Histoire de l’Église vaudoise

EXTRAITS DE POÈMES VAUDOIS

SANS INDICATION DE DATE.

(Traduction de Raynouard.)

On propose seulement quelques changements mis entre parenthèses.


LA BARQUE.

La sainte Trinité nous permette (donne) parler
Chose qui soit d’honneur et de gloire,
Et qui au profit de tous puisse tourner,
Et aux écoutants donne désir
Qu’ils mettent la volonté et le cœur
A entendre bien les notres discours.

De quatre éléments a Dieu le monde formé,
Feu, air, eau et terre sont nommés ;
Etoiles et planètes fit de feu ;
Le zéphir et le vent ont en l’air leur lieu ;
L’eau produit les oiseaux et les poissons,
La terre les animaux et les hommes félons.
La terre est le plus vil des quatre éléments
De laquelle fut fait Adam père de toute gent.
O fange ! ô poussière ! maintenant te glorifie !
O vaisseau de misère ! maintenant t’enorgueillis !
Orne-toi bien, et cherche vaine beauté ;
La fin te montrera ce que tu auras ouvré.

Regarde dès la notre naissance
De combien est de valeur le notre vêtement ;
Nus au monde venons et nus nous en retournons,
Pauvres y entrons et avec pauvreté sortons :
Et riches et pauvres ont mème entrée ;
Seigneurs et serfs ont mème sortie.

LE NOUVEAU SERMON.


Car, selon le mien avis, je les vois beaucoup fort errer,
Car ils laissent le bien et opèrent beaucoup fort le mal ;
Tous cessent de faire bien par crainte de la gent,
Les uns par convoitise d’amasser or et argent ;
Les autres aiment tant l’honneur et leur plaît le plaisir
Que peu soignent d’opérer par quoi ils soient élus ;
Bien voudraient paradis en tant que pour désirer,
Mais ce par quoi il s’acquiert ne voudraient guère faire.

Mais je prie Dieu le Père et le sien Fils glorieux
Et le Saint-Esprit, lequel est des deux,
Que sauve tous ceux qui ouïront les leçons
Et qui les garderont selon ce qui est raison :
Bien je voudrais que tous ceux qui sont au temps présent
Eussent volonté, pouvoir et entendement
De servir ce Seigneur, lequel promet et tient,
Lequel donne richesses très-abondamment,
Délices et grand honneur, sans manquement.
Par les trois choses dites vient l’œuvre à complément ;
Quand l’homme a volonté et pouvoir et entendement,
Alors fait le service qui est à Dieu très-agréable ;
Mais quand il a sagesse et n’a le pouvoir,
Dieu lui compte pour fait, tant il a bon vouloir !
Mais quand il a puissance et grand entendement,
Lui profite très-peu, quant à son salut,
S’il n’accomplit par œuvre, puisqu’il a la volonté ;
Quand viendra au jugement, il sera moult condamné :
Mais si aucun (quelqu’un) a volonté de bien faire
Et a la puissance qui pourrait bien opérer,
S’il n’a la sagesse , il ne se peut sauver,
Car l’ignorance le fait très-fort errer.
Donc à tout homme, lequel se veut sauver,
Besoin est qu’il entende quelle chose est bien et mal,
Et ait grande force en (dans) bien persévérer,
Et porte en patience, quand il aura adversité,
Et aime Dieu surtout par bonne volonté
Et avant soi le prochain par voie de charité,
Que les autres soient plus grands en sagesse et bonté.
Donc sagesse nous enseigne, si nous la voulons tenir,
Que nous devons aimer Dieu et craindre et servir
Et avoir vraie foi en le sien accomplissement,
C’est œuvre vertueuse et droit entendement :
Puis recevrons la gloire que l’espérance attend.
Servons donc ce Seigneur que la sagesse dit,
Lequel est moult puissant et sage aussi,
Juste et bon et miséricordieux,
Lequel est Roi des rois et Seigneur des seigneurs.
Beaucoup sont hors sens ceux qui laissent tel Seigneur
Pour servir ce monde de qui en auront mauvais guerdon ;
Mais qui regarde bien à hommes de ce monde,
Parce qu’ils n’ont sagesse, sont en plusieurs erreurs,
Car n’est sinon un Dieu, et ils en vénèrent plusieurs.

