L'Humilité

11. L'humilité et la joie

Pour que je ne sois pas enflé d'orgueil à cause de l'excellence de ces révélations, il m'a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour me souffleter, afin que je ne m'enorgueillisse pas. Trois fois j'ai prié le Sei­gneur de l'éloigner de moi, et il m'a dit : Ma grâce te suffit, car ma puissance devient parfaite dans la faiblesse. (2Co 12.7-10).

Paul a reçu de merveilleuses révélations ; elles risquent de lui être un piège en l'enorgueillis­sant ; c'est pourquoi le Seigneur lui envoie une écharde dans la chair pour le garder dans l'hu­milité. Le premier désir de Paul fut de voir disparaître l'écharde, et par trois fois il supplia le Seigneur de l'en délivrer. La réponse de Dieu dut l'étonner tout d'abord ; il lui fut répondu que l'épreuve était une bénédiction, parce que, dans la faiblesse et l'humiliation qu'elle devait produire, la grâce et la force du Seigneur pou­vaient être mieux manifestées. Immédiatement, Paul envisagea son épreuve sous un jour tout nouveau : au lieu de se borner à la supporter, il se glorifia en elle joyeusement ; au lieu d'en demander la délivrance, il mit sa joie dans les souffrances qu'elle lui apportait. Il avait appris une nouvelle et très précieuse leçon : c'est que l'humiliation est une source de bénédiction, de puissance et de joie.

Dans sa recherche de l'humilité, tout chrétien fait ces deux expériences. Tout d'abord, il a peur de tout ce qui doit l'humilier ; il s'en éloigne le plus possible, il en cherche ardem­ment la délivrance, car il n'a pas encore appris à chercher l’humilité à tout prix. Certes, il a pris au sérieux les invitations du Sauveur à l'humilité, il cherche à y être fidèle, mais plus il s'y applique, plus semble-t-il, il va d'échec en échec. Il demande à Dieu l'humilité, parfois avec un profond sérieux ; mais dans son cœur, en secret, il prie davantage encore, au moins en désirs si ce n'est en paroles, pour être gardé de tout ce qui le rendrait humble. Il n'est pas encore assez épris de l'humilité comme étant la beauté de l'Agneau de Dieu et la joie du ciel, pour vendre tout ce qu'il a afin de se le procurer. Dans sa recherche de l'humilité et dans ses prières pour l'obtenir, il y a encore comme un sentiment de fardeau et d'esclavage ; s'humilier soi-même n'est pas encore devenu l'expression spontanée d'une vie et d'une nature essentiel­lement humbles. Il ne prend pas encore, à cette grâce, sa joie et son unique plaisir. Il ne peut pas encore dire : « Je me plais dans les fai­blesses et les outrages ».

Mais pouvons-nous espérer atteindre un tel état d'âme et d'esprit ? Certainement. Et qu'est-ce qui nous y amènera ? Exactement ce qui y a amené Paul : une nouvelle révélation du Seigneur Jésus. La présence de Dieu seule peut révéler et expulser le moi. Il dut être donné à Paul une vision plus nette de cette profonde vérité, à savoir que la présence de Jésus nous débarrasse de tout désir de chercher quelque chose en nous-mêmes et qu'elle nous fait pren­dre plaisir dans chaque humiliation, ce qui nous prépare à une plus complète manifestation de Christ. Dans l'expérience de la présence et de la puissance de Jésus, nos humiliations nous conduisent à envisager l'humilité comme notre plus haute bénédiction. Apprenons donc les leçons que l'histoire de Paul nous enseigne.

Il peut arriver que des chrétiens avancés, des docteurs éminents, des hommes ayant fait des célestes expériences n'aient pas encore pleine­ment appris la leçon de l'humilité parfaite, qui se glorifie joyeusement dans la faiblesse. Paul en était là quand il demandait à Dieu de lui ôter son écharde. Il courait le danger de s'élever. Il ne savait pas encore suffisamment qu'il n'était rien. Il a dû apprendre à mourir, afin que Christ seul pût vivre en lui, et il a aussi appris à trouver son plaisir dans tout ce qui l'humiliait. C'était, semble-t-il, la leçon la plus nécessaire, la plus utile et la plus difficile qu'il eût à apprendre pour ressembler le plus possible à son Sauveur, de telle sorte que Dieu pût être tout dans sa vie.

La plus grande leçon qu'un croyant doive apprendre, c'est l'humilité. Que chaque chrétien qui cherche à progresser dans la sainteté veuille bien s'en souvenir. Il peut y avoir une intense consécration au Seigneur, un zèle fervent, de célestes expériences et, avec tout cela, une re­cherche inconsciente du moi. Apprenons donc que nous n'avons jamais plus de sainteté réelle que l'humilité, et souvenons-nous que cette grâce de l'humilité est un don que Dieu accorde au cœur qui la recherche sincèrement.

Examinons nos vies à la lumière de cette expérience et voyons si nous nous glorifions joyeusement dans les faiblesses, si nous nous plaisons, comme Paul le fit, dans les injures, dans les calamités, dans les outrages. Oui, demandons-nous si nous avons appris à considérer une réprimande, juste ou injuste, un reproche d'ami ou d'ennemi, une injure, ou des peines ou des difficultés dans lesquelles nous sommes ame­nés par d'autres, comme étant, avant tout, autant d'occasions de montrer que Jésus est tout pour nous, que notre propre plaisir et notre réputation ne sont rien pour nous et que nous sommes heureux dans les humiliations. C'est vraiment une grande grâce, c'est même la joie la plus profonde du ciel d'être délivré de soi-même, de telle sorte que tout ce qu'on dit de nous ou tout ce qu'on nous fait nous devient indifférent, dans la pensée que Jésus est tout et qu'il nous suffit.

