Étude pratique sur l’épître de Jacques

5. La Vie Nouvelle

1.16-21

16 Ne soyez pas dans l’erreur, mes frères bien-aimés : 17 tout bien salutaire, tout don parfait descend d’en haut, du Père des lumières, en qui il n’y a point de variation ni aucune phase ténébreuse. 18 De sa volonté souveraine, il nous a engendré par la parole de la vérité, afin que nous fussions comme les prémices de ses créatures. 19 Ainsi donc, mes frères bien-aimés, que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère : 20 car la colère de l’homme n’accomplit pas ce qui est juste devant Dieu. 21 C’est pourquoi, vous dépouillant de toute impureté et de tout surcroît de méchanceté, recevez avec douceur la parole implantée en vous, qui peut sauver vos âmes.

Jacques vient de montrer que la vraie source de toutes les tentations est au dedans de l’homme et nullement en Dieu. Il va maintenant plus loin, et oppose à une aussi grossière erreur la pensée absolument contraire, savoir que de Dieu ne peuvent venir que des grâces excellentes, des dons parfaits. Comme il est le créateur de la lumière matérielle, il est aussi le créateur, le père de la lumière spirituelleb. En lui, il ne peut y avoir ni variation, ni phases alternatives de lumière et de ténèbres ; la lumière en Dieu n’est point intermittente, car il est tout lumière ; il en est, lui, la source intarissable, source élevée au-dessus de toutes ténèbres morales, et d’où ne peut, par conséquent, découler aucune sollicitation quelconque au mal. La lumière et le bien, les ténèbres et le mal sont des idées constamment associées dans l’Ecriture sainte.

b – C’est de la lumière spirituelle qu’il est ici question, non des astres, comme le veulent plusieurs commentateurs (Psaumes 36.10 ; Ésaïe 60.19 ; 1 Jean 1.5)

Cette considération générale, Jacques l’applique au cas particulier de ses lecteurs. C’est à Dieu seul, leur dit-il, que nous sommes redevables, vous et moi, de la lumière divine que nous possédons et de la vie nouvelle qui en est résultée. Ce passage du général au particulier forme le lien entre le verset 17 et ce qui suit : De sa volonté souveraine, il nous a engendrés par la parole de la vérité, afin que nous fussions comme les prémices de ses créatures ; paroles profondes, qui révèlent chez Jacques le même zèle que chez Paul à combattre le formalisme judaïque. Il part de ce fait, qu’il s’est opéré dans le chrétien un renouvellement moral complet ; le moyen par lequel cette vie nouvelle et supérieure lui a été communiquée, c’est la parole de la vérité, la puissance divine de L’Evangile. Mais dans cette régénération de l’homme, il n’y a pas trace de mérite de sa part ; tous ne la doivent qu’à la souveraine volonté de Celui duquel tout bien procède ; c’est, on le voit, la doctrine de Paul. En outre, Jacques, ainsi que Paul, nomme ce renouvellement moral une « création nouvelle ; » les premiers en qui cette création s’est opérée en sont les prémices, parce que c’est d’eux que la vie nouvelle, doit se répandre sur d’autres, et de proche en proche s’étendre au loin, jusqu’à ce que le monde entier, pénétré par ce principe divin, soit transformé ; la nouvelle création se trouvera alors complète.

Mais Jacques, suivant la marche qu’il affectionne, revient promptement du général au particulier. Cette méthode tient en partie à la nature de son esprit, et était en partie commandée par la connaissance qu’il avait des besoins spéciaux de ceux auxquels il s’adresse. Sachant combien ils aimaient à s’en tenir aux maximes générales sans les appliquer à leur propre vie, c’est à cette application pratique qu’il cherche sans cesse à les ramener. Aussi s’empresse-t-il de leur rappeler que la parole divine une fois acceptée, son efficace, sa vertu régénératrice doivent se montrer dans toute la conduite du chrétien. Cette pensée est encore trop générale pour Jacques ; il la présente sous une forme plus spéciale, en l’appliquant aux péchés particuliers des Eglises auxquelles il écrit : un de ceux dont elles avaient le plus à souffrir était le penchant universel à s’ériger en docteurs, à beaucoup parler et à peu agir ; cette funeste coutume les portait à se juger les uns les antres et a se traiter mutuellement d’hérétiques ; elle nourrissait toutes sortes d’animosités. Aussi les met-il en garde contre ce danger : Ainsi donc, mes frères bien-aimés que tout homme soit prompt à écouter, lent à parler, lent à la colère. Pour se défaire d’un vice, il n’y a d’autre moyen que d’en prendre le contre-pied. Sans doute on peut s’obstiner au silence comme on peut s’obstiner à parler. Si quelqu’un est porté à se taire par mollesse ou nonchalance, lorsqu’il devrait courageusement prendre la parole, il importe de lui représenter le mal que peut faire son silence, en l’exhortant à ouvrir la bouche sans crainte toutes les fois qu’il y ait appelé (2 Timothée 4.2). Mais comme Jacques avait affaire à une congrégation qui tombait dans le péché contraire, qui n’avait ni le calme, ni la patience, ni l’humilité nécessaires pour écouter avant de parler, c’est sur l’autre face du précepte qu’il insiste.

Ces discours intempestifs et cette habitude de contester faisant naître fréquemment des occasions de querelles, Jacques prémunit ses lecteurs contre la colère, en leur disant que ce n’est jamais par la passion que se manifeste la piété : La colère de l’homme n’accomplit pas ce qui est juste devant Dieu. De cet avertissement particulier il revient à la pensée générale d’où il était parti (verset 18). Puisque la passion, en poussant l’homme au dehors, l’arrache au calme et au recueillement qui doivent caractériser la piété ; puisque, en outre, bien loin de laisser pénétrer peu à peu dans la vie du chrétien ce principe fécond qui lui a donné naissance, savoir la parole de Dieu, la passion tend à la bannir entièrement du cœur, Jacques exhorte ceux auxquels il s’adresse à renoncer à tout ce qui est mal, à extirper toute plante parasite que pourrait faire germer la passion sur le terrain de leur vie spirituelle ; il les invite à repousser tout élément impur, et à laisser, dans un esprit de douceur, la parole déjà plantée dans leur âme s’assimiler avec eux toujours plus intimementc. Alors, par l’efficace de cette parole qui se sera emparée toujours davantage de leur vie entière, ils obtiendront le salut de leur âme. Dépouillez-vous de toute impureté et de tout surcroît de méchanceté ; recevez avec douceur la parole implantée en vous qui peut sauver vos âmes. Jacques parle, il est vrai, à des hommes qui connaissent déjà le fondement du salut ; mais cette connaissance ne suffit pas : ils ne peuvent être mis en possession du salut qu’autant qu’ils bâtiront sur ce fondement déjà posé, en se soumettant toujours plus complètement à la parole qu’ils ont reçue, afin d’en éprouver au dedans d’eux-mêmes la puissance sanctifiante.

c – Cette parole de Dieu déjà plantée en eux, devenue un fait intérieur et vivant, ils doivent la recevoir toujours plus profondément ; ils sont exhortés à se convertir toujours de nouveau.

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