Brièvement est raconté, en la raison qui est dite,
Des quatre services qui sont faits en la vie ;
Le premier est beaucoup vain, c’est de servir le monde,
Car il trépassera et perdra son guerdon ;
Le second est très-vil, c’est de servir le corps ;
Vers mangeront la chair, et dépériront les os.
Mais le troisième est très-grief, c’est servir l’ennemi,
L’âme sera tourmentée et le corps sera puni ;
Quand il sera ressuscité au jour du jugement,
Recevra telle sentence dont il sera dolent.
Mais le quatrième est très-digne, c’est de servir le Seigneur,
Ceux-là seront bienheureux qui auront fait tel labeur ;
Rois seront couronnés, et jugeront le monde.
Donc ceux-là qui disent qu’ils se veulent tenir
Avec la plus grande partie, pour être plus sûrs,
Que ne regardent-ils avec la pensée avisée
En la raison écrite qui est ici racontée ?
Les trois parties sont perdues et la quatrième sauvée :
Et l’Evangile dit, lequel Christ a parlé ,
Que peu sont les élus et beaucoup les appelés :
Ce sont les douze apôtres, lesquels furent élus ,
Pour suivre le Seigneur laissèrent le plaisir :
Ceux qui sont serfs de Christ tiennent cette voie
Mais ils sont en ce monde petite compagnie ;
Mais ils sont moult confortés de Christ, le leur Seigneur,
Car ils recevront le royaume pour paie du labeur,
Et auront en aide en l’assemblée céleste toujours avec (en) eux ,
Vu que nul ne peut compter combien est grande la compagnie.
Alors les félons seront moult trompés ;
Mais tard connaîtront qu’ils auront mal ouvré ;
Alors sera fait change d’un chacun présent.
Ceux qui ont ici (deçà) le délice auront là le tourment ;
Mais les serfs du Seigneur, qui ont ici (deçà) tribulation,
Auront là éternelle gloire et grande consolation.
Bienheureux seront ceux qui sont des parfaits,
Quand là sera complet le nombre les élus ;
La puissance du Père et la sagesse du Fils
Et la bonté du Saint-Esprit nous garde tous
D’enfer et nous donne paradis ! Amen.

LE NOUVEAU CONFORT.

Ce nouveau confort de vertueux labeur
J’envoie, vous écrivant en charité et en amour :
Je prie vous chèrement par l’amour du Seigneur ;
Abandonnez le siècle, servez à Dieu avec crainte.
    Vous dormez longuement en la votre tristesse,
Vous ne voulez veiller, parce que suivez la paresse
De (pour) bellement reposer au lit d’avarice
Faisant à votre chef coussin de convoitise.
    Toute la votre vie est un petit dormir ;
Dormant vous songez un songe de plaisir ;
Paraît à vous que votre songe ne puisse défaillir,
Moult ébahis serez et triste au réveiller.
A votre vain songe vous avez tel plaisir ;
Subitement vous frappera le bâton de la mort,
Et vous réveillera et serez à mauvaise contenance (en mauvais port) ;
N’aurez parents ni richesses qui vous donnent confort.

Le corps sera posé en une fosse obscure,
L’esprit rendra raison selon la droiture,
Et ne serez excusés ni par pleur ni par regret :
De tout serez payés, mesure par mesure.

Plusieurs suivent le monde par grande ignorance ;
Ne connaissant pas Dieu, étant en mécroyance ,
Vont par la voie mondaine, comme bestiale essence (contenance),
Ne savent servir Dieu ni faire vraie pénitence.
Car quoique la droite voie entendront (entendraient) clairement,
Jamais pour cela ne la croient ni donnent l’ouïe ;
Le démon leur dérobe (aveugle) l’œil de l’entendement,
Si (tellement) qu’en eux ne se prend (prend vie) la divine semence.

Car tant mettent le soin à (en) la vie présente,
En leur mauvaise chair nourrir délicatement,
En manger, et en boire, et vivre grassement ;
Tous les leurs désirs veulent accomplir entièrement.
    Car plusieurs sont tentés avec fausse tentation,
Encontre l’Ecriture mettent leur intention,
En les liens charnels mettent leur dévotion
Avec lesquels le démon les tire à perdition.