Confions-nous en celui qui s’est chargé de l'éducation de Paul et qui veut faire aussi la nôtre. Paul avait besoin d'une discipline spéciale et d'une instruction particulière pour apprendre — et cela était plus précieux que les choses mêmes les plus inexprimables qu'il avait enten­dues dans le ciel — à se glorifier dans la fai­blesse et l'humiliation. Nous en avons aussi nous-mêmes un si grand besoin ! Celui qui a pris soin de Paul prendra aussi soin de nous. L'école dans laquelle Jésus donna ses leçons à Paul est aussi notre école. Jésus veille sur nous avec une vigilance pleine d'amour, de peur que nous ne nous enorgueillissions. Quand nous succombons à cette tentation, il s'efforce de nous le montrer et de nous en délivrer. A travers les épreuves, les faiblesses et les souffrances, il cherche à nous amener à une connaissance plus grande de nous-mêmes et de lui, à une humiliation plus réelle, jusqu'à ce que nous apprenions que vraiment sa grâce est tout et que nous mettions notre joie précisément dans les choses qui nous jettent dans la poussière. Sa force devenant parfaite dans notre faiblesse, sa présence, prenant la place de notre moi et nous suffisant pleinement, devient le secret d'une humilité qui peut être permanente, tout en continuant à croître. On peut même, comme Paul, dans la pleine lumière de ce que Dieu accomplit en nous et par nous, dire toujours : « Je n'ai été inférieur en rien aux apôtres par excellence, quoique je ne sois rien » (2Co 12.11). Ses humiliations l'avaient con­duit à une véritable humilité ; aussi acceptait-il joyeusement tout ce qui l'abaissait.

« Je me glorifierai volontiers dans mes fai­blesses, afin que la puissance du Christ repose sur moi. C'est pourquoi je me plais dans les faiblesses. » L'homme humble a appris le secret de la joie permanente. Plus il sent sa faiblesse, plus il succombe dans le sentiment de son néant, plus ses humiliations grandissent en nombre et en force, plus aussi la puissance et la présence de Christ sont sa part. Et quand il dit : « Je ne suis rien », le Seigneur lui apporte une joie toujours plus profonde par ces paroles : « Ma grâce te suffit ».

Je sens que je dois une fois de plus insister sur les deux grandes leçons que nous avons besoin d'apprendre : 1° le danger de l'orgueil est plus grand et plus proche de nous que nous ne le pensons ; 2° la grâce de l'humilité est aussi très proche de nous, elle est toujours à notre disposition.

Le danger de l'orgueil est plus grand et plus près de nous que nous ne le pensons, et cela très spécialement au moment de nos plus grandes expériences spirituelles. Le prédicateur de la vérité qui tient suspendue à ses lèvres une con­grégation qui l'admire, l'orateur éloquent qui, du haut d'une estrade, expose les secrets de la vie céleste, le chrétien rendant témoignage à la puissance de la grâce de Dieu, l’évangéliste porté en triomphe par les multitudes qui ont été bénies par son moyen, ah ! nous ne savons pas combien est grand, inconscient et caché le danger auquel tous ces hommes sont exposés. Paul courait un grand danger sans le savoir. Ce que Jésus fit pour lui nous a été conservé pour notre instruction, afin que nous connaissions à la fois le danger et notre unique sûreté. Si l'on a pu dire d'un prédicateur ou d'un pasteur de la sanctification qu'il était plein de lui-même, ou qu'il ne mettait pas en pratique ce qu'il prê­chait, ou que les grâces et les dons qu'il avait reçus ne l'avaient pas rendu plus humble et plus aimable, qu'on ne puisse plus le dire à l'avenir ! Jésus, en qui nous mettons notre confiance, peut nous rendre et nous garder humbles.

Oui, la grâce de l’humilité est aussi plus grande et plus près de nous que nous ne te pensons. L'humilité de Jésus est notre salut : Jésus lui-même est notre humilité. Notre humi­lité est son souci et son œuvre. Sa grâce est pleinement suffisante pour nous rendre vain­queurs dans chaque tentation d'orgueil. Sa force deviendra parfaite dans notre faiblesse. Désirons être faibles, être petits, n'être rien. Que l'humi­lité nous soit une profonde joie. Glorifions-nous volontiers en elle et prenons notre plaisir dans les faiblesses, dans les opprobres, dans tout ce qui peut nous humilier et nous garder petits ; alors la puissance de Christ reposera sur nous. Christ s'est humilié, c'est pourquoi Dieu l’a sou­verainement élevé. Christ nous humiliera et nous gardera humbles. Désirons de tout notre cœur et acceptons fidèlement et joyeusement tout ce qui humilie ; la puissance de Christ reposera sur nous. Nous expérimenterons alors que l'humilité la plus profonde est le secret du bonheur le plus vrai, d'une joie que rien ne peut ni amoindrir, ni détruire.

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