des hommes », nous pouvons garder leur esprit dans nos senti­ments et même dans notre langage vis-à-vis de nos frères. Que sont toutes les médisances qui sortent de bouches pieuses, sinon l'esprit du pharisien ? On oublie si facilement de regarder les autres comme plus excellents que soi-même. N'y a-t-il pas des Eglises ou des assemblées de saints, des missions ou des conventions, des sociétés, des comités, même des missions en pays païens, dans lesquels l'harmonie a été troublée et l'œuvre de Dieu rendue stérile, parce que des hommes qui font profession de ne plus s'appartenir ont, par leur susceptibilité, leur impatience, leurs jugements sévères, leurs pa­roles dures, donné la preuve qu'ils étaient loin de considérer les autres comme meilleurs qu'eux-mêmes et que leur sainteté manquait de douceur et d'humilité ? Nous pouvons avoir eu, dans notre histoire spirituelle, des temps de grande humiliation et de brisement de cœur, et pour­tant demeurer orgueilleux. Etre revêtu d'humi­lité, avoir un esprit humble, se regarder comme le serviteur des autres, et ainsi manifester l'esprit même qui était en Jésus-Christ, c'est tout autre chose.

« Retire-toi, ne m'approche pas, car je suis plus saint que toi ! » Quelle parodie de la sain­teté ! Jésus, le Saint de Dieu, est l'homme par­faitement humble : le plus saint sera toujours le plus humble. Dieu seul est saint. Nous n'avons de sainteté que ce que nous avons de Dieu en nous. Et, par conséquent, notre humi­lité réelle se mesure aussi à ce que nous avons de Dieu en nous, car l'humilité n'est rien que la disparition du moi, quand Dieu se révèle à nous comme étant tout. Le plus saint sera le plus humble. Hélas ! si le Juif orgueilleux des jours d'Esaïe ne se montre plus autant à décou­vert aujourd'hui — nous sommes trop bien élevés pour tenir son langage — son esprit se voit encore fréquemment dans la façon dont nous agissons avec les chrétiens ou avec les mondains. Il y a dans l'esprit qui anime de nombreux croyants quelque chose qui révèle que si le vêtement est celui du péager, la voix est encore celle du pharisien : « O Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme les autres hommes. »

Peut-on donc posséder une telle mesure d'hu­milité, qu'on s'estimera moins que le moindre des saints (Eph 3.8) et le serviteur de tous ? Certainement. « L'amour ne se vante point, ne s'enfle point d'orgueil, ne cherche pas son inté­rêt. » Dans le cœur où l'esprit d'amour est répandu, où le Christ, le doux et humble Agneau de Dieu, est vraiment formé, habite la puissance d'un amour parfait qui s'oublie et trouve son bonheur à faire du bien aux autres en les sup­portant et en les honorant, quelque faibles qu'ils soient. Quand cet amour entre dans un cœur, Dieu y entre. Là où Dieu entre et se révèle comme étant Tout, la créature reconnaît son néant et éprouve le besoin de s'anéantir. Lors­que la créature a pris ainsi sa vraie place devant Dieu, il lui est facile de la prendre devant les hommes en se faisant la servante des autres. La présence de Dieu devient permanente, et l’âme, profondément courbée devant Dieu, de­vient le lieu saint de sa présence.

Puissions-nous apprendre de Dieu que nos pensées, nos paroles et nos sentiments concernant nos semblables sont pour Lui la révélation de notre humilité envers Lui. Notre humilité devant Lui est la seule puissance qui puisse nous rendre capables d'être toujours humbles dans nos rapports avec les hommes. La seule vraie humilité n'est pas autre chose que la vie de Christ, l'Agneau de Dieu, en nous.

Je me sens pressé de dire à tous les prédi­cateurs qui proclament la nécessité et la possi­bilité de la sainteté et à tous ceux qui ont soif de sainteté et qui la recherchent dans le secret de leur cœur ou dans les conventions : Prenez garde, veillez, car il n'y a pas d'orgueil si dan­gereux, parce qu'il n'y en a pas de si subtil et de si insidieux, que l'orgueil de la sainteté. Ce n'est pas qu'un homme dise toujours, ou même pense : « Retire-toi, ne m'approche pas, car je suis saint. » Certes, non ; une telle pensée serait regardée avec horreur. Mais, inconsciem­ment, on pense à soi avec complaisance, on se compare aux autres, et quelquefois on ne s'en rend pas compte. Cet orgueil se révèle, non seu­lement en paroles ou en pensées, mais dans un son de voix, dans une certaine manière de par­ler des autres, dans laquelle ceux qui ont le don du discernement spirituel ne peuvent que recon­naître la puissance du moi. Le monde même, avec ses yeux perçants, le remarque et y voit une preuve que la profession d'une vie céleste ne porte pas des fruits particulièrement célestes. Oh ! frères, prenons garde. Si nous ne faisons pas notre étude de la nécessité de croître dans l'humilité, nous pouvons vivre d'illusions en croyant grandir en sainteté. Il est facile de trouver sa joie dans de belles pensées et dans des sentiments pieux, dans des actes solennels de consécration et de foi, tandis que la plus sûre marque de la présence de Dieu, la disparition du moi, est toujours absente. Venez et fuyons vers Jésus ; cachons-nous en lui, jusqu'à ce que nous soyons revêtus de son humilité. Deman­dons à Dieu de se révéler à nous. Alors il y aura dans notre âme ce dégoût de nous-mêmes, cette haine de notre vie propre qui est justement la marque de l'âme qui a vu la gloire de Dieu (Job 42.5-6 ; Esaïe 6.5). Cette humilité-là est notre sainteté.

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