Serfs sont du Seigneur, marqués de son sceau ;
Jésus-Christ les appelle son petit troupeau :
Ceux-ci sont ses brebis et ses vrais agneaux,
Souvent sont persécutés des mauvais enragés.
    Ces bons agneaux suivent le leur pasteur,
Et bien connaissent lui, et lui-même connaît eux ,
Et les appelle par nom et va devant eux :
Ils entendent la sienne voix plaisant avec douceur.
    Et les mène paître au champ spirituel ;
Trouvent moulte pâture moult substantielle,
Ne mangeront herbe mauvaise ni pâture mortelle ;
Mais sont repus du pain vivant et céleste.
    A la fontaine de vie les mène avec joie,
Boivent eau précieuse qui leur donne confort ;
Tout homme qui en boira est de si noble sort
Que jamais n’aura tare (et non trahison), ne tâtera la mort.
    Le notre bon pasteur le sien troupeau aimait,
Et pour les siens agneaux la sienne vie quittait,
La volonté du Père il leur annonçait,
La voie de salvation (salut) bien leur admonestait (montrait).

La joie et la grande gloire ne se peut raconter
N’est homme vivant qui au cœur puisse penser,
Ni langue tant subtile qui sache tant parler,
Ni vue d’œil si claire qui puisse regarder (voir).
    O chers amis ! levez-vous du dormir,
Car vous ne savez l’heure que Christ doit venir ;
Veillez toujours (toute vie) de cœur en Dieu servir,
Pour être à la gloire, laquelle, ne doit finir.
    Ores venez au jour clair, et ne soyez négligents ,
Frappez à la porte, faites vertueusement,
Et le Saint-Esprit vous ouvrira doucement
Et amènera vous à la gloire du ciel vraiment.
    Venez et n’attendez à la nuit ténébreuse
Laquelle est très-obscure , horrible, épouvantable ;
Celui qui vient de nuit, jamais l’époux ni l’épouse
N’ouvrira à lui la porte précieuse. Ainsi soit-il.

LE PÈRE ÉTERNEL.


Roi indulgent et miséricordieux,
Donne aux croyants en toi cœur (courage) d’être bons,
Et les autres convertis par les tiens prédicateurs.
    Consolateur droiturier, saint et principal,
Purifie la mienne âme de tout péché mortel,
Plantes-y les vertus et déracine les véniels.
    Roi glorieux, régnant sur tous les royaumes,
Fais-moi régner avec toi au tien céleste royaume,
Que je chante avec tous les saints et toujours louer toi je sois digne
    Héritier gracieux de tous les bons trésors,
Donne vive espérance et conforte (fortifie) le mien cœur,
Et à moi et à tous les miens donne du tien trésor.
    Gage ferme et non muable de la notre hérédité,
Donne-moi ici goûter de la tienne grande bonté,
Que les vertus soient douces et haïs soient les péchés.
    Gouverneur éternel de toutes les créatures,
Ote de nous les vices, et répare les figures,
Afin que luisent de vertu, et jamais ne soient obscures.

    Agneau de Dieu vrai, non coupable qui ôtes les péchés,
Mène-moi au mont de Sion allègre et très-sûr, suivant les non souillés,
En herbes verdoyantes et fleurs bien odorantes là sois de toi gardé.
    Conseiller fidèle, merveilleux et fort,
Conseille le tien peuple qui est tourmenté à tort
Afin qu’il abandonne ce monde pour venir au tien jardin.
    Engendreur des vivants, lumière merveilleuse et grande,
Toutes choses sont semblables, le tien œil regardant,
Tu es garde (gardien) des hommes, des petits et des grands.

    Pasteur grand et bon des brebis suivant toi,
Garde-les d’ours et de lions et de loups méconnus ;
Comme tu connais eux, fais-leur connaître toi.

    Avocat entendant ( entendu ) en lois et en décrétales,
Envers Dieu notre Père parle pour nous mortels,
Afin que par ton amour nous fasses héritiers célestes.

    Evèque pur, saint et fidèle selon (second) Adam ,
Offre-nous à ton Dieu comme fit son fils Abraham,
Pain vivant et quotidien, garde-nous de toute déréglée faim.
    Amitié divine de gracieuse existence,
Donne vraie amitié à mon entendement,
Afin que comme tu veux et non je veuille une même œuvre.
    Trinité benignissime, première volonté,
Contre ton bon plaisir ont les méchants ouvré,
Mais selon un tien vouloir ne peut être contesté.

LE MÉPRIS DU MONDE.

    O très-chers ! mettez ici le votre soin ,
Car c’est par la divine Ecriture ,
Que personne ne mette l’espérance ni l’amour
Dans les choses du monde qui mènent à douleur ;
Et quiconque Jésus-Christ veut aimer
Le monde mesquin il doit fortement haïr ;
Et ce que le monde aime et tient pour doux,
Il doit tenir pour amer et pour fort venimeux ;
Et comme grand crachat et grief venin mortel
La pompe et l’honneur du monde il doit fortement esquiver ;
Et comme fumier sale doit haïr son honneur,
Et vers le royaume du ciel soupirer par grande vigueur.

    O frère très-cher ! au monde ne te réjouis,
Car la mort par aventure demain t’en vient mener ;
A la cruelle mort tu ne peux contester
Par aucun pacte ni raison que tu lui puisses trouver.

    Ores serait venu le temps de pleurer
Et d’avoir grande douleur et de grièvement soupirer ;
Ores serait temps de mener grande joie (douleur, deuil)
Et tous les notres péchés pleurer dévotement.

    Nous tous voyons le monde misérable et douloureux
Périr sous la mort et n’avoir recours.

    Et elle n’a d’aucun aucune miséricorde ;
Aux ducs et aux princes elle est fort commune,
A jeune comme à viel elle ne veut pardonner ;
Par aucun moyen (engin) ne peut éviter (échapper) le fort
Qu’il ne soit broyé (atterré) sous le pied de la mort.

    Car la vie vite passe comme le léger vent
Et comme ombre, et fuseau, elle tourne à néant.
De qui te rempareras-tu (rachèteras), quand la mort t’occira ;
Car pacte ni convention la mort ne recevra ;
L’or ni l’argent ne te secourra
Ni prière d’ami ne te délivrera.

    Donc opérons voyageusement le bien que nous pouvons faire,
Car la mort ne cesse toujours de menacer ;
Ni dans les choses du monde ne veuillons espérer,
Mais mettons la notre espérance dans les biens célestes.
Le fol est trompé en l’amour de la vie présente,
Mais le sage connaît combien elle est pleine de tourment ;
La beauté et le trésor du monde comparé
A la fleur du champ, laquelle est noblement honorée,
Qui, quand elle est taillée, subitement sèche
Dès que la chaleur du soleil la touche,
Et la beauté qu’elle avait premièrement
Est aussitôt tournée en grande difformité.
L’honneur du monde je te veux raconter,
A ce que tu entendes et ne puisses nier
Combien est brève et combien peu peut durer
Toute puissance terrestre et royale seigneurie.

    Vous pouvez tous connaître que n’a grand profit
En possessions de terre, ni en les autres grandes délices,
Ni en tours, ni en palais, ni en grands édifices,
Ni en tables, ni en repas, ni en les grands mangers ,
Ni en les lits honorables, ni en les belles parures ,
Ni en vêtements clairs et fortement resplendissants,
Ni en troupeaux de bêtes, ni en travail de moult champs ,
Ni en belles vignes, ni en verger, ni en jardin grand,
Ni en moults fils, ni en autre grande famine,
Ni en autre honneur mondain tournant comme étincelle ;
Quel est donc le sage qui a souci d’acquérir
Ce qui avec travail s’acquiert et tant peu peut durer !
Celui-là n’est très-sûr ni très-bien logé
Lequel peut être de la mort subitement attrapé.

L’ÉVANGILE DES QUATRE SEMENCES.

    Ores parlons de l’Evangile des quatre semences
Que Christ disait au siècle actuel,
Par quoi il eut au monde aucun (quelque) commencement
De la sienne créature engendrée nouvellement.
    Le semeur la sienne semence semait ;
L’une tomba en la voie (chemin) : fruit ne germait
Et ne pouvait naître, la racine ne prenait (reprenait) ;
Les hommes la foulaient, les oiseaux la dévoraient.
    L’autre entre les pierres ne faisait profit ;
Sentant la chaleur elle sécha sans retard ;
L’autre entre les épines eut grande suffocation,
Et ne pouvait faire fruit ni bon portement.
    L’autre en bonne terre droitement croissait,
Faisant bon épi droit et plein ;
Le sien cultivateur droitement recueillait ;
Pour une, cent ou cinquante ou trente en recueillait.
    L’Evangéliste démontre qui est le semeur :
Celui-là est Jésus-Christ, le notre Sauveur,
Roi des rois, Prince des pasteurs ,
Semant la graine du céleste labeur.
    Cette semence était la sienne prédication,
Laquelle il semait avec grande affection ;
Mais souvent rencontrait grande tentation :
Tombant en vile terre souffrait destruction.
    Car les oiseaux de l’air viennent à batailler ;
A bon semeur pourtant veulent contester (s’opposer) :
Toute la sienne semence cherchent à dévorer,
Car en plusieurs manières l’essayent de tenter.
    Ces faux oiseaux sont les malins esprits :
L’Ecriture cela démontre et en l’Evangile est écrit ;
Et veulent dévorer le troupeau petit petit
Duquel est bon pasteur le Seigneur Jésus-Christ.
    Quand ces oiseaux trouvent la semence
Eparse par la voie, sans culture,
Qui n’a racine, ni pris renaissance ,
A l’instant la dérobent moult (fort) cruellement.

    Mais quand le semeur sème la semence,
L’une tombe dans les pierres où a peu d’aliment ;
Et, parce que y a peu terre, en sort subitement,
Mais fait petite racine et chétive pousse.
    Quand cette semence est de terre sortie,
Elle n’a ferme tuyau (racine), ni la moëlle remplie,
Est brûlée du soleil et de grande chaleur frappée ;
Ensuite (ainsi) tournent sèche et sans vigueur.
    Ceux-là sont ceux qui, quand on les admoneste
Qu’ils entendent la parole et l’écoutent avec fête,
Volontiers la reçoivent, et bien leur paraît honnête :
Mais trop sont temporels et de méchant geste (action).
    Et à l instant qu’ils sentent la persécution
Un peu d’épouvante, ou de tribulation,
Ils renient et laissent la prédication
Laquelle ils écoutaient avec si grande dévotion.

    Le leur adversaire, l’ennemi éternel,
Dragon, serpent antique, plein de venin mortel,
Lequel est Satan, semeur de maux,
Mêlait la sienne ivraie avec la semence royale.
    Cette mauvaise herbe, semence de tristesse,
Ce sont les fils félons, pleins de toute malice ;
De poursuivre les justes ont grande convoitise,
Veulent (voulant) eux dévier de la divine justice.
    Tribulations leur donne et les travaille fort,
Faisant à eux moultes angoisses et tourments jusqu’à la mort ;
Mais les justes sont fermes ; en Christ ont leur confort ;
Au royaume de paradis seront avec volupté.
    Pour cela craignent Dieu, gardent soi de mal faire ;
La loi du Seigneur s’efforcent de garder
Et toutes adversités en patience porter,
Jusqu’à ce que soit venu le temps du moissonner.
    Et quand Christ fera le grand jugement,
Dira aux siens anges : « Faites séparation
» Entre les bienheureux et la mauvaise semence. »
Alors les félons seront tristes et dolents.
    Car le Seigneur Jésus-Christ, la divine sagesse,
Donnera contre eux très-amère sentence,
Disant : « Séparez-vous de la mienne présence,
» Descendez en l’enfer en la grande pestilence.
    » Car c’est la paie de vos travaux
» Et de vos désirs ; faisant sans crainte,
» Servant à votre corps, avez laissé le Seigneur ;
» Vous posséderez grande peine, pleurs et douleur.
» Recevrez héritage qui jamais ne peut mourir,
» Cruel serpent venimeux qui jamais ne peut finir,
» Et l’âpre feu ardent vous conviendra souffrir ;
» Jamais de la ténèbre obscure vous ne pourrez sortir. »
    Alors il parlera avec agréable allégresse
Aux siens bienheureux remplis de force :
« Venez à posséder le royaume de beauté,
» Jamais ne sentirez pleurs, ni douleur, ni détresse. »
    Comme (ainsi) le bon pasteur bien les admoneste,
Livrera à eux le règne du Père avec fête ;
Ne craindront l’adversaire ni la sienne mauvaise action,
Ni la sienne tentation pleine de grande tempête.
    Avec le céleste Père auront leur compagnie ,
Porteront royale couronne de grande seigneurie,
Précieuse, et noble, et de beauté remplie ;
En joie et plaisir sera toute leur vie.
    Car seront fils de Dieu, père d’indulgence (d’humilité),
Possèderont la gloire par propre héritage,
Seront anges glorieux, luisant en clarté ;
Par (pendant) tout temps seront devant la sainte Trinité. Ainsi soit-il.